University of Minnesota



Observations finales du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Tadjikistan, U.N. Doc. CEDAW/C/TJK/CO/4-5 (2013).


 

* Adoptées par le Comité à sa cinquante-sixième session (30 septembre-18 octobre 2013).

Observations finales sur le rapport unique valant quatrième et cinquième rapports périodiques du Tadjikistan *

1.Le Comité a examiné le rapport unique valant quatrième et cinquième rapports périodiques du Tadjikistan (CEDAW/C/TJK/4-5) à ses 1171e et 1172e séances, le 9 octobre 2013 (voir CEDAW/C/SR.1171 et 1172). La liste des points et des questions soulevés par le Comité figure dans le document CEDAW/C/TJK/Q/4-5 et les réponses écrites du Gouvernement tadjik sont contenues dans le document CEDAW/C/TJK/Q/4-5/Add.1.

A.Introduction

2.Le Comité se félicite de la présentation par l’État partie de son rapport unique valant quatrième et cinquième rapports périodiques. Il remercie l’État partie pour ses réponses écrites à la liste des points et questions soulevés par son groupe de travail précession, ainsi que pour les nouvelles précisions apportées par la délégation de l’État partie en réponse aux questions posées oralement par le Comité.

3.Le Comité félicite l’État partie d’avoir envoyé une délégation de haut niveau, dirigée par la Présidente de la Commission pour les femmes et la famille du Gouvernement tadjik, Sumangul Tagoeva, qui a également comporté des représentants du Médiateur pour les droits de l’homme, du Parlement, du Ministère du travail et de la protection sociale, du Ministère des affaires intérieures, du Ministère de la justice et du Ministère de l’éducation. Le Comité est heureux des échanges qui ont eu lieu entre la délégation et le Comité.

B.Aspects positifs

4.Le Comité note avec satisfaction l’adoption de plusieurs lois et décisions visant à éliminer la discrimination à l’égard des femmes depuis l’examen du rapport précédent de l’État partie, notamment :

a)La décision no 269 (2010) par laquelle le Gouvernement a approuvé la stratégie nationale de promotion de la femme au Tadjikistan pour la période 2011-2020;

b)La décision no 92 (2012) par laquelle le Gouvernement a approuvé le programme public de formation de femmes cadres et leur placement dans un emploi pour la période 2012-2015;

c)La loi no 954 (2013) sur la prévention de la violence dans la famille.

5. Le Comité se réjouit de l’adoption de la loi no 2372 (2008) sur la création du poste de médiateur et commissaire aux droits de l’homme.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Parlement

6. Le Comité réaffirme certes que le Gouvernement est responsable au premier chef et comptable en particulier de la mise en œuvre intégrale des obligations de l’État partie en vertu de la Convention, mais il souligne que la Convention s’impose à toutes les branches de l’État. Il invite donc l’État partie à encourager son Parlement à prendre, conformément à ses procédures propres, les mesures nécessaires en ce qui concerne l’application des présentes observations finales d’ici à la présentation du prochain rapport périodique au titre de la Convention.

Visibilité de la Convention et des recommandations générales du Comité

7.Le Comité est préoccupé par la méconnaissance générale de la Convention et des recommandations générales du Comité dans l’État partie. Il s’inquiète particulièrement du fait que les femmes elles-mêmes, notamment les femmes des zones rurales et reculées, ignorent les droits que leur confère la Convention et ne disposent pas de l’information nécessaire qui leur permettrait de les revendiquer.

8. Le Comité demande à l’État partie :

a) De prendre les mesures requises pour assurer la bonne diffusion de la Convention et des recommandations générales du Comité auprès de toutes les parties prenantes, y compris les responsables gouvernementaux, les parlementaires, l’appareil judiciaire, les avocats, les agents de la force publique et les responsables locaux afin de les sensibiliser aux droits fondamentaux des femmes et d’instaurer résolument dans l’État partie une culture du droit attachée au principe de non-discrimination et à l’égalité des femmes;

b) De prendre toutes les mesures qui s’imposent pour que les femmes connaissent mieux leurs droits et les moyens de les faire respecter, en particulier dans les zones rurales et reculées, notamment en leur donnant des informations sur la Convention, en coopération avec la société civile et les médias;

c) D’adopter un plan d’action national pour la mise en œuvre des recommandations du Comité.

