University of Minnesota



Observations finales du Comité sur l
'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Venezuela, U.N. Doc. A/52/38/Rev.1,paras.207-247 (1997).




Comité sur l'élimination de la
discrimination à l'égard des femmes

Venezuela

207. Le Comité a examiné le troisième rapport périodique du Venezuela (CEDAW/C/VEN/3) à ses 323e et 324e réunions, le 22 janvier 1997 (voir CEDAW/C/SR.323 et 324).

208. La représentante du Venezuela a précisé que le troisième rapport périodique, qui avait été établi après la constitution du gouvernement actuel, en 1994, rendait compte de l'application de la Convention entre 1989 et 1995.

209. La représentante a souligné que le troisième rapport périodique donnait une vue d'ensemble des progrès réalisés par les femmes dans l'application de la Convention pendant la période susmentionnée. Elle a toutefois souligné que ce rapport ne tenait pas compte du neuvième plan national élaboré par le Gouvernement, qui garantissait l'égalité des chances des hommes et des femmes dans tous les domaines de la vie publique, prévoyait l'inclusion d'une perspective sexospécifique et visait à atteindre pleinement l'objectif d'une démocratie authentique.

210. La représentante a indiqué que l'établissement du rapport avait fourni au Gouvernement vénézuélien l'occasion d'évaluer les progrès réalisés dans l'application de la Convention. Elle a également pris acte de la contribution du Comité au suivi du Programme d'action de Beijing et a exprimé l'espoir que les critiques formulées par le Comité contribueraient à améliorer l'action du Gouvernement.

211. La représentante a précisé que le Venezuela, comme les autres pays d'Amérique latine, connaissait des transformations sociales, politiques, économiques et culturelles qui avaient de profondes répercussions sur la société, et plus particulièrement sur les femmes dont les revenus et les aides traditionnelles se sont effrités alors que leurs responsabilités allaient croissant. Elle a toutefois fait observer que la crise économique et politique des années 80 et du début des années 90 avait contraint les femmes à exiger une participation accrue dans la société et dans l'État. C'était dans ce contexte que de nouveaux acteurs étaient apparus sur la scène sociale, et principalement les femmes, pour demander une "participation représentative".

212. La représentante a souligné que le Venezuela avait l'un des taux de croissance démographique les plus élevés d'Amérique latine et que le pays avait été touché par la fin du "modèle de développement de l'économie fondé sur la rente pétrolière", ce qui était à l'origine de tendances inflationnistes et était préjudiciable aux conditions de vie de la population, et notamment des femmes chefs de famille. Elle a rappelé que le plan du Venezuela avait été mis en place pour atténuer à court terme les effets des programmes d'ajustement structurel sur les segments les plus vulnérables de la population.

213. La représentante a donné un aperçu des principaux résultats obtenus jusque-là en matière d'égalité entre les hommes et les femmes. Elle a rendu compte de plusieurs instruments législatifs, en particulier de la loi sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes, de la loi sur l'égalité des droits et des responsabilités des époux, du principe de solidarité et de partage des responsabilités au sein de la famille, et enfin du droit pour les mères adolescentes de poursuivre leurs études. En outre, elle a indiqué que le Conseil national de la femme était l'organisme chargé de veiller à la mise en oeuvre des réformes juridiques et des stratégies définies dans le Programme d'action de Beijing.

214. La représentante a précisé qu'en dépit des progrès énumérés plus haut, une place insuffisante était accordée à l'accès des femmes à la formation et à l'alphabétisme et aux programmes de démarginalisation; par ailleurs, l'amélioration de la condition de la femme continuait de se heurter à des stéréotypes tenaces, que l'on retrouvait souvent dans les manuels pédagogiques et dans les attitudes culturelles. Elle a aussi informé le Comité que des inégalités économiques subsistaient, surtout dans le domaine de l'emploi, où les femmes occupaient un rang inférieur à celui des hommes par leurs fonctions et leur rémunération. En outre, les femmes demeuraient marginalisées en matière de ressources et leur participation à la vie politique était assez limitée par suite de la réticence des partis politiques à appliquer des quotas.

215. La représentante a insisté sur les mesures à prendre à court terme, parmi lesquelles figurait la révision de la loi sur l'égalité des chances, qui devrait aboutir à la création d'un institut national des femmes.

216. La représentante a regretté que la procédure suivie par le Comité pour l'examen des rapports périodiques, qui laissait peu de temps aux gouvernements pour répondre à des questions écrites, ne leur permettait pas de procéder à une analyse approfondie et de fournir des réponses satisfaisantes. Elle a conclu en soulignant que les procédures suivies par le Comité ne devraient pas soumettre un État partie à des pressions excessives.

