University of Minnesota



Conclusions du Comit
é pour l'élimination de la discrimination raciale, Argentine, U.N. Doc. CERD/C/304/Add.39 (1997).




COMITE POUR L'ELIMINATION DE
LA DISCRIMINATION RACIALE
Cinquante et unième session


EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES
CONFORMEMENT A L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION


Conclusions du Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale


Argentine

1. A ses 1228ème et 1229ème séances, tenues les 12 et 13 août 1997, le Comité a examiné les onzième à quatorzième rapports périodiques de l'Argentine, présentés dans un seul document (CERD/C/299/Add.11), et à ses 1240ème et 1241ème séances, tenues les 20 et 21 août 1997, a adopté les conclusions suivantes.


A. Introduction

2. Le Comité se félicite de l'occasion qui lui est offerte de poursuivre le dialogue avec l'Etat partie, sur la base des onzième à quatorzième rapports périodiques et du document de base. Les informations fournies oralement par la délégation, ainsi que les réponses apportées aux nombreuses questions posées par les membres du Comité, ont comblé des lacunes dues à la brièveté des renseignements fournis par le rapport sur certains articles de la Convention, et ont permis au Comité de se faire une idée plus précise de la situation au regard de l'application de la Convention en Argentine.


B. Facteurs et difficultés entravant l'application de la Convention

3. Il est noté que l'Argentine traverse une période de difficultés économiques qui rendent plus difficile la mise en oeuvre de la Convention, dans la mesure où parmi les principales victimes du ch_mage et de la pauvreté figurent les membres des populations autochtones et les minorités ethniques.


C. Aspects positifs

4. Il est noté avec satisfaction que les traités internationaux relatifs aux droits de l'homme, notamment la Convention, ont, en vertu de l'article 75, paragraphe 22, de la Constitution de 1994, une valeur supérieure aux lois internes, et que les individus ont la possibilité d'invoquer directement les dispositions de la Convention devant les tribunaux.

5. La création du poste de Défenseur du peuple (Ombudsman) par la loi No 24-284 du 1er décembre 1993, en tant qu'organe indépendant qui a la charge de protéger les droits et les intérêts des individus et des collectivités contre les actes ou les omissions de l'administration publique nationale, et qui a la possibilité d'ouvrir des enquêtes d'office ou à la demande d'un individu, est saluée comme une mesure positive.

6. Il est relevé avec satisfaction que, en vertu de l'article 43 de la Constitution de 1994, un recours en amparo peut désormais être exercé en cas de discrimination de quelque nature qu'elle soit.

7. Un certain nombre de dispositions constitutionnelles concernant les populations autochtones, introduites lors de la révision de la Constitution en 1994, constituent un progrès notable : c'est le cas notamment pour l'octroi de la personnalité juridique aux communautés autochtones; la garantie du respect de l'identité culturelle de ces communautés; la possession et la propriété communautaire des terres; la participation des autochtones à l'administration des ressources naturelles et aux autres activités les concernant.

8. La mise en place de l'Institut national contre la discrimination, la xénophobie et le racisme au sein du Ministère de l'intérieur, qui s'est vu conférer par la loi No 24-515 du 28 juillet 1995 la charge de concevoir des politiques nationales et des mesures concrètes pour lutter contre la discrimination, la xénophobie et le racisme, est accueillie avec satisfaction.

9. Il est relevé notamment que l'Institut national contre la discrimination, la xénophobie et le racisme a pris des mesures importantes dans le domaine de l'enseignement bilingue et interculturel, de l'intégration des étudiants boursiers autochtones dans le système scolaire classique, et de l'aide financière en vue de réaliser des projets pour relever le niveau de vie de certaines communautés. En particulier, les projets mis en oeuvre dans la région du Chaco et concernant l'ethnie Wichi sont à saluer.

10. Les démarches entreprises par l'Institut national des affaires autochtones pour obtenir le transfert des terres et des domaines ancestraux aux communautés autochtones qui les occupent depuis toujours, en procédant, notamment, en coopération avec les autorités des provinces, à la régularisation des titres de propriété, sont accueillies avec satisfaction.

11. Dans le cadre de l'article 5 de la Convention, la conclusion d'un accord 500 000 Boliviens en situation irrégulière en Argentine, ainsi que la régularisation de 250 000 étrangers en situation irrégulière en Argentine, en vertu du décret No 1033/92, sont accueillies avec satisfaction.

12. La création du Comité d'admission des réfugiés et son étroite collaboration avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés sont jugées positives.

13. L'adoption du décret No 232/92, qui a supprimé le caractère confidentiel, pour raison d'Etat, qui était attaché aux documents relatifs aux criminels nazis, afin de faciliter les enquêtes sur ceux d'entre eux qui auraient trouvé refuge sur le sol argentin, et la création en 1992 de la Commission pour l'éclaircissement des activités des nazis en Argentine, sont jugées positives.

14. L'organisation de séminaires et de programmes de formation dans le domaine des droits de l'homme et de la prévention de la discrimination raciale, pour les juges et le personnel de l'administration pénitentiaire fédérale, est notée avec satisfaction.

15. Un grand intérêt est aussi porté à la mise en oeuvre, par le Ministère de l'intérieur, du Programme national contre la discrimination, visant à appuyer des programmes présentés par des organisations non gouvernementales en matière d'éducation populaire, et prévoyant la possibilité de recourir à des actions urgentes pour répondre immédiatement en cas d'actes discriminatoires.


D. Principaux sujets de préoccupation

16. Le manque d'information au sujet de la représentation des populations autochtones et des autres minorités ethniques dans la fonction publique, la police, la justice, le Congrès et plus généralement dans la vie socio-économique du pays est regretté, dans la mesure où cela rend difficile une évaluation complète du Comité sur la mise en oeuvre des dispositions de la Convention à l'égard de ces populations.

