University of Minnesota



Observations finales du Comité pour l
'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Suède, U.N. Doc. A/56/38,paras.319-360 (2001).




Comité pour l'élimination
de la discrimination à l'égard des femmes
Vingt-cinquième session
(2-20 juillet 2001)



Suède

319. Le Comité a examiné les quatrième et cinquième rapports périodiques de la Suède (CEDAW/C/SWE/4 et 5) à ses 510e et 511e séances le 5 juillet 2001 (voir CEDAW/C/SR.510 et 511).


a) Présentation par l'État partie

320. Présentant les rapports, la représentante de la Suède a informé le Comité que les organisations non gouvernementales, notamment les organisations de femmes, avec lesquelles les autorités suédoises entretenaient un dialogue ouvert, avaient eu l'occasion de faire des observations sur lesdits rapports et que le Gouvernement accueillait avec satisfaction leurs contributions.

321. La représentante a souligné que la vision suédoise de la société était une vision où les hommes et les femmes avaient des droits égaux et les mêmes chances et responsabilités et où chaque individu était traité avec respect, quels que soient son âge, son sexe, son appartenance ethnique ou culturelle, ses handicaps ou son orientation sexuelle. Depuis 1994, le Gouvernement, dans sa déclaration annuelle de politique générale, indiquait que l'intégration des sexospécificités faisait partie des mesures adoptées et que par conséquent tous les ministres étaient tenus d'assurer l'égalité entre les sexes dans leurs domaines de compétence respectifs. Toutefois, la prise en compte des sexospécificités n'excluait aucunement l'adoption de mesures spécifiques visant à promouvoir l'égalité entre les sexes.

322. La représentante a indiqué que bien que la Suède soit de manière générale considérée comme une société où le niveau d'égalité entre les hommes et les femmes était élevé, il existait en matière de pouvoir des exemples de déséquilibre entre les sexes. L'un des exemples les plus marquants était la violence des hommes à l'égard les femmes, phénomène fréquent et répandu qui constituait un domaine prioritaire d'action pour le Gouvernement. Bien qu'il ne soit pas prouvé que la violence contre les femmes se soit aggravée, le nombre de cas signalés avait augmenté grâce aux efforts déployés en matière de collecte et de diffusion de l'information et aux mesures plus appropriées prises par la police et les services d'assistance et de protection sociales. Au nombre des initiatives prises par le Gouvernement pour remédier au problème de la violence contre les femmes figuraient la mise en oeuvre d'activités de recherche, l'élaboration de programmes de formation destinés aux groupes concernés et la promulgation de lois, notamment pour ce qui est de l'appui apporté aux victimes de crimes. Le problème de la violence contre les femmes handicapées était désormais abordé. Il convenait maintenant d'accorder une attention accrue aux hommes ayant commis des actes de violence contre les femmes et, à cet égard, la représentante a noté que la Suède soutenait les organisations d'hommes oeuvrant contre la violence à l'égard des femmes. Un projet spécial visant à remédier à la violence contre les immigrantes avait été lancé et des modifications à la loi sur les étrangers prévoyaient l'octroi de permis de séjour spéciaux aux femmes et migrantes ayant été soumises à des violences par leurs partenaires et à leurs enfants. La loi sur les étrangers limitait également la possibilité pour les personnes domiciliées en Suède ayant déjà commis des actes de violence contre des femmes et des enfants de faire venir leur partenaire dans le pays.

323. La représentante a indiqué que la lutte contre le trafic des personnes était également une priorité pour la Suède et qu'outre les efforts régionaux et nationaux qu'il déployait à cet égard, le Gouvernement avait signé en décembre 2000 la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et son protocole afin de prévenir, supprimer et réprimer le trafic des personnes et notamment la traite des femmes et des enfants. Depuis janvier 1999, date à laquelle la loi interdisant la rémunération des services sexuels était entrée en vigueur, l'exploitation des prostituées était devenue une infraction pénale et le nombre de prostituées dans les rues avait décliné.

324. En 1999, la loi sur les étrangers avait été modifiée de façon à ce que l'asile soit accordé en cas de persécution fondée sur le sexe. Peu de femmes avaient tiré parti de cette disposition bien que la majorité des femmes demandeuses d'asile aient obtenu l'autorisation de rester en Suède. Des lignes directrices concernant les femmes réfugiées avaient été élaborées par le Conseil des migrations et des projets d'appui aux fillettes et aux femmes migrantes avaient été mis en oeuvre.

