University of Minnesota



Observations finales du Comité sur l
'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Yémen, U.N. Doc. A/48/38,paras.199-246 (1993).




Comité sur l'élimination de la
discrimination à l'égard des femmes



Yémen

199. Le Comité a examiné le rapport initial et le deuxième et le troisième rapports périodiques du Yémen (CEDAW/C/5/Add.61, CEDAW/C/13/Add.24 et Amend.1 et CEDAW/C/YEM/3) à ses 225e et 228e séances, le 29 janvier et le 2 février (voir CEDAW/C/SR.225 et 228).

200. La représentante a prié le Comité d'excuser ses collègues de la capitale yéménite qui ne pouvaient pas présenter ces rapports parce qu'elles étaient occupées à préparer les premières élections du pays depuis sa réunification le 22 mai 1990. Ces élections, qui seraient libres et auxquelles tous les citoyens pourraient participer sur un pied d'égalité, marqueraient la fin de la période de transition que traversait le pays depuis qu'il avait cessé d'être divisé en République arabe du Yémen et Yémen démocratique.

201. La représentante a évoqué le retard historique affectant la condition des femmes au Yémen. La lutte des femmes pour la dignité humaine et l'autodétermination remontait à des milliers d'années; ce n'était qu'après que des révolutions se furent produites dans les deux parties du pays que l'on s'était rendu compte du rôle que pouvaient jouer les femmes dans la motivation de la société yéménite et dans la restauration de la civilisation.

202. La Constitution du Yémen garantissait des droits et des devoirs égaux à tous, sans distinction entre les hommes et les femmes. Depuis la ratification de la Convention, le Gouvernement avait mis en place tous les moyens possibles de l'appliquer et de réaliser une égalité de fait. Les droits constitutionnels avaient été incorporés dans d'autres lois, concernant en particulier la participation politique, l'emploi et l'éducation, pour établir fermement l'égalité des femmes et éliminer la discrimination à leur égard. La législation contenait des dispositions spéciales pour protéger les femmes lors de la grossesse et de la maternité.

203. Les efforts du Gouvernement ne s'étaient pas limités à la législation mais avaient visé aussi à concrétiser certains droits, à l'aide d'une réglementation qui s'étendait à tous les domaines de la vie des femmes : le domaine judiciaire, la fonction publique, les élections générales et la sécurité sociale. Le Gouvernement avait lancé d'excellents programmes en vue de la création de mécanismes appropriés et de l'exécution de projets spéciaux qui permettraient d'accroître les possibilités des femmes en matière d'éducation et d'emploi et d'améliorer leur santé, programmes devant être financés par des organisations internationales ou une assistance étrangère spéciale. Il avait accordé une importance spéciale à la formation et à l'éducation et s'était attaché en particulier à rendre les femmes conscientes de leurs droits juridiques. Faire connaître la Convention, spécialement aux jeunes générations, constituait pour lui une priorité.

204. La représentante a assuré que la participation à la fonction publique était exempte de discrimination sexuelle, de même que la participation politique, bien que les différences sociales et régionales ainsi que le faible nombre de femmes instruites et ayant un emploi entraînassent une participation plus faible des femmes tant à la vie politique qu'à la prise des décisions. Elle a noté que les femmes yéménites avaient joué un rôle très important dans les forums internationaux.

205. La représentante a donné une explication détaillée de certaines parties de la législation du travail. Elle a évoqué les dispositions spéciales concernant les horaires de travail des femmes enceintes ou allaitantes et le long congé de maternité (60 jours), le congé spécial accordé en cas de décès du mari et l'âge de la retraite. On avait ouvert des crèches et des jardins d'enfants pour faciliter l'accès des femmes au marché du travail et assurer ainsi leur pleine participation au développement. Néanmoins les mariages précoces, qui entraînaient l'abandon des études et l'analphabétisme, ainsi que les limitations et contrôles sociaux et religieux entravaient encore la participation des femmes.

206. La représentante a parlé des problèmes spéciaux des femmes rurales, dont la participation au développement agricole était très forte en raison de la migration de nombreux hommes vers les zones urbaines.

