COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE
LA DISCRIMINATION RACIALE
Cinquante-sixième session
6-24 mars 2000
EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES
CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION
Conclusions du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale
Australie
1. Le Comité a examiné les dixième, onzième et douzième rapports périodiques
de l'Australie, présentés en un seul document (CERD/C/335/Add.2), à ses 1393ème,
1394ème et 1395ème séances (CERD/C/SR.1393, 1394 et 1395) tenues les 21 et
22 mars 2000, à sa 1398ème séance, tenue le 24 mars 2000, il a adopté les
conclusions suivantes.
A. Introduction
2. Le Comité accueille avec satisfaction les rapports soumis par l'État partie
et les renseignements complémentaires apportés oralement et par écrit par
la délégation, tout en déplorant la communication tardive des dixième et onzième
rapports périodiques. Il se félicite de l'exhaustivité du rapport et de la
présentation orale. Il a trouvé encourageant que le Gouvernement se soit fait
représenter par une délégation de rang élevé et se déclare satisfait des réponses
constructives données par ses membres aux questions posées.
3. Le Comité reconnaît que l'État partie a tenu compte de certaines des
préoccupations et recommandations qu'il avait formulées dans ses conclusions
sur le neuvième rapport périodique (A/49/18, par. 535 à 551).
B. Aspects positifs
4. Le Comité estime encourageante l'attention accordée par l'État partie aux
obligations qui lui incombent en vertu de la Convention et au travail que
lui-même accomplit.
5. Le Comité note avec satisfaction les nombreuses mesures adoptées par
l'État partie au cours de la période considérée (1992-1998) dans le domaine
de la discrimination raciale, notamment pour mettre en œuvre les recommandations
de la Commission royale d'enquête sur les décès d'aborigènes en détention.
Il accueille avec satisfaction les multiples mesures législatives, arrangements
institutionnels, programmes et politiques concernant la discrimination raciale,
qui sont exposés en détail dans les dixième, onzième et douzième rapports,
et notamment l'introduction d'un programme en faveur du multiculturalisme
("New Agenda for Multicultural Australia") et le lancement d'une
campagne visant à favoriser l'harmonie ("Living in Harmony").
C. Sujets de préoccupation et recommandations
6. Le Comité se déclare préoccupé par l'absence, dans la législation australienne,
de toute garantie solidement établie contre la discrimination raciale à laquelle
aucune loi postérieure du Commonwealth, des États et des territoires ne pourrait
porter atteinte.
7. Le Comité recommande une fois encore au gouvernement du Commonwealth
de prendre les mesures appropriées pour garantir l'application systématique
des dispositions de la Convention, conformément à l'article 27 de la Convention
de Vienne sur le droit des traités, à tous les niveaux du gouvernement,
y compris des États et territoires, le cas échéant en passant outre, comme
il en a le pouvoir, aux lois des territoires et pour ce qui est de la législation
des États en usant du pouvoir qui est le sien dans le domaine des affaires
extérieures.
8. Le Comité note, après avoir procédé à un nouvel examen en août 1999,
des dispositions du Native Title Act (loi sur les droits fonciers
autochtones) tel qu'amendé en 1998, que la délégation de pouvoir de légiférer
sur le régime des "mesures ultérieures" s'est traduite par l'élaboration
d'une législation des États et territoires mettant en place des régimes
détaillés concernant les "mesures ultérieures" dont certaines
dispositions réduisent encore plus la protection que la législation du Commonwealth
accorde aux autochtones qui revendiquent la reconnaissance de leurs droits
fonciers. Notant que le sénat australien a rejeté, le 31 août 1999, un régime
de ce type, le Comité recommande que tout autre projet de loi des États
et territoires fasse l'objet d'un examen aussi rigoureux pour que la protection
des droits des autochtones ne soit pas encore réduite.
9. Le Comité se déclare préoccupé par l'action peu satisfaisante qui a
fait suite à ses décisions 2 (54) (mars 1999) et 2 (55) (août 1999) et par
le risque persistant d'une nouvelle atteinte aux droits des communautés
autochtones de l'Australie. Le Comité réaffirme dans leur globalité ses
décisions 2 (54) et 2 (55) et recommande une nouvelle fois à l'État partie
de veiller à ce que les communautés autochtones participent effectivement
aux décisions affectant leurs droits fonciers, conformément à l'article
5 c) de la Convention et à la recommandation générale XXIII du Comité, qui
souligne l'importance d'obtenir le "consentement informé" des
populations autochtones. Il recommande à l'État partie de fournir des informations
complètes sur la question dans son prochain rapport périodique.
10. Le Comité note que le Comité parlementaire mixte sur les droits fonciers
et le Fonds pour la terre des aborigènes et des insulaires du détroit de
Torres mène actuellement une enquête sur la compatibilité de la loi de 1998
portant modification de la loi sur les droits fonciers autochtones avec
les obligations internationales qui incombent à l'Australie en vertu de
la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Les résultats devraient aider l'État partie à reconsidérer sa réponse aux
décisions 2 (54) et 2 (55). Le Comité invite l'État partie, conformément
aux dispositions du paragraphe 1 de l'article 9 de la Convention, à lui
transmettre le rapport du Comité parlementaire mixte lorsqu'il sera présenté.