17. Tout en notant avec satisfaction que la motivation raciale est considérée par la loi No 23-592 de 1988 comme une circonstance aggravante de divers délits punissables au regard du droit pénal, il est regretté que les dispositions de l'article 4 de la Convention n'aient pas été pleinement mises en oeuvre, en prévoyant des délits spécifiques incriminant les différents actes visés par cet article, tels que la diffusion et la propagande d'idées racistes, l'incitation à la discrimination raciale, la violence raciale, la constitution d'organisations racistes.

18. La brièveté des informations fournies sur la mise en oeuvre des dispositions de l'article 5 de la Convention est regrettée, alors qu'il est fait état de discriminations à l'égard des membres des populations autochtones et des minorités dans la jouissance de certains droits, notamment ceux prévus à l'article 5, e) i), iv) et v), de la Convention.

19. En ce qui concerne le transfert des terres et des domaines ancestraux aux communautés autochtones, il est noté avec préoccupation que des problèmes subsistent en pratique, et que dans certains cas, de grandes difficultés, souvent causées par les propriétaires des terres, retardent ces transferts. Il est également relevé avec inquiétude que certaines communautés auraient été victimes d'intimidations et auraient subi des pressions afin de renoncer à leurs revendications sur ces terres. De plus, il est regretté que des informations n'aient pas été fournies au sujet des procédures de consultation des communautés autochtones lors du processus de transfert des terres.

20. Il est regretté qu'un manque d'informations subsiste sur les cas de recours exercés, de jugements prononcés et de réparations octroyées pour des actes de racisme, ainsi que sur les cas de recours en amparo exercés à la suite de discriminations. Ce manque d'informations ne permet pas au Comité de déterminer la mesure dans laquelle l'article 6 de la Convention est effectivement appliqué en Argentine, ni d'apprécier le r_le et les carences éventuelles de l'autorité judiciaire en ce domaine.


E. Suggestions et recommandations

21. Le Comité recommande qu'un supplément d'information soit fourni dans le prochain rapport sur le statut, la composition et les activités de l'Institut national contre la discrimination, la xénophobie et le racisme, sur l'Institut national des affaires autochtones, ainsi que sur la mise en oeuvre du Programme national contre la discrimination.

22. Le Comité prie l'Etat partie d'inclure dans son prochain rapport toutes les informations disponibles sur la situation socio-économique des membres des communautés autochtones et des minorités ethniques, notamment sur leur participation dans la vie politique et économique du pays, ainsi que sur leur représentation au sein des administrations, fédérale et provinciales. Il invite aussi l'Etat partie à fournir dans son prochain rapport des informations précises sur la mise en oeuvre pratique de tous les droits prévus à l'article 5 de la Convention à l'égard de tous les habitants de l'Argentine. A cet égard, le Comité appelle l'attention de l'Etat partie sur la nécessité de mettre au point des indicateurs pour évaluer les politiques et programmes visant à la protection et à la promotion des droits des populations vulnérables.

23. Le Comité invite instamment l'Etat partie à se conformer à l'obligation qui lui incombe, en vertu de l'article 4 de la Convention, de déclarer délits punissables selon la loi toutes les formes de discrimination raciale, notamment la diffusion et la propagande d'idées racistes, l'incitation à la discrimination raciale, la violence raciale, la constitution d'organisations racistes.

24. En ce qui concerne le transfert de terres aux communautés autochtones, le Comité recommande que l'application des dispositions prises à cet effet soit suivie de près par les autorités locales et fédérales, y compris les autorités judiciares, afin de prévenir et combattre toute méconnaissance éventuelle de ces dispositions. Il invite l'Etat partie à le renseigner de façon complète sur cette question dans son prochain rapport, en précisant la mesure dans laquelle les populations autochtones ont été consultées au cours de ce processus. Dans ce contexte, l'attention de l'Etat partie est appelée sur la Recommandation générale du Comité No XXIII sur les populations autochtones.

25. Le Comité recommande que soient incluses dans le quinzième rapport de l'Etat partie des informations sur le nombre et la situation des réfugiés et des immigrés en Argentine, ainsi que sur le régime légal qui leur est applicable.

26. Le Comité, rappelant sa décision No 3 (45) du 16 août 1994, invite l'Etat partie à prendre toutes les mesures en son pouvoir pour activer les procédures en cours au sujet des attentats antisémites de 1992 et 1994, en appelant son attention à cet égard sur les articles 5 a) et 6 de la Convention.

27. En ce qui concerne l'article 6 de la Convention, le Comité recommande que le prochain rapport périodique de l'Argentine contienne des informations détaillées sur les cas de recours exercés, de jugements prononcés et de réparations octroyées pour des actes de racisme.

28. Dans le cadre de la mise en oeuvre de l'article 7 de la Convention, le Comité recommande à l'Etat partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la formation et l'éducation des agents chargés de l'application des lois, des enseignants et des élèves en matière de droits de l'homme et de prévention de la discrimination raciale.

29. Le Comité recommande que les onzième à quatorzième rapports de l'Etat partie, ainsi que les présentes conclusions finales, soient rendus publics et largement diffusés dans la population.

30. Le Comité recommande à l'Etat partie de ratifier, dès que possible, les amendements au paragraphe 6 de l'article 8 de la Convention, adoptés à la quatorzième réunion des Etats parties.

31. Il est noté que l'Etat partie n'a pas fait la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention, et certains membres du Comité ont demandé que soit envisagée la possibilité de faire cette déclaration.

32. Le Comité recommande que le prochain rapport de l'Etat partie, attendu le 5 janvier 1998, soit une mise à jour, et porte sur tous les points soulevés dans les présentes conclusions.



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