University of Minnesota



Deuxième et troisième rapports périodiques combinés, Uruguay, U.N. Doc. CEDAW/C/2002/I/CRP.3/Add.6 (2002).





Comité pour l'élimination de la discrimination
à l'égard des femmes
Vingt-sixième session
14 janvier-1er février 2002
Projet de rapport

Rapporteur : Mme Rosalyn Hazelle

Examen des rapports des États parties


Uruguay

Deuxième et troisième rapports périodiques combinés
1. Le Comité a examiné les deuxième et troisième rapports périodiques combinés de l'Uruguay (CEDAW/C/URY/2-3) à ses 541e et 542e sessions, le 24 janvier 2002 (voir CEDAW/C/SR.541 et 542).


I. Présentation par l'État partie


2. La représentante de l'Uruguay a dit que son gouvernement avait eu l'intention de dépêcher un spécialiste des questions d'égalité entre les sexes, mais qu'il avait dû y renoncer en raison des restrictions budgétaires liées aux problèmes économiques et financiers du pays.

3. La représentante a précisé que depuis la présentation du rapport initial en 1985, on pouvait constater une évolution constante; les droits de la femme étaient par ailleurs de mieux en mieux défendus.

4. Au niveau gouvernemental, la représentante a fait état des progrès accomplis dans différents domaines et a notamment cité la création de l'Institut national de la famille et de la femme et de la Commission des droits de la femme chargée d'appuyer les activités de l'Institut, la Commission tripartite pour l'égalité des chances et de traitement devant l'emploi, la Commission interministérielle chargée de mettre au point et de faire appliquer des politiques en vue de lutter contre la violence familiale, l'adoption de principes destinés à protéger les employées du secteur public et du secteur privé enceintes ou allaitant leurs enfants et à interdire leur licenciement, plusieurs initiatives visant à améliorer l'information en matière de santé et à renforcer les programmes de contrôle des grossesses parmi les adolescentes, des programmes de lutte contre les maladies sexuellement transmissibles, y compris le VIH/sida, et des programmes de prévention du cancer.

5. Outre la création de la Commission des droits de la femme et de la Commission de l'égalité entre les sexes, la représentante de l'Uruguay a précisé que plusieurs initiatives parlementaires avaient vu le jour ces dernières années en vue de promouvoir les droits de la femme.

6. La représentante a appelé l'attention sur les initiatives prises par la municipalité de Montevideo, laquelle a notamment créé une Commission de la condition féminine, initiative qui a fait des émules dans le reste du pays.

7. Elle a également souligné que si certaines questions étaient encore sans réponse, on était fondé à croire que le débat très fructueux qui s'était ouvert ne manquerait pas de déboucher sur des résultats concrets. Elle a par exemple fait référence à la création d'un poste de médiateur ou de défenseur du peuple et à l'avortement, et a précisé que les législateurs examinaient plusieurs propositions en la matière.

8. Sur le plan international, la représentante a fait état des progrès accomplis, citant entre autres la ratification d'instruments juridiques tels que la Convention interaméricaine pour la prévention, la sanction et l'élimination de la violence contre la femme en 1996 et le Protocole facultatif à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes en 2001.

9. La représentante a déploré la modestie des progrès accomplis. Plusieurs obstacles, notamment la pénurie de ressources, ont entravé la réalisation des initiatives projetées. De ce fait, l'action des organisations internationales et des organisations non gouvernementales internationales et nationales prend un relief particulier, notamment pour ce qui est des questions concernant les femmes. Sans elle, bien des avancées obtenues n'auraient été qu'éphémères. La représentante a ainsi appelé l'attention sur les initiatives visant à lutter contre la violence familiale, lesquelles ont pris la forme d'une ligne téléphonique nationale ouverte aux victimes, de centres d'hébergement et d'études, enquêtes et analyses entreprises par les organisations non gouvernementales dont les résultats ont permis de disposer de données factuelles pour prendre la mesure de certaines situations (la situation des minorités ethniques, par exemple) et d'adopter des mesures correctives, facilitant ainsi la tâche de l'État.

10. En dernier lieu, la représentante a déclaré que s'il restait encore beaucoup à faire, la dynamique en faveur de l'égalité des hommes et des femmes s'imposait de plus en plus en droit et en pratique.