207. La représentante a donné une description détaillée des lois concernant la famille, qui sont rassemblées dans la nouvelle loi No 20 de 1992 relative au droit de l'état des personnes. Elle a dit que l'on trouvait des cas de polygamie. L'âge minimum au mariage était de 15 ans et les femmes étaient libres de disposer de leur dot comme elles le désiraient. Elle a donné des détails sur l'annulation du mariage ainsi que sur le droit à recevoir une compensation. En ce qui concerne l'octroi du droit de garde, la mère devait prouver qu'elle remplissait les conditions nécessaires. De mauvaises moeurs n'empêchaient pas une femme de se voir accorder la garde de son enfant jusqu'à l'âge de 5 ans. La garde des garçons était confiée à la mère jusqu'à l'âge de 9 ans et celle des filles jusqu'à 12 ans.

208. La représentante a déclaré que la diffusion de l'information, la mobilisation de l'opinion publique et la prise de conscience des femmes sur le plan juridique étaient de très nettes priorités pour le Gouvernement. Elle a décrit dans les grandes lignes les moyens qu'a le Gouvernement de diffuser le texte de la Convention.

209. En conclusion, elle a dit que de nombreuses difficultés d'ordre social, économique et politique avaient empêché la pleine application de la Convention bien que le Gouvernement eût fait de son mieux pour les surmonter. Malgré de nombreuses lois garantissant aux femmes des droits sociaux, politiques et économiques et en matière d'éducation, certaines traditions et valeurs défavorables aux femmes pesaient encore sur les attitudes envers celles-ci et empêchaient leur réelle participation. Ces problèmes ne pouvaient pas être résolus rapidement.

Observations générales

210. Certains membres du Comité ont déclaré que les rapports du Yémen, en particulier le troisième, étaient complets et francs et qu'ils faisaient bien ressortir les progrès accomplis et les obstacles rencontrés, ce qui, à leur avis, indiquait clairement au Gouvernement la marche à suivre. Ces rapports étaient encourageants et propres à inspirer de l'espoir. En outre, les efforts déployés par le Gouvernement pour les présenter méritaient un hommage spécial compte tenu des changements politiques profonds auxquels le pays était soumis du fait de l'unification. Il fallait d'autre part se féliciter de ce que certaines lois aient été adoptées et appliquées pour permettre aux femmes de participer sur un pied d'égalité au développement du pays. Les femmes paraissaient constituer une partie intégrale de la société et les résultats qu'elles obtenaient étaient particulièrement louables si l'on considérait les pressions sociales auxquelles elles étaient soumises.

211. Les difficultés structurelles, les traditions et les structures culturelles avaient gêné les efforts visant à améliorer rapidement la situation des femmes. Il fallait cependant reconnaître la ferme volonté du Gouvernement de promouvoir les questions relatives aux femmes et se féliciter notamment de la mise en place d'un mécanisme national; cependant, compte tenu de ses fonctions, on pouvait estimer que le volume de travail qui lui était assigné était trop lourd, d'autant plus qu'on lui demandait parfois de fonctionner en tant que tribunal familial. Certains membres du Comité ont donc demandé une coordination effective des travaux de ce mécanisme national ainsi que la création d'institutions spéciales pour les différends familiaux. Des éclaircissements ont été demandés sur la nature et l'application de la Chari'a. Le représentant a déclaré que celle-ci constituait la principale source de la législation au Yémen.

212. Des membres ont instamment prié le Gouvernement d'accorder une attention particulière à l'éducation, notamment dans les zones rurales. Ils ont mis en garde le Gouvernement contre sa tendance, mentionnée dans le deuxième rapport périodique, à encourager le mariage et la constitution de familles car cela empêchait les jeunes, en particulier les filles, de terminer leur éducation de base.

213. Il a été rappelé au Comité que le Yémen était l'un des pays les moins développés du monde et qu'il éprouvait, de ce fait, de graves difficultés d'ordre économique à atteindre ses grands objectifs. Le Comité a lancé un appel aux gouvernements, aux organisations non gouvernementales et aux organismes des Nations Unies pour qu'ils apportent leur assistance aux organisations féminines du Yémen afin de leur permettre de poursuivre la promotion de la femme et par là le développement du pays. Il était indispensable de maintenir l'élan donné car les bases de changements réels avaient déjà été posées.

214. Avant de répondre aux questions posées par le Comité, le représentant a précisé que le rapport initial et le deuxième rapport périodique avaient été élaborés par le Yémen démocratique (qui avait ratifié la Convention) avant l'unification du pays. Ce troisième rapport périodique portait sur la République unifiée du Yémen, ce qui pouvait expliquer certaines contradictions par rapport aux rapports antérieurs : il reflétait en effet la législation nouvelle adoptée pour la République unifiée.

