University of Minnesota



Observations finales du Comité pour l
'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Thaïlande, U.N. Doc. A/54/38,paras.213-250 (1999).




Comité pour l'élimination
de la discrimination à l'égard des femmes
Vingtième session
19 janvier-5 février 1999

Thaïlande

1. Le Comité a examiné les deuxième et troisième rapports périodiques combinés de la Thaïlande (CEDAW/C/ THA/2-3) à ses 417e et 418e séances, le 29 janvier 1999 (voir CEDAW/C/SR.417 et 418).

a) Présentation par l'État partie

1. Dans sa déclaration liminaire, la représentante du Gouvernement thaïlandais a fait observer que, lors de son adhésion à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes en 1985, la Thaïlande avait fait sept réserves, dont cinq avaient été retirées en 1995. Elle a également indiqué que son pays s'était efforcé de modifier un certain nombre de lois pour pouvoir retirer sa réserve à l'article 16 de la Convention, qui traite de la vie de famille et du mariage, mais n'avait pu en modifier plusieurs relatives à la vie de famille à cause de certaines valeurs traditionnelles.

2. La représentante a indiqué que des projets de loi anti-discriminatoires avaient été rejetés par les législateurs au motif que la Constitution de 1998 imposait déjà l'égalité entre les femmes et les hommes et interdisait toute discrimination fondée sur le sexe. Certaines lois tenaient compte du principe de l'égalité entre les sexes.

3. La représentante a appelé l'attention sur la Commission nationale des droits de l'homme, organisme indépendant habilité à recevoir des communications sur les violations des droits de l'homme, à recommander la modification de lois et à proposer des mesures palliatives. Un plan de développement quinquennal en faveur des femmes qui faisait partie du huitième plan national de développement économique et social avait été établi sur la base d'une politique et d'un plan de 20 ans en faveur des femmes (1992-2011). Créée en 1989 en application de ce plan de développement quinquennal, la Commission des affaires féminines avait notamment pour mission de promouvoir la condition de la femme et de sensibiliser le public aux sexospécificités. Elle était aussi chargée d'assurer le suivi des programmes en faveur des femmes, de les évaluer et de mener des recherches sexospécifiques.

4. La représentante a indiqué que le Programme d'action de Beijing avait été traduit en thaï et que le Gouvernement avait organisé cinq réunions régionales pour en faire connaître les dispositions, en particulier celles concernant la violence à l'égard des femmes et de la fillette et la traite des femmes et des enfants.

5. Les stéréotypes concernant les femmes et les hommes avaient toujours cours dans la société thaïlandaise mais l'opinion publique prenait de plus en plus conscience de leur influence néfaste. La Commission nationale des affaires féminines avait mis en oeuvre un projet de recherche concernant les stéréotypes sexuels dans les manuels scolaires, dont le Ministère de l'éducation effectuait une révision. Les femmes étaient de plus en plus nombreuses dans les secteurs d'activité traditionnellement masculins. Les médias, qui donnaient quelquefois des femmes et des filles une image conforme aux stéréotypes traditionnels, avaient commencé à remettre ces stéréotypes en question dans des émissions qui exposaient les vues des femmes et les problèmes sexospécifiques.

6. Depuis la présentation du rapport précédent, d'importants efforts avaient été faits pour mettre un terme à l'exploitation sexuelle et à la traite des femmes et des enfants. De nouvelles lois avaient été promulguées et la Commission nationale des femmes et des enfants formulait actuellement un plan national de lutte contre leur traite. Le Gouvernement s'était également occupé des violences dont les femmes et les enfants étaient victimes au foyer et tout un ensemble de mesures avaient été prises pour prévenir le travail des enfants.

7. La participation des femmes à la vie politique et à la vie publique était devenue plus importante mais elle restait faible. Généralement, les femmes occupaient des emplois traditionnels et c'était à elles essentiellement qu'incombaient les obligations familiales.

