University of Minnesota



Conclusions du Comit
é pour l'élimination de la discrimination raciale, Brésil, U.N. Doc. CERD/C/304/Add.11 (1996).




COMITE POUR L'ELIMINATION
DE LA DISCRIMINATION RACIALE
Quarante-neuvième session


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
CONFORMEMENT A L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Conclusions du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale

Brésil


1. Le Comité a examiné les dixième, onzième, douzième et treizième rapports périodiques du Brésil, présentés dans un document unique (CERD/C/263/Add.10), à ses 1157ème, 1158ème et 1159ème séances (CERD/C/SR.1157 à 1159), les 5 et 6 août 1996. Il a adopté, à sa 1177ème séance, le 19 août 1996, les conclusions suivantes.


A. Introduction

2. Le Comité se félicite de la reprise du dialogue avec le Gouvernement brésilien après neuf années d'interruption. Il exprime sa satisfaction à l'Etat partie pour la sincérité de son rapport et des explications de la délégation. Il regrette toutefois que le rapport présenté ne contienne que peu de renseignements concrets sur l'application de la Convention dans la pratique. A cet égard, le Comité prend note de la déclaration de la délégation selon laquelle l'Etat partie est disposé à poursuivre ce dialogue dans un proche avenir et à lui fournir de plus amples informations sur les mesures prises pour donner effet à la Convention.

3. Il est pris note du fait que l'Etat partie n'a pas fait la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention; certains membres du Comité ont demandé qu'il envisage la possibilité de faire cette déclaration.


B. Facteurs et difficultés entravant l'application de la Convention

4. Il est reconnu que le Brésil est un pays aux dimensions géographiques et démographiques très importantes qui, lors de la dernière décennie, a traversé des transformations profondes tant au niveau politique, économique et social. Malgré de nombreuses réformes structurelles, politiques, économiques et sociales, les autorités n'ont pas réussi à enrayer la pauvreté endémique, ce qui a aggravé les inégalités sociales affectant en particulier les populations noires, indigènes et métisses, et favorisé l'émergence d'une culture de violence.


C. Aspects positifs

5. Les récentes mesures législatives et institutionnelles adoptées par le Gouvernement brésilien pour assurer une plus grande conformité de la législation nationale avec la Convention et améliorer la protection des droits fondamentaux des communautés les plus vulnérables sont accueillies avec satisfaction. A cet égard, il est pris note notamment de l'adoption, en 1988, de la nouvelle Constitution et de la création récente d'une commission des droits de l'homme, d'un groupe de travail interministériel pour la promotion des populations noires, d'un ministère de la réforme agraire et de la promulgation d'un plan national pour les droits de l'homme. L'établissement d'un poste de police pilote qui traite spécifiquement des cas de discrimination raciale est également à relever.

6. La volonté exprimée par la délégation de ratifier dans un avenir proche la Convention No 169 de l'OIT, concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants, est un élément positif dont on espère l'aboutissement aussitôt que possible.

7. La participation active de représentants de la société civile dans la rédaction du rapport de l'Etat partie est une démarche bienvenue, ainsi que la volonté exprimée par les autorités brésiliennes de diffuser largement ce rapport et les conclusions du Comité.


D. Principaux sujets de préoccupation

8. Les données statistiques et qualitatives sur la composition démographique de la population brésilienne et sur la jouissance des droits politiques, économiques, sociaux et culturels, publiées dans le rapport de l'Etat partie, montrent de façon évidente que les communautés indigènes, noires et métisses sont l'objet d'inégalités profondes et structurelles et que les mesures prises par le gouvernement pour combattre efficacement ces disparités sont encore insuffisantes.

9. Il est noté que le rapport ne contient pas de renseignements sur les "indicateurs" des difficultés sociales particulières que rencontrent les populations les plus vulnérables, notamment les indigènes, les Noirs et les métis.

10. Selon diverses sources d'informations convergentes, les attitudes discriminatoires à l'égard des communautés indigènes, noires et métisses persistent dans la société brésilienne et se manifestent à divers niveaux dans la vie politique, économique et sociale du pays. Ces attitudes discriminatoires concernent, entre autres, le droit à la vie et à la sécurité des personnes, la participation politique, les possibilités d'accès à l'éducation et à l'emploi, l'accès aux services publics de base, le droit à la santé, le droit à un logement convenable, la propriété des terres, l'utilisation des sols et l'application de la loi.

11. Des préoccupations particulières sont exprimées quant au sort réservé aux populations les plus vulnérables, notamment les indigènes, les Noirs et les métis.

12. Dans le cadre de la mise en oeuvre de l'article 2 de la Convention, il est noté avec préoccupation la lenteur de certaines réformes législatives, notamment celle du Code criminel. La survivance de l'article 6 du Code civil du Brésil de 1916, qui limite de manière discriminatoire l'exercice des droits civils par les populations indigènes, et qui est en contradiction avec la Constitution brésilienne de 1988, est notée avec préoccupation, bien que cette disposition soit devenue caduque, selon les explications du représentant du Brésil.

