University of Minnesota



La revision de l'application de la Convention du Comit
é pour l'élimination de la discrimination raciale, République de Bosnie-Herzégovine, U.N. Doc. A/50/18,paras.205-225 (1995).





COMITE POUR L'ELIMINATION DE
LA DISCRIMINATION RACIALE
Quarante-sixième session


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
CONFORMEMENT A L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

Conclusions du Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale



Bosnie-Herzégovine

205. Le Comité a examiné le rapport de la République de Bosnie-Herzégovine (CERD/C/247/Add.1) à ses 1082e et 1092e séances, tenues les 7 et 14 mars 1995 (CERD/C/SR.1082 et 1092).

206. À sa 1082e séance, le Comité a procédé à l'examen du rapport bien que l'État partie ne soit pas représenté à la séance. Des membres ont appelé l'attention sur certains aspects de la situation en Bosnie-Herzégovine, en particulier sur les effets du conflit en cours et des activités des organes internationaux.

207. Certains membres ont demandé la levée de l'embargo international sur l'exportation d'armes à destination de l'État partie, le retrait de la Force de protection des Nations Unies et une action plus énergique de la part du Conseil de sécurité. Ces suggestions ont donné lieu à un débat.

208. Une délégation de l'État partie était présente à la 1092e séance du Comité. Le représentant a regretté que le rapport ait été présenté tardivement et que le pays n'ait pu, pour des raisons liées au conflit, être représenté lors des séances antérieures où la situation en Bosnie-Herzégovine avait été examinée.

209. Le représentant a appelé l'attention sur la création de la Fédération de Bosnie-Herzégovine et sur les dispositions très fermes relatives aux droits de l'homme contenues dans sa constitution, dispositions qui incorporaient, entre autres, la Convention et d'autres instruments internationaux dans la législation de la Fédération. Le représentant a également décrit le rôle que la Fédération assignait à l'ombudsman et au Tribunal des droits de l'homme. Il s'est déclaré pour le respect de la légalité et des procédures internationales, dont le Tribunal international chargé de poursuivre les auteurs de violations de caractère pénal commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie était un exemple.

210. Le représentant a décrit l'effroyable situation dans laquelle se trouvait plongé le pays par suite de l'agression des groupes sécessionnistes et des forces extérieures, expliquant que, en raison de cette situation, le Gouvernement n'était pas maître de l'ensemble du territoire et n'était donc pas en mesure de mettre un terme aux violations massives des droits de l'homme dans les régions échappant à son contrôle.

211. Les membres du Comité ont rendu hommage aux efforts déployés par l'État partie pour assurer la présence d'une délégation de haut niveau et l'ont remercié des renseignements fournis à la fois oralement et dans le rapport. Ils se sont déclarés conscients des grandes difficultés que posait à l'État partie, en raison de la guerre et du siège de Sarajevo, l'établissement des rapports demandés en vertu de la Convention.

212. Plusieurs membres ont demandé des précisions sur les mécanismes prévus par la Constitution de la République et par celle de la Fédération dans le but de protéger les droits de l'homme et de punir les atteintes à ces droits, notamment sur le système judiciaire, y compris le tribunal des droits de l'homme qu'il était envisagé de créer, et sur les procédures permettant de poursuivre les auteurs de crimes contre l'humanité, tant devant les tribunaux internes que devant le tribunal international. Il a également été demandé au représentant d'indiquer si des crimes commis pour des raisons ethniques et autres motifs analogues faisaient actuellement l'objet d'enquêtes et de poursuites.

213. En ce qui concerne le conflit actuel, des membres se sont enquis des vues du Gouvernement en ce qui concerne les visées politiques à long terme des séparatistes et au sujet également de l'efficacité et de l'utilité de la Force de protection des Nations Unies. Un membre a demandé au représentant d'indiquer si, à son avis, le conflit était essentiellement d'ordre ethnique ou avait un caractère politique.

214. Des membres ont posé la question de savoir si la Bosnie-Herzégovine demeurait un État pluraliste qui rejetait toute discrimination ou préférence ethnique. Un membre a demandé si les non-musulmans étaient traités sur un pied d'égalité avec les musulmans. Des questions ont également été posées au sujet de l'influence des médias et l'on a demandé, en particulier, si ceux-ci avaient contribué à attiser la haine entre les groupes ethniques.

