University of Minnesota



Observations finales du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Singapour, U.N. Doc. CEDAW/C/SGP/CO/4/Rev.1 (2011).


 

Convention sur l’élimination de toutes les formes
de discrimination à l’égard des femmes

Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes
Quarante-neuvième session
11-29 juillet 2011

CEDAW/C/SGP/CO/4/Rev.1

Distr. générale

16 janvier 2012

Français

Original : anglais

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes

Singapour

1. Le Comité a examiné le quatrième rapport périodique de Singapour (CEDAW/ C/SGP/4) lors de ses 993e et 994e séances, le 22 juillet 2011 (CEDAW/C/SR.993 et 994). La liste des questions suscitées par le rapport périodique établie par le Comité a été publiée sous la cote CEDAW/C/SGP/Q/4 et les réponses du Gouvernement de Singapour ont été publiées sous la cote CEDAW/C/SGP/Q/4/Add.1.

A. Introduction

2. Le Comité remercie l’État partie pour son quatrième rapport périodique, qui, en général, a suivi les directives du Comité relatives à l’établissement des rapports se référant aux observations finales précédentes. Le Comité lui exprime sa gratitude pour sa présentation orale, ses réponses écrites aux questions et points soulevés par son groupe de travail d’avant session et pour les précisions supplémentaires qu’il a apportées en réponse aux questions orales du Comité.

3. Le Comité félicite la délégation de haut niveau envoyée par l’État partie, dirigée par le Ministre d’État au développement communautaire, à la jeunesse et aux sports de Singapour, qui comprenait des représentants des ministères concernés, possédant une parfaite connaissance des domaines visés par la Convention. Le Comité est satisfait du dialogue ouvert et constructif qui a eu lieu entre la délégation et les membres du Comité.

B. Aspects positifs

4. Le Comité se réjouit des progrès accomplis depuis l’examen du troisième rapport périodique de l’État partie en 2007 (CEDAW/C/SGP/3), soit les réformes législatives et l’adoption d’une palette de mesures législatives. Le Comité fait en particulier référence :

a) À la révision de la loi relative à l’emploi (2009) et à l’adoption d’un nouveau cadre réglementaire régissant les agences de placement (2011);

b) Aux amendements au Code pénal (2008), qui introduisent des dispositions visant à protéger les jeunes contre l’exploitation sexuelle à des fins commerciales;

c) Aux amendements à la loi sur l’administration du droit islamique (2008), portant de 16 à 18ans l’âge minimal requis pour le mariage des femmes musulmanes;

d) Aux amendements à la loi sur les preuves et au Code de procédure criminelle (2010);

e)  Aux amendements à la Charte des droits de la femme (2011);

f)  Aux amendements à la loi sur les enfants et les jeunes, qui protège les filles et les jeunes femmes contre les sévices, la négligence et l’exploitation (2011).

5. Le Comité note avec satisfaction les initiatives prises par l’État partie pour promouvoir l’égalité entre les sexes et défendre les droits des femmes, par exemple la création d’un réseau national pour la protection des familles contre la violence et l’équipe spéciale interinstitutions de lutte contre la traite des êtres humains, ainsi que l’adoption d’un train amélioré de mesures de soutien à la parenté, en particulier une extension du congé de maternité et du congé pour soins aux enfants et aux nouveau-nés pour les deux parents.

6. Le Comité se félicite également de la ratification par l’État partie de la Convention contre la criminalité transnationale organisée et de l’amendement au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (2010). Le Comité salue aussi le retrait partiel de la réserve émise par l’État partie aux articles 2 et 16 de la Convention (2011).