Définition de la discrimination à l’égard des femmes

9.Tout en notant que la loi sur la garantie de l’égalité des droits des hommes et des femmes et de l’égalité des chances dans l’exercice de ces droits prévoit notamment l’interdiction de la discrimination fondée sur le sexe, le Comité est préoccupé par le fait que la définition de la discrimination n’englobe pas la discrimination directe et indirecte.

10. Le Comité demande à l’État partie d’adopter, dans sa Constitution ou les autres textes législatifs appropriés, une définition juridique complète de la discrimination à l’égard des femmes, qui soit conforme à l’article premier de la Convention et englobe la discrimination directe et indirecte, dans les domaines public et privé.

Mécanisme national de promotion de la femme

11.Tout en notant que quelques mesures ont été prises par l’État partie pour renforcer la capacité structurelle et financière de la Commission pour les femmes et la famille, le Comité demeure préoccupé par le très faible pourcentage du budget national attribué à la Commission (0,7 %), par l’efficacité limitée du plan d’action visant à mettre en œuvre la stratégie nationale de promotion de la femme et par l’absence d’un vrai suivi des programmes consacrés à la réalisation des droits des femme et de l’égalité des sexes en général.

12. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De revaloriser le statut du mécanisme national pour la promotion de la femme, et d’en renforcer rapidement le mandat, l’autorité et la visibilité aux deux plans national et local en lui octroyant des ressources humaines et financières suffisantes, compatibles avec son mandat, et en le rendant plus apte à formuler, coordonner et suivre l’élaboration et l’application de mesures législatives et gouvernementales dans le domaine de l’égalité des sexes;

b) D’adopter un plan d’action global pour la mise en œuvre de la stratégie nationale d e promotion de la femme (2011- 2020).

Mesures temporaires spéciales

13.Le Comité note que l’État partie est en train de prendre des mesures pour promouvoir l’égalité des sexes dans le domaine de l’éducation, mais il demeure préoccupé par le fait que l’État partie semble ne pas saisir la nature et la finalité, ainsi que la nécessité des mesures temporaires spéciales pour accélérer la réalisation concrète d’une égalité de fait des femmes. Il est également préoccupé par le fait que ces mesures ne sont pas systématiquement appliquées pour accélérer l’instauration d’une égalité réelle entre les hommes et les femmes dans tous les domaines visés par la Convention.

14. Le Comité invite l’État partie à envisager de recourir à des mesures temporaires spéciales, conformément au premier paragraphe de l’article 4 de la Convention et à la recommandation générale n o 25 du Comité sur les mesures temporaires spéciales, en tant que stratégie nécessaire pour accélérer l’instauration d’une égalité réelle entre les sexes dans les domaines visés par la Convention où les femmes sont défavorisées ou sous-représentées.

Stéréotypes

15.Le Comité demeure préoccupé par la persistance de normes, de pratiques et de traditions culturelles préjudiciables, ainsi que par les attitudes patriarcales et les stéréotypes profondément enracinés en ce qui concerne le rôle et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société. Le Comité note que ces stéréotypes contribuent à perpétuer la violence à l’égard des femmes, la pratique du mariage d’enfants et la polygamie de fait et placent les femmes dans une situation défavorable et d’inégalité dans de nombreux domaines. Le Comité constate avec grande inquiétude que l’État partie n’a pas encore pris suffisamment de mesures durables et systématiques pour éliminer ces stéréotypes. Le Comité note également certaines contraintes imposées à la liberté d’expression et de religion des femmes, notamment la fatwa du Conseil des Oulémas empêchant les femmes de participer et de prier dans les mosquées.

