University of Minnesota



Observations finales du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Serbie, U.N. Doc. CEDAW/C/SRB/CO/2-3 (2013).


 

à l’égard des femmes

* Adopté par le Comité à sa cinquante-cinquième session (8-26 juillet 2013).

Observations finales concernant les deuxième et troisième rapports périodiques de la Serbie, soumis en un seul document *

Le Comité a examiné les deuxième et troisième rapports périodiques de la Serbie, soumis en un document unique (CEDAW/C/SRB/2-3), à ses 1144e et 1145e séances, le 18 juillet 2013 (CEDAW/C/SR.1144 et 1145). La liste de points et questions soulevés par le Comité figure dans le document CEDAW/C/SRB/Q/2-3 et les réponses du Gouvernement serbe dans le document CEDAW/C/SRB/Q/2-3/Add.1.

A.Introduction

Le Comité remercie l’État partie d’avoir présenté en temps voulu le document contenant ses deuxième et troisième rapports périodiques. Il le remercie également de ses réponses écrites à la liste de points et questions soulevés par le Groupe de travail d’avant session du Comité, de sa présentation orale et de ses réponses aux questions posées oralement par le Comité. Le Comité regrette toutefois de constater dans ce rapport, l’absence de données ventilées par sexe et d’autres facteurs pertinents outre des données qualitatives sur la situation des femmes dans divers domaines objets de la Convention, notamment en ce qui concerne les femmes appartenant à des groupes défavorisés.

Le Comité félicite l’État Membre de la composition de sa délégation, qui était menée par la Secrétaire d’État au travail, à l’emploi et aux affaires sociales, MmeBrankica Janković, et qui comprenait des représentants de ministères et bureaux ainsi que des députés. Le Comité se déclare satisfait des entretiens menés entre la délégation et les membres du Comité.

B.Aspects positifs

Le Comité salue l’adoption, depuis l’examen du précédent rapport de l’État partie, de dispositions législatives visant à éliminer la discrimination contre les femmes, notamment les suivantes :

a)La loi sur l’interdiction de la discrimination, adoptée en 2009, qui comporte une définition du principe d’égalité et interdit la discrimination fondée notamment sur le sexe;

b)La loi relative à l’égalité des sexes, adoptée en 2009, qui prévoit l’égalité des chances, et des mesures spéciales pour prévenir et éliminer la discrimination sexiste, ainsi qu’une procédure pour la protection juridique des personnes exposées à la discrimination;

c)La loi sur l’emploi et l’assurance chômage, adoptée en 2009, qui fait droit à l’égalité des sexes et garantit une protection contre la discrimination;

d)La loi sur la réinsertion professionnelle et l’emploi des handicapés, adoptée en 2009, comprenant certaines dispositions sur l’égalité des sexes pour les handicapés;

e)La loi fondamentale relative à l’éducation, adoptée en 2009, qui contient des dispositions contre la discrimination notamment sexiste; et

f)La loi relative aux élections législatives et la loi relative aux élections locales, adoptées en 2011, introduisant les quotas électoraux par sexe.

Le Comité félicite en outre l’État partie de l’adoption des mesures ci-après :

a)La Stratégie relative à la prévention et à la protection contre la discrimination (2013);

b)La Stratégie nationale visant à prévenir et à combattre la violence contre les femmes dans la famille et les relations intimes (2011-2015);

c)Le Plan national d’action sur l’application de la Résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité (2010-2015);

d)La Stratégie nationale pour l’amélioration de la condition de la femme et la promotion de l’égalité des sexes (2009-2015);

e)La Stratégie pour l’amélioration de la condition des Roms dans la République de Serbie (2009) et ses Plans d’action (2009-2011 et 2013-2014).

Le Comité note avec satisfaction que l’État partie a ratifié un certain nombre d’instruments internationaux et régionaux, ou y a accédé, notamment les suivants :

a)Convention relative aux droits des personnes handicapées, et son protocole facultatif, les deux instruments en 2009;

b)Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, en 2011;

c)Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains, en 2009.