C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations

7. Le Comité rappelle l’obligation à laquelle est tenu l’État partie d’appliquer rigoureusement et sans exception toutes les dispositions de la Convention et appelle en priorité son attention sur les sujets de préoccupation et les recommandations énoncés dans les présentes observations finales d’ici à la présentation de son prochain rapport périodique. Il demande donc instamment à l’État partie de se concentrer sur ces questions dans ses activités de mise en œuvre et de rendre compte des mesures prises et des résultats obtenus dans son prochain rapport périodique. Le Comité prie l’État partie de transmettre les présentes observations finales à tous les ministères concernés, au Parlement et aux instances judiciaires, de façon à en assurer l’application intégrale.

Parlement

8. Tout en réaffirmant que le Gouvernement est responsable au premier chef et comptable du plein respect des obligations que la Convention impose à l’État partie, le Comité souligne que la Convention est contraignante pour toutes les branches du Gouvernement et invite l’État partie à encourager son Parlement à prendre, conformément à ses procédures et selon que de besoin, les mesures nécessaires à l’application des observations finales et à l’établissement du prochain rapport au titre de la Convention.

Statut juridique de la Convention

9. Le Comité reconnaît que l’État partie est acquis aux principes d’égalité des sexes et de non-discrimination inscrits dans la Convention. Néanmoins, il demeure préoccupé par le fait que, malgré la ratification de la Convention en 1995, l’État partie n’a toujours pas transposé ces principes dans le droit interne.

10. Le Comité exhorte l’État partie à placer au rang de ses priorités l’intégration pleine et entière de la Convention dans son système juridique, afin de conférer un rôle central à la Convention comme cadre de référence pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

Définition de l’égalité et de la non-discrimination

11. Tout en notant que les principes généraux d’égalité et de non-discrimination sont garantis par l’article 12 de la Constitution de Singapour, le Comité reste préoccupé par l’absence de définition spécifique de la discrimination envers les femmes comme le prévoit l’article 1 de la Convention dans la législation de l’État partie, qui comprend la Charte des droits de la femme.

12. Le Comité réitère sa recommandation précédente (CEDAW/C/SGP/CO/3, par. 14) et insiste pour que l’État partie incorpore dans sa Constitution ou dans toute autre loi pertinente une définition de la discrimination à l’égard des femmes, portant sur la discrimination directe et indirecte, en accord avec l’article 1 de la Convention, et qu’il ajoute des dispositions visant à interdire toutes les formes de discrimination contre les femmes pour quelque motif que ce soit.

Réserves

13. Le Comité note le retrait partiel des réserves de l’État partie aux articles 2 et 16, ainsi que les progrès réalisés pour mettre ses lois en conformité avec la Convention. Le Comité, toutefois, constate avec inquiétude les réserves de l’État partie aux alinéas a) à f) de l’article 2; aux alinéas a), c) et h) du paragraphe 1 de l’article 16; au paragraphe 2 de l’article 16; et au paragraphe 1 de l’article 11. Le Comité est d’avis que ces réserves ne sont pas admissibles puisque ces articles sont essentiels à la mise en œuvre de toutes les autres dispositions de la Convention. À ce propos, le Comité prend acte de l’information fournie dans les réponses aux questions du Comité, et lors des échanges qu’il a eus avec ce dernier, selon laquelle le Gouvernement envisage de revoir sa position concernant les réserves à la Convention.

14. Le Comité insiste pour que l’État partie adopte complètement les sections des articles 2 et 16 qui sont maintenant applicables et lui demande instamment de réfléchir à la possibilité de retirer, suivant un calendrier précis, les réserves qui subsistent aux articles 2 et 16, et au paragraphe 1 de l’article 11, et qui sont contraires à l’objet et au but de la Convention.

