University of Minnesota



Observations finales du Comit
é pour l'élimination de la discrimination raciale, Belgique, U.N. Doc. A/47/18,paras.44-68 (1992).






COMITE POUR L'ELIMINATION DE
LA DISCRIMINATION RACIALE

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
CONFORMEMENT A L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION


Conclusions du Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale

Belgique


44. Les cinquième, sixième, septième et huitième rapports périodiques de la Belgique (CERD/C/194/Add.3) ont été examinés par le Comité à ses 939e, 940e et 950e séances, tenues les 3, 4 et 11 août 1992 (voir CERD/C/SR.939, 940 et 950).

45. Les rapports ont été présentés par le représentant de l'Etat partie, qui a dit que plusieurs réformes législatives et constitutionnelles avaient été opérées en Belgique depuis la présentation du dernier rapport. Les dispositions législatives relatives à l'acquisition de la nationalité belge avaient été modifiées en juillet 1991 pour conférer automatiquement la nationalité belge aux enfants nés en Belgique de parents nés eux-mêmes dans le pays. La responsabilité des questions relatives à l'entrée et au départ d'étrangers, qui appartenait au Ministère de la justice, était désormais celle du Ministère de l'intérieur. La réglementation en ces matières pouvait paraître discriminatoire, mais en réalité, l'égalité de traitement était à la base de toute la politique belge concernant les étrangers, qui avaient les mêmes libertés civiles que les citoyens belges. Cet état de choses était conforme aux obligations contractées par la Belgique en vertu de plusieurs instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, y compris la Convention. La plus Haute Cour de Belgique, la Cour de cassation, avait reconnu la primauté des dispositions de ces instruments internationaux par rapport à la législation interne, même lorsque cette dernière était antérieure à la première. Les dispositions de ces instruments peuvent être invoquées aussi bien par les étrangers que par les ressortissants du pays lors de procédures judiciaires et administratives.

46. S'agissant du racisme et de la discrimination raciale, il n'y a pas de minorités ethniques en Belgique autres que les immigrants, dont la plupart sont d'origine marocaine ou turque. Ces deux communautés ont connu la discrimination, le racisme et la xénophobie. C'est pourquoi le Commissariat royal a été créé voilà trois ans et chargé d'examiner la situation des immigrants en Belgique afin de proposer les changements de politique nécessaires à leur protection et à leur insertion dans la société. Les propositions du Commissaire sont examinées par la Conférence interministérielle de l'immigration que préside le Premier Ministre.

47. Les membres du Comité ont exprimé leur satisfaction devant l'abondance des renseignements présentés par le Gouvernement belge dans son rapport. Il a été dit toutefois que les réformes législatives en cours dans un Etat partie ne constituaient pas pour lui une raison valable de ne pas présenter de rapport. Bien au contraire, les gouvernements qui opéraient de telles réformes devraient en rendre compte régulièrement au Comité. On a noté également qu'il n'était guère question dans le rapport des minorités autres que celles qui sont de langue française ou de langue néerlandaise, de la façon dont leurs droits étaient protégés ou du statut des étrangers en Belgique, lesquels représentaient environ 9 % de la main-d'oeuvre. En particulier, des données démographiques complémentaires sur les différences ethniques pourraient utilement être incluses dans le prochain rapport, qui pourrait contenir également d'autres informations sur les procédures de recours offertes aux victimes de la discrimination raciale et sur les résultats des plaintes formulées à cet égard.

48. S'agissant de l'article premier de la Convention, des membres du Comité ont souligné que, pour avoir une idée plus précise de la situation existant en Belgique, le Comité aurait besoin de statistiques sur le chômage, la délinquance et l'abus des drogues dans les groupes minoritaires par rapport au reste de la société. S'agissant du paragraphe 4 de cet article, des renseignements ont été demandés sur les mesures spéciales de "discrimination positive" prises pour favoriser l'égalité des groupes victimes de la discrimination raciale. On a demandé des précisions sur la différence entre la situation des étrangers venus de la Communauté européenne et celle des étrangers venus d'autres pays s'agissant de l'emploi et du niveau de vie.

49. En ce qui concerne l'article 2 de la Convention, des membres du Comité ont demandé comment les dispositions de la Convention avaient été intégrées dans la législation nationale et comment elles avaient été appliquées. Des questions ont été posées sur les organisations intégrationnistes et multiculturelles existant en Belgique et sur la façon dont le Gouvernement encourageait de telles organisations. On a évoqué le système des quotas d'immigration et les participants ont demandé des précisions sur le nombre de personnes qui s'étaient vu refuser l'entrée en Belgique du fait de cette restriction. Des renseignements ont été demandés sur les procédures de recours lorsque l'entrée est refusée et sur la situation des ressortissants zaïrois.