16. Le Comité prie instamment l’État partie :

a) D’adopter, sans tarder, une stratégie complète pour modifier ou éliminer les attitudes patriarcales et les stéréotypes discriminatoires à l’égard des femmes. Dans ce contexte, il conviendrait d’organiser, en collaboration avec les enseignants, la société civile, les dirigeants locaux et les médias, une campagne d’information et de sensibilisation sur les stéréotypes sexistes qui persistent à tous les niveaux de la société et sur la manière de les surmonter;

b) D’élargir les programmes de sensibilisation du public aux effets négatifs des stéréotypes sur la jouissance par les femmes de leurs droits, en particulier dans les zones rurales;

c) De prendre des mesures novatrices visant les médias afin de mieux faire comprendre la notion d’égalité des femmes et des hommes et de veiller à ce que les programmes d’études et les matériels éducatifs contribuent à donner une image positive et non stéréotypée des femmes et des hommes;

d) De suivre et d’examiner régulièrement les mesures prises pour éliminer les stéréotypes sexistes afin d’en évaluer l’impact;

e) De lever la contrainte imposée à la liberté de la femme de participer et de prier dans les mosquées.

Violence à l’égard des femmes

17.Tout en notant l’adoption en 2013 d’une loi sur la prévention de la violence dans la famille et la création du poste d’inspecteur chargé de la prévention de la violence conjugale au sein du Ministère des affaires intérieures en 2010, le Comité demeure préoccupé :

a)Par la persistance de la violence à l’égard des femmes, y compris la violence conjugale, dans l’État partie, qui souvent n’est pas signalée à cause de la prévalence de normes sociales et culturelles discriminatoires et du manque d’accès des victimes à la justice et à l’assistance juridique;

b)Par l’absence d’une définition précise de la famille dans la législation en vigueur, notamment dans la loi relative à la prévention de la violence dans la famille, qui ne tient pas compte des femmes vivant dans une relation de polygamie de fait, dont le nombre n’est pas négligeable, en particulier dans les zones rurales et reculées;

c)Par le manque d’informations et de statistiques sur la nature, les formes, l’ampleur et les causes de la violence à l’égard des femmes;

d)Par l’absence de foyers d’accueil destinés aux femmes victimes de violence.

18. Le Comité prie instamment l’État partie d’accorder une attention prioritaire à la lutte contre toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles, dans le contexte familial et ailleurs, et d’adopter des mesures globales pour lutter contre cette violence, conformément à sa recommandation générale n o 19 sur la violence à l’égard des femmes, notamment :

a) En modifiant le Code pénal, le Code de procédure pénale et les autres lois nationales pertinentes afin d’appliquer, notamment, les dispositions de la loi n o 954 (2013) relative à la prévention de la violence dans la famille et d’ériger en infractions toutes les formes de violence à l’égard des femmes;

b) En élaborant un plan d’action national global pour la prévention de toutes les formes de violence à l’égard des femmes, la protection et le soutien des victimes et la condamnation des auteurs et en en garantissant la pleine application, le suivi et l’évaluation;

c) En dispensant une formation obligatoire aux magistrats, aux procureurs et aux agents de la police sur l’application rigoureuse des dispositions juridiques érigeant en infractions les actes de violence à l’égard des femmes;

d) En réalisant des campagnes de sensibilisation à la loi n o 954 (2013) relative à la prévention de la violence dans la famille et aux autres instruments ayant trait à la violence à l’égard des femmes par le biais des medias et de programmes éducatifs et en sensibilisant les agents de la police, les prestataires de soins de santé et le personnel enseignant au sujet de toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles;

e) En assurant un appui juridique gratuit et une assistance et une protection appropriées aux femmes victimes de violence grâce à la création d’un nombre suffisant de foyers d’accueil, surtout dans les zones rurales, en coopération avec les organisations non gouvernementales;

f) En recueillant des données statistiques sur toutes les formes de violence à l’égard des femmes, y compris la violence conjugale, ventilées suivant le sexe, l’âge et le lien entre la victime et l’auteur, et en réalisant ou en appuyant des études et/ou des enquêtes sur l’ampleur et les causes profondes de la violence à l’égard des femmes.

Traite et exploitation de la prostitution

19.Tout en notant qu’un projet de loi sur la traite des personnes et un autre sur l’assistance aux victimes de traite des êtres humains sont actuellement en révision au Parlement, le Comité constate avec inquiétude que l’État partie est un pays d’origine et de transit de la traite des femmes et des filles. Il est préoccupé par le fait que les femmes travaillant dans la prostitution sont incriminées, contrairement aux clients. Il est également préoccupé par l’absence de mesures visant à empêcher l’exploitation de la prostitution et à s’attaquer à ses causes profondes et par l’insuffisance de la protection et des services accessibles aux femmes victimes de cette exploitation.

