University of Minnesota



Observations finales du Comité sur l
'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Afrique du Sud, U.N. Doc. A/53/38/Rev.1,paras.100-137 (1998).




Comité pour l'élimination
de la discrimination à l'égard des femmes
Dix-neuvième session
22 juin au 10 juillet 1998


Afrique du Sud


Le Comité a examiné le rapport initial de l'Afrique du Sud (CEDAW/C/ZAF/1) à ses 387e, 388e et 393e séances, les 24 et 29 juin 1998 (voir CEDAW/C/SR.387, 388 et 393).


La représentante de l'Afrique du Sud a indiqué que son pays avait adhéré à la Convention pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, sans émettre de réserves, le 15 décembre 1995. Elle a fait observer que la lutte visant à améliorer la condition des femmes dans la société sud-africaine allait de pair avec les efforts déployés par son pays pour reconstruire une société à partir des vestiges laissés par le régime oppressif d'apartheid.

La représentante de l'Afrique du Sud a informé le Comité que la nouvelle Constitution avait été rédigée en termes non sexistes et accessibles à tous et largement diffusée dans 11 langues et en braille. La Constitution garantissait l'égalité des hommes et des femmes et interdisait la discrimination fondée notamment sur le sexe, la grossesse et la situation matrimoniale. L'égalité des sexes et la prise de mesures correctives avaient aussi été consacrées dans la Constitution.

La représentante de l'Afrique du Sud a fait observer que, peu après l'accession au pouvoir du nouveau Gouvernement en 1994, il avait été créé au Cabinet du Président un Bureau pour le renforcement du pouvoir des femmes chargé d'élaborer une politique à cette fin. À la suite d'une vaste consultation, l'Afrique du Sud avait adopté un mécanisme national doté d'une stratégie à objectifs multiples pour l'intégration des questions relatives aux femmes et la transformation des relations entre les sexes. Le Bureau de la condition de la femme, qui relevait du Cabinet du Vice-Président, était chargé de traduire en programmes concrets les objectifs de l'égalité des sexes fixés par le Gouvernement. Un projet de principe sur le renforcement du pouvoir des femmes et l'égalité des sexes avait été récemment mis au point. La Commission pour l'égalité des sexes a été chargée de faciliter la transformation des relations entre les sexes dans la société civile au moyen de campagnes d'éducation et de sensibilisation. Malgré ces progrès, la représentante de l'Afrique du Sud a indiqué que le mécanisme national avait encore besoin d'être consolidé.

La représentante de l'Afrique du Sud a fait observer que le patriarcat et les pratiques coutumières, culturelles et religieuses, qui continuaient d'être profondément enracinés, favorisaient une discrimination généralisée à l'égard des femmes en Afrique du Sud. Elle a informé le Comité que la violence à l'égard des femmes et des enfants, y compris la violence familiale, les sévices sexuels et le harcèlement sexuel, s'intensifiaient et elle a décrit plusieurs initiatives prises dans ce domaine.

La représentante de l'Afrique du Sud a signalé que seulement 6 % des femmes sud-africaines de 20 ans et plus étaient diplômées de l'enseignement supérieur et que 20 % n'avaient reçu aucune instruction scolaire. Le chômage était plus élevé chez les femmes qui, la plupart du temps, étaient des travailleuses indépendantes pour lesquelles la sécurité de l'emploi et les revenus étaient moindres que pour celles ayant un emploi salarié dans le secteur structuré. En conséquence, le Gouvernement avait adopté plusieurs projets de loi visant notamment à remédier à cette situation. Il avait aussi adopté des mesures temporaires spéciales pour assurer plus rapidement l'égalité entre les femmes et les hommes dans le secteur public. Un livre blanc sur la réforme de la fonction publique avait fixé à 30 % de femmes l'objectif à atteindre lors du recrutement de cadres moyens et supérieurs au sein de la fonction publique. Elle a indiqué que, si l'on trouve actuellement peu de femmes parmi les hauts magistrats, une note d'information sur la réforme du système judiciaire avait récemment été établie. Elle a également signalé que les femmes sud-africaines représentaient actuellement 40 % du personnel des missions à l'étranger.

La représentante de l'Afrique du Sud a déclaré que le VIH/sida était le plus répandu parmi les femmes hétérosexuelles de 20 à 24 ans, en particulier parmi les femmes pauvres ou marginalisées, et que des soins de santé étaient offerts aux femmes enceintes et aux enfants de moins de 6 ans dans des dispensaires et hôpitaux d'État.

Elle a indiqué qu'en vertu de la loi coutumière relative au mariage, une femme mariée était une mineure placée sous la tutelle de son mari, mais que le Parlement envisageait d'abroger cette loi ainsi que d'autres lois relatives aux droits des femmes mariées selon le droit coutumier.

La représentante de l'Afrique du Sud a conclu en réaffirmant que le Gouvernement était fermement résolu à rendre la législation sud-africaine conforme à la Convention, à en appliquer intégralement les dispositions ainsi que le Programme d'action de Beijing et à fournir des services qui améliorent la qualité de la vie des femmes sud-africaines.