Lois discriminatoires

15. Le Comité apprécie les efforts qu’a déployés l’État partie pour réexaminer et réviser, avec l’aide du Conseil de la religion islamique de Singapour (MUIS), la législation discriminatoire et aligner le droit de la charia sur le droit civil; notamment les amendements à la loi sur l’administration du droit islamique en 2008 qui élèvent l’âge minimum du mariage musulman pour les deux parties de 16 à 18 ans, la fatwa sur la propriété conjointe et la fatwa sur les nominations au Fonds central de prévoyance, actualisées en 2010. Le Comité demeure pourtant profondément préoccupé par le maintien du double régime matrimonial dans l’État partie et les dispositions discriminatoires qui subsistent dans les lois relatives au mariage, au divorce et à la nationalité et qui privent les femmes des mêmes droits que les hommes. Il s’inquiète également de l’absence de libre choix entre le tribunal de la charia et le tribunal de la famille en ce qui concerne le règlement des différends.

16. Le Comité enjoint l’État partie :

a) De poursuivre sans tarder la révision de sa législation afin d’harmoniser, selon un calendrier précis, ses lois internes avec les obligations qui lui incombent en vertu de la Convention;

b) De donner plus de poids à sa réforme législative en instaurant un partenariat et une coopération avec les dignitaires religieux hommes et femmes, les juristes et les organisations de la société civile, dont les associations féminines non gouvernementales;

c) D’offrir le choix en matière de justice entre les tribunaux de la charia et les tribunaux de la famille.

Mécanisme pour la promotion de la femme

17. Tout en prenant note de la nouvelle appellation du Service des affaires féminines, devenu le Bureau chargé de l’épanouissement de la femme le 1er juillet 2011, le Comité s’inquiète de son autorité restreinte, de ses faibles ressources humaines et financières, et de son incapacité à obtenir que les politiques en faveur de l’égalité des sexes soient correctement formulées et pleinement appliquées dans tous les ministères et bureaux du Gouvernement.

18. Le Comité renouvelle sa précédente recommandation (CEDAW/C/SGP/ CO/3, par. 18) et invite l’État partie à revaloriser le statut du mécanisme national pour la promotion de la femme, à renforcer son mandat et à lui octroyer les ressources humaines, financières et techniques requises.

Mesures temporaires spéciales

19. Le Comité constate avec inquiétude que l’État partie ne prévoit nullement d’adopter des mesures temporaires spéciales pour accélérer la réalisation d’une égalité effective entre hommes et femmes dans tous les domaines de la Convention, en particulier dans les domaines où les femmes sont sous-représentées ou désavantagées.

20. Le Comité rappelle sa précédente recommandation (CEDAW/C/SGP/ CO/3, par. 20) et prie l’État partie :

a) De sensibiliser toutes les autorités concernées à la notion de mesures temporaires spéciales qui figure au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention, telle qu’interprétée dans la recommandation générale 25 du Comité;

b) D’envisager l’application de mesures temporaires spéciales sous des formes diverses dans les domaines où les femmes sont sous-représentées ou défavorisées et d’allouer des ressources supplémentaires, si besoin est, pour accélérer la promotion de la femme.

Stéréotypes et pratiques nuisibles

21. Le Comité réaffirme sa préoccupation face à la persistance d’attitudes patriarcales et de préjugés tenaces sur les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et la société dans son ensemble. À cet égard, le Comité est particulièrement inquiet de la permanence dans l’État partie, malgré l’égalité juridique conférée aux épouses, de pratiques culturelles traditionnelles discriminatoires qui continuent à renvoyer au concept de « chef de famille » et à attribuer ce rôle à l’homme. De plus, le Comité se préoccupe de la prolifération de publicités pour des produits et des services censés transformer l’image du corps et satisfaire aux attentes de la société, ainsi que de l’absence de directives claires à l’adresse des praticiens sans formation médicale qui exercent, par exemple, dans les cliniques de chirurgie esthétique, les centres de beauté et les centres de remise en forme. Il constate que l’importance culturelle excessive accordée à la beauté de la femme et l’absence de règles véritables concernant l’exploitation commerciale qui en est faite, notamment par les médias, renforcent l’image de la femme comme objet sexuel et portent atteinte au respect et à la réalisation des droits fondamentaux de la femme inscrits dans la Convention. Le Comité relève en outre que, bien que l’État partie reconnaisse le principe d’égalité de tous les individus devant la loi, tel que consacré par la Convention, indépendamment du sexe, de l’orientation et de l’identité sexuelles (CEDAW/C/SGP/Q/4/Add.1, par. 113), les stéréotypes féminins sont toujours négatifs.