20. Le Comité demande à l’État partie :

a) D’adopter rapidement le projet de loi sur la traite des personnes et le projet de loi sur l’aide aux victimes de traite des êtres humains et de veiller à leur application efficace, notamment en assurant assistance et appui juridique aux victimes et en créant des foyers d’accueil destinés aux femmes victimes de traite;

b) D’examiner son cadre juridique relatif à la prostitution afin de faire en sorte que les femmes qui se prostituent ne soient pas considérées comme criminelles, de décourager la demande de prostitution et d’envisager d’imposer des peines aux acheteurs du sexe;

c) D’intensifier sa coopération internationale, régionale et bilatérale en matière de prévention de la traite grâce à l’échange d’informations et à l’harmonisation des procédures judiciaires visant à poursuivre les responsables;

d) De s’attaquer aux causes profondes de la traite et de la prostitution, y compris la pauvreté, afin de déterminer le degré de vulnérabilité des femmes et des filles à l’exploitation sexuelle et à la traite et d’assurer la réadaptation et l’insertion sociale des victimes, notamment en leur donnant accès à des foyers d’accueil et à une assistance juridique, médicale et psychosociale , ainsi qu’à de nouvelles possibilités de création de revenus.

Participation à la vie politique et publique

21.Tout en notant l’augmentation de 5 % du nombre de femmes dans la fonction publique (23 %), le Comité demeure préoccupé par la sous-représentation des femmes dans toutes les sphères de la vie politique et publique, notamment au Parlement (14,7 % dans la chambre haute et 19 % dans la chambre basse), et aux autres postes de décision, ainsi que dans le service diplomatique. Il est également préoccupé par les obstacles systématiques qui empêchent les femmes de participer à la vie politique sur un pied d’égalité avec les hommes, notamment les préjugés culturels, l’absence d’un système de quotas adéquat ou d’autres types de mesures temporaires spéciales, l’insuffisance des efforts visant à améliorer les capacités des candidates éventuelles, le manque de ressources financières et le défaut d’appui aux candidates.

22. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’envisager de recourir à des mesures temporaires spéciales, conformément au premier paragraphe de l’article 4 de la Convention et aux recommandations générales n o 23 et n o 25 du Comité concernant les femmes dans la vie politique et publique et les mesures temporaires spéciales, respectivement, notamment en adoptant des quotas et des mesures d’incitation pour encourager les partis politiques à désigner des femmes comme candidates afin d’accélérer la réalisation de la représentation égale des femmes dans tous les domaines de la vie politique et publique, surtout aux postes de décision et dans le service diplomatique;

b) De veiller à ce que les femmes puissent participer à la vie politique et publique tout autant que les hommes, notamment à la planification, à la mise en œuvre, au suivi et à l’évaluation des politiques de développement et des projets entrepris par les collectivités locales;

c) De dispenser une formation à l’égalité des sexes aux responsables politiques, aux enseignants et aux dirigeants locaux afin de leur faire mieux comprendre qu’une participation pleine, égale, libre et démocratique des femmes à la vie politique et publique, sur un pied d’égalité avec les hommes, est indispensable à la mise en œuvre intégrale de la Convention.

Éducation

23.Tout en notant que l’État partie applique quelques mesures temporaires spéciales dans le domaine de l’éducation, le Comité est préoccupé par le faible taux de scolarisation des filles, ainsi que par les hauts taux d’abandon chez les filles au niveau de l’enseignement secondaire et supérieur. Il constate avec inquiétude que les attitudes traditionnelles et les mariages d’enfants comptent parmi les principales causes d’abandon de la scolarité chez les filles. Le Comité est également préoccupé par la persistance de la ségrégation des sexes dans l’éducation, en particulier dans l’enseignement professionnel où les filles et les femmes sont toujours plus nombreuses dans les domaines non techniques seulement.

24. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’examiner et d’éliminer les obstacles qui empêchent les filles et les femmes d’accéder à l’éducation, notamment les attitudes culturelles néfastes concernant les rôles des hommes et des femmes; de réduire et de prévenir l’abandon scolaire chez les filles; et de renforcer la mise en œuvre des politiques de rescolarisation afin de permettre aux filles qui ont abandonné l’école d’y retourner;

b) D’appliquer des mesures visant à éliminer les stéréotypes traditionnels et les obstacles structurels qui souvent dissuadent les filles de s’inscrire à des cours de mathématiques, d’informatique, de sciences naturelles et de technologie aux niveaux d’enseignement secondaire et supérieur;

c) De redoubler d’efforts pour offrir aux filles des services d’orientation professionnelle qui les renseignent sur les carrières non traditionnelles.

Emploi

25.Tout en notant que la législation de l’État partie interdit les différences de salaire fondées sur le sexe, le Comité constate avec inquiétude :

a)Que les inégalités structurelles, la ségrégation professionnelle verticale et horizontale et l’écart salarial entre les sexes dans l’emploi persistent, en particulier dans les zones rurales, et que les femmes prédominent dans le secteur non structuré et dans les emplois faiblement rémunérés;

b)Qu’en dépit du fait qu’environ 80 % des femmes travaillent dans le secteur agricole, 12 % seulement des fermes dekhkan (privées) sont dirigées par des femmes et que celles-ci ne bénéficient ni de prestations familiales, ni de congé de maternité;

c)Que les femmes travaillant à domicile, qui appartiennent à une nouvelle catégorie de travailleurs créée par le Code du travail en 2011, n’ont pas droit à la protection de la maternité et aux paiements y relatifs;

d)Que les articles 160 et 161 du Code du travail peuvent avoir des répercussions négatives sur les femmes du fait qu’ils semblent accorder une protection excessive aux femmes en tant que mères et qu’ils interdisent aux employeurs de recruter des femmes pour des travaux souterrains, des travaux pénibles et des travaux effectués dans des conditions nuisibles, limitant ainsi leurs débouchés économiques dans un certain nombre de domaines;

e)Que le travail des enfants persiste et réduit le taux de fréquentation scolaire chez les filles.

26. Le Comité demande à l’État partie d’assurer des chances égales aux femmes sur le marché du travail et le prie instamment :

a) De redoubler d’efforts en vue d’éliminer les inégalités structurelles et la ségrégation professionnelle, tant horizontale que verticale, et d’adopter des mesures visant à combler l’écart salarial entre hommes et femmes en appliquant des systèmes d’évaluation des emplois dans le secteur public prévoyant une augmentation des salaires des secteurs à dominante féminine;

b) De mettre en place un cadre règlementaire pour le secteur non structuré et les femmes travaillant à domicile, de manière à assurer aux femmes l’accès à la sécurité sociale, à la protection de la maternité et à d’autres avantages;

c) D’examiner soigneusement et d’analyser les conséquences des articles 160 et 161 du Code du travail et d’y apporter les modifications nécessaires pour assurer à toutes les femmes qui travaillent la santé et la sécurité, ainsi que des chances économiques égales à celles des hommes;

d) D’encourager le partage des responsabilités familiales entre la femme et l’homme en éliminant les stéréotypes et les attitudes traditionnelles qui sont discriminatoires à l’égard de la femme;

e) De ratifier la Convention n o 156 (1981) sur les travailleurs ayant des responsabilités familiales et la Convention n o 183 (2000) sur la protection de la maternité de l’Organisation internationale du Travail, tout en poursuivant les efforts visant à éliminer le travail des enfants.

Santé

27.Le Comité réitère la préoccupation qu’il a exprimée dans ses précédentes observations finales au sujet du manque d’accès des femmes à des soins de santé adéquats, en particulier dans les zones rurales (CEDAW/C/TJK/CO/3, par. 31). Conscient des progrès réalisés par l’État partie en matière de réduction de la mortalité maternelle, le Comité constate avec inquiétude que le taux de mortalité maternelle demeure élevé (37,2 pour 100 000 naissances vivantes) en raison de l’insuffisance des soins obstétriques, des infrastructures et du personnel qualifié, notamment. Le Comité est en outre préoccupé par l’incidence croissante du VIH/sida chez les femmes dans l’État partie et le manque d’accès de ces femmes à des services de soins de santé convenables, ainsi que par la stigmatisation et la discrimination que subissent les femmes vivant avec le virus ou la maladie.