Le Comité félicite le Gouvernement sud-africain d'avoir ratifié la Convention sans émettre de réserves en décembre 1995. Il le félicite aussi de la clarté et de la franchise qui caractérisent le rapport et l'exposé oral ainsi que des réponses détaillées qu'il a données aux questions posées par le Comité.

Le Comité remercie le Gouvernement sud-africain d'avoir envoyé une délégation de haut niveau dirigée par le Ministre de la protection sociale et du développement démocratique, qui comptait également des représentants d'organisations non gouvernementales. Le rapport mentionne certaines recommandations générales du Comité et décrit les programmes mis en place pour mettre en oeuvre le Programme d'action de Beijing.


Le Comité prend note des efforts déployés par le Gouvernement au niveau de la législation, des politiques, des programmes et des activités de sensibilisation pour remédier aux séquelles de l'apartheid sur les femmes et assurer l'égalité des sexes. Il est conscient du rôle crucial que les femmes ont joué lors du passage de l'Afrique du Sud à une société démocratique et multiraciale, et du fait qu'elles continuent de participer activement à la création de conditions favorables au respect des droits de l'homme.

Le Comité accueille avec satisfaction la mise en place d'un mécanisme national ainsi que d'autres organismes en vue d'atteindre l'objectif de l'égalité des sexes. Il prend également note de la collaboration active du Gouvernement avec les organisations non gouvernementales et de l'existence d'un mouvement féminin dynamique.

Le Comité note avec satisfaction que, si le personnel de santé n'est pas obligé de participer aux avortements légaux, il ne peut bloquer l'accès aux services d'interruption de grossesse.

Facteurs entravant l'application de la Convention

Le Comité note que la discrimination généralisée et le sous-développement sont pour les femmes des vestiges de l'apartheid qui se manifestent dans des domaines tels que les taux de chômage élevés, l'analphabétisme, la pauvreté et la violence dont sont victimes les femmes.

Le Comité note que la Constitution sud-africaine comporte une disposition relative à l'égalité mais que la persistance de conflits entre la Constitution et le droit religieux et le droit coutumier perpétue des pratiques dans divers domaines qui sont discriminatoires à l'égard des femmes.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations du Comité

Le Comité recommande que soit adoptée, dans la Constitution et dans d'autres textes législatifs, une définition s'inspirant de celle qui figure à l'article premier de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. La définition en question doit pouvoir être utilisée facilement par les tribunaux saisis d'une affaire de discrimination fondée sur le texte.

Le Comité note que la Constitution ne définit pas la discrimination fondée sur le sexe. Il se déclare préoccupé par le fait que, malgré l'adoption de dispositions juridiques, ces lois et politiques restent encore à appliquer dans de nombreux domaines. Il note également avec inquiétude que le droit coutumier et le droit religieux continuent d'être reconnus et ont des répercussions néfastes sur les droits des femmes en matière de succession et de propriété foncière ainsi que dans les relations familiales.

Le Comité recommande que le Gouvernement adopte à titre prioritaire une législation et assure son application effective afin que l'égalité de jure et de facto des femmes soit garantie. Il recommande aussi l'élaboration d'un code de la famille uniforme conforme à la Convention qui aborde les problèmes de l'inégalité des droits en matière de succession et de propriété foncière et de la polygamie en vue d'y remédier.

Le Comité est préoccupé par le fait que le mécanisme national et la Commission pour l'égalité des sexes ne disposent pas de ressources humaines et financières suffisantes.

Il encourage le Gouvernement à veiller à ce que tous deux soient dotés des ressources nécessaires pour ancrer fermement le principe de l'égalité des sexes dès maintenant alors que le pays est en train de se constituer en société démocratique et multiraciale.

Le Comité se déclare préoccupé par le fait que la violence à l'égard des femmes, y compris la forte incidence de viols, notamment de petites filles, est un phénomène très répandu. Il note en particulier que, vu la persistance de taux élevés de criminalité et de violence dans le pays, les efforts visant à protéger les femmes de la violence, même s'ils occupent une place prioritaire dans la Stratégie nationale de prévention du crime, risquent de se perdre dans la lutte plus vaste menée contre la violence dans la société.

Le Comité recommande que les efforts visant à prévenir et à combattre la violence à l'égard des femmes continuent de recevoir la priorité qu'ils méritent, en vue d'assurer l'adoption d'une approche globale à cette fin. Il convient de prendre des mesures, notamment par le biais de l'éducation, de la prise de conscience et de la sensibilisation du public pour abolir les comportements stéréotypés qui font partie des causes de cette violence et pour en souligner le caractère inacceptable.

Le Comité encourage le Gouvernement à renforcer la collaboration étroite qu'il entretient avec la société civile et les organisations non gouvernementales pour combattre la violence à l'égard des femmes en allouant des crédits qui reflètent l'importance accordée à ce problème.