50. Des membres du Comité ont noté que le rapport ne contenait pas d'indications touchant les dispositions de l'article 3 de la Convention, qui concerne la ségrégation et l'apartheid. Ils ont demandé quelques précisions quant à l'application de ces dispositions.

51. A propos de l'article 4 de la Convention, des membres du Comité ont désiré savoir si les dispositions du Code pénal qui traitent des actes de racisme et de xénophobie (articles 151, 444 et 448) avaient été invoquées devant les tribunaux et, dans l'affirmative, avec quels résultats. Ils ont aussi évoqué la loi du 30 juillet 1981, qui paraissait incomplète par rapport à l'article 4 de la Convention. On a demandé également si les organisations racistes étaient elles-mêmes jugées illégales ou si seuls les actes racistes qui seraient commis par leurs membres étaient interdits. Des membres du Comité ont constaté que le Gouvernement avait tendance à limiter la liberté d'expression par souci d'éviter des propos racistes et ils ont demandé pourquoi des restrictions analogues n'étaient pas apportées à la liberté d'association dans le cas d'organisations racistes.

52. A propos de l'article 5 de la Convention, des membres du Comité ont voulu savoir s'il y avait une distinction entre les ressortissants de pays de la Communauté européenne et ceux d'autres pays s'agissant du droit de vote en Belgique et de l'accès aux postes dans l'administration. Un complément d'information a été demandé à propos de la loi du 15 décembre 1980 et en particulier des restrictions à l'exercice de la liberté d'expression, de réunion et d'association. Des participants ont désiré connaître les motifs retenus pour accorder ou refuser une carte d'identité professionnelle à un travailleur migrant. Ils ont demandé comment les personnes étaient protégées contre la discrimination raciale s'agissant de questions telles que le choix d'un emploi, l'égalité de rémunération, les droits syndicaux et le droit au logement. Des membres du Comité ont aussi demandé des renseignements sur l'évolution récente du Comité technique créé pour traiter des problèmes relatifs à la désignation des professeurs de religion islamique, dont il est question au paragraphe 95 du rapport.

53. A propos de l'article 6 de la Convention, des membres du Comité ont noté que, sur 1 269 plaintes pour actes racistes et xénophobes déposées auprès des autorités, 12 seulement avaient donné lieu à des condamnations. Ils ont voulu savoir quels étaient les facteurs expliquant un pourcentage de condamnations aussi faible. On pouvait supposer qu'à mesure que la protection contre la discrimination raciale s'améliorerait, le nombre de plaintes pour actes discriminatoires augmenterait lui aussi parallèlement. Ils se sont donc demandé pourquoi le nombre de plaintes déposées chaque année en Belgique était si faible et pourquoi il allait même en diminuant. Ils ont aussi demandé un complément d'information sur la jurisprudence dans le domaine de la discrimination raciale.

54. A propos de l'article 7 de la Convention, des membres du Comité ont souhaité obtenir des indications sur les recommandations formulées par le Commissariat royal au sujet de l'éducation et du logement. Ils ont demandé si le Gouvernement ne subventionnait que les écoles chrétiennes ou s'il accordait aussi son appui aux écoles islamiques. Des participants ont voulu savoir si des programmes de formation avaient été mis en place à l'intention des magistrats, des fonctionnaires de police et autres agents qui s'occupent des immigrants.

55. Dans sa réponse, le représentant de l'Etat partie a rappelé les questions posées par les membres du Comité au sujet de la situation de la Convention au regard du droit belge. Il a précisé que, lorsqu'il était clairement indiqué dans le texte d'un traité qu'une disposition avait des effets directs, ladite disposition était jugée "suffisante" au regard du droit belge et pouvait être invoquée devant tout tribunal belge. Toutefois, en l'absence d'une telle indication, l'applicabilité directe était subordonnée à la décision des tribunaux. La plupart des dispositions de la Convention auxquelles s'intéressait le Comité n'étaient pas jugées "suffisantes" et il fallait donc que le législateur belge prenne certaines mesures pour qu'elles produisent des effets directs. L'une de ces mesures avait été la loi de 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie, examinée dans le rapport dont le Comité était saisi.