II. Conclusions du Comité


Introduction


11. Le Comité sait gré au Gouvernement uruguayen de ses deuxième et troisième rapports périodiques. Il déplore cependant qu'ils n'aient pas été élaborés conformément aux directives existantes et qu'ils ne contiennent pas d'information sur l'application du Programme d'action ni sur les mesures prises par le Gouvernement pour tenir compte des recommandations générales du Comité.

12. Le Comité remercie la délégation et fait bon accueil à l'exposé de la représentante permanente adjointe. Il regrette toutefois le caractère trop descriptif et général du rapport et du débat, qui ne lui permet pas de se forger une idée précise du statut juridique et social des femmes en Uruguay ni des progrès accomplis dans l'application de la Convention depuis la présentation en 1985 du rapport initial.


Aspects positifs


13. Le Comité félicite le Gouvernement d'avoir ratifié rapidement le Protocole facultatif à la Convention.

14. Se référant notamment au droit de protection, le Comité prend acte du fait que la Constitution garantit la protection des droits des hommes et des femmes, en tant qu'individus et en tant que groupes.

15. Le Comité se félicite du haut niveau d'instruction atteint par les Uruguayennes et de leur forte participation à la vie active, notamment dans la magistrature.

16. Le Comité souligne l'importance que revêt le Programme national en faveur des femmes, mis sur pied le 8 mars 1995, en tant que mécanisme national conçu pour encourager les initiatives visant à améliorer la condition de la femme. Il accueille avec satisfaction les mesures prises par le Gouvernement uruguayen pour appliquer la Convention au moyen d'un certain nombre de programmes et prend acte du fait que le Gouvernement a approuvé le Programme d'action sans réserve.

17. Le Comité note avec satisfaction que la loi sur la sécurité des citoyens érige en infraction la violence familiale et que l'Uruguay a signé la Convention interaméricaine pour la prévention, la sanction et l'élimination de la violence contre la femme (Convention de Belém do Pará).

18. Le Comité accueille avec intérêt la décision du Gouvernement d'encourager la participation des organisations non gouvernementales féminines aux programmes visant à faire appliquer la Convention.


Obstacles à l'application de la Convention


19. Le Comité constate que la persistance des idées préconçues quant aux rôles respectifs des hommes et des femmes entrave l'application effective de la Convention.


Principaux sujets de préoccupation et recommandations


20. Bien qu'ayant pris note de la loi 16.045 de juin 1989 dont l'article premier interdit toute discrimination qui enfreint le principe d'égalité de traitement entre les sexes quel que soit le secteur ou la branche d'activité considéré, le Comité se déclare préoccupé par l'absence de définition concernant la discrimination à l'égard des femmes. Il constate par ailleurs que la notion de discrimination fondée sur le sexe n'est pas non plus définie dans la Constitution.

21. Le Comité recommande l'ajout d'une définition de la discrimination à l'égard des femmes dans la Constitution et autres textes juridiques, qui corresponde à celle figurant à l'article premier de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. La définition devra être formulée de telle sorte que les tribunaux pourront l'appliquer aisément aux cas de discrimination fondée sur le sexe.

22. Le Comité constate avec inquiétude que l'Institut national de la famille et de la femme, censé être le mécanisme national pour l'avancement de la femme, n'a en réalité aucun pouvoir pour proposer et faire appliquer des mesures normatives visant à l'élimination de la discrimination. Il lui semble préoccupant que l'Institut soit tributaire du Ministère de l'éducation et de la culture et qu'il ne dispose pas de ressources financières et humaines suffisantes.

23. Le Comité recommande au Gouvernement de définir clairement les mandats des différentes institutions et commissions et les liens qui les unissent les unes aux autres. Il encourage le Gouvernement à réorganiser le mécanisme national et à lui attribuer les moyens humains et financiers nécessaires à une application effective des politiques et programmes gouvernementaux relatifs à l'égalité entre les sexes. Il préconise l'adoption immédiate d'un plan d'égalité des chances qui donne une assise solide au Programme national en faveur des femmes. Il invite par ailleurs le Gouvernement à adopter une démarche soucieuse d'équité entre les sexes dans l'ensemble des ministères. De même, il encourage le Gouvernement à incorporer une perspective sexospécifique dans tous les ministères.

24. Le Comité se déclare préoccupé par la persistance des stéréotypes relatifs au rôle de la femme dans la famille et dans la société, et par des attitudes et des comportements profondément enracinés concernant la supériorité des hommes dans de nombreux domaines de la vie publique et privée. Le Comité est préoccupé par le fait que le peu d'importance accordée par le Gouvernement à ce problème contribue à la persistance de ces stéréotypes, ce qui entrave la pleine application de la Convention.