C.Principaux domaines de préoccupation et recommandations

Assemblée nationale

Tout en réaffirmant que le Gouvernement a la responsabilité principale, et doit notamment répondre de la pleine application des obligations incombant à l’État partie aux termes de la Convention, le Comité souligne que la Convention est contraignante pour toutes les branches du Gouvernement, et invite l’État partie à encourager l’Assemblée nationale, conformément à son règlement, et selon les besoins, à prendre les mesures nécessaires pour l’application des présentes observations finales d’ici à la date du prochain rapport que présentera l’ État partie en vertu de la Convention.

Diffusion de la Convention, du Protocole facultatif et des recommandations générales du Comité

Le Comité s’étonne du fait que la Convention n’ait pas, à ce jour, été directement invoquée devant les tribunaux, appliquée ou citée dans les procès, et du fait qu’aucune femme n’ait revendiqué ses droits à la non discrimination et à l’égalité en s’appuyant sur les dispositions de la Convention ou sur la législation interne pertinente, ce qui indique une méconnaissance, parmi les femmes, les membres de l’appareil judiciaire et les juristes, des droits des femmes consacrés par la Convention.

Le Comité invite l ’ État partie à :

a) Continuer d ’ informer les femmes de leurs droits aux termes de la Convention et des procédures du Protocole facultatif;

b) Veiller à ce que la Convention, son Protocole facultatif, les Recommandations générales du Comité, ses vues sur les communications individuelles et ses questions, ainsi que la législation interne pertinente fassent partie intégrante de l ’ enseignement du droit et de la formation en la matière pour tous les juges, procureurs et avocats, afin qu ’ ils puissent appliquer directement la Convention et interpréter les dispositions législatives internes à la lumière de la Convention.

Cadre juridique relatif à la non discrimination et à l’égalité

Le Comité note que la discrimination sexiste est interdite par la Constitution, par la loi sur l’interdiction de la discrimination et par la loi sur l’égalité des sexes. Il relève cependant certains points préoccupants :

a)L’État partie n’applique pas ces lois de manière ponctuelle et systématique, et la population n’est pas informée des dispositions de ces lois, ce qui limite le nombre de poursuites intentées;

b)L’absence du concept d’une approche multidimensionnelle à la discrimination contre les femmes dans les lois antidiscriminatoires de l’État partie; et

c)L’absence d’un cadre juridique sur l’accès à l’aide et à l’assistance juridiques gratuites, ce qui empêche les femmes de revendiquer leur droit à la non discrimination et à l’égalité.

Le Comité appelle l ’ État partie à :

a) Assurer l ’ application ponctuelle et effective de ses lois antidiscriminatoires et à prendre des mesures pour faire mieux connaître ces lois au grand public et, en particulier, aux femmes des groupes défavorisés ;

b) Introduire dans sa législation le concept de l ’ aspect multidimensionnel de la discrimination ; et

c) Prendre les dispositions nécessaires pour promulguer dès que possible le projet de loi sur l ’ aide judiciaire gratuite afin d ’ aider les femmes à faire dûment valoir leurs droits et de manière satisfaisante.

Mécanismes de plainte en justice

Le Comité note que le Médiateur adjoint à l’égalité des sexes et le Commissaire à l’égalité sont chargés de traiter les plaintes pour discrimination fondée sur le sexe. Le Comité est toutefois préoccupé par :

a)Le manque de visibilité, de transparence et d’accessibilité du bureau du Médiateur et du Commissariat à l’égalité;

b)Le faible nombre de plaintes pour discrimination fondée sur le sexe reçues par les mécanismes nationaux de dépôt de plaintes;

c)Les informations indiquant que la plupart des plaintes pour discrimination à l’égard des femmes reçues par le bureau du Médiateur ont été rejetées, étant considérées comme sans objet.

Le Comité exhorte l ’ État partie à faire le nécessaire pour que les femmes utilisent les mécanismes de plainte en justice à leur disposition et recommande à l ’ État partie de :

a) Prendre des mesures pour améliorer la visibilité, l ’ accessibilité et la transparence du bureau du Médiateur et du Commissariat à l ’ égalité;

b) Prendre des mesures pour que les femmes soient mieux informées de leurs droits et des fonctions des mécanismes de plainte en justice existants, afin de leur permettre de demander réparation en cas de discrimination fondée sur le sexe;

c) Veiller à ce que toutes les plaintes concernant des allégations de discrimination fondée sur le sexe donnent lieu à des enquêtes efficaces, menées à la fois par le bureau du Médiateur et par le Commissariat à l ’ égalité.