8. Le Code de protection de la main-d'oeuvre de 1998 imposait l'égalité entre les sexes sur le marché du travail et interdisait le harcèlement sexuel. En collaboration avec le Ministère du travail et de l'aide sociale, la Commission nationale des affaires féminines allait mettre en place un dispositif qui en garantirait l'application.

b) Conclusions du Comité

Introduction

1. Le Comité remercie le Gouvernement thaïlandais de son rapport qu'il juge franc et complet, ainsi que du complément d'information, de son rapport supplémentaire et des réponses fournies par écrit à toutes les questions du groupe de travail présession. Il remercie aussi la représentante de la clarté de son exposé oral, dont le caractère interactif lui a permis de dialoguer de manière constructive avec elle.

2. Le Comité félicite le Gouvernement d'avoir retiré cinq de ses réserves à la Convention et l'encourage à retirer les deux dernières. Il le félicite en particulier des efforts qu'il fait pour retirer sa réserve à l'article 16, relatif à la vie familiale et au mariage.

Aspects positifs

1. Le Comité rend hommage à la Commission nationale des affaires féminines, qui a en particulier élaboré de nouvelles lois et formulé des recommandations générales sur la base de certaines recherches, et prend note de sa coopération avec les organisations non gouvernementales à cette fin.

2. Le Comité constate avec satisfaction que la Convention et le Programme d'action de Beijing ont manifestement un impact sur les politiques et la législation thaïlandaises et favorisent l'égalité des sexes dans le pays. Il se félicite de la nouvelle Constitution, qui garantit cette égalité et contient des dispositions visant à promouvoir l'égalité des conditions d'emploi des femmes et des hommes.

3. Le Comité se félicite des mesures législatives concernant la traite, la prostitution, la nationalité, l'emploi et le travail des enfants qui ont été adoptées de 1992 à 1998, tout comme il se félicite que le Gouvernement ait rendu l'enseignement obligatoire, ce qui montre qu'il s'emploie sérieusement à intégrer les normes de la Convention dans la législation et les politiques thaïlandaises.

Obstacles à l'application de la Convention

1. Le Comité constate avec préoccupation que la récente crise financière ralentit le développement économique et social du pays et entrave l'application de la Convention.

2. Le Comité constate avec préoccupation que les valeurs discriminatoires traditionnelles à l'égard des femmes et des filles continuent de prévaloir et de faire obstacle à la pleine application de la Convention.

3. Le Comité est préoccupé par le maintien de la réserve concernant l'article 16 de la Convention relatif à la vie familiale et au mariage.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1. Le Comité se déclare préoccupé par l'absence d'un dispositif efficace d'application des lois et par le fait que les femmes n'ont pas encore intenté d'action en justice pour faire valoir les garanties que leur offre la Constitution. Il demande instamment à la Commission nationale des affaires féminines d'étudier la constitution d'autres pays et de trouver des moyens pratiques d'aider les Thaïlandaises à se prévaloir de la Constitution de leur pays pour faire respecter leur égalité avec les hommes.

2. Le Comité reste préoccupé par le fait que la Convention ne peut être invoquée devant les tribunaux et qu'aucune loi ne traite exclusivement de la discrimination à l'égard des femmes. Il s'inquiète en outre vivement du fait que la Convention ne contienne pas de définition de la discrimination qui soit conforme à la Convention.

3. Le Comité recommande l'adoption de lois antidiscriminatoires spécifiques, conformément à l'article premier de la Convention.

4. Constatant que les valeurs traditionnelles font obstacle à l'amélioration de la condition des Thaïlandaises, le Comité recommande la mise en oeuvre de programmes de sensibilisation à l'intention des décideurs, des administrateurs, du personnel judiciaire et des professionnels de la santé et de l'éducation. Il recommande également que l'on révise les manuels scolaires en vue de les débarrasser de toute image stéréotypée des femmes et des filles et de faire en sorte qu'ils traitent des questions relatives aux droits fondamentaux des femmes.

5. Le Comité s'inquiète de la sous-représentation des femmes dans la vie politique et dans les instances dirigeantes du pays – y compris celles du système judiciaire – et souligne l'importance d'un environnement social et politique propre à améliorer leur condition dans tous les secteurs de la vie publique et dans la vie privée. Conformément au paragraphe 1 de l'article 4 de la Convention, il recommande l'adoption de politiques de discrimination positive ou de mesures temporaires spéciales qui soient assorties d'objectifs et de calendriers précis.