25. Le Comité exhorte le Gouvernement à adopter des mesures visant à éliminer les stéréotypes dans la société uruguayenne. En particulier, le Comité prie instamment le Gouvernement de déployer des efforts pour accroître la participation des femmes dans tous les domaines et à la prise de décisions, et pour faire en sorte que les hommes participent aux tâches du ménage. Le Comité demande au Gouvernement de renforcer ses programmes de sensibilisation et d'adopter des mesures visant à modifier les attitudes et les perceptions stéréotypées concernant les fonctions et les responsabilités des femmes et des hommes.

26. Le Comité se déclare préoccupé par le fait que, même s'il y a eu certains efforts dans ce domaine, on n'accorde pas une attention complète à la prévention et à l'élimination de la violence à l'égard des femmes, et en particulier à la violence dans la famille, aux délits commis pour des motifs d'honneur ou à la condamnation des auteurs. Le Comité note que, malgré les mesures législatives adoptées dans le cadre de la loi relative à la sécurité des citoyens, la violence à l'égard des femmes, et en particulier la violence dans la famille, continue à être un grave problème auquel doit faire face la société uruguayenne.

27. Le Comité exhorte le Gouvernement à effectuer une enquête nationale sur l'étendue du problème de la violence à l'égard des femmes. En outre, il demande au Gouvernement d'évaluer les répercussions des mesures actuelles pour faire face aux différentes formes de violence à l'égard des femmes, ainsi que d'adopter rapidement la loi contre la violence dans la famille. Il recommande que l'on tienne compte des causes profondes de la violence à l'égard des femmes, et en particulier qu'on mène des enquêtes sur la violence dans la famille, afin d'améliorer l'efficacité de la législation, des politiques et des programmes visant à lutter contre cette forme de violence. Il recommande également au Gouvernement de poursuivre les programmes de formation et de sensibilisation destinés au pouvoir judiciaire, aux fonctionnaires chargés de l'application des lois et aux membres des professions juridiques et sanitaires, ainsi que les mesures de sensibilisation visant à ne plus tolérer au sein de la société aucune forme de violence à l'égard des femmes. Le Comité encourage le Gouvernement à renforcer sa collaboration avec la société civile et les organisations non gouvernementales dans le domaine de la violence à l'égard des femmes grâce à l'ouverture de crédits budgétaires d'un niveau correspondant au rang de priorité accordé à la lutte contre ce type de violence.

28. Le Comité exprime sa préoccupation au sujet de la persistance, dans le Code pénal actuel, de diverses dispositions discriminatoires à l'égard des femmes, telles que les articles 116 et 328 concernant, respectivement, le mariage de l'auteur d'un viol avec la victime et les circonstances atténuantes en cas d'avortement.

29. Le Comité exhorte le Gouvernement à s'efforcer d'abroger à titre prioritaire les dispositions du Code pénal susmentionnées afin d'aligner le Code avec les dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, de ses recommandations générales et de la Convention interaméricaine pour prévenir, sanctionner et éliminer la violence à l'égard des femmes.

30. Le Comité fait observer que, malgré le haut niveau d'éducation des femmes en Uruguay et le taux élevé de leur participation au monde du travail, cela ne se traduit pas par une situation équivalente sur le marché du travail, surtout en ce qui concerne les salaires dans le secteur privé. En outre, le Comité est préoccupé par la proportion élevée de femmes qui travaillent dans le secteur des services, et en particulier des services domestiques, traditionnellement mal rémunérés.

31. Le Comité recommande au Gouvernement de s'efforcer, aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé, de faire respecter strictement la législation du travail et de prendre des mesures visant à éliminer la discrimination en matière d'emploi, de pensions et de salaires différentiels dans le secteur privé. Il faut également inciter les femmes à être présentes dans des secteurs considérés comme traditionnellement masculins.

32. Le Comité se déclare préoccupé par le faible niveau de participation des femmes à la vie politique et à l'administration publique, en particulier dans les postes de responsabilité.