325. D'importants progrès avaient été réalisés pour ce qui est de la représentation des femmes au sein des organes de prise de décisions, mais il convenait de poursuivre les efforts. Les femmes étaient fortement représentées dans le secteur public mais 5,2 % seulement des membres de conseils d'administration d'entreprises privées étaient des femmes. La Suède estimait que pour parvenir à l'égalité entre les hommes et les femmes, il convenait avant tout d'assurer l'égalité d'accès à l'éducation. En matière d'éducation, les choix des hommes et des femmes se faisaient encore toutefois en fonction du sexe et même si quelques femmes étudiaient désormais des sujets traditionnellement « réservés » aux hommes, peu d'hommes avaient fait le choix inverse. Seulement 13 % des postes de professeur étaient pourvus par des femmes et le Gouvernement avait modifié les objectifs en matière de recrutement dans les universités.

326. Femmes et hommes connaissaient un taux de chômage peu élevé mais les emplois se répartissaient selon les sexes. Depuis 1993, le Conseil suédois du marché du travail recevait des fonds spécifiques pour aborder la question de la ségrégation par sexe sur le marché du travail et le Conseil national du développement industriel et technique avait mis en oeuvre des programmes visant à accroître le nombre de femmes entrepreneurs. La représentante a noté que pour réduire la discrimination à l'égard des femmes sur le marché du travail, il était essentiel de permettre aux individus de concilier responsabilités familiales et professionnelles. À compter de 2002, la durée du congé parental augmenterait de 30 jours et les pères auraient la possibilité de prendre deux mois de congé pour s'occuper de leurs enfants.

327. La représentante a informé le Comité que l'élimination des différences de salaire entre les hommes et les femmes faisait partie des priorités gouvernementales, les salaires des femmes ne représentant que 83 % environ de ceux des hommes. Elle a indiqué que ces disparités devaient être mises en lumière et leurs causes sous-jacentes étudiées de près. De nouvelles dispositions de la loi sur l'égalité obligeaient les employeurs ainsi que les syndicats à étudier et analyser toute différence de salaire discriminatoire et à prendre les mesures nécessaires pour remédier au problème.

328. La représentante a indiqué que les questions abordées dans le Programme d'action de Beijing constituaient le fondement de la politique nationale de la Suède en matière d'égalité entre les sexes. La Suède, en collaboration avec d'autres partenaires de l'Union européenne, mettait au point des indicateurs permettant d'évaluer les progrès réalisés dans les 12 principaux domaines passés en revue dans le Programme.

329. La représentante s'est félicitée de l'adoption et de l'entrée en vigueur du Protocole facultatif à la Convention et a fait observer que le processus de ratification par la Suède se terminerait en 2002. Elle a conclu en indiquant qu'une conférence de presse portant sur les conclusions du Comité serait organisée à l'issue de la session.


b) Observations finales du Comité

Introduction


330. Le Comité remercie le Gouvernement suédois de ses quatrième et cinquième rapports périodiques qui tiennent dûment compte des directives du Comité concernant l'élaboration des rapports périodiques. Il félicite le Gouvernement d'avoir fait participer les ONG à l'élaboration des rapports. Le Comité apprécie également les informations fournies en réponse aux questions soulevées par le Groupe de travail présession et au cours de la présentation orale.

331. Le Comité félicite le Gouvernement suédois d'avoir envoyé une délégation importante et ainsi a permis l'instauration d'un dialogue constructif et franc avec ses membres.


Aspects positifs

332. Le Comité félicite le Gouvernement suédois des progrès réalisés en matière d'égalité entre les sexes pour ce qui est de la participation des femmes aux processus politiques et à la prise de décisions. La Suède est, à cet égard, considérée par de nombreux pays comme un modèle. Le Comité note avec satisfaction que l'application de mesures prévues au paragraphe 1 de l'article 4 de la Convention a permis d'obtenir des résultats concrets dans certains domaines.

333. Le Comité note avec satisfaction que le Gouvernement suédois a obtenu des résultats non négligeables pour ce qui est de la promotion de l'égalité entre les hommes et les femmes et se félicite, en particulier, des efforts qu'il a déployés pour faire participer les jeunes garçons et les hommes aux initiatives visant à promouvoir l'égalité entre les sexes et à modifier des stéréotypes sexistes et des vues traditionnelles figées.

334. Le Comité félicite le Gouvernement d'avoir promulgué une législation prévoyant d'accorder des permis de séjour aux individus ayant des raisons légitimes d'avoir peur d'être persécutés du fait de leur orientation sexuelle ou de leur sexe, en particulier lorsqu'il s'agit de discrimination à l'égard des femmes.

335. Le Comité rend hommage au Gouvernement pour les efforts qu'il a déployés afin d'intégrer les sexospécificités dans ses politiques et à tous les stades de ses processus de prise de décisions, tout en appliquant des programmes spécialement conçus en faveur des femmes pour encourager l'égalité entre les sexes.