11. Le Comité a accueilli avec satisfaction la création de la Commission
des aborigènes et des insulaires du détroit de Torres ainsi que la nomination
du Commissaire à la justice sociale pour les aborigènes et les insulaires
du détroit de Torres au sein de la Commission des droits de l'homme et de
l'égalité des chances. Il craint toutefois que les changements introduits
et envisagés concernant le fonctionnement des deux institutions aient un
effet négatif sur l'exercice de leurs fonctions. Il recommande à l'État
partie d'étudier attentivement les réformes institutionnelles proposées
de manière à ce que ces organismes conservent leur capacité d'aborder sous
tous leurs aspects les questions intéressant la communauté autochtone.
12. Tout en saluant les efforts notables qui ont été faits pour parvenir
à la réconciliation, le Comité constate avec préoccupation que la communauté
autochtone semble avoir perdu confiance dans le processus engagé. Il recommande
à l'État partie de prendre les mesures appropriées pour s'assurer que ce
dernier se fonde sur un engagement solide et une direction dynamique, de
manière à déboucher sur une véritable réconciliation authentiquement acceptée
tant par les autochtones que par l'ensemble de la population.
13. Le Comité prend note des conclusions de l'enquête nationale sur les
enfants aborigènes et insulaires du détroit de Torres séparés de leur famille
et est conscient des mesures prises pour faciliter la réunification familiale
et améliorer les services de conseils et d'aide offerts aux victimes. Il
estime préoccupant que le gouvernement du Commonwealth ne soit pas favorable
à ce que des excuses soient officiellement présentées et qu'il ne juge pas
adéquat de verser une indemnisation financière aux personnes qui ont été
séparées par la force et de manière injustifiable de leur famille, au motif
que ces pratiques étaient sanctionnées par la loi alors en vigueur et qu'elles
devaient "aider les personnes auxquelles elles étaient appliquées".
Le Comité recommande à l'État partie d'envisager la nécessité de réparer
comme il convient les souffrances extrêmes qu'ont occasionnées ces pratiques
de discrimination raciale.
14. Le Comité se félicite de l'adoption de la loi de 1995 sur la haine
raciale qui interdit les injures, insultes, humiliations ou intimidations
à caractère racial. Il recommande à l'État partie de poursuivre les efforts
entrepris pour adopter une législation appropriée en vue de donner pleinement
effet aux dispositions de l'article 4 a) de la Convention et de retirer
la réserve qu'il avait émise à cet égard.
15. Le Comité note avec une vive préoccupation que le taux d'incarcération
des autochtones est démesurément élevé par rapport à l'ensemble de la population.
Il constate également avec inquiétude que la fourniture de services d'interprétation
appropriés n'est pas toujours pleinement garantie aux autochtones durant
la procédure pénale. Le Comité recommande à l'État partie de s'efforcer
davantage de prendre des mesures efficaces pour lutter contre la marginalisation
socioéconomique, pour supprimer la discrimination dans l'application des
lois et pour pallier le manque de programmes extrajudiciaires.
16. Le Comité se déclare préoccupé par le système de peines minimales applicables
aux délits mineurs contre les biens en Australie occidentale et en particulier
dans le Territoire du Nord. Ces peines semblent viser des délits commis
hors de toute proportion par des autochtones, en particulier des mineurs,
ce qui a une incidence discriminatoire d'un point de vue racial sur leur
taux d'incarcération. Le Comité a de sérieux doutes quant à la compatibilité
de ces lois avec les obligations qui incombent à l'État partie en vertu
de la Convention et il recommande à ce dernier de revoir toutes les lois
et pratiques dans ce domaine.
17. Prenant note de certaines déclarations faites récemment par l'État
partie au sujet des demandeurs d'asile, le Comité recommande à l'État partie
d'appliquer scrupuleusement les dispositions de la Convention de 1951 relative
au statut des réfugiés ainsi que de son Protocole de 1967, en vue de continuer
de coopérer avec le HCR, conformément aux principes énoncés par ce dernier
dans le "Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer
le statut de réfugié".
18. Le Comité rend hommage aux efforts déployés pour allouer des crédits
supplémentaires aux programmes pour les autochtones exécutés dans les domaines
de la santé, du logement, de l'emploi et de l'éducation. Il demeure gravement
préoccupé par l'étendue de la discrimination dont continuent de faire l'objet
les Australiens autochtones dans la réalisation de leurs droits économiques,
sociaux et culturels, ainsi que par l'ampleur des inégalités dramatiques
dont souffre toujours une population autochtone qui ne représente que 2,1
% de la population totale d'un pays industrialisé très développé. Le Comité
recommande à l'État partie de veiller à dégager dans les plus brefs délais
possibles des ressources suffisantes pour éliminer ces disparités.
19. Le Comité recommande à l'État partie de rendre ses rapports périodiques
publics dès le moment où ils sont soumis et de diffuser de la même manière
les conclusions du Comité.
20. Le Comité recommande que le prochain rapport périodique de l'État partie,
qui doit être présenté le 30 octobre 2000, constitue une mise à jour et
traite des questions soulevées dans les présentes observations.