56. Le représentant de l'Etat partie a signalé que le système belge reposait sur le concept fondamental des "territoires linguistiques", qui étaient au nombre de quatre : territoires flamand, wallon, germanophone et bilingue. Il a indiqué, en réponse à des questions concernant la communauté germanophone, que le pays comptait 64 000 ressortissants belges germanophones sur une population totale d'environ 10 millions de personnes. La Belgique toutefois ne reconnaissait pas ce type de minorité, car les communautés avaient les mêmes pouvoirs et étaient dotées de mécanismes équivalents. Le représentant de l'Etat partie a spécifié que le pays comptait trois régions : la région flamande, la région wallonne et la région de Bruxelles-capitale, qui était bilingue. Ces entités avaient leurs mécanismes propres semblables à ceux qui fonctionnaient au niveau national, c'est-à-dire un pouvoir exécutif, un pouvoir législatif et un certain degré d'autonomie financière. C'était dans les zones frontières entre ces territoires linguistiques que des problèmes pouvaient se poser et c'était là qu'un arrangement spécial avait été conçu pour faciliter la transition et l'adaptation d'un territoire à un autre.

57. Des associations représentant des groupes déterminés pouvaient bien entendu être formées et étaient encouragées; elles recevaient même des subventions dans bien des cas. En Belgique, eu égard à la tendance actuelle à une société multiculturelle, on s'attachait en général à encourager l'intégration de l'individu dans une communauté. En termes plus généraux, la Belgique n'aurait pas de problèmes pour ratifier une convention internationale sur les minorités, d'autant que la terminologie envisagée visait les personnes appartenant à des minorités.

58. S'agissant du statut dont jouissaient en Belgique les ressortissants des pays de la Communauté européenne par rapport aux ressortissants d'autres Etats, cette question était régie par les dispositions pertinentes du Traité de Rome et du Traité de Maastricht. En vertu du premier, le droit des travailleurs à la liberté de déplacement n'était reconnu qu'aux ressortissants de la Communauté européenne et le Traité de Maastricht appliquait le même principe s'agissant du droit de vote et du droit d'être élu. De l'avis du représentant de l'Etat partie, ce traitement différentiel ne constituait pas une mesure discriminatoire et se justifiait par la nécessité de favoriser l'objectif de l'intégration européenne.

59. Pour ce qui concernait les droits politiques, sociaux et économiques, la discrimination était aujourd'hui à peu près inexistante. On avait enregistré jadis une certaine discrimination, s'agissant des prestations de sécurité sociale, à l'encontre des ressortissants marocains et turcs qui avaient vécu en Belgique la plus grande partie de leur vie, mais aujourd'hui cette différence avait été supprimée. Les étrangers jouissaient exactement des mêmes droits que les Belges en matière de participation aux activités syndicales. Dans le domaine de l'éducation, il existait malheureusement des écoles que fréquentaient essentiellement, voire exclusivement, les ressortissants non belges, du fait de la concentration de résidents étrangers dans les zones en question. Des mesures avaient été prises ces dernières années pour améliorer la situation en favorisant les possibilités d'éducation et en améliorant la formation des enseignants. En outre, il existait maintenant une école islamique subventionnée - un jardin d'enfants - et l'on comptait que le nombre de tels établissements augmenterait à l'avenir.

60. A propos de la désignation d'un Commissaire royal à l'immigration et de la création d'un centre national pour l'égalité entre les races, un projet de loi avait déjà été examiné en première lecture et l'on espérait que le centre commencerait ses opérations en 1993. Il serait responsable de la recherche et de la documentation; en outre il donnerait des avis et ferait des recommandations aux autorités sur l'application de la loi de 1981 tendant à réprimer certains actes inspirés par le racisme ou la xénophobie, ainsi que sur d'autres moyens d'action contre toutes les formes de discrimination raciale. Il serait directement responsable devant le Cabinet du Premier Ministre, auquel il devrait rendre compte annuellement; il prêterait également son concours pour la rédaction du rapport au Comité pour l'élimination de la discrimination raciale.

61. S'agissant de la discrimination à l'encontre des demandeurs d'asile à la frontière, les fonctionnaires des douanes et les agents chargés de l'application de la loi aux frontières n'avaient pas de pouvoirs de décision : leur fonction se bornait à prendre note des demandes et à les transmettre aux autorités. Il est vrai que des plaintes avaient été adressées au Gouvernement belge pour cause de traitement discriminatoire de la part de certains agents en poste aux frontières, et une enquête était actuellement en cours. Dans l'intervalle, des mesures avaient été prises pour améliorer la formation de ces fonctionnaires, de façon que leur rôle soit plus clairement défini. Entre 1988 et 1991, les ressortissants zaïrois avaient représenté de 8 à 13 % de tous les demandeurs d'asile. Ils s'étaient vu accorder le même traitement que les demandeurs d'asile d'autres Etats n'appartenant pas à la Communauté européenne mais, eu égard aux événements survenus au Zaïre en 1991-1992, le Gouvernement belge avait décidé de suspendre toutes mesures de refoulement contre les ressortissants zaïrois en attendant que la situation se stabilise. En 1991, près de 14 000 ressortissants zaïrois vivaient en Belgique, soit 1,5 % seulement du total de la population résidente étrangère.

