University of Minnesota



Observations finales du Comité sur l
'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Ukraine, U.N. Doc. A/51/38,paras.265-300 (1996).




Comité sur l'élimination de la
discrimination à l'égard des femmes


Ukraine

265. Le Comité a examiné le troisième rapport périodique de l'Ukraine (CEDAW/C/UKR/3 et Add.1) à sa 302e séance, le 29 janvier 1996 (voir CEDAW/C/SR.302).

266. En présentant le rapport, la représentante de l'Ukraine a souligné les changements intervenus dans son pays depuis la présentation du rapport en 1991, notamment la transition d'un régime totalitaire à un régime démocratique. Le Gouvernement s'employait à mettre en place un mécanisme national pour assurer la promotion de la femme et plusieurs organes avaient été créés pour étudier la situation des femmes et protéger celles-ci. On a également enregistré une augmentation du nombre des organisations non gouvernementales féminines. Les femmes représentaient actuellement 54 % de la population.

267. La représentante de l'Ukraine a déclaré que la législation de son pays était conforme aux dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Elle a rendu compte des auditions parlementaires tenues en juillet 1995, au cours desquelles l'application de la Convention avait été examinée en détail. Les femmes avaient un niveau d'instruction élevé mais la préférence était accordée aux hommes pour les postes de responsabilité. Elles n'étaient pas bien représentées non plus aux postes de direction. Il n'y avait pas de femmes ministres, ni de femmes membres du Présidium du Soviet suprême, et les femmes n'occupaient que 4 % des sièges du Parlement. Les femmes étaient égales aux hommes en matière de formation professionnelle; elles avaient au même titre accès aux activités sociales, politiques et culturelles, recevaient des salaires égaux et bénéficiaient de conditions leur permettant de conjuguer la maternité avec une activité professionnelle, notamment la possibilité de travailler à mi-temps et d'autres avantages spéciaux.

268. La représentante a mentionné plusieurs lois et mesures qui avaient été adoptées pour améliorer la situation des familles ayant des enfants et a annoncé qu'une loi sur les enfants serait bientôt promulguée.

269. Elle a également évoqué la grave crise économique, qui avait eu une profonde incidence sur les femmes exerçant une activité professionnelle et avait accru la menace de la pauvreté. Les femmes représentaient 74 % des chômeurs.

270. L'Ukraine traversait la plus grave crise démographique de cette dernière décennie. Pour le groupe d'âge de 20 à 50 ans, le taux de mortalité des hommes était trois fois plus élevé que celui des femmes; de ce fait, l'espérance de vie des femmes était de 10 ans plus longue que celle des hommes. La représentante a exposé les graves problèmes de santé que connaissaient les adolescentes et dit que le nombre des avortements dépassait celui des naissances. Elle a signalé qu'un programme national de planification de la famille, dans le cadre duquel des contraceptifs seraient notamment disponibles, avait été lancé en septembre 1995.

271. La représentante a mentionné la mise en place d'un réseau de services et l'allocation de fonds pour faire face aux effets génétiques négatifs des rayonnements liés à l'accident de Tchernobyl.

Conclusions du Comité

Introduction

272. Le Comité s'est félicité de la franchise qui avait caractérisé la présentation du troisième rapport périodique de l'Ukraine et a salué les efforts de ce pays en vue de fournir des informations à jour et des réponses détaillées qui avaient, dans une large mesure, complété les données statistiques qui auraient dû figurer dans le rapport. Il a déploré que le rapport n'ait pas été établi conformément à ses directives et recommandations générales.

Facteurs et difficultés entravant l'application de la Convention

273. Le Comité a reconnu que le pays traversait une crise économique dramatique du fait qu'il s'orientait vers une société démocratique et une économie de marché et par suite des ajustements structurels. Il a pris note de la grave crise écologique provoquée par divers facteurs, notamment l'accident de Tchernobyl. Ces deux crises compromettaient l'application de la Convention et la jouissance de facto par les femmes de leurs droits fondamentaux.

274. En outre, la persistance générale et systématique d'attitudes culturelles et de stéréotypes sociaux fondés sur le sexe constituait un problème grave qui entravait l'application de la Convention.

Aspects positifs

275. Le Comité a jugé que la tenue en 1995 d'une audition parlementaire en vue d'examiner spécialement les questions ayant trait à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes témoignait de l'importance que le Gouvernement accordait à la Convention et aux travaux du Comité. Il s'est félicité en outre de l'effet d'une telle mesure sur le public.

276. Le Comité a noté avec satisfaction que l'Ukraine avait ratifié les principaux traités relatifs aux droits de l'homme et avait adopté, en décembre 1991, une nouvelle loi sur l'effet des accords internationaux sur le territoire ukrainien, aux termes de laquelle tous les traités internationaux ratifiés faisaient automatiquement partie de la législation nationale. Le Comité s'est félicité du fait que l'Ukraine attachait une grande importance aux droits de l'homme en général.

277. Il a noté également que le Gouvernement avait pris des engagements à la Conférence de Beijing sur d'importantes questions relatives aux problèmes de la vie familiale que rencontraient les femmes du fait de la transition économique et avait déjà établi des organes régionaux pour surveiller l'application de ces projets spéciaux.

278. Le Comité a noté avec satisfaction les changements économiques et structurels fondamentaux qui étaient survenus récemment en Ukraine, tels qu'ils avaient été décrits dans la présentation orale. Il s'est félicité surtout de l'adoption de plusieurs mesures juridiques en vue d'appliquer les dispositions de la Convention.