Le Comité recommande au Gouvernement de souligner la gravité du viol, y compris du viol conjugal, et d'appliquer la loi intégralement. Il l'engage en outre à entreprendre des recherches sur les causes à l'origine du nombre élevé de viols afin que des mesures efficaces de prévention puissent être prises.

Le Comité regrette que le problème de la traite des femmes n'ait pas reçu l'attention qu'il mérite.

Le Comité recommande d'examiner à la fois la situation juridique et la réalité en ce qui concerne la traite des femmes et demande que le prochain rapport de l'Afrique du Sud fournisse des renseignements sur cette question.

Malgré l'application de plusieurs mesures spéciales temporaires dans le domaine politique et la nomination de femmes à des postes de décision, le Comité se demande si ces mesures sont devenues acceptables.

Le Comité encourage le Gouvernement à continuer d'appliquer des mesures spéciales temporaires, notamment le système des quotas lors des prochaines élections. Par ailleurs, le Gouvernement est instamment invité à déterminer les moyens d'étendre le système des quotas à d'autres organismes gouvernementaux ou nommés par le Gouvernement pour que les femmes y soient plus largement représentées. À cet égard, il convient d'accorder une attention particulière aux organismes publics s'occupant de questions commerciales et économiques afin de faciliter l'accès des femmes aux postes de décision dans ces secteurs. Le Gouvernement est en outre vivement encouragé à veiller à la mise en place de mécanismes d'appui pour les bénéficiaires de mesures temporaires spéciales. Le Comité suggère également au Gouvernement d'examiner soigneusement les avantages et les inconvénients des différents systèmes électoraux du point de vue de la représentation des femmes.

Constatant que les femmes sont sous-représentées dans le système judiciaire, le Comité craint qu'il ne soit difficile, pour les femmes, d'accéder à des fonctions importantes. Il est préoccupé par le fait que le processus de nomination met l'accent sur des facteurs qui, de manière générale, favorisent les hommes.

Le Comité recommande que les mesures temporaires spéciales prévues à l'article 4 de la Convention soient appliquées pour accroître le nombre de femmes dans le système judiciaire, qui est faible.

Le Comité se déclare gravement préoccupé par le fort taux de chômage endémique qui frappe les femmes et l'application insuffisante de l'article 11 de la Convention. Vu le grand nombre de femmes parmi les travailleurs indépendants et les employés de maison, le niveau de protection dont celles-ci bénéficient, notamment dans les régimes d'assurance et de sécurité sociale de même que la tendance à un assouplissement de la législation relative à l'emploi, suscitent de vives inquiétudes.

Le Comité invite instamment le Gouvernement à accorder la priorité à la création d'activités productrices de recettes pour les femmes. Les initiatives actuelles, dont l'application de quotas dans les programmes de création d'emplois comme le programme communautaire de travaux publics devraient être étendues aux secteurs où le nombre de chômeuses est particulièrement élevé.

Le Comité est préoccupé par la répartition inégale des services de santé à l'échelon national. Il constate une insuffisance des données ventilées par sexe sur les taux de natalité et de morbidité. Il note avec inquiétude que la pratique de la mutilation génitale des femmes n'a pas été prise en compte.

Le Comité encourage le Gouvernement à poursuivre ses efforts pour assurer l'égalité d'accès aux services de santé dans tout le pays et pour faire en sorte que les femmes, notamment les femmes pauvres, aient accès aux programmes de planification familiale et à l'information à ce sujet pour rendre les femmes mieux à même de choisir et, partant, à renforcer leurs moyens d'action. Il recommande de poursuivre les recherches sur la fréquence des mutilations génitales des femmes et autres pratiques dangereuses comme le supplice du feu auquel sont soumises les prétendues sorcières, et de faire en sorte que ces pratiques soient interdites et éliminées.

Le Comité souligne que les groupes vulnérables de femmes, en particulier les femmes rurales, ont besoin de mesures concrètes propres à leur donner les moyens d'action nécessaires pour lutter contre la pauvreté, les faibles niveaux d'instruction et d'alphabétisation et les taux élevés de chômage et de fécondité. Il fait observer que les femmes rurales doivent participer au programme de réforme agraire.

Le Comité encourage le Gouvernement à mettre en oeuvre des programmes de mesures temporaires spéciales en faveur des groupes vulnérables de femmes vivant dans les zones rurales, dans des secteurs tels que l'éducation et l'emploi. Le mécanisme national mis en place à l'intention des femmes est encouragé à s'occuper énergiquement des questions de réforme agraire et des problèmes des femmes rurales pour assurer leur participation active dans ces domaines.

Le Comité demande que ces observations finales soient largement diffusées en Afrique du Sud pour faire prendre conscience à la population et, en particulier, aux administrateurs et aux politiciens des mesures qui ont été prises pour assurer l'égalité de facto des femmes et de celles qu'il reste à prendre à cette fin. Il prie également le Gouvernement de continuer à diffuser largement, en particulier auprès des organisations de femmes et de défense des droits de l'homme, la Convention, les recommandations générales du Comité ainsi que la Déclaration et le Programme d'action de Beijing.



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