University of Minnesota



Observations finales du Comité sur l
'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Slovaquie, U.N. Doc. A/53/38/Rev.1,paras.59-99 (1998).




Comité pour l'élimination
de la discrimination à l'égard des femmes
Dix-neuvième session
22 juin au 10 juillet 1998




Slovaquie

Le Comité a examiné le rapport initial de la Slovaquie (CEDAW/C/SVK/1 et CEDAW/C/SVK/1/Add.1) à ses 385e, 386e et 389e séances, les 23 et 30 juin 1998 (voir CEDAW/C/SR.385, 386, 389).

Présentation par l' État partie

En présentant le rapport de son pays, la représentante a souligné combien les droits de l'homme étaient importants pour tous les membres de la société, en particulier pour leur qualité de vie. Elle a confié au Comité que l'une des tâches prioritaires de la Slovaquie était de veiller au respect des libertés et des droits fondamentaux de tous les citoyens, notamment en adhérant aux traités internationaux et en veillant au respect des droits consacrés par ces instruments au niveau national.

La représentante a informé le Comité que la Slovaquie avait adopté des textes fondamentaux garantissant le respect de la démocratie, des droits de l'homme et des libertés civiles et avait souscrit aux accords internationaux auxquels la Tchécoslovaquie était partie. Lorsqu'elle a accédé à l'indépendance en janvier 1993, la Slovaquie a adhéré à plusieurs traités des Nations Unies relatifs aux droits de l'homme, y compris la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

La représentante a fait observer que son pays avait participé activement aux initiatives internationales relatives à la promotion des droits des femmes et à l'égalité entre les sexes. La Slovaquie a pris part aux grandes conférences mondiales tenues sous l'égide de l'ONU, notamment la quatrième Conférence mondiale sur les femmes, et a organisé une conférence mondiale pour dresser le bilan de l'Année internationale de la famille célébrée en 1995.

La Slovaquie a déployé tous ses efforts pour mettre en oeuvre le Programme d'action de Beijing, notamment en créant en mars 1996 un Comité de coordination chargé des problèmes des femmes, qui est composé notamment de représentants du Conseil national de la République slovaque, de hauts fonctionnaires, de membres d'organisations non gouvernementales et de syndicats, d'ecclésiastiques et d'experts. En 1997, le Comité de coordination chargé des problèmes des femmes a élaboré un plan national d'action pour les femmes, qui a été approuvé par le Gouvernement, puis présenté au Secrétariat de la Commission de la condition de la femme. La représentante a également fait savoir au Comité que la Slovaquie avait été élue membre de la Commission de la condition de la femme pour 1999 et que sa représentante était actuellement Vice-Présidente de la Commission.

Sur la base des résultats d'études démographiques et sociologiques, la représentante a fait observer que le mariage et la famille étaient des valeurs importantes de la société slovaque. Elle a indiqué que les femmes, étant donné les responsabilités importantes qu'elles assumaient, estimaient qu'elles ne bénéficiaient pas du même statut que les hommes, mais ne considéraient pas pour autant qu'elles faisaient partie du «sexe faible». Le statut et l'identité des femmes découlaient de leur rôle dans la société, notamment en tant que mères.

La représentante a indiqué que le système de sécurité sociale garantissait l'égalité entre les sexes en ce qui concernait les pensions de retraite, les assurances maladie, les allocations sociales gouvernementales et la protection sociale. Le Code du travail interdit la discrimination sexuelle et consacre le principe de l'égalité et les employeurs n'ont pas le droit de licencier abusivement les femmes enceintes ou celles qui ont à leur charge des enfants de moins de 3 ans. Le taux d'activité des femmes est très élevé en Slovaquie et la législation du travail est plus élaborée que celle de nombreux autres pays industrialisés. Toutefois, les femmes sont victimes d'inégalités en matière d'emploi, notamment en ce qui concerne leurs perspectives d'embauche et leur rémunération. À cet égard, la législation en cours d'élaboration, comme le nouveau Code du travail, la loi sur les droits civils et le statut de la fonction publique, met l'accent sur l'égalité en matière de rémunération.