Mécanisme national de promotion de la condition de la femme

Le Comité regrette que, malgré le mécanisme national de grande envergure en place, les institutions et organismes de promotion de la condition de la femme soient en sous-effectif et ne disposent ni des ressources ni de l’autorité nécessaires pour influencer les politiques du Gouvernement et les décisions qu’il prend. Le Comité est préoccupé par l’absence de dialogue systématique et permanent entre le mécanisme national à tous les niveaux et les organisations non gouvernementales (ONG) compétentes, en particulier les organisations de femmes, et par le fait qu’elles ne sont pas consultées lors de l’élaboration et de l’application des politiques relatives à l’égalité des sexes et à l’autonomisation des femmes.

Le Comité recommande à l ’ État partie de :

a) Continuer à renforcer le mécanisme national en mettant à sa disposition les moyens humains, techniques et financiers qui lui sont nécessaires, en améliorant sa visibilité et son efficacité et en renforçant ses capacités, en particulier au niveau local, et de faire en sorte qu ’ il dispose d ’ un appui politique suffisant pour s ’ acquitter efficacement de ses fonctions;

b) Veiller à la tenue d ’ un dialogue et de consultations d ’ ordre formel et informel entre le mécanisme national et les organisations non gouvernementales compétentes, en particulier les organisations de femmes, et mettre en place un système de coopération qui respecte l ’ autonomie des organisations de femmes.

Stratégie nationale pour l’amélioration de la situation des femmes et la promotion de l’égalité des sexes (2009-2015)

Le Comité prend note de l’adoption de nombreux plans d’action et stratégies, notamment une stratégie nationale pour l’amélioration de la situation des femmes et la promotion de l’égalité des sexes 2009-2015 et un plan national d’action pour la mise en œuvre de la Stratégie 2010-2015. Le Comité est toutefois préoccupé par :

a)L’insuffisance des fonds publics alloués à la mise en œuvre de ces stratégie et plan d’action et autres mécanismes visant à éliminer toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, en particulier les femmes appartenant à des minorités ethniques, notamment les femmes roms, les femmes handicapées, les femmes âgées, les femmes vivant avec le VIH, les femmes touchées par la guerre, les lesbiennes et autres femmes et filles appartenant à des groupes défavorisés;

b)Le manque d’harmonisation entre les diverses stratégies nationales et plans d’action y relatifs et les stratégies au niveau local, ainsi que l’absence de mécanismes de coordination, de suivi et d’évaluation de leur mise en œuvre effective, et l’absence d’établissement de rapports réguliers et périodiques;

c)L’absence, dans les stratégies nationales et plans d’action y relatifs, de mesures en faveur des femmes visant à remédier aux inégalités et à la discrimination croisée dont les femmes défavorisées sont victimes, s’ajoutant à l’absence d’indicateurs et de critères permettant de mesurer les progrès accomplis.

Le Comité prie instamment l ’ État partie :

a) D ’ allouer des ressources humaines et financières suffisantes à toutes les stratégies nationales et plans d ’ action y relatifs ayant pour but de mettre fin à la discrimination à l ’ égard des femmes, en particulier les femmes défavorisées, et de veiller à leur application effective;

b) De prendre des mesures pour harmoniser ses stratégies nationales et plans d ’ action y relatifs, en particulier au niveau local, et d ’ améliorer la coordination entre l ’ élaboration des politiques sectorielles et leur mise en œuvre et la coordination verticale entre les niveaux national et local, ainsi que de suivre et d ’ évaluer régulièrement leur mise en œuvre et l ’ établissement de rapports réguliers et périodiques sur les progrès accomplis;

c) D ’ adopter des mesures tenant compte expressément du genre dans les stratégies et plans d ’ action nationaux actuels et à venir afin de prévenir et d ’ éliminer les inégalités et la discrimination croisée dont les femmes défavorisées sont victimes;

d) D ’ accélérer la mise au point d ’ indicateurs et de critères, et de veiller à ce qu ’ ils soient régulièrement utilisés pour mesurer les progrès accomplis en ce qui concerne l ’ amélioration de la situation des femmes.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité note que des mesures temporaires spéciales ont été prises dans le domaine de l’emploi des femmes, notamment en faveur des catégories de femmes défavorisées telles que les femmes roms et les femmes handicapées. Le Comité est toutefois préoccupé par :

a)L’absence d’application systématique et cohérente de mesures temporaires spéciales en vue de parvenir à une égalité réelle dans les domaines visés par la Convention et en particulier de remédier aux causes des inégalités et de la discrimination dont les femmes défavorisées sont victimes;

b)L’absence de statistiques liées au genre sur l’application des mesures temporaires spéciales;

c)L’absence de mesures spéciales en faveur des femmes touchées par la guerre et des femmes vivant avec le VIH.