33. Le Comité exhorte le Gouvernement à adopter des mesures et à appliquer de vastes stratégies, et notamment des mesures spéciales limitées dans le temps, conformément au paragraphe 1 de l'article 4 de la Convention, en vue de faciliter une plus grande participation des femmes à la vie publique, en particulier au processus de prise de décisions, et de promouvoir le changement des attitudes et des perceptions, aussi bien chez les femmes que chez les hommes, en ce qui concerne leurs rôles respectifs dans le ménage, la famille, le travail et la société dans son ensemble. En particulier, le Comité recommande au Gouvernement de tenir compte des recommandations générales 21 et 23 relatives à l'égalité dans le mariage, les relations familiales et la vie publique, de renforcer et d'intensifier les mesures de sensibilisation à l'importance du rôle, des activités et des multiples contributions des femmes au sein de la collectivité et de la famille, et de promouvoir en général l'égalité de droits et d'opportunités entre les femmes et les hommes.

34. Le Comité note avec préoccupation le taux élevé de grossesses parmi les adolescentes et, en particulier, qu'un nombre élevé d'entre elles sont dans les premières années de leur adolescence.

35. Le Comité recommande au Gouvernement d'examiner à titre prioritaire la situation de la population adolescente et exhorte le Gouvernement à adopter des mesures afin de fournir des services efficaces de santé en matière de procréation et d'hygiène sexuelle et d'accorder une attention aux besoins d'information des adolescents, notamment grâce à l'application de programmes et de politiques visant à améliorer les connaissances concernant les différents types de contraceptifs et leur disponibilité, étant entendu que la planification familiale est une responsabilité qui incombe aux deux membres du couple. Le Comité demande instamment au Gouvernement de réviser sa législation concernant l'interruption de grossesse. Le Comité demande que le prochain rapport fournisse des informations sur les effets des programmes visant à limiter et prévenir les grossesses parmi les adolescentes.

36. Le Comité se déclare préoccupé par la persistance de normes discriminatoires à l'égard des femmes dans le Code civil.

37. Le Comité exhorte le Gouvernement à promouvoir activement l'élimination des dispositions juridiques discriminatoires qui subsistent, en particulier dans le Code civil en ce qui concerne la famille, et à rendre la législation uruguayenne compatible avec la Convention.

38. Le Comité est préoccupé par le fait que les femmes uruguayennes utilisent rarement les recours judiciaires existants pour la protection et la jouissance de leurs droits, y compris le recours d'amparo.

39. Le Comité suggère que, dans son prochain rapport, l'Uruguay fournisse des informations plus détaillées sur les mécanismes et procédures qui existent pour que les femmes puissent faire appel judiciairement sur la base de la Convention et du Protocole facultatif, et pour les informer de leurs droits économiques, politiques, civils et culturels. Le Comité recommande qu'on établisse des programmes d'éducation sur les dispositions de la Convention et du Protocole facultatif et les droits des femmes à l'intention du personnel judiciaire, des fonctionnaires chargés de faire appliquer les lois, des avocats chargés d'appliquer la législation et d'autres personnes. Le Comité recommande également l'adoption de mesures supplémentaires afin d'accroître le nombre de femmes aux niveaux les plus élevés du pouvoir judiciaire et des organismes chargés de l'application des lois.

40. Le Comité prie le Gouvernement d'accepter le plus rapidement possible l'amendement au paragraphe 1 de l'article 20 de la Convention relatif à la durée des réunions du Comité.

41. Le Comité demande au Gouvernement de répondre aux préoccupations exprimées dans les présentes observations finales dans son prochain rapport périodique, conformément à l'article 18 de la Convention. En outre, il demande au Gouvernement uruguayen d'élaborer ses quatrième et cinquième rapports conformément aux directives du Comité et de fournir des informations suffisantes et fondées sur des données, qui permettent de se rendre compte non seulement de la situation juridique des femmes, mais aussi de leur situation réelle, et notamment des obstacles qui se posent, au lieu d'être fondées sur de simples références juridiques.

42. Le Comité demande au Gouvernement de diffuser largement en Uruguay les présentes observations finales et d'appuyer un débat public à leur sujet afin d'informer les politiciens et les fonctionnaires de l'administration publique, les organisations non gouvernementales qui s'occupent des questions intéressant les femmes et le public en général des mesures qu'il faut adopter pour assurer l'égalité de droit et de fait des femmes. Il demande également au Gouvernement de continuer à diffuser largement, en particulier auprès des organisations de défense des droits de l'homme et des intérêts des femmes, la Convention et son Protocole facultatif, les recommandations générales du Comité, et la Déclaration et le Programme d'action de Beijing ainsi que les résultats de la vingt-troisième session extraordinaire de l'Assemblée générale intitulée « Les femmes en l'an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXIe siècle ».



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