279. Il a accueilli avec satisfaction l'adoption de la nouvelle constitution garantissant l'égalité des hommes et des femmes dans toutes les sphères de la vie conformément à la Convention.

280. Il s'est félicité du fait que les femmes ayant de jeunes enfants ou des enfants handicapés bénéficiaient d'une pension anticipée aux termes de la loi ukrainienne.

Principaux sujets de préoccupation

281. Le Comité a noté avec préoccupation que le Gouvernement n'avait fait aucun effort pour combattre les stéréotypes culturels et sociaux concernant les deux sexes.

282. Le Comité a constaté avec préoccupation que, malgré l'existence de plusieurs entités s'occupant des femmes et des enfants, le Gouvernement n'avait pas défini de politique claire en faveur des femmes, ni doté le mécanisme national chargé des questions spécifiques aux femmes des moyens nécessaires pour agir efficacement. De même, il n'était pas évident pour le Comité que les organes parlementaires s'attachaient à éliminer la discrimination à l'égard des femmes.

283. Bien qu'il ait conscience des bonnes intentions qui avaient motivé l'adoption de mesures juridiques pour protéger la maternité, le Comité était d'avis que ces mesures pouvaient être exagérément protectrices et nuire à la femme dans une économie de marché.

284. Il a noté l'absence de mesures ou plans qui permettraient aux hommes de partager équitablement les responsabilités parentales avec les femmes.

285. Le Comité s'est inquiété de la faible proportion de femmes occupant des postes de décision.

286. Le Comité a noté avec une profonde inquiétude les stéréotypes fondés sur le sexe et la protection excessive qui caractérisait la législation du travail. Ces lois protectrices avaient pour seul effet de restreindre les possibilités économiques offertes aux femmes et n'étaient ni légitimes ni efficaces pour promouvoir la santé génésique des femmes. Les femmes devraient avoir le droit de choisir librement leur emploi, et le taux élevé de mortalité des nourrissons et d'anormalités foetales résultant de la catastrophe écologique devrait être considéré comme un problème de santé publique.

287. Le Comité a pris note de l'accès limité des femmes rurales à des méthodes efficaces, abordables et acceptables de planification de la famille. Cette situation conduisait souvent un grand nombre de femmes à recourir à des avortements nombreux et dangereux.

288. Le Comité s'est par ailleurs inquiété de la baisse considérable du taux d'activité économique des femmes au cours de ces dernières années. Les femmes constituaient 80 à 90 % des chômeurs, du fait que le secteur public n'était plus le principal employeur de femmes et que celles-ci n'étaient pas recrutées dans le secteur privé naissant.

289. Le Comité a également noté avec préoccupation que les femmes étaient groupées dans certaines occupations où elles étaient nettement moins bien payées que les hommes travaillant dans d'autres secteurs.

290. Le Comité s'est vivement préoccupé de la santé du peuple ukrainien en général et des femmes en particulier. En raison des effets des rayonnements et des difficultés liées au stress, les femmes avaient beaucoup de mal à avoir une grossesse normale, donnaient naissance à des enfants souffrant de malformations congénitales et avaient des problèmes de stérilité.

291. Le Comité était vivement préoccupé par l'ampleur de la crise démographique que traversait le pays et le fait que le nombre des avortements dépassait celui des naissances.

292. Il s'est inquiété du taux croissant de suicides et de décès liés à l'intoxication par l'alcool.

293. Il a noté avec préoccupation que l'âge minimum du mariage n'était pas le même pour les garçons et les filles.

Suggestions et recommandations

294. Le Comité a demandé que l'Ukraine fournisse dans ses futures rapports une explication du "non-respect" ou du "respect partiel" des articles 2 d) et f), 3, 5 a) et b), 7 b), 8 et 14 a), b) et h), tel qu'indiqué dans le troisième rapport périodique, et qu'on y indique les changements qui seraient survenus dans l'application de ces dispositions.

295. Le Comité a recommandé que les rapports ultérieurs contiennent des informations complémentaires sur la situation en ce qui concerne la mise en oeuvre des engagements contractés à la Conférence de Beijing.

296. Il a également recommandé qu'étant donné que tous les traités internationaux ratifiés par le pays avaient été incorporés dans la législation nationale, la formation aux droits de l'homme soit obligatoire pour les juges et les forces de l'ordre en Ukraine.

297. Il a aussi recommandé que, dans le prochain rapport, le Gouvernement fournisse des informations plus détaillées sur la violence à l'égard des femmes, notamment les cas de viol, de mauvais traitements corporels infligés au conjoint, d'inceste et d'autres formes de violence physique et psychologique à l'égard des femmes, ainsi que sur les mesures prises par le Gouvernement pour combattre ce genre de violence.

298. Il a recommandé en outre que l'Ukraine fournisse des données statistiques détaillées sur les femmes appartenant à toutes les minorités vivant dans le pays, en particulier sur les Tartares de Crimée.

299. Le Comité a prié instamment le Gouvernement ukrainien de revoir et de modifier la législation autorisant les activités de nombreux services à caractère sexuel et la pratique consistant à recruter des femmes comme danseuses, serveuses ou autres professions similaires pour travailler à l'étranger, où elles sont souvent contraintes à s'adonner à la prostitution, et de prendre des mesures en vue de poursuivre les criminels et de réhabiliter les victimes grâce à l'éducation, à la formation et aux services d'appui.

300. Le Comité a recommandé que des mesures soient adoptées, conformément à l'article 5 de la Convention, pour qu'hommes et femmes prennent une part égale aux travaux domestiques et s'occupent également des enfants.



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