22. Le Comité appelle l’État partie :

a) À mettre en place dans les meilleurs délais une stratégie globale pour modifier ou extirper les attitudes patriarcales et les stéréotypes discriminatoires à l’égard des femmes, parmi lesquels ceux qui se fondent sur les préférences et l’identité sexuelles, conformément aux dispositions de la Convention. Ces mesures devraient comporter des actions menées avec le concours de la société civile dans le but d’éduquer et de communiquer sur ce sujet, en ciblant les femmes et les hommes à tous les échelons de la société;

b) À entreprendre des efforts généralisés, soutenus et systématiques pour combattre et dissiper les concepts culturels discriminatoires, tels que « chef de famille », qui ont des effets pervers sur la réalisation de l’égalité entre hommes et femmes;

c) À imposer des règles plus strictes en matière de sécurité et à étendre les directives qui existent pour les médecins aux praticiens sans formation médicale qui exercent dans les cliniques de chirurgie esthétique, les salons de beauté et les centres de remise en forme, et à contrôler régulièrement leurs activités;

d) À recourir à des mesures innovantes pour que les médias contribuent à faire mieux comprendre l’égalité des hommes et des femmes, et que le système éducatif présente une image plus positive et moins stéréotypée de la femme; et

e) À suivre l’exécution des mesures prises et les réexaminer afin d’évaluer leur incidence et agir en conséquence.

Violence à l’égard des femmes

23. Le Comité fait part de son inquiétude devant la persistance de la violence dirigée contre les femmes dans l’État partie, en particulier la violence domestique et sexuelle, qui, bien souvent, n’est pas signalée. Tout en accueillant favorablement les amendements apportés au Code pénal en 2008, concernant l’incrimination du viol d’une épouse, le Comité est préoccupé de constater que la loi ne s’applique que si l’auteur et la victime vivent séparément et sont en train de mettre un terme à leur mariage, et si la victime a sollicité une ordonnance de protection personnelle.

24. Le Comité demande instamment à l’État partie :

a) De réexaminer son Code pénal et son Code de procédure criminelle en vue de criminaliser nommément les violences familiales et le viol conjugal et de veiller à ce que la définition du viol s’applique à tout acte sexuel non consenti;

b) De dispenser une formation obligatoire aux juges, aux procureurs et à la police portant sur la stricte application des dispositions juridiques ayant trait à la violence envers les femmes et d’initier les agents de police aux procédures à suivre lorsque des femmes sont victimes de violence;

c) D’inciter les femmes à signaler les incidents de violence domestique et sexuelle, en cessant de stigmatiser les victimes et en faisant prendre conscience de la nature criminelle de tels actes;

d) D’apporter une aide et une protection adéquates aux victimes de violence en renforçant la capacité des foyers et des centres d’aide aux femmes en détresse et en améliorant la coopération avec les organisations non gouvernementales qui proposent aux victimes refuge et réinsertion;

e) De recueillir des données statistiques sur les violences familiales et sexuelles ventilées par sexe, âge, nationalité et relation entre la victime et le coupable.

Traite des femmes

25. Tout en saluant la création en mars 2011 de l’équipe spéciale interinstitutions sur la traite des personnes et l’adoption de la définition de « traite des personnes » qui figure dans le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, le Comité demeure préoccupé par la persistance de la traite des femmes et des filles dans le pays et par l’incrimination présumée et l’expulsion des femmes et des filles victimes du trafic parce que contrevenant aux règles de l’immigration, ainsi que par le faible taux de signalement. Le Comité regrette également l’absence d’un cadre juridique général pour lutter contre la traite et protéger les victimes.

