COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE
LA DISCRIMINATION RACIALE
Soixantième session
4-22 mars 2002
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION
Observations finales du Comité pour l'élimination de la discrimination
raciale*
Belgique
1. Le Comité a examiné les onzième, douzième et treizième rapports périodiques
de la Belgique (CERD/C/381/Add.1), qui devaient être soumis les 6 septembre
1996, 1998 et 2000 respectivement, à ses 1509e et 1510e séances, tenues les
13 et 14 mars 2002 (CERD/C/SR.1509 et 1510). À sa 1520e séance (CERD/C/SR.1520),
tenue le 21 mars 2002, il a adopté les observations finales ci-après.
A. Introduction
2. Le Comité accueille favorablement les rapports détaillés présentés par
l'État partie, tout en regrettant que les onzième et douzième rapports périodiques
n'aient pas été soumis dans les délais. Le Comité a été encouragé par la présence
d'une délégation composée de représentants de nombreux services gouvernementaux
de niveaux fédéral, provincial et régional et sait gré à la délégation des
informations constructives qu'elle a présentées oralement en réponse à ses
questions.
B. Aspects positifs
3. Le Comité prend acte avec satisfaction des faits nouveaux concernant les
droits de l'homme intervenus dans l'État partie. Il note en particulier la
promulgation de nouveaux textes de loi et la ratification d'un certain nombre
de traités internationaux, tels que la Convention contre la torture et autres
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Protocole facultatif
se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant concernant la
vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en
scène des enfants, ainsi que le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.
4. Le Comité se félicite de la déclaration faite par la Belgique au sujet
de l'article 14 de la Convention.
5. En ce qui concerne l'article 4 de la Convention, le Comité salue les
efforts de l'État partie pour réformer sa législation, et en particulier
la modification de l'article 150 de la Constitution, qui correctionnalise
les actes d'inspiration raciste et xénophobe commis par l'intermédiaire
des médias. Il se félicite également de l'application de sanctions financières
aux partis politiques antidémocratiques qui se livrent à une propagande
raciste et xénophobe.
6. Le Comité prend acte avec satisfaction du travail accompli par le Centre
pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme et en particulier
de l'accord conclu entre ce centre et la Poste en vue de prévenir la distribution
de matériels contenant des écrits racistes et xénophobes.
7. Le Comité prend note des mesures adoptées par l'État partie pour lutter
contre la diffusion de déclarations racistes sur l'Internet.
8. Le Comité se félicite des actions de sensibilisation entreprises par
l'État partie pour combattre le racisme et la discrimination raciale, en
particulier au sein de l'armée et parmi les acteurs de la justice pénale.
Il salue également les mesures prises pour limiter les informations relatives
à l'origine ethnique et à la nationalité des auteurs présumés d'une infraction
qui peuvent être transmises à la presse par les autorités judiciaires et
les services de police.
9. Le Comité accueille également avec satisfaction l'élection d'un organisme
représentatif des communautés musulmanes ayant pour mission d'entretenir
et de développer le dialogue avec les pouvoirs publics belges.
10. En ce qui concerne l'article 5 de la Convention, le Comité prend note
des mesures adoptées en Flandre pour interdire toute discrimination, y compris
pour des raisons raciales ou ethniques, dans les conventions collectives,
et pour faciliter l'accès des enfants migrants à l'éducation. Le Comité
prend note également des mesures adoptées en région wallonne en faveur de
l'éducation des enfants de migrants illégaux et de l'apprentissage par les
enfants migrants de leur langue maternelle sur la base d'accords bilatéraux
avec leur pays d'origine.
C. Sujets de préoccupation et recommandations
11. Le Comité note que les dispositions de la Convention ne priment celles
du droit interne que si, de l'avis du juge, ces dispositions sont directement
applicables. Il recommande à l'État partie de faire figurer dans son prochain
rapport périodique des informations précises concernant le statut de la Convention
dans le droit interne et, le cas échéant, sur les procès dans lesquels les
dispositions de la Convention ont été invoquées.
12. Le Comité note qu'un projet de loi-cadre sur la discrimination raciale
est en cours d'examen par le Parlement et il encourage l'État partie à l'adopter
le plus rapidement possible.
13. Le Comité note qu'il n'est pas fait mention dans le rapport de l'article
3 de la Convention. Il recommande à l'État partie d'inclure dans son prochain
rapport périodique des informations pertinentes sur toute éventuelle tendance
à la ségrégation des communautés, en particulier dans les grandes villes,
et sur les mesures prises par les autorités pour prévenir une telle évolution.
14. Le Comité est préoccupé par l'absence de législation interdisant les
organisations et la propagande racistes, ainsi que par l'influence croissante
qu'exerce l'idéologie xénophobe sur les partis politiques, notamment en
Flandre. À cet égard, le Comité prie l'État partie de fournir des informations
supplémentaires sur l'application de la loi de 1998 prévoyant le retrait
de tout soutien financier aux partis politiques qui incitent au racisme
ou à l'hostilité raciale ou diffusent de la propagande raciste. Étant donné
que les prescriptions de l'article 4 de la Convention sont impératives,
le Comité recommande également à l'État partie de promulguer une législation
déclarant illégale et interdisant toute organisation qui incite au racisme
et à la discrimination raciale ou les encourage et d'envisager de retirer
sa réserve concernant cet article. Le Comité appelle à ce propos l'attention
de l'État partie sur sa recommandation générale no XV.