28. Le Comité demande à l’État partie :

a) D’accroître l’accès des femmes et des filles, en particulier dans les zones rurales et reculées, aux services de soins de santé de base et d’écarter les obstacles qui empêchent les femmes d’accéder aux soins de santé;

b) De renforcer le programme de réduction de la mortalité maternelle en améliorant l’accès aux services obstétriques, en développant les infrastructures de la santé procréative et en augmentant le nombre de personnel qualifié;

c) D’élaborer des stratégies de lutte contre le VIH/sida qui tiennent compte de la problématique hommes-femmes, d’assurer le traitement antirétroviral gratuit à toutes les femmes et à tous les hommes vivant avec le VIH/sida, notamment aux femmes enceintes de manière à empêcher la transmission de la mère à l’enfant, et de veiller à ce que les femmes et les filles vivant avec le VIH/sida ne fassent pas l’objet de stigmatisation et de discrimination.

Les femmes rurales

29.Tout en notant l’adoption du programme relatif à la réforme agricole pour la période 2012–2020, le Comité constate que la grande majorité des femmes dans l’État partie vit en milieu rural. Il déplore par conséquent l’insuffisance des mesures adoptées pour lutter contre la pauvreté et la discrimination à l’égard des femmes rurales et leur garantir l’accès à la justice, à l’éducation, à la santé, au logement, à l’emploi structuré, à des possibilités de perfectionnement et de formation, ainsi que la participation à la prise de décision sur le plan local.

30. Le Comité demande à l’État partie :

a) De formuler et d’appliquer des mesures précises pour lutter contre la pauvreté des femmes, notamment pour assurer aux femmes rurales l’accès à la justice, à l’éducation, au logement, à l’emploi structuré, aux possibilités de perfectionnement et de formation, à la propriété et à l’exploitation foncières, compte tenu de leurs propres besoins;

b) De garantir la participation égale des femmes rurales à la prise de décision au niveau local.

Les groupes de femmes désavantagées

31.Le Comité est préoccupé par la vulnérabilité particulière des femmes réfugiées, des femmes âgées, des migrantes qui travaillent à l’étranger et des femmes abandonnées par des hommes migrants, des femmes apatrides, y compris les « femmes-frontière » et les femmes et les filles handicapées, qui souffrent de diverses formes de discrimination. Il est également préoccupé par les obstacles qui empêchent ces femmes de jouir d’un accès suffisant aux services de soins de santé, aux avantages sociaux, à l’éducation, à l’emploi et à la participation à la vie politique et publique. Tout en prenant note des informations et des données fournies au sujet de quelques groupes de femmes, le Comité regrette l’absence de statistiques détaillées ventilées suivant le sexe, l’âge et la nationalité qui permettraient d’évaluer avec exactitude la situation des groupe de femmes désavantagées.

32. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre toutes les mesures nécessaires, y compris des mesures temporaires spéciales, pour améliorer la situation des femmes appartenant à des groupes désavantagés, les protéger contre l’exploitation et leur faciliter l’accès aux services de soins de santé, aux avantages sociaux, à l’éducation et à l’emploi et la participation à la vie politique et publique;

b) D’établir des mécanismes permettant de suivre régulièrement les effets des politiques sociales et économiques sur les groupes de femmes désavantagées, notamment en adoptant une approche globale et multidimensionnelle pour régler les problèmes de migration qui pourraient porter atteinte aux femmes en particulier;

c) De fournir des informations et des statistiques complètes, ventilées suivant le sexe, l’âge et la nationalité, qui puissent servir à évaluer la situation des groupes de femmes désavantagées;

d) De prendre les mesures nécessaires pour régler la situation des femmes et des enfants apatrides dans l’État partie, notamment en modifiant et en adoptant les lois pertinentes et en procédant à l’enregistrement obligatoire des naissances;

e) De ratifier la Convention relative au statut des apatrides (1954) et la Convention sur la réduction des cas d’apatridie (1961).