26. Le Comité enjoint l’État partie :

a) De ratifier le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes;

b) De promulguer une loi particulière contre la traite des personnes qui s’accompagne de la définition de la traite des êtres humains reconnue au niveau international, de façon à mieux identifier les victimes du trafic et à traduire en justice les trafiquants;

c) De renforcer les mesures destinées à combattre toutes les formes de traite des femmes et des enfants, notamment en faisant jouer davantage la coopération internationale, régionale et bilatérale avec les pays d’origine et de transit, comme il est prévu dans l’article 6 de la Convention, ainsi qu’en formant les juges, les agents des forces de l’ordre, les gardes frontière et les travailleurs sociaux;

d) De s’assurer que les individus impliqués dans la traite soient poursuivis et punis et que les victimes soient protégées et réinsérées.

Participation à la vie politique et publique

27. Tout en trouvant encourageante l’augmentation du nombre de femmes dans le service public, le Comité note avec préoccupation qu’aucune femme ne fait partie du Cabinet, et que les femmes continuent à être sous-représentées dans le processus décisionnaire du Gouvernement, de l’appareil judiciaire et du service diplomatique, ainsi que du secteur privé.

28. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter des lois et des politiques visant à une pleine et entière participation des femmes, sur un pied d’égalité avec les hommes, aux décisions prises dans tous les domaines de la vie publique, politique et professionnelle, conformément à l’article7 de la Convention, et d’adopter des mesures temporaires spéciales conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et aux recommandations générales no 23 (1997) et no 25 (2004) du Comité concernant les femmes dans la vie politique et publique et les mesures temporaires spéciales;

b) De prendre des dispositions de telle sorte que les femmes élues à une fonction publique bénéficient de l’appui institutionnel et des ressources nécessaires;

c) De conduire, à l’intention de l’ensemble de la société, des activités de sensibilisation sur l’importance de l’égalité entre les sexes et la participation des femmes à la prise de décisions et de mettre au point des programmes de formation et de tutorat à l’intention des femmes candidates et des femmes occupant des charges électives, de même que des programmes de formation aux fonctions de direction et à la négociation à l’intention des dirigeantes actuelles et à venir.

Emploi

29. Le Comité réaffirme sa préoccupation au sujet de la réserve de l’État partie au paragraphe 1 de l’article 11 de la Convention et s’inquiète de la ségrégation professionnelle horizontale et verticale qui subsiste, de l’écart des salaires entre hommes et femmes qui persiste, ainsi que de l’absence de définition juridique du harcèlement sexuel et de son interdiction. Le Comité s’inquiète de ce que le congé de maternité rémunéré de 16 semaines s’applique uniquement aux citoyennes singapouriennes et que les mères célibataires ne bénéficient pas des mêmes avantages que les femmes mariées. Le Comité est profondément troublé par les situations dans lesquelles les employées qui étaient enceintes ont été contraintes de démissionner.

30. Le Comité demande instamment à l’État partie :

a) De retirer sa réserve au paragraphe 1 de l’article 11 et de prendre des mesures efficaces pour éliminer la ségrégation professionnelle, tant horizontale que verticale;

b) De s’assurer que toutes les femmes employées, dans le secteur public comme dans le secteur privé, bénéficient d’un congé de maternité rémunéré, quelle que soit leur nationalité ou leur situation familiale;

c) D’adopter une loi garantissant l’égalité de rémunération à travail de même valeur pour réduire et, à terme, éliminer les écarts de salaire entre hommes et femmes, conformément à la Convention no 100 de l’Organisation internationale du travail (OIT) relative à l’égalité de rémunération;

d) d’adopter des dispositions législatives sur le harcèlement sexuel au travail et dans les établissements scolaires, en prévoyant des sanctions, des voies de recours civils et des dispositifs de réparation pour les victimes.