15. Le Comité est préoccupé par des informations selon lesquelles les dispositions
législatives relatives aux poursuites pénales et aux sanctions qu'entraînent
les actes de racisme et de discrimination raciale ne sont pas appliquées.
Il est également préoccupé par la lenteur des procédures d'examen des plaintes
déposées par les victimes de discrimination raciale. Le Comité recommande
à l'État partie de veiller à ce que tous les actes de racisme et de discrimination
raciale donnent lieu à une enquête et à ce que, si leur culpabilité est
établie, les auteurs présumés de ces actes soient punis.
16. Le Comité s'inquiète également de plusieurs incidents racistes, survenus
dans des postes de police, dans lesquels étaient impliqués des agents des
forces de l'ordre et dont les victimes étaient des immigrants et des demandeurs
d'asile. Le Comité juge non moins préoccupantes certaines informations selon
lesquelles des enfants appartenant à des minorités ethniques auraient fait
l'objet de violences verbales. Le Comité recommande à l'État partie de prendre
toutes les mesures nécessaires pour que les responsables de l'application
des lois coupables d'actes de violence à motivation raciale fassent l'objet
de poursuites et pour prévenir les agressions verbales de ce genre contre
des membres de groupes minoritaires, et de poursuivre ses efforts pour promouvoir
la tolérance, la compréhension et le respect interculturels.
17. En ce qui concerne la modification de l'article 150 de la Constitution,
le Comité prie l'État partie de fournir dans son prochain rapport périodique
des informations détaillées sur le nombre de plaintes portées devant les
tribunaux belges et sur les décisions prises en ce qui concerne les actes
de racisme, de discrimination raciale ou d'incitation à l'hostilité raciale
commis avec la participation des médias, en particulier de la presse.
18. Le Comité est préoccupé par les difficultés d'accès à l'emploi et au
logement que connaissent les membres de minorités ethniques. Il recommande
à l'État partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour faciliter
l'intégration professionnelle, aussi bien dans le secteur public que dans
le secteur privé, et l'accès au logement des personnes appartenant à des
minorités ethniques. Il recommande à l'État partie d'inclure dans son prochain
rapport périodique des informations sur la situation à cet égard dans toutes
les régions du pays, portant notamment sur le nombre de plaintes pour discrimination
raciale et, le cas échéant, les réparations accordées aux victimes.
19. Tout en notant les efforts déployés par l'État partie pour lutter contre
la discrimination raciale par le biais d'une action éducative, le Comité
juge préoccupante l'insuffisance de l'action menée pour sensibiliser à cette
question certaines catégories professionnelles, comme les juges, les procureurs,
les juristes et les fonctionnaires, voire l'absence de mesures en ce sens.
Le Comité recommande à l'État partie de donner pleinement effet aux dispositions
de l'article 7 de la Convention en adoptant des mesures concrètes, notamment
dans les domaines de l'éducation et de la formation, pour prévenir la discrimination
raciale.
20. Tout en jugeant satisfaisantes les mesures prises par l'État partie,
et en particulier par le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre
le racisme, suite aux événements survenus le 11 septembre 2001 aux États-Unis,
pour promouvoir la tolérance entre les communautés religieuses, le Comité
déplore que des actes racistes aient été commis à l'encontre de personnes
appartenant à des minorités ethniques, notamment de confession musulmane.
Le Comité recommande à l'État partie de fournir dans son prochain rapport
périodique des informations détaillées sur l'évolution de la situation et
les mesures prises dans ce domaine.
21. Le Comité recommande à l'État partie d'inclure dans son prochain rapport
périodique des renseignements détaillés sur le travail accompli par le Centre,
le nombre de plaintes déposées ainsi que l'issue des affaires portées devant
les tribunaux.
22. Notant que c'est à l'État fédéral qu'incombe la mise en œuvre
de la Convention, le Comité recommande à l'État partie de fournir dans son
prochain rapport périodique des informations détaillées sur la composition
démographique de la population ainsi que des données socioéconomiques ventilées
par sexe et par groupes nationaux et ethniques pour l'ensemble des régions
et communautés du pays.
23. Le Comité recommande à l'État partie de prendre en compte, en ce qui
concerne l'incorporation des dispositions de la Convention, et en particulier
de ses articles 2 à 7, dans son ordre juridique interne, les éléments pertinents
de la Déclaration et du Programme d'action de Durban, et d'inclure dans
son prochain rapport périodique des informations sur les mesures prises
ou envisagées pour appliquer la Déclaration et le Programme d'action de
Durban au niveau national.
24. Le Comité recommande à nouveau à l'État partie de ratifier les modifications
du paragraphe 6 de l'article 8 de la Convention adoptées le 15 janvier 1992
lors de la quatorzième réunion des États parties à la Convention, et approuvées
par l'Assemblée générale dans sa résolution 47/111.
25. Le Comité recommande à l'État partie de rendre rapidement publics ses
rapports dès leur soumission au Comité, de même que les observations finales
de ce dernier.
26. Le Comité recommande que les quatorzième et quinzième rapports périodiques
de l'État partie, devant être soumis le 6 septembre 2004, soient présentés
dans un document unique consistant en une mise à jour du dernier rapport,
et portant sur les points soulevés dans les présentes observations finales.
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* La cote CERD/C/Session No/CO/... remplace désormais l'ancienne
cote CERD/C/304/Add...