University of Minnesota



Observations finales du Comit
é pour l'élimination de la discrimination raciale, Bosnie-Herzégovine, U.N. Doc. A/48/18,paras.453-473 (1993).





COMITE POUR L'ELIMINATION DE
LA DISCRIMINATION RACIALE

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
CONFORMEMENT A L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION


Conclusions du Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale

Bosnie-Herzégovine


453. A sa 984e séance, le 19 mars 1993, le Comité s'était déclaré profondément préoccupé par le conflit ethnique qui se poursuivait sur le territoire de l'ex-Yougoslavie et avait demandé au Gouvernement de Bosnie-Herzégovine de confirmer son adhésion à la Convention, auquel cas le paragraphe 1 de l'article 9 de ladite Convention lui faisait obligation de présenter au plus tard le 31 juillet 1993 des renseignements complémentaires sur l'application de la Convention. Le Gouvernement de Bosnie-Herzégovine avait par la suite déposé auprès du Secrétaire général sa notification de succession concernant la Convention et présenté un rapport (CERD/C/247), que le Comité a examiné à sa 1001e séance, le 12 août 1993 (voir CERD/C/SR.1001).

454. Des membres du Comité ont déploré l'absence du représentant de la Bosnie-Herzégovine, lequel avait informé le Comité qu'il ne pourrait être présent, lié par des engagements antérieurs concernant les pourparlers de paix sur l'ex-Yougoslavie.

455. Les membres du Comité ont fait observer que la désintégration de l'ex-Yougoslavie s'était produite après que le Comité eut examiné le rapport présenté par ce pays en 1990. En ce qui concerne le "nettoyage ethnique", il a été déclaré que, s'il est vrai que toutes les parties au conflit avaient leur part de responsabilité dans les violences, la plupart des victimes étaient des musulmans. Les violations commises allaient des massacres au viol et autres violences sexuelles, en passant par la détention de civils ainsi que la torture et le massacre de prisonniers.

456. Des membres du Comité ont attiré l'attention sur les conclusions déposées par le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme dans son rapport (E/CN.4/1994/3, par. 90 à 93), en particulier concernant la crise humanitaire profonde qui secoue la Bosnie-Herzégovine et la nécessité d'y créer des "zones de sécurité".

457. Des membres du Comité ont également souligné que le souci des droits de l'homme devait primer dans le processus de paix; que tous les détenus devaient être immédiatement libérés et voir leur sécurité assurée; qu'il fallait mettre fin immédiatement au blocus des villes et des enclaves et ouvrir des corridors d'aide humanitaire; que la notion de "zones de sécurité" devait être élargie et appliquée à d'autres régions de Bosnie-Herzégovine; et que le droit de fuir et le droit de demander asile devaient être garantis.

458. Il a été recommandé que la nouvelle Constitution tienne compte des articles pertinents de la Convention, en particulier de la définition de la discrimination raciale énoncée à l'article premier, puisque des violations graves s'étaient déjà manifestement produites. Le Gouvernement pourrait être prié de donner la composition démographique de la population avant le conflit et après. En outre, il faudrait appeler son attention sur tous les aspects des articles 2 et 3, en soulignant que les parties devaient éliminer toutes les pratiques de ségrégation raciale dans les territoires relevant de leur compétence. Des réponses devaient être communiquées au sujet des articles 5 et 7, dont toutes les dispositions avaient été violées.

459. Au sujet du nettoyage ethnique, des membres du Comité ont déclaré que l'article 4 devait être pris en compte dans le code pénal et l'article 6 dans le code civil, notamment en ce qui concerne les crimes de guerre et les réparations dues aux victimes du nettoyage ethnique.

460. On a fait observer que la discrimination raciale était à l'origine de la tragédie qui se déroulait en Bosnie-Herzégovine, et en particulier que les dispositions des articles 3 et 5 de la Convention y étaient bafouées. Puisqu'il lui incombait de superviser l'application de la Convention, le Comité se devait de faire sans ambages une déclaration de principe pour déplorer les violations des droits inscrits dans la Convention.

461. Des membres ont émis l'avis que la situation actuelle du territoire de l'ex-Yougoslavie enseignait que la discrimination raciale et le conflit ethnique, si on ne les maîtrisait dès les premières manifestations, pouvaient facilement échapper à tout contrôle, s'exacerber pour se transformer en conflit armé, et modifier jusqu'aux comportements humains, qui vont à l'encontre de la Convention et d'autres instruments relatifs aux droits de l'homme. Il a donc été recommandé, considérant l'ampleur que prennent le racisme et la discrimination raciale dans le monde, qu'à chaque session, le Comité consacre un point distinct de son ordre du jour à l'examen des situations qui risquent de devenir explosives. Cela lui permettrait de jouer plus efficacement son rôle en matière d'action préventive et d'intervention urgente.