Mariage et relations familiales

33.Tout en notant la modification apportée au Code de la famille en 2011, qui a fait passer l’âge du mariage à 18 ans pour les filles et les garçons, et la législation en vigueur interdisant la polygamie, le Comité s’inquiète de la grande fréquence des mariages d’enfants et des cas de polygamie de fait dans l’État partie. Il demeure en outre préoccupé par le grand nombre de mariages fondés uniquement sur une cérémonie nikokh, du fait que ces mariages ne sont pas toujours enregistrés et qu’ils privent parfois les femmes et les enfants de la protection juridique et économique à laquelle ils ont droit en cas de dissolution du mariage.

34. Le Comité demande instamment à l’État partie d’appliquer effectivement sa législation qui interdit la polygamie, conformément à la recommandation générale n o 21 sur l’égalité dans le mariage et les relations familiales et compte tenu de la recommandation générale n o 29 sur les conséquences économiques du mariage, des relations familiales et de leur dissolution, et de protéger les droits des femmes et de leurs enfants, dans les mariages polygames et religieux (nikokh) déjà conclus, qu’ils soient ou non enregistrés.

Protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes

35. Le Comité prend note des assurances données par l’État partie au cours du dialogue sur le fait que la ratification du Protocole facultatif à la Convention est actuellement en train d’être finalisée et demande à l’État partie d’accélérer le processus et d’accepter, dès que possible, l’amendement au premier paragraphe de l’article 20 de la Convention concernant le calendrier de réunions du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

36. Le Comité demande à l’État partie de s’appuyer sur la Déclaration et Programme d’action de Beijing dans les efforts qu’il fait pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention.

Objectifs du Millénaire pour le développement et cadre de développement pour l’après-2015

37. Le Comité préconise de prendre en compte la problématique hommes-femmes, conformément aux dispositions de la Convention, dans toutes les initiatives visant à la concrétisation des objectifs du Millénaire pour le développement, ainsi que dans le cadre de développement pour l’après-2015.

Diffusion et mise en œuvre

38. Le Comité rappelle l’obligation qu’a l’État partie de mettre en œuvre de façon systématique et continue les dispositions de la Convention. Il encourage vivement l’État partie à accorder une attention prioritaire à la mise en œuvre des présentes observations finales et recommandations d’ici à la présentation du prochain rapport périodique. Le Comité demande par conséquent que les présentes observations finales soient diffusées en temps opportun, dans la langue officielle de l’État partie, aux institutions d’État pertinentes à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier au Gouvernement, aux ministères, au Parlement et à l’appareil judiciaire, afin d’en assurer la mise en œuvre intégrale. Il encourage l’État partie à collaborer avec toutes les parties prenantes concernées, dont les associations d’employeurs, les syndicats, les organisations des droits de l’homme et les organisations de femmes, les universités, les établissements de recherche et les médias. Il recommande en outre que ses observations finales soient diffusées de manière appropriée au niveau communautaire local, pour en permettre l’application. De plus, le Comité demande à l’État partie de continuer à diffuser la Convention et les recommandations générales du Comité auprès de tous les intéressés.

Ratification d’autres traités

39. Le Comité note que l’adhésion de l’État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme est de nature à renforcer la jouissance par les femmes de leurs libertés et droits fondamentaux dans tous les aspects de la vie. Il encourage donc l’État partie à envisager de ratifier les instruments auxquels il n’est pas encore partie, à savoir la Convention relative aux droits des personnes handicapées et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Suivi des observations finales

40. Le Comité demande à l’État partie de lui fournir, dans un délai de deux ans, des informations écrites sur les me sures qu’il aura prises pour donner suite aux recommandations figurant ci-dessus aux alinéas a), b), d) et e) du paragraphe 18 et aux alinéas b), d) et e) du paragraphe 32.

Élaboration du prochain rapport

41. Le Comité invite l’État partie à présenter son sixième rapport périodique en octobre 2017.

42. Le Comité prie l’État partie de suivre les directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument ( HRI/MC/2006/3 et Corr.1 ).



Page Principale || Traités || Recherche || Liens