La représentante a indiqué que la violence conjugale faisait l'objet d'une attention accrue, mais que ce problème relevait du domaine privé. Les mesures de prévention de la criminalité contribuent pour beaucoup à combattre toutes les formes de violence à l'égard des femmes et on a mis en place un conseil spécial qui fait fonction d'organe consultatif auprès du Gouvernement. Ce conseil a examiné les propositions du Ministère de l'intérieur et celles d'autres départements et bureaux régionaux en matière de prévention de la criminalité et devrait faciliter la coopération entre les organisations gouvernementales et non gouvernementales. Par ailleurs, l'augmentation en 1997 du nombre de policiers spécialisés dans la délinquance juvénile a permis de renforcer les capacités des institutions chargées de la prévention de la criminalité. Des spécialistes de la prévention de la criminalité ont également été recrutés dans tous les districts et régions.

La représentante a achevé son exposé en faisant observer que la Slovaquie avait élaboré avec beaucoup de sérieux son rapport au Comité et considérait que l'application effective des traités relatifs aux droits de l'homme était la condition sine qua non de l'instauration d'une société démocratique moderne et du respect de l'état de droit.

Conclusions du Comité

Introduction

Le Comité se félicite de la présentation du rapport initial de la Slovaquie, note avec satisfaction que la Slovaquie a présenté un rapport très complet, surtout en ce qui concerne l'additif, et a répondu de manière détaillée et dans les meilleurs délais à ses questions. Il se félicite de ce que le rapport énumère les nombreuses dispositions juridiques touchant la promotion de la femme.

Le Comité salue la délégation de haut niveau, notamment le Secrétaire d'État du Ministère slovaque du travail, des affaires sociales et de la famille.

Aspects positifs

Le Comité constate avec satisfaction que, en vertu du système juridique slovaque, les traités internationaux, y compris la Convention, ont été adoptés par le Parlement et ont la primauté sur la législation nationale.

Le Comité se félicite de la création du Comité de coordination chargé des problèmes des femmes et du Centre des femmes. Il constate avec plaisir que les mécanismes nationaux constituent un cadre solide pour la promotion de l'égalité et l'amélioration de la condition de la femme, ce qui est essentiel si l'on veut atténuer les effets des politiques d'ajustement structurel mises en oeuvre pendant la transition. Il constate avec plaisir que la Slovaquie a élaboré un plan national d'action pour les femmes conformément au Programme d'action de Beijing.

Enfin, le Comité se félicite de la situation générale des femmes en Slovaquie en ce qui concerne la santé et l'éducation.

Facteurs entravant l'application de la Convention

Le Comité constate que le passage de l'économie dirigée à l'économie de marché et à la démocratie ne se fait pas sans difficulté en Slovaquie, même si les facteurs sociaux sont pris en compte. Il observe qu'en l'absence de mesures et de politiques soucieuses d'équité entre les sexes, la transition risque d'avoir de lourdes répercussions sur les femmes, pour ce qui est de l'exercice de leurs droits fondamentaux, et d'entraver l'application de la Convention.

Le Comité s'inquiète de ce que la législation met trop l'accent sur la protection et la promotion des femmes en tant que mères et au sein de leur famille mais pas suffisamment sur leurs droits fondamentaux. Cette situation contribue à renforcer les stéréotypes et amènent les pères à ne pas prendre part à l'éducation des enfants. Ce type de législation repose sur une interprétation erronée de concepts essentiels comme la répartition des rôles, la discrimination indirecte et l'inégalité de fait.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations du Comité

Le Comité craint que les mesures temporaires spéciales et les politiques de promotion des femmes, telles que définies dans la Convention, aient été mal comprises et mal interprétées par le Gouvernement. Si les institutions législatives et autres sont essentielles pour assurer la promotion des femmes, elles ne sont pas suffisantes pour régler le problème de l'inégalité entre les sexes en matière d'emploi et dans la politique. Le Comité fait observer que l'établissement de quotas et la mise en oeuvre de mesures à court terme sont souvent controversés alors que les mesures temporaires spéciales s'avèrent efficaces pour régler le problème de la discrimination structurelle à l'égard des femmes en matière d'emploi et dans la politique et promouvoir l'égalité de fait entre les sexes.