Conclusions du Comité

Introduction

217. Le Venezuela a présenté un rapport pour la période allant de 1989 à 1995. Le Comité a remercié la représentante du Venezuela de la franchise avec laquelle elle avait exposé la situation socio-économique et politique de la femme dans ce pays et la manière dont le Gouvernement s'était efforcé d'appliquer la Convention.

218. Le Comité a noté que le rapport n'avait pas été rédigé conformément aux directives données par le Comité et ne fournissait pas de statistiques au sujet des questions visées par chacun des articles de la Convention. Le rapport ne contenait pas non plus une description détaillée et concrète des politiques et des programmes adoptés et de leurs effets face aux besoins de facto des femmes vénézuéliennes au regard des objectifs de la Convention.

219. Cela étant, le rapport contenait néanmoins beaucoup de renseignements sur la situation de jure des femmes au Venezuela, renseignements qui ont été rappelés, et parfois complétés, dans la présentation verbale. Le Comité a remercié la représentante d'avoir répondu à la plupart des questions qui avaient été adressées au Gouvernement, soit 74 au total, et il a déclaré comprendre la difficulté qu'elle avait signalée, à savoir l'impossibilité d'y répondre de manière plus précise et avec des statistiques actualisées dans les délais disponibles.

Facteurs et difficultés affectant l'application de la Convention

220. La pauvreté qui sévissait dans le pays était à n'en pas douter l'obstacle majeur à l'application de la Convention au Venezuela : 77 % de la population dans les zones urbaines et 75 % de la population dans les zones rurales vivaient en effet dans des conditions de pauvreté extrême. Le problème apparaissait encore plus aigu si l'on considérait que 83,99 % de la population avait émigré vers les zones urbaines, la population des zones rurales ne dépassant pas 16,01 %, et que la proportion des femmes était plus élevée que celle des hommes dans la population migrante dont l'âge était compris entre 25 et 44 ans.

221. Un autre problème grave était désigné dans le pays comme "la fin du modèle de développement de l'économie vénézuélienne fondé sur la rente pétrolière", qui avait obligé le Gouvernement à prendre des mesures économiques pour lutter contre l'inflation et redresser l'équilibre budgétaire au détriment des investissements à caractère social, dont la réduction sensible avait principalement touché les secteurs les plus vulnérables de la population, et notamment les femmes. Il en était résulté le phénomène dit de "féminisation de la pauvreté".

222. Malgré la mise en oeuvre d'un "plan de lutte contre la pauvreté" destiné à atténuer les conséquences sociales de l'ajustement, mais qui n'avait pas donné de résultats très probants, comme l'avait montré le rapport, le pays n'avait pas réussi à redresser et à équilibrer son économie.

223. Cette situation économique avait encore été aggravée par la persistance de structures patriarcales profondément enracinées ainsi que de notions stéréotypées et de préjugés contre les femmes dans la conscience sociale de la population, structures qui se trouvaient renforcées par une législation qu'il n'a pas été possible de réviser (la proposition de réforme du Code pénal remonte à 1985, par exemple) malgré les efforts méritoires réalisés par divers organismes gouvernementaux et non gouvernementaux.

224. La discontinuité des politiques et des programmes en faveur des femmes, mis en oeuvre par le Gouvernement et donc des principes, des méthodes et des mécanismes utilisés pour venir à bout des problèmes et assurer le respect de la Convention d'une manière cohérente et stable, avait été une autre source de difficultés dans la mise en oeuvre de la Convention.

225. Parallèlement, le pouvoir législatif avait eu du mal à faire adopter des projets de loi destinés à lutter contre la discrimination à l'égard des femmes.

226. Le mécanisme national chargé de faire respecter la Convention, à savoir le Conseil national de la femme, ne paraissait avoir ni les ressources, ni le pouvoir de décision ni enfin l'énergie nécessaire pour introduire une perspective sexospécifique dans les divers domaines d'influence du Gouvernement vénézuélien.

Aspects positifs

227. Il a été pris note avec satisfaction du projet de réforme du Code pénal et du projet de loi contre la violence à l'égard des femmes.

228. Le projet de loi sur l'égalité des chances, qui prévoyait la création de l'Institut national de la femme et d'un Office national de défense des droits de la femme, était une initiative très positive.

229. Le fait qu'il ait été tenu compte des problèmes concernant les femmes dans le huitième Plan national et qu'un Plan national en faveur de la femme ait été adopté constituait un acquis important.

230. La promulgation de la loi garantissant aux adolescentes enceintes le droit d'achever leurs études et interdisant de les expulser de leur établissement d'enseignement était une grande réussite.