336. Le Comité félicite le Gouvernement d'être disposé à faire objection aux réserves faites par d'autres États parties dont il estime qu'elles sont incompatibles avec l'objet et le but de la Convention.

337. Il félicite également le Gouvernement d'avoir accepté la modification du paragraphe 1 de l'article 20 de la Convention.

338. Le Comité félicite le Gouvernement d'avoir signé la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée ainsi que son Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, et le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer.


Obstacles à l'application de la Convention

339. Le Comité note qu'il n'existe pas véritablement, en Suède, de facteurs ou de difficultés empêchant la mise en oeuvre effective de la Convention.


Principaux sujets de préoccupation et recommandations

340. Bien que le Gouvernement ait pris d'importantes mesures pour tenter de résoudre la question de la discrimination à l'égard des femmes sur le lieu de travail en promulguant une loi sur l'égalité entre les sexes et en créant un poste de médiateur pour l'égalité des chances, le Comité constate avec préoccupation que les différences de salaire entre les hommes et les femmes, aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé, n'ont pas diminué au cours des 10 dernières années. Le Comité estime que cela est lié à la persistance de la ségrégation sexuelle sur le marché du travail.

341. Le Comité demande instamment au Gouvernement d'adopter des politiques et des mesures pour que les différences de salaire entre hommes et femmes disparaissent au plus vite, et notamment de procéder à des évaluations, de recueillir des données, de continuer à étudier les causes sous-jacentes de ces disparités et d'accroître l'aide apportée aux partenaires sociaux pour ce qui est des négociations salariales collectives, en particulier lors de la détermination des structures de salaires dans les secteurs à forte proportion de femmes. Le Comité prie le Gouvernement de fournir davantage d'informations dans son prochain rapport périodique sur les initiatives qu'il aura prises pour éliminer les différences de salaire entre hommes et femmes.

342. Le Comité se préoccupe de l'existence d'une ségrégation sexiste à tous les niveaux du système d'éducation, et notamment en ce qui concerne les choix que font garçons et filles des disciplines traditionnelles, et les attitudes des enseignants, qui perpétuent et renforcent les stéréotypes sexistes.

343. Le Comité recommande également au Gouvernement de redoubler d'efforts pour éliminer les stéréotypes sexistes dans les programmes d'enseignement et d'inclure, dans la formation des enseignants, des éléments les sensibilisant à l'égalité entre les sexes. Compte tenu du fait qu'il existe une corrélation très nette entre le choix du domaine d'études et la position occupée sur le marché du travail, le Comité recommande au Gouvernement de ne ménager aucun effort pour mettre un terme à la ségrégation sexuelle en ce qui concerne les domaines d'études choisis et encourage aussi bien les hommes que les femmes à opter pour des disciplines non traditionnelles.

344. Le Comité félicite le Gouvernement d'avoir permis aux femmes de faire des progrès remarquables dans le domaine de la prise de décisions politiques, mais demeure préoccupé par le fait que les femmes continuent de ne guère être représentées dans les organes de direction et de prise de décisions des entreprises privées, ainsi que dans les comités de direction des administrations centrales et des entreprises d'État. Il est également préoccupé par le fait que les femmes sont peu nombreuses à la tête des conseils locaux et municipaux.

345. Le Comité appelle le Gouvernement à prendre des mesures visant à faciliter l'insertion professionnelle des femmes dans le secteur privé et notamment à adopter, conformément au paragraphe 1 de l'article 4 de la Convention, des mesures temporaires spéciales, chaque fois que cela lui sera possible. Le Comité demande également instamment au Gouvernement de prendre des mesures pour que davantage de femmes occupent des postes de prise de décisions dans tous les secteurs, y compris au sein des comités de direction des administrations centrales et des conseils de comté et municipaux, et en particulier à la tête de ces conseils, et dans les entreprises d'État.

346. Le Comité est préoccupé par le petit nombre de femmes au sein du système judiciaire.

347. Le Comité prie instamment le Gouvernement d'adopter des procédures appropriées pour que les femmes ne fassent l'objet d'aucune discrimination lors du processus de nomination dans la magistrature.

348. Tout en notant que les femmes sont nombreuses aux rangs inférieurs du service diplomatique, le Comité s'inquiète de leur faible représentation aux postes supérieurs de ce service, en particulier dans les postes d'ambassadeur.

349. Le Comité recommande que les politiques adoptées pour améliorer la représentation des femmes dans le service diplomatique, et en particulier augmenter le nombre d'ambassadrices, se poursuivent et que des mesures soient prises pour que les fonctionnaires femmes des affaires étrangères ne soient pas désavantagées lorsqu'il s'agit d'affectations à des postes de haut niveau.