Le Comité recommande au Gouvernement de reconsidérer sa position au sujet des mesures temporaires spéciales et de prendre note des études effectuées et de l'expérience acquise, au niveau international, en matière de discrimination structurelle. Ce type de discrimination peut être éliminé grâce à des mesures temporaires spéciales. Le Comité recommande donc l'adoption de telles mesures, associée à la poursuite d'objectifs chiffrés tels que la présence d'au moins 30 % de femmes et à l'établissement de calendriers en vue d'accroître le nombre de femmes dans les partis politiques ainsi que dans tous les secteurs d'emploi et à tous les niveaux.

Le Comité se demande si le Comité de coordination chargé des problèmes des femmes est doté d'un mandat adéquat ainsi que des ressources et du personnel voulus.

Le Comité demande que le prochain rapport de la Slovaquie traite de manière détaillée du statut et des responsabilités du Comité de coordination chargé des problèmes des femmes, de ses programmes et de leurs incidences, et mette particulièrement l'accent sur les effets des mesures temporaires spéciales. Il recommande au Gouvernement d'allouer au Comité de coordination chargé des problèmes des femmes les ressources nécessaires à la mise en oeuvre effective du plan national d'action. Il lui recommande également de changer le nom de ce comité afin de bien montrer que les «problèmes des femmes», tels qu'ils sont actuellement appréhendés en Slovaquie, sont en fait des problèmes qui concernent la société tout entière et qui exigent par conséquent une approche théorique différente.

Le Comité s'inquiète du nombre élevé de cas de violence conjugale qui sont parfois à l'origine de décès. Le Comité s'inquiète également de ce que la police ne peut agir tant que la victime n'a pas porté plainte et que la corroboration de témoins indépendants est nécessaire pour prouver la culpabilité de l'agresseur. Par ailleurs, il n'existe pas de refuge pour les victimes de violence conjugale en cas d'urgence.

Le Comité recommande au Gouvernement d'adopter des procédures qui permettent de poursuivre les auteurs de violence sans que la victime ait besoin de témoigner et sans que ses affirmations soient corroborées; de créer des lignes téléphoniques spéciales pour les victimes ainsi que des centres où elles peuvent recevoir une aide psychologique et médicale; et de diffuser des informations sur la violence contre les femmes par le biais des médias afin de sensibiliser l'opinion publique à cette question.

Le Comité juge regrettable qu'aucune information n'ait été transmise ou recueillie quant à la situation réelle en matière de traite des femmes. Le trafic de personnes est un crime international et il faut donc considérer non seulement la situation des femmes slovaques qui sont emmenées hors de Slovaquie mais encore celle des femmes originaires de pays voisins amenées en Slovaquie.

Le Comité prie la Slovaquie de veiller particulièrement à la protection des droits fondamentaux des femmes et de prendre toutes les mesures voulues pour surveiller la traite des femmes sur son territoire et y mettre fin, notamment de sensibiliser la police, y compris la police des frontière, et les organisations non gouvernementales concernées. Il encourage la Slovaquie à continuer de coopérer avec les États limitrophes dans la lutte contre le trafic transfrontière. Il demande également au Gouvernement de lui communiquer dans son prochain rapport des informations détaillées sur le nombre de femmes qui ont été amenées en Slovaquie et de femmes renvoyées dans leur pays d'origine, ainsi que des statistiques concernant le nombre de personnes arrêtées, jugées et condamnées pour traite de femmes.

Le Comité constate avec préoccupation que les ONG ont peu participé à l'élaboration du rapport initial.

Le Comité recommande que le Gouvernement encourage les ONG s'occupant des femmes à participer à l'élaboration des grandes orientations nationales et au suivi de mise en oeuvre. Par ailleurs, il recommande au Gouvernement de noter que les organisations non gouvernementales jouent un rôle important, contribuant à sensibiliser le public à corriger les stéréotypes traditionnels sur les femmes.

Le Comité est préoccupé par la création et la multiplication d'écoles ménagères «réservées aux filles» et qui enseignent à tenir les rôles féminins traditionnels, promouvant ainsi les stéréotypes.

Soulignant la nécessité d'encourager les filles et les garçons à choisir des disciplines d'étude non traditionnelles afin de promouvoir l'égalité des chances, le Comité demande que le prochain rapport donne des précisions sur les objectifs et la composition des élèves de ces écoles et sur ce qui fait l'originalité de leurs programmes.