215. Des membres du Comité ont demandé des éclaircissements sur la nouvelle Constitution du pays, désirant savoir en particulier si elle avait été conçue pour inclure la notion de discrimination fondée sur le sexe. Le représentant a déclaré que la Constitution garantissait l'égalité des droits à tous les citoyens et il a mentionné l'article 27, qui stipulait explicitement que la discrimination fondée sur le sexe était interdite.

216. Le Comité s'est félicité du fait que le Yémen n'avait pas fait de réserves importantes à la Convention. La seule réserve concernait le système de règlement de différends sur lequel d'autres pays avaient également fait des réserves. Les membres ont demandé cependant si le Gouvernement envisagerait de la retirer.

Questions relatives à certains articles

Article 2

217. Des membres ont demandé si les dispositions de l'article 48 sur la loi concernant le service civil et protégeant les femmes enceintes et les femmes allaitant leur enfant ne constituaient pas des mesures discriminatoires par nature dans la mesure où elles nuisaient à la carrière des femmes. Ils ont également demandé si le même règlement s'appliquait aux emplois publics et privés. Le représentant a déclaré que les hommes et les femmes avaient des chances égales sur le marché du travail et que les mesures de protection dont bénéficiaient les femmes, également pour les emplois dangereux, montraient que les femmes jouissaient de droits sans réserve dans ce domaine.

218. Se référant au droit des femmes d'avoir un congé spécial d'une durée maximale de 40 jours en cas de décès du mari, des membres ont demandé si les hommes jouissaient du même droit en cas de décès de leur épouse. Le représentant a répondu que même la Constitution nouvelle ne comportait pas de disposition analogue pour les hommes, à cause des coutumes anciennes. Une veuve devait attendre trois mois pour se remarier après la mort de son mari. Les membres ont demandé pourquoi une période aussi longue était imposée. La représentante a déclaré que la nouvelle loi maintenait cette période de trois mois.

Article 4

219. Le représentant a déclaré que le Gouvernement avait mis en place des mécanismes et des projets spéciaux pour promouvoir l'égalité des femmes dans tous les secteurs de l'économie, de la société et de la famille ainsi que pour renforcer la prise de conscience des droits des femmes. Le Comité a souhaité savoir quelle proportion de jeunes filles participaient à ces projets spéciaux, en particulier à ceux qui fournissaient des informations sur la Convention. En outre, des informations sur les incidences de ces projets ont été demandées ainsi que sur le fait de savoir si cette prise de conscience influait sur les exigences des femmes dans les aspects pertinents de leur travail ainsi que dans la vie privée et publique.

Article 5

220. Interrogé sur la manière dont le Conseil yéménite pour la femme et l'enfant appliquait les politiques à l'égard des mères et des enfants, le représentant a déclaré que des maternités avaient été créées ainsi que des centres de contrôle de la santé et de distribution de contraceptifs.

221. A propos de la violence domestique et sexuelle à l'égard des femmes, des membres ont demandé de quelle information on disposait sur ce sujet, quelle était l'ampleur de cette violence et quelles étaient les mesures que le Gouvernement prenait, sous forme de législation, de campagnes d'information et d'éducation visant à éliminer la violence. Des membres ont demandé si le Gouvernement coopérait avec les organisations féminines pour fournir des foyers ou d'autres protections aux victimes. Le représentant a déclaré qu'il ne possédait pas de statistiques sur la violence mais a reconnu que le Yémen, comme d'autres sociétés, connaissait ce phénomène. Le Gouvernement savait que la violence pouvait prendre des formes diverses, tant physiques que psychologiques. Il a mentionné à cet égard le fait de forcer les filles à se marier jeunes ou de leur interdire de faire des études. Il a mentionné les campagnes du Gouvernement pour provoquer une prise de conscience parmi les femmes. De plus, si une femme déposait une plainte pour acte de violence, elle pouvait réclamer compensation.

Article 7

222. Interrogé sur la faible participation des femmes aux services publics, illustrée par le fait que sur les 301 membres du Conseil des députés, 10 seulement étaient des femmes, le représentant a déclaré que l'analphabétisme, les autres occupations des femmes au foyer et le fait que plus de 70 % des femmes yéménites vivaient dans les régions rurales étaient la cause de ce phénomène. En ce qui concerne les mesures prises par le Gouvernement pour faciliter l'accès des femmes à l'administration et pour encourager leur participation à la vie publique, il a déclaré que le Gouvernement encourageait les femmes dans tous les domaines, notamment en améliorant l'enseignement.