6. Le Comité constate que le Gouvernement est parvenu à faire passer l'âge d'admission à l'emploi de 12 à 15 ans en rendant l'enseignement obligatoire de 6 à 9 ans, mais reste préoccupé par l'abandon précoce de leurs études par les filles et de leur entrée tout aussi précoce sur le marché du travail. Prenant note du projet de loi relatif aux droits de l'enfant, il recommande au Gouvernement de veiller à ce que ses dispositions soient conformes à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et aux dispositions pertinentes de la Convention relative aux droits de l'enfant.

7. Le Comité se déclare préoccupé par le statut des travailleuses migrantes. Il s'inquiète en particulier de la traite transfrontières des femmes et des filles, de la prostitution forcée et de l'industrie du sexe.

8. Le Comité recommande fermement au Gouvernement de considérer le problème des migrations à des fins de prostitution comme une question fondamentale ayant trait aux droits de l'homme.

9. Le Comité recommande au Gouvernement d'étudier la possibilité de coopérer avec d'autres pays et de consulter les organisations non gouvernementales lorsqu'il prendra des mesures pour résoudre ce problème.

10. Le Comité s'inquiète de la situation des femmes et des filles des tribus montagnardes, dont les droits ne semblent pas efficacement protégés par la législation nationale.

11. Le Comité recommande l'adoption de lois et d'autres mesures propres à protéger efficacement ces droits.

12. Le Comité s'inquiète du taux élevé de suicides et de la prévalence des maladies mentales chez les femmes.

13. Le Comité recommande au Gouvernement d'étudier ces questions de près et de l'informer des résultats de ses recherches dans son prochain rapport.

14. Considérant que le harcèlement sexuel, le viol, la violence au foyer et le viol conjugal, qu'ils se produisent dans la famille, au sein d'une collectivité ou sur le lieu de travail, constituent des violations des droits des femmes à la sécurité de leur personne et à leur intégrité corporelle, le Comité demande instamment au Gouvernement de modifier le Code pénal en tenant compte de la Déclaration sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes et de sa propre recommandation générale 19.

15. Le Comité est préoccupé par le fait que certaines lois, de même que les manuels scolaires et les médias véhiculent les stéréotypes traditionnels concernant les femmes et les hommes, ce qui nuit aux politiques positives qui ont été adoptées pour garantir l'égalité des sexes.

16. Le Comité demande instamment une révision des lois, politiques et manuels scolaires pour supprimer les stéréotypes sexuels dans ces textes. Il recommande également d'encourager les médias à donner une image non stéréotypée des jeunes filles et des femmes.

17. Le Comité encourage le Gouvernement à prêter toute son attention aux besoins des femmes rurales et à adopter des politiques et des programmes en leur faveur dans tous les domaines, en particulier l'accès à la prise de décisions et aux services sanitaires, éducatifs et sociaux.

18. Le Comité se déclare préoccupé par le fait que la loi relative au nom de famille et d'autres lois restreignent l'accès des femmes au crédit et à la propriété foncière lorsqu'elles épousent des étrangers.

19. Le Comité recommande fermement au Gouvernement de faire adopter rapidement son projet de loi modifié relatif au nom de famille et la loi sur la nationalité.

20. Le Comité demande au Gouvernement de lui rendre compte, dans son prochain rapport périodique, en application de l'article 18 de la Convention, des mesures qu'il aura prises pour résoudre les problèmes soulevés dans les présentes conclusions.

21. Le Comité demande que les présentes conclusions soient largement diffusées en Thaïlande afin que le peuple thaïlandais, en particulier les fonctionnaires et les hommes politiques, soient informés des mesures qui ont été prises pour assurer l'égalité de fait et de droit entre les sexes et de celles qui restent à prendre. Il demande également au Gouvernement de continuer à diffuser largement le texte de la Convention, de ses propres recommandations générales et de la Déclaration et du Programme d'action de Beijing, en particulier auprès des organisations de femmes et de défense des droits de l'homme.



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