350. Bien que les femmes soient nombreuses à avoir suivi un enseignement supérieur, le Comité est préoccupé par le fait qu'il n'y a que peu de femmes professeurs d'université. Les femmes semblent également défavorisées par rapport aux hommes lorsqu'il s'agit d'obtenir des bourses de recherche et d'autres ressources.

351. Le Comité demande instamment au Gouvernement d'adopter des politiques favorisant une augmentation du nombre des femmes occupant des postes de haut niveau dans les universités et de veiller à ce que les femmes professeurs bénéficient des mêmes ressources que leurs collègues masculins, notamment pour ce qui est des bourses de recherche.

352. Le Comité note que, malgré les mesures prises pour combattre la violence à l'égard des femmes, notamment au sein de la famille, la prévalence de ce type de violence montre qu'en matière de pouvoir, il existe encore un déséquilibre entre les hommes et les femmes.

353. Le Comité demande instamment au Gouvernement de recueillir davantage de données sur la nature et la portée de la violence contre les femmes, notamment au sein de la famille, de continuer à mettre en oeuvre les politiques en vigueur contre cette forme de violence et de les renforcer en accordant une attention toute particulière aux femmes handicapées et migrantes ou appartenant à des minorités.

354. Tout en se félicitant de la criminalisation de l'achat de services sexuels, le Comité craint que cette mesure ne risque de contribuer à l'augmentation de la prostitution clandestine et ne rende les prostituées plus vulnérables. Il s'inquiète également de ce que la Suède soit devenue un pays de destination de la traite des femmes.

355. Le Comité encourage le Gouvernement à évaluer les effets de la politique actuellement en vigueur visant à criminaliser l'achat de services sexuels, compte tenu notamment de l'absence totale de données sur la prostitution clandestine, qui risque d'avoir des effets sur la traite des femmes et jeunes filles. Le Comité encourage la Suède, par l'intermédiaire de ses autorités, à poursuivre ses efforts dans le cadre de l'Union européenne afin de lutter contre la traite des femmes, et notamment à prendre des mesures pour prévenir la traite, à recueillir des données à son sujet, à fournir des services aux femmes qui en sont les victimes et à punir ceux qui promeuvent ce trafic.

356. Prenant note des mesures adoptées par le Gouvernement pour combattre la discrimination, le Comité se déclare préoccupé par la discrimination dont continuent de faire l'objet les femmes migrantes, réfugiées et appartenant à des minorités, notamment dans les domaines de l'éducation et de l'emploi ainsi que de la discrimination et de la violence sexiste auxquelles elles se heurtent dans leurs propres communautés. Il s'inquiète également de la discrimination dont font l'objet les femmes same et rom.

357. Le Comité prie instamment le Gouvernement de prendre des mesures efficaces pour éliminer la discrimination à l'égard des femmes migrantes, réfugiées et appartenant à des minorités ainsi que pour renforcer sa lutte contre la xénophobie et le racisme en Suède. Il encourage également le Gouvernement à prendre davantage les devants pour empêcher la discrimination à l'égard des femmes migrantes, réfugiées et appartenant à des minorités, tant au sein de leurs communautés que de la société dans son ensemble, pour lutter contre la violence dont elles sont victimes et appeler leur attention sur les services sociaux et recours juridiques dont elles peuvent se prévaloir.

358. Notant que la Suède soutient le Protocole facultatif de la Convention et a signé rapidement cet instrument, le Comité encourage le Gouvernement à le ratifier dès que possible.

359. Le Comité prie le Gouvernement de répondre aux préoccupations exprimées dans les présentes conclusions dans le prochain rapport périodique qu'il présentera au titre de l'article 18 de la Convention. Il demande également à ce que les futurs rapports ne fassent pas référence aux rapports précédents mais résument brièvement les informations déjà données.

360. Le Comité demande que les présentes observations soient largement diffusées en Suède afin d'informer la population, et en particulier les responsables gouvernementaux et la classe politique, des mesures prises pour assurer l'égalité de jure et de facto entre hommes et femmes et des mesures qui restent encore à prendre. Il prie également le Gouvernement suédois de continuer à diffuser largement et en particulier auprès des organisations de femmes et de défense des droits de l'homme, le texte de la Convention et de son protocole facultatif, les recommandations générales du Comité, la Déclaration et le Programme d'action de Beijing et les résultats de la vingt-troisième session extraordinaire de l'Assemblée générale intitulée « Les femmes en l'an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXIe siècle ».



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