Le Comité juge regrettable que sur le marché du travail, les femmes, outre les faibles rémunérations qu'elles perçoivent, soient nettement reléguées dans certains emplois. La ségrégation professionnelle des sexes ne saurait justifier les inégalités de salaire. Le Comité craint par ailleurs que les définitions d'emploi selon lesquelles une tâche pénible requiert la force physique masculine et un salaire plus élevé, ne reposent sur une conception partiale de la pénibilité : d'autres facteurs physiquement éprouvants peuvent ne pas être pris en considération lorsqu'il s'agit d'activités exercées par les femmes – qui sont alors moins payées que les hommes.

Le Comité prie le Gouvernement de s'inspirer des travaux d'étude en cours et des pratiques en vigueur afin de mettre fin aux inégalités de salaire, pour que les femmes perçoivent un salaire égal à celui des hommes pour un travail de valeur égale et comparable. Il recommande également au Gouvernement d'appliquer des mesures temporaires spéciales pour faire cesser la ségrégation des sexes sur le marché du travail.

Le Comité juge regrettable que le Gouvernement n'ait pas expliqué, comme cela lui avait été demandé, pourquoi les femmes slovaques doivent choisir entre travailler et élever des enfants. Il existe une structure sociale pour accueillir les enfants âgés d'au moins 2 ans, mais il n'y a pas d'équivalent pour les enfants âgés de moins de 2 ans. En outre, la diminution du nombre de crèches maternelles compromet beaucoup l'égalité des chances des femmes sur le marché du travail : faute de crèches, les mères doivent interrompre leur carrière, ce qui nuit à leur situation professionnelle, leur rémunération et leur avancement.

Le Comité recommande que le Gouvernement slovaque propose différentes options aux femmes qui ont des enfants et choisissent de travailler, notamment qu'il ouvre et rende accessible des garderies. Le Comité recommande en outre que les crèches maternelles reçoivent un financement et une assistance de l'État et des collectivités locales afin que les femmes aient la possibilité de travailler.

Le Comité estime très préoccupant le nombre élevé d'avortements pratiqués en Slovaquie et craint que l'interruption volontaire de grossesse ne soit employée comme méthode de planification familiale.

Le Comité recommande vivement que le Gouvernement développe l'éducation au planning familial et élargisse l'accès aux moyens de contraception peu onéreux et sûrs, de manière à réduire le nombre d'avortements.

Le Comité constate avec inquiétude qu'il n'existe pas de programmes qui permettent aux femmes rurales d'acquérir les compétences et les ressources sans lesquelles elles ne pourront être compétitives sur le marché du travail.

Le Comité recommande que le Gouvernement fournisse des informations concernant les mesures prises pour donner des moyens d'action aux femmes rurales et favoriser leur autosuffisance économique.

Le Comité regrette l'insuffisance des informations sur les femmes appartenant aux minorités de Slovaquie.

Le Comité recommande que le Gouvernement slovaque réunisse et fournisse des statistiques sur la situation sociale, économique et politique des femmes appartenant à des minorités, en vue d'établir des mesures qui tiennent compte des besoins particuliers des différents groupes de population. Il engage en outre le Gouvernement à s'inquiéter du fort chômage parmi les femmes tziganes et à présenter plus en détail dans son prochain rapport les programmes d'assistance qu'il à mis en oeuvre à cet égard.

Le Comité regrette que le rapport ne respecte pas pleinement ses directives concernant la forme et le contenu des rapports initiaux et ne prenne pas en compte ses recommandations générales.

Aux fins d'une meilleure présentation de l'information, le Comité demande que, dans le prochain rapport, la Slovaquie tienne compte de ses directives et qu'elle étudie sérieusement ses recommandations générales lors de l'élaboration du rapport et des mesures législatives.

Le Comité demande que ses observations finales soient largement diffusées en Slovaquie afin que la population, et plus particulièrement les responsables de l'administration publique et les hommes politiques, sachent quelles mesures ont été prises pour assurer l'égalité de fait entre les sexes et quelles autres actions sont encore nécessaires. Le Comité prie aussi le Gouvernement de continuer de diffuser largement, en particulier auprès des organisations de défense des droits des femmes et des droits fondamentaux, la teneur de la Convention, avec ses recommandations générales, et de la Déclaration et du Programme d'action de Beijing.



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