Article 8

223. Il a été mentionné, dans le troisième rapport périodique ainsi que par le représentant, que des femmes occupaient des postes importants au sein des instances internationales. Le Comité a demandé que des statistiques lui soient communiquées si possible sur ce point. Le représentant a fait observer que le Yémen comptait de nombreuses femmes diplomates, dont certaines à des postes de rang élevé.

Article 9

224. Le Comité a relevé que la loi sur la nationalité yéménite semblait être en contradiction avec la Convention. Comme il n'avait pas été émis de réserve à cet article, le Gouvernement a été invité à revoir et à modifier sa position. Le représentant a indiqué que la question ne lui semblait pas claire et qu'il ne voyait aucune contradiction entre la Convention et la loi en question.

Article 10

225. Mention a été faite de l'éducation des filles en milieu rural. Dans le troisième rapport périodique, il était fait état des problèmes qui se posaient dans ce domaine, notamment de l'absence d'écoles de filles et de la pénurie d'enseignantes qualifiées. Interrogé sur la question de savoir pourquoi les filles devaient être scolarisées dans des écoles spéciales et formées par des enseignantes, le représentant a répondu que les filles étaient généralement séparées des garçons lorsqu'elles atteignaient le stade de l'enseignement secondaire.

226. Le Comité a en outre demandé ce que le Gouvernement se proposait de faire pour lever les obstacles, dont celui qui avait trait à la définition des rôles des hommes et des femmes, et encourager l'accès des filles à l'éducation selon leurs propres motivations. Le représentant a répondu que le Gouvernement construisait actuellement des écoles dans les villages pour scolariser les filles, mais qu'il ne pouvait pas obliger les parents à envoyer celles-ci à l'école. Nombre de traditions et de coutumes avaient des effets néfastes sur la place des femmes dans le processus de développement et les changements ne pouvaient s'opérer du jour au lendemain. La Constitution garantissait l'éducation aux hommes et aux femmes dans des conditions d'égalité.

227. Répondant à une question sur le pourcentage des filles qui abandonnaient l'école avant la fin du cycle de l'enseignement primaire, le représentant a dit qu'aucune statistique sur ce point n'était disponible, le pays vivant une période de transition. Celle-ci ne s'achèverait qu'avec l'élection prochaine du Président et du Premier Ministre par le Parlement élu, qui consacrerait l'aboutissement du processus d'unification du Yémen. Le représentant a insisté en outre sur la situation économique difficile que le pays connaissait. Il a exprimé l'espoir que le rapport périodique suivant renfermerait davantage de statistiques.

228. Invité à préciser le nombre de femmes analphabètes, le représentant a répondu qu'il ne disposait pas de statistiques, mais qu'il supposait que le pourcentage était extrêmement élevé, atteignant même peut-être 95 %. A propos des programmes d'alphabétisation lancés par le Gouvernement, il a déclaré, qu'en raison de leur coût, ils ne pouvaient être exécutés d'un bout à l'autre de l'année. Nonobstant leur courte durée, des résultats positifs avaient été enregistrés. Se référant à la faiblesse des effectifs scolaires dans l'enseignement technique et professionnel et des effectifs féminins en particulier, le représentant a dit qu'il ne pouvait donner aucun chiffre parce qu'il ne disposait d'aucune statistique. Il a fait observer que les femmes pouvaient s'inscrire dans les établissements d'enseignement technique et professionnel, mais qu'elles suivaient généralement des cours de couture et d'artisanat et non des cours dans d'autres disciplines.

Article 11

229. A propos du taux de chômage au Yémen, le représentant a indiqué qu'il n'avait pas d'information exacte à communiquer, mais qu'il supposait que ce taux était élevé, en particulier depuis la guerre du Golfe, avec le retour au Yémen d'environ un million de travailleurs et l'afflux de réfugiés de pays limitrophes. Il ne pouvait indiquer le pourcentage de femmes au chômage, mais il supposait qu'il était encore plus élevé que celui des hommes. Il a fait observer que les programmes d'enseignement et la fusion du secteur public consécutive à la réunification étaient onéreux et que la guerre avait été très préjudiciable à la situation économique.

230. Une question a été posée sur le faible taux d'activité des femmes et sur les mesures prises par le Gouvernement pour encourager les femmes à entrer sur le marché du travail. Le représentant a répondu que le Gouvernement s'employait, à la faveur de l'amélioration de l'éducation, à accroître le rôle des femmes dans le développement.