62. A propos de l'article 4, la loi de 1981 avait pour objet non d'éliminer, mais bien plutôt de réprimer, les actes d'incitation à la haine et à la violence raciales. La loi était de portée très large, de manière à habiliter le pouvoir judiciaire à traiter de toutes les situations dont il serait saisi. En même temps, la liberté d'expression était sacrée en Belgique; elle était consacrée par la Constitution et il fallait faire preuve d'une grande prudence pour autoriser une dérogation à ce principe. La loi contenait donc des dispositions strictes quant à la preuve des actes de racisme ou de xénophobie et spécifiait que ces actes devaient avoir été commis en public. Une proposition du Sénat tendant à modifier la loi de 1981 avait été présentée au début de 1992 : elle avait pour objet de la rendre plus efficace en prévoyant des peines plus lourdes : le refus d'autoriser l'occupation d'un logement serait un délit punissable; les dispositions relatives aux poursuites en cas d'offres de service ou de publicité discriminatoires seraient de portée plus large et de nouvelles dispositions touchant le refus d'emploi ou la décision de renvoi d'une personne pour des motifs fondés sur la race, la couleur, l'origine, etc., seraient introduites. Il convenait de noter que, dans tous les cas, la preuve d'une intention raciste devait être faite.

63. En ce qui concerne les associations favorisant manifestement et régulièrement la discrimination raciale ou y incitant, la preuve de l'intention était nécessaire. Des poursuites pénales pouvaient être intentées contre des personnes, par opposition à des entités juridiques, la législation ayant pour objet de saper l'existence de ces associations par des mesures prises contre leurs membres qui se rendraient coupables d'actes racistes ou d'incitation au racisme. En outre, diverses associations racistes et paramilitaires avaient été dissoutes et des personnes avaient été condamnées en vertu d'une loi distincte remontant à 1934.

64. A propos de l'article 14 de la Convention, et en particulier de ses paragraphes 1 et 2, la Belgique avait témoigné de sa volonté d'en tenir compte en entreprenant des procédures - prolongées il est vrai - en vue d'incorporer ces dispositions dans sa législation. On a fait remarquer que la Communauté européenne elle-même offrait aux particuliers divers recours en cas de griefs et que les plaignants pouvaient s'adresser à la Commission européenne des droits de l'homme.

Conclusions

65. Le Comité a pris note avec un vif intérêt des réformes constitutionnelles et législatives majeures adoptées en Belgique, réformes qui ont amélioré les relations entre Wallons et Flamands. Il a toutefois prié la Belgique de donner, dans son prochain rapport périodique, davantage de précisions sur les communautés de langue allemande et d'autres minorités ayant la nationalité belge. A cet égard, il souhaitait avoir plus de données démographiques ainsi que des renseignements sur les mesures et les politiques visant à permettre à ces minorités d'exercer leurs droits fondamentaux au même titre que les groupes majoritaires.

66. Le Comité a étudié la loi du 30 juillet 1981 visant à éliminer certains actes fondés sur le racisme et a estimé que cette loi, qui constituait certes un progrès dans la campagne de lutte contre la discrimination raciale en Belgique, avait un champ d'application trop limité et ne respectait donc pas complètement les dispositions de l'article 4 de la Convention. Le Comité a demandé en outre un complément d'information quant au fond sur les plaintes portées devant les tribunaux occasionnées par l'application de la loi et sur l'existence des groupes qui cherchent à l'heure actuelle à intensifier la discrimination raciale.

67. Le Comité a également accordé une attention particulière à la situation des étrangers résidant en Belgique et a demandé qu'on lui précise si ces personnes exerçaient les droits mentionnés à l'article 5 de la Convention sur un pied d'égalité avec les ressortissants belges, notamment en ce qui concernait les conditions d'emploi des travailleurs immigrés dont le Comité se préoccupait.

68. Le Comité a exprimé l'espoir que le prochain rapport périodique de la Belgique serait présenté en temps voulu.



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