Employées de maison étrangères/épouses étrangères

31. Sans négliger le vaste arsenal de mesures législatives, administratives et éducatives adopté par l’État partie pour protéger les employées de maison étrangères, et l’adoption en avril 2011 d’un nouveau cadre réglementaire dans le cadre de la loi relative aux agences de placement qui vise à améliorer les règles de recrutement et limiter les mauvais traitements et les abus, le Comité demeure préoccupé par la situation des employées de maison étrangères, notamment en ce qui concerne l’obligation qu’elles ont de passer régulièrement des tests de grossesse et des tests de dépistage des maladies sexuellement transmissibles, l’interdiction qui leur est faite d’épouser un Singapourien et le fait qu’elles n’ont droit à aucun jour de congé. Le Comité réaffirme aussi son inquiétude face à la situation des épouses étrangères de citoyens singapouriens, notamment eu égard à leur droit au travail et leur statut de résident permanent dans le pays.

32. Le Comité encourage l’État partie :

a) À revoir et modifier ses lois sur le travail pour qu’elles s’appliquent aux employées de maison d’origine étrangère, ou à adopter de nouvelles lois garantissant à ces employées un salaire convenable, des conditions de travail décentes, ce qui implique un jour de congé, des prestations et l’accès aux mécanismes de plainte et de recours;

b) À réexaminer et abroger la loi exigeant l’expulsion des titulaires d’un permis de travail, dont les employées de maison étrangères, qui sont enceintes ou atteintes d’une maladie sexuellement transmissible, comme le VIH/sida;

c) À octroyer un permis de travail aux épouses d’origine étrangère détentrices d’un visa de visite à des fins sociales et revoir son système d’octroi de la citoyenneté aux épouses étrangères dans un délai raisonnable suivant le mariage;

d) À ratifier la Convention no 111 de l’OIT concernant la discrimination en matière d’emploi et de profession, et à signer et ratifier la Convention no 189 de l’OIT concernant un travail décent pour le personnel domestique.

Mariage et relations familiales

33. Le Comité constate avec inquiétude que, malgré les mesures prises par l’État partie pour harmoniser la loi de la charia et la loi civile, les femmes musulmanes ne possèdent toujours pas les mêmes droits que les hommes pour ce qui est de la famille, du mariage et du divorce, ainsi que leur droit au mariage – qui dépend du consentement du wali de la femme – et la possibilité de divorcer par répudiation (talaq). Tout en tenant compte des réformes législatives effectuées par l’État partie qui rendent la polygamie pratiquement impossible, ce qui a engendré une baisse du nombre de mariages polygames, le Comité note avec préoccupation que la polygamie est toujours autorisée par la loi. Le Comité s’inquiète également de ce qu’aucune loi ne garantisse explicitement le droit de la femme à une part égale des biens matrimoniaux. De plus, le Comité est préoccupé par l’absence de dispositions juridiques régissant l’union libre, ce qui peut priver les femmes de protection et de recours en cas de séparation ou de violence à leur égard.

34. Le Comité prie l’État partie :

a) De garantir l’égalité entre les femmes et les hommes dans le mariage et les relations familiales; modifier sans délai toutes les dispositions et règles administratives discriminatoires, notamment celles qui concernent la famille, le mariage et le divorce, et prendre toutes les mesures législatives qui s’imposent pour que les femmes bénéficient d’une part égale de tous les biens conjugaux, indépendamment de leur contribution pécuniaire ou non pécuniaire au patrimoine des époux;

b) De légiférer le plus tôt possible afin que la polygamie soit totalement interdite dans tous les groupes de la société;

c) De procéder à un examen de son ordre juridique actuel relatif au mariage et aux relations familiales en vue d’étendre les dispositions juridiques existantes aux couples qui vivent en union libre.

Institutions nationales de défense des droits de l’homme

35. Le Comité regrette que l’État partie n’ait pas encore pris d’initiatives pour établir une institution des droits de l’homme indépendante, chargée de défendre et de promouvoir les droits fondamentaux des femmes, en application des principes concernant le statut des institutions nationales pour la protection et la promotion des droits de l’homme (Principes de Paris).