Article 12

231. Se référant à l'expansion des services de vaccination, les membres du Comité ont demandé si ces services étaient disponibles aussi en milieu rural. Le représentant a répondu que l'Etat ne faisait aucune distinction entre la ville et la campagne : les services de santé s'adressaient à l'ensemble du pays.

232. S'agissant du taux effectif de mortalité maternelle, des principales causes de la mortalité féminine et de l'existence de pratiques d'accouchement traditionnelles, le représentant a déclaré qu'il ne disposait d'aucune statistique, mais que la mortalité maternelle avait plusieurs causes, par exemple l'ignorance de l'hygiène, les maladies en général et la malnutrition.

233. Le Comité a demandé si les méthodes de planification de la famille s'étaient avérées efficaces et si le Gouvernement consacrait suffisamment de temps, d'énergie et de ressources à la promotion de la planification de la famille et de l'espacement des naissances, vu les risques très graves que le taux de natalité élevé faisait peser sur la santé des femmes. Certains membres ont demandé si les services en question étaient utilisés et quelles étaient les méthodes de planification de la famille disponibles et effectivement employées. Le représentant a répondu que le Gouvernement s'intéressait de près à cette question et qu'il s'employait à sensibiliser l'opinion publique à la faveur de diverses campagnes et dans le cadre de l'enseignement général. Il a noté que de bons résultats avaient été enregistrés par rapport aux années précédentes, en dépit du fait que la décision définitive revenait aux intéressés eux-mêmes et que le Gouvernement ne saurait les forcer à adopter tel ou tel comportement. Le taux de fécondité élevé tenait à la coutume du pays. Nombreux étaient ceux qui estimaient que la religion interdisait le recours aux méthodes contraceptives, et les pères en général voulaient avoir au moins un fils.

234. Quant à l'incidence du Sida et à la question de savoir si le Gouvernement prenait des mesures d'éducation et de prévention, le représentant a indiqué qu'il existait quelques cas de Sida, mais que les ressources gouvernementales étaient limitées. Le Gouvernement s'efforçait de sensibiliser l'opinion publique et menait des campagnes d'information sur le virus de l'immunodéficience humaine.

235. Interrogé sur l'âge de la retraite pour les femmes, qui était de 10 ans inférieur à celui des hommes, le représentant a dit que cette règle était quasiment universelle et qu'elle n'était pas discriminatoire à l'encontre des femmes : en fait, elle leur était favorable.

Article 13

236. Notant que les prêts bancaires ne pouvaient être obtenus qu'à la condition que l'emprunteur fût un fonctionnaire ou un agent d'une institution publique, le Comité a considéré que pareille condition empêchait les femmes de solliciter des emprunts auprès des banques. Interrogé sur la question de savoir si la même condition s'appliquait dans les zones rurales et si des emprunts pouvaient être obtenus pour financer une entreprise commerciale, le représentant a répondu que des prêts publics pouvaient être octroyés pour une exploitation agricole, le logement ou l'installation d'une usine, mais qu'ils étaient d'un montant limité. La condition susmentionnée relative à la qualité de l'emprunteur avait pour objet de garantir le remboursement du prêt.

Article 14

237. Des membres du Comité ayant demandé si les femmes rurales pouvaient bénéficier, à égalité avec les hommes, des services de santé, notamment en matière d'information, de conseils, de soins pré et postnataux, et quelles étaient les conditions de vie dans les zones rurales, par exemple en ce qui concerne les transports, les communications et les installations sanitaires, le représentant a répondu que les femmes pouvaient accéder au même titre que les hommes, et même parfois dans de meilleures conditions, aux services de santé. Toutefois, le Gouvernement ne disposait pas de ressources très importantes pour créer des centres de soins dans les villages. S'agissant des conditions de vie rurales, il essayait d'étendre le réseau téléphonique à chaque village ou du moins à chaque district.

238. En ce qui concerne les raisons à l'origine du nombre insuffisant d'écoles dans les zones rurales, le représentant a déclaré que le Gouvernement essayait de mettre sur pied une école primaire dans chaque village ou du moins dans chaque district. Le chemin à parcourir de la maison à l'école était souvent long et difficile pour les jeunes enfants.

239. A la question de savoir pourquoi ce sont les femmes qui sont chargées de l'approvisionnement du foyer en eau, alors que cela constitue un risque très net pour leur santé, le représentant a répondu en soulignant le sens aigu qu'elles avaient de leurs responsabilités. Elles devaient parfois aller chercher l'eau potable très loin de leur domicile, mais les femmes yéménites considéraient que cela faisait partie de la vie quotidienne. Quelquefois, les hommes participaient eux aussi au transport de l'eau.