13. Le fait que les citoyens illettrés, qui se trouvent surtout parmi les populations indigènes, noires, métisses ou d'autres groupes vulnérables, ne puissent être élus lors d'une élection politique n'est pas conforme à l'article 5 c) de la Convention.

14. Il est relevé notamment que les populations indigènes sont en butte à de graves discriminations pour la jouissance de leurs droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. On se déclare particulièrement préoccupé par le traitement inéquitable des populations indigènes dans le processus de démarcation et de distribution des terres, le règlement violent et illégal de nombreux conflits fonciers, ainsi que par les violences et les intimidations dont elles sont victimes de la part de milices privées et parfois même de membres de la police militaire. Des inquiétudes sont aussi exprimées au sujet de leur protection sociale et des discriminations dont elles sont l'objet dans les domaines de la santé, de l'éducation, de la culture, de l'emploi, de l'accès aux fonctions publiques, du logement.

15. En ce qui concerne l'application de l'article 6 de la Convention, il a été constaté avec regret que les informations fournies au sujet des cas dans lesquels des recours judiciaires ont été exercés par les victimes d'actes de discrimination raciale étaient insuffisantes et ne permettaient pas une évaluation appropriée.


E. Suggestions et recommandations

16. Le Comité espère que l'Etat partie poursuivra et renforcera ses efforts pour améliorer l'efficacité des mesures et des programmes visant à garantir à tous les groupes de la population la jouissance intégrale de leurs droits politiques, économiques, sociaux et culturels. Le Comité recommande également à l'Etat partie d'accorder l'attention requise au développement de programmes de sensibilisation aux droits de l'homme et à la tolérance, afin d'éviter la discrimination et les préjugés sociaux et raciaux.

17. Le Comité demande au Gouvernement brésilien de présenter dans son prochain rapport périodique des informations et "indicateurs" précis concernant les difficultés sociales que rencontrent les populations indigènes, noires et métisses, notamment les taux de chômage, d'incarcération, d'alcoolisme, d'utilisation des stupéfiants, de délinquance et de suicides. Le Comité appelle aussi l'attention de l'Etat partie sur la nécessité de mettre au point des "indicateurs" pour évaluer les politiques et programmes visant à la protection et à la promotion des droits des populations vulnérables.

18. Le Comité recommande que l'Etat partie mette tout en oeuvre pour accélérer les réformes législatives en cours et, plus spécifiquement, pour amender l'article 6 du Code civil du Brésil de 1916 qui est en contradiction avec la Constitution brésilienne de 1988. L'Etat partie devrait aussi prendre des mesures pour permettre aux citoyens illettrés issus des populations les plus défavorisées d'être élus lors d'élections politiques.

19. Le Comité recommande au Gouvernement brésilien de mettre en pratique plus énergiquement sa volonté de défendre les droits fondamentaux des indigènes, des Noirs, des métis, ainsi que d'autres groupes vulnérables, qui sont régulièrement victimes de graves intimidations et violences, ayant parfois entraîné la mort. Il souhaite que les autorités concernées poursuivent systématiquement les auteurs de tels crimes, qu'ils soient membres de milices privées ou de l'Etat, et prennent des mesures préventives efficaces, notamment par le biais de la formation des membres de la police militaire. En outre, l'Etat partie doit veiller à ce que les victimes de tels actes soient indemnisées et réhabilitées.

20. Le Comité recommande vivement à l'Etat partie de prendre des solutions justes et équitables pour la démarcation, la distribution et la restitution des terres. A cet effet, en ce qui concerne les conflits fonciers, toutes les mesures devraient être prises pour éviter des discriminations contre les indigènes, les Noirs ou les métis de la part des grands propriétaires terriens.

21. Le Comité encourage l'Etat partie à ratifier la Convention No 169 de l'OIT, concernant les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants.

22. Le Comité recommande que le prochain rapport périodique du Brésil contienne des informations détaillées sur les plaintes déposées par les victimes d'actes de discrimination raciale et les suites judiciaires qui leur ont été données.

23. Le Comité recommande à l'Etat partie d'assurer une publicité au plan national à son treizième rapport périodique ainsi qu'aux observations finales du Comité.

24. Le Comité recommande à l'Etat partie de ratifier dès qu'il le pourra les modifications du paragraphe 6 de l'article 8 de la Convention, qui ont été adoptées par la quatorzième réunion des Etats parties.

25. Le Comité recommande que le prochain rapport périodique de l'Etat partie, attendu le 4 janvier 1998, comprenne une mise à jour du dernier rapport et porte sur tous les points soulevés dans les présentes conclusions.



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