36. Le Comité recommande que l’État partie crée, dans des délais bien précis, une institution nationale indépendante de défense des droits de l’homme conformément aux Principes de Paris, dont les compétences s’étendraient aux questions liées à l’égalité des femmes et des hommes.

Protocole facultatif

37. Le Comité invite l’État partie à hâter ses efforts pour ratifier le Protocole facultatif.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

38. Le Comité engage l’État partie à tenir le plus grand compte, dans l’exécution de ses obligations au titre de la Convention, de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing, qui renforcent les dispositions de la Convention, et le prie de donner dans son prochain rapport périodique des renseignements à ce sujet.

Objectifs du Millénaire pour le développement

39. Le Comité souligne que l’exécution intégrale et efficace de la Convention est indispensable à la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement. Dans toutes les initiatives visant à atteindre ceux-ci, il préconise donc l’intégration systématique des questions d’égalité des sexes et la prise en compte explicite des dispositions de la Convention et il prie l’État partie de donner dans son prochain rapport périodique des renseignements à ce sujet.

Diffusion

40. Le Comité demande que les présentes observations finales soient largement diffusées pour que la population du pays, les membres de l’administration, les responsables politiques, les parlementaires et les organisations de femmes et de défense des droits de l’homme soient informés des mesures qui ont été prises pour assurer l’égalité de droit et de fait entre les sexes et des dispositions qui restent à prendre à cet égard. Le Comité recommande que la diffusion ait lieu également à l’échelle locale. L’État partie est invité à organiser une série de réunions qui permettront d’examiner les progrès accomplis dans l’application de ces recommandations. Le Comité demande à l’État partie de continuer à diffuser largement, surtout auprès des femmes et des organisations de défense des droits de l’homme, les recommandations générales du Comité, la Déclaration et le Programme d’action de Beijing, ainsi que les textes issus de la vingt-troisième session extraordinaire de l’Assemblée générale, intitulée « Les femmes en l’an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXIe siècle ».

Ratification d’autres traités

41. Le Comité souligne que l’adhésion de l’État partie aux deux principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme contribuerait à promouvoir l’exercice effectif des droits individuels et des libertés fondamentales des femmes dans tous les aspects de la vie. Le Comité encourage donc l’État partie à envisager de ratifier les traités auxquels il n’est pas encore partie, à savoir le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels; le Pacte international relatif aux droits civils et politiques; la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale; la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels; la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille; la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées; la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Suivi des observations finales

42. Le Comité demande à l’État partie de fournir par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations formulées dans les paragraphes 14 et 32 ci-dessus.

Élaboration du prochain rapport

43. Le Comité engage l’État partie à veiller à ce que tous les ministères et organismes publics participent largement à l’élaboration de son prochain rapport, ainsi qu’à se concerter, lors de cette étape, avec un large éventail d’organisations féminines et de défense des droits de l’homme.

44. Le Comité prie l’État partie de répondre aux préoccupations exprimées dans les présentes conclusions finales dans son prochain rapport périodique, en application de l’article 18 de la Convention. Le Comité invite l’État partie à soumettre son prochain rapport périodique en juillet 2015.

45. Le Comité invite l’État partie à suivre les « Directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument», approuvé à la cinquième réunion intercomités des organes créés en vertu d’instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme en juin 2006 (HRI/MC/2006/3 et Corr.1). Les directives sur l’établissement de rapports spécifiques à chaque instrument, adoptées par le Comité à sa quarantième session en janvier 2008 (A/63/38/annexe I), doivent être appliquées conjointement avec les directives harmonisées pour l’établissement de rapports sous la forme d’un document de base commun. Ensemble, ces directives constituent les directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Le rapport propre à cet instrument ne doit pas dépasser 40 pages, et le document de base commun actualisé ne peut dépasser 80 pages.

 



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