231. Le fait que le Conseil national de la femme associe les organisations non gouvernementales à ses travaux et que sept réseaux nationaux de promotion de la femme aient été créés est extrêmement positif et représente un grand progrès.

Principaux sujets de préoccupation

232. Il était extrêmement préoccupant, non seulement que le peuple vénézuélien vive dans la pauvreté, mais encore qu'il n'existe pas de politiques et programmes de défense des intérêts des femmes au niveau local et que les projets de loi visant à répondre aux besoins de ces dernières aient du mal à être adoptés.

233. Il était également préoccupant que le pays n'ait pas véritablement progressé dans l'application de la Convention et qu'en dépit de ses efforts, il n'ait pas encore apporté de réponse concrète à des problèmes comme la violence domestique, la prostitution, les grossesses précoces, l'analphabétisme, la discrimination en matière de salaire, le fait qu'un pourcentage élevé de femmes perçoivent un salaire inférieur au salaire minimum et l'élimination des stéréotypes.

234. Le Comité a trouvé préoccupant que le Venezuela n'ait pas opéré les changements nécessaires dans son système juridique et qu'il continue de renforcer des schémas de comportement patriarcaux.

235. De même, le Venezuela n'était pas non plus parvenu à mettre en place un programme national d'application du programme d'action adopté par la quatrième Conférence mondiale des Nations Unies sur les femmes, tenue à Beijing en septembre 1995, et de stratégies aussi prioritaires et urgentes que celle visant à éliminer la pauvreté, par exemple.

236. La réduction des dépenses de santé, l'augmentation du taux de mortalité maternelle, l'insuffisance et la faible accessibilité des programmes de planification familiale (en particulier ceux destinés aux adolescentes), l'absence de statistiques concernant le sida et la difficulté pour les femmes d'accéder aux services de santé publique ne laissent pas non plus d'être préoccupants, sans compter que la législation pénalisant l'avortement a été maintenue, même en cas d'inceste ou de viol.

237. Il était également inquiétant que la compression des effectifs de la fonction publique ait eu pour effet de priver des femmes de leur emploi et, surtout, que ces femmes soient désormais contraintes de chercher du travail sur le marché informel et de vendre des services mal rémunérés.

238. Le fait que l'État n'ait pas alloué de crédits aux programmes sociaux à titre prioritaires était aussi très préoccupant.

239. Le Comité a jugé préoccupant qu'au Venezuela, les hommes aient le droit de faire adopter leur nationalité à leur conjointe au moment du mariage, mais que les femmes ne puissent conférer leur nationalité à leur mari. Cela était contraire aux dispositions de l'article 9 de la Convention.

Suggestions et recommandations

240. Le Comité a recommandé la mise en oeuvre de programmes de lutte contre la pauvreté, qui touchait particulièrement les femmes.

241. Le Comité a espéré que la réforme du Code pénal et le projet de loi contre la violence à l'égard des femmes seraient adoptés rapidement et que l'article de la loi sur la citoyenneté qui était contraire à la Convention serait abrogé.

242. Le Comité a insisté sur la nécessité de mettre en oeuvre les engagements énoncés dans le Programme d'action de Beijing.

243. Le Comité a souligné la nécessité de politiques et de programmes propres à ralentir l'augmentation du taux de mortalité maternelle ainsi que de programmes de planification familiale axés plus particulièrement sur les adolescentes, dans les zones urbaines comme dans les zones rurales.

244. Le Comité a encouragé la création, dans de brefs délais, de dispositifs nationaux bien intégrés dans le système politique et dotés des ressources humaines et financières nécessaires.

245. Le Comité a préconisé la mise en oeuvre, à l'aide des médias et de tous les moyens possibles, d'une action ambitieuse s'adressant à l'ensemble de la population et tendant à combattre les stéréotypes.

246. Le Comité a également recommandé que le Gouvernement s'attache à resserrer l'écart des salaires entre hommes et femmes selon le principe d'une rémunération égale pour un travail égal.

247. Le Comité a demandé au Gouvernement vénézuélien de traiter des problèmes soulevés dans les présentes observations dans son prochain rapport, et notamment de suivre ses directives quant à la présentation à adopter. Ledit rapport devrait également contenir des informations sur la mise en oeuvre des recommandations générales du Comité et sur les mesures prises en application du Programme d'action de Beijing. Le Comité a demandé au Gouvernement de fournir des données statistiques par sexe dans tous les domaines abordés par la Convention dans son rapport. Enfin, il lui a demandé de diffuser largement les présentes conclusions dans l'ensemble du pays.



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