462. On a fait observer que le Tribunal international qui était mis en place conformément à la résolution 808 (1993) du Conseil de sécurité jouerait un rôle essentiel dans la poursuite de personnes coupables de violations graves du droit humanitaire international commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie et qu'il faudrait inviter instamment les Etats à lui apporter leur coopération.

463. Plusieurs membres du Comité ont déclaré qu'il convenait de maintenir la question de la Bosnie-Herzégovine, de la Croatie et de la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) à l'ordre du jour des sessions du Comité dans le cadre d'une étude approfondie de la situation dans l'ex-Yougoslavie.

Conclusions

464. A sa 1012e séance, tenue le 20 août 1993, le Comité a adopté les conclusions ci-après5.

a) Introduction

465. Le Comité a pris note du rapport soumis par l'Etat partie, mais il a regretté qu'aucun représentant de ce dernier n'ait pu présenter ce rapport et répondre aux questions du Comité.

b) Aspects positifs

466. Le Comité s'est félicité que la Bosnie-Herzégovine ait récemment déposé auprès du Secrétaire général son instrument de succession à la Convention.

c) Principaux sujets d'inquiétude

467. Le Comité était gravement préoccupé par les violations des droits de l'homme massives, flagrantes et systématiques qui avaient lieu sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine ainsi que par les pratiques de "nettoyage ethnique", y compris les transferts forcés de population, la torture, le viol, les exécutions sommaires, le blocage de l'aide humanitaire internationale et les atrocités commises pour semer la terreur au sein de la population civile. Le Comité a déploré l'absence de toute action effective pour mettre fin à ces violations et aux autres violations des droits de l'homme en Bosnie-Herzégovine.

468. Le Comité s'est inquiété profondément de ce que les violations des droits de l'homme commises en Bosnie-Herzégovine l'étaient en fonction de l'"identité ethnique", pour tenter de créer des Etats ethniquement purs. Le Comité a souligné que de telles tentatives étaient totalement contraires à l'esprit et aux principes de la Convention. En outre, le Comité craignait qu'une partition de la Bosnie-Herzégovine selon des critères ethniques ne constitue un encouragement pour des groupes qui, ailleurs, ne voulaient pas respecter l'intégrité territoriale des Etats.

d) Suggestions et recommandations

469. Le Comité était fermement attaché au principe des sociétés et des Etats pluri-ethniques et c'est pourquoi il recommandait que des mesures actives et efficaces soient prises d'urgence à l'appui des efforts visant à promouvoir la tolérance et la compréhension interethniques et à mettre fin aux divisions ethniques en Bosnie-Herzégovine. A cet effet, il faudrait encourager les organisations et mouvements pluri-ethniques et susciter d'urgence un dialogue continu entre les chefs et les représentants des diverses communautés afin de réduire les tensions, de créer la confiance et de mettre fin au conflit.

470. Le Comité a prié instamment le Gouvernement de Bosnie-Herzégovine et toutes les parties concernées de prendre toutes les mesures en leur pouvoir pour mettre fin aux violations des droits de l'homme massives, flagrantes et systématiques sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine. A cet égard, le Comité a recommandé vivement que des mesures efficaces soient prises pour que les réfugiés et autres personnes déplacées soient autorisés à rentrer dans leurs foyers, pour que tous les détenus soient immédiatement libérés dans de bonnes conditions de sécurité et pour qu'une réparation adéquate soit octroyée aux victimes.

471. Le Comité a réaffirmé que les responsables de violations des droits de l'homme massives, flagrantes et systématiques et de crimes contre le droit international humanitaire devraient voir leur responsabilité engagée et être poursuivis. A ce propos, le Comité a prié instamment le Gouvernement de Bosnie-Herzégovine de prêter son concours aux efforts déployés pour arrêter, juger et punir tous ceux qui étaient responsables de crimes qui relevaient de la compétence du Tribunal international établi en application de la résolution 808 (1993) du Conseil de sécurité.

e) Suite à donner

472. Le Comité a offert son assistance technique à l'Etat partie sous la forme d'une mission composée d'un ou plusieurs de ses membres pour promouvoir l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale et aider cet Etat à élaborer son prochain rapport.

473. En application du paragraphe 1 de la Convention, le Comité a demandé à l'Etat partie de lui communiquer davantage de renseignements sur les mesures prises pour appliquer les dispositions de la Convention, notamment à la lumière des suggestions et recommandations. L'Etat partie a été prié de fournir ces renseignements au plus tard le 1er janvier 1994 afin qu'ils puissent être examinés par le Comité à sa quarante-quatrième session.



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