240. En ce qui concerne l'égalité de droit à la propriété et à l'héritage des terres, le représentant a dit que, selon la Chari'a, les hommes héritaient d'un montant deux fois plus élevé. Le Gouvernement ne pouvait rien changer à cela. Toutefois, les femmes jouissaient de l'égalité de droit lorsqu'il s'agissait de l'héritage de leur père. Se référant à l'expérience des différents pays, les membres du Comité ont proposé d'autres options conformes à la Chari'a, qui permettraient aux parents de traiter tous leurs enfants sur un pied d'égalité. La loi islamique ne permettant pas d'établir de testament, les parents pourraient faire de leur vivant des donations à leurs enfants afin que ces derniers aient tous droits à une part égale de l'héritage. Le représentant a fait observer que des explications devaient être fournies par écrit si les parents voulaient faire don d'une partie de leurs biens à leur fille ou à leur fils. Il n'a été apporté aucune réponse à la question relative au pourcentage de femmes qui sont propriétaires foncières au Yémen.

241. Le Comité a demandé des précisions sur les mesures prises par le Gouvernement pour améliorer la condition de la femme dans les zones rurales. Le représentant a dit que l'Etat assurait des activités d'éducation, dont des campagnes d'alphabétisation et de formation, par exemple dans le domaine de l'artisanat.

Article 15

242. En ce qui concerne la capacité juridique des femmes dans les instances judiciaires, le représentant a déclaré que les femmes pouvaient intenter des procès en justice en leur propre nom et devenir juge. Elles pouvaient contribuer à la défense de leurs droits et à l'instauration de l'égalité.

Article 16

243. Le Comité a demandé des précisions sur le phénomène de la polygamie au Yémen, ainsi que sur les changements importants survenus récemment dans la législation relative à la famille. Le représentant a dit qu'après l'unification du Yémen, le Gouvernement avait été amené à revoir sa politique à ce sujet. La polygamie était autorisée dans certaines conditions. Le représentant a rappelé que la Chari'a était la principale source de droit à laquelle le Gouvernement devait se soumettre. Ce dernier n'encourageait pas la polygamie et pouvait tout au plus déterminer les conditions auxquelles elle serait tolérée. On constatait que lorsque la situation économique s'améliorait, les parents se souciaient davantage d'assurer une bonne éducation à leurs enfants. Dans les milieux les plus éclairés, la polygamie était moins fréquente et chez les jeunes surtout ce phénomène était en voie de régression. L'éducation jouait par conséquent, dans ce domaine, un rôle prépondérant. Mais ce n'était pas là une tâche aisée, puisqu'au Yémen en particulier, le taux d'analphabétisation était très élevé.

Observations finales

244. Le Comité a attiré l'attention des organisations non gouvernementales et des gouvernements sur la situation financière difficile qui limite les activités de deux organismes des Nations Unies, à savoir le Fonds de développement des Nations Unies pour la femme (UNIFEM) et le Fonds international de développement agricole (FIDA). Dans de nombreux pays en développement, les activités menées par ces organismes avaient déjà donné de bons résultats en ce qui concerne l'instauration de l'égalité des deux sexes, en particulier au niveau des communautés locales. Les experts et autres participants ont été invités à exercer des pressions sur leurs gouvernements pour qu'ils accroissent leurs contributions à ces deux organismes des Nations Unies.

245. Le Comité a souligné la nécessité de disposer de statistiques, et notamment de données ventilées par sexe, afin de se faire une idée précise de la situation réelle des femmes dans le pays et de pouvoir ainsi disposer d'une base de référence pour la planification. Le Gouvernement du Yémen a été prié d'accorder à l'éducation une place prioritaire, en particulier à celle des jeunes femmes. Le Comité a proposé que le Gouvernement inclue une dimension féminine dans ses demandes concernant des programmes d'aide extérieure en particulier, compte tenu du fait que ces programmes comptaient parfois une dimension féminine. En outre, les membres du Comité ont fait observer qu'il ne fallait pas porter atteinte au droit de participation des personnes analphabètes.

246. Le Comité a émis le voeu que le Gouvernement, compte tenu des réformes déjà engagées dans le pays, examine ses traditions culturelles et historiques en vue d'assurer la pleine égalité des hommes et des femmes. Il a été souligné que le progrès économique, social et culturel dépendait toujours des progrès réalisés dans le domaine des droits des femmes.



Page Principale || Traités || Recherche || Liens