215. Répondant à l'ensemble des questions posées, le représentant de l'État partie a réaffirmé l'attachement de son pays au respect de la légalité et l'importance que celui-ci accordait à la protection des droits de l'homme. Il a placé la culpabilité nettement du côté des agresseurs qui cherchaient à démembrer son pays. Lui-même et d'autres membres de la délégation ont présenté leur analyse de ce qu'ils considéraient comme des tentatives pour créer une "grande Serbie".

216. La délégation a reconnu le rôle important que jouait la Force de protection des Nations Unies, tout en déclarant que son action était insuffisante face à l'étendue des besoins.

Conclusions

217. À sa 1097e séance, le 16 mars 1995, le Comité a adopté les conclusions suivantes.

a) Introduction

218. Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale, qui a pris connaissance du rapport reçu du Gouvernement de la République de Bosnie-Herzégovine, déplore profondément les violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire qui y sont exposées. Le Comité se félicite de la présence des représentants du Gouvernement de la République de Bosnie-Herzégovine et prend note avec intérêt des renseignements qui ont été fournis oralement.

b) Principaux sujets de préoccupation

219. Le Comité exprime sa profonde préoccupation et sa condamnation devant les violations massives, flagrantes et systématiques des droits de l'homme qui ont lieu sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine, violations qui, pour la plupart, sont commises dans le cadre de la politique systématique de "nettoyage ethnique" et des actes de génocide des soi-disant autorités serbes de Bosnie. Toutes ces pratiques, qui persistent, constituent une grave violation de tous les principes fondamentaux de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Le Comité demande instamment le renversement immédiat de la politique de nettoyage ethnique, ce qui doit commencer par le retour, de leur plein gré, des personnes déplacées.

220. Le Comité déplore profondément qu'aucune protection effective n'ait été fournie à la population, même dans les secteurs déclarés "zones de sécurité" par le Conseil de sécurité.

221. On déplore profondément que l'État partie, étant donné la mainmise de forces sécessionnistes bénéficiant d'un appui extérieur sur certaines parties de son territoire, ne soit pas en mesure d'exercer son autorité sur l'ensemble de ce territoire, et qu'en conséquence il ne puisse assurer l'application des dispositions de la Convention dans toutes les régions. On note que les forces sécessionnistes sont principalement responsables des violations des droits de l'homme dans les zones soumises à leur autorité de fait, y compris des droits consacrés par la Convention, violations dont les principales victimes sont les personnes qui appartiennent à la communauté musulmane. Le Comité, conscient du droit naturel de légitime défense qui est celui de tous les États, droit affirmé dans l'Article 51 de la Charte des Nations Unies, note que le Gouvernement a été empêché de protéger les droits de l'homme sur toute l'étendue de son territoire.

222. Le Comité est profondément inquiet devant la menace que constitue pour l'intégrité territoriale de la République de Bosnie-Herzégovine le dessein d'une "grande Serbie".

c) Suggestions et recommandations

223. Le Comité réaffirme que les auteurs de violations massives, flagrantes et systématiques des droits de l'homme, ainsi que de crimes relevant du droit international humanitaire, doivent être tenus pour responsables et être poursuivis sur le plan national ou à l'échelon international.

224. Tout en ayant présents à l'esprit les problèmes complexes que pose le recours à des mesures coercitives, problèmes exposés par le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies dans le supplément à l'Agenda pour la paix (A/50/60-S/1995/1), le Comité émet l'avis que les violations persistantes des principes fondamentaux du droit international et des obligations internationales découlant de ces principes, y compris des principes fondamentaux de la Convention pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, appellent le recours à de telles mesures coercitives de la part du Conseil de sécurité s'agissant de la situation en Bosnie-Herzégovine.

225. Le Comité renouvelle son offre d'assistance technique à l'État partie, assistance qui prendrait la forme d'une mission confiée à l'un ou à plusieurs de ses membres en vue de favoriser l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.



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