Le Comité encourage l ’ État partie à :

a) Prendre de nouvelles mesures pour élargir le recours à des mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et conformément à la Recommandation générale n o 25 (1992) du Comité, dans le cadre de la stratégie nécessaire pour accélérer la réalisation de l ’ égalité de fait entre hommes et femmes, en particulier pour les catégories de femmes défavorisées, notamment les femmes touchées par la guerre et les femmes vivant avec le VIH, dans tous les domaines visés par la Convention;

b) Veiller à ce que des ressources suffisantes soient allouées à ces mesures et à ce que les institutions publiques compétentes coordonnent leurs activités;

c) Informer la population, en particulier les femmes, des mesures temporaires spéciales prises par l ’ État partie pour améliorer la situation des femmes défavorisées, évaluer l ’ impact de ces mesures et mettre à la disposition du public les résultats de cette évaluation, notamment des statistiques liées au genre.

Stéréotypes

Le Comité prend note des renseignements donnés par l’État partie au sujet de la lutte contre les stéréotypes négatifs véhiculés par les médias concernant les rôles des hommes et des femmes, et de sa volonté, dont la délégation de l’État partie a fait part, de s’attaquer aux stéréotypes négatifs auxquels sont exposées les lesbiennes et les femmes handicapées. Néanmoins, le Comité demeure préoccupé par :

a)La persistance de stéréotypes profondément enracinés et la tendance récente à revenir aux rôles et aux responsabilités traditionnellement dévolus aux femmes et aux hommes dans la famille et dans la société, qui fragilise le statut social de la femme, porte atteinte à sa participation à la vie publique et compromet sa carrière professionnelle;

b)La prédominance de l’attitude négative, notamment les crimes motivés par la haine envers les femmes roms, les femmes handicapées, les femmes vivant avec le VIH et les lesbiennes qui portent atteinte à l’exercice par ces femmes d’un grand nombre de leurs droits.

Le Comité recommande à l ’ État partie de :

a) S ’ efforcer davantage de venir à bout des attitudes stéréotypées concernant les rôles et les responsabilités des deux sexes dans la famille et dans la société et de continuer de mettre en œuvre des mesures pour éliminer les stéréotypes sexistes en favorisant les représentations positives de la femme et en promouvant l ’ égalité de fait des hommes et des femmes;

b) Mettre en œuvre la Stratégie de prévention et de protection contre la discrimination, en s ’ attachant en particulier au sort des femmes roms, des femmes handicapées, des femmes vivant avec le VIH et des lesbiennes, et de collaborer avec la société civile, les médias et autres parties prenantes pour améliorer la tolérance et lutter contre l ’ exclusion sociale que subissent ces groupes de femmes.

Violence à l’égard des femmes

Tout en notant l’adoption, en 2011, de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la violence à l’égard des femmes dans la famille et dans les relations intimes, et des protocoles établis au niveau des ministères, le Comité demeure préoccupé par :

a)Le nombre croissant de femmes tuées par leur mari, leur ex-mari ou leur partenaire, et de femmes victimes d’autres formes de violence, dont les violences psychologiques, physiques, économiques ou sexuelles;

b)La disparité considérable entre le nombre d’interventions de police, le nombre de poursuites pénales engagées et le nombre de personnes condamnées pour violence intrafamiliale;

c)Les obstacles notables auxquels se heurtent les femmes, en particulier les femmes roms et les femmes handicapées, qui demandent protection contre la violence;

d)Le fait qu’il n’y a pas d’ordonnance de protection pour les situations d’urgence;

e)Le fait qu’il n’existe pas de données ventilées sur toutes les formes de violence infligée aux femmes.

Rappelant sa Recommandation générale n o 19 (1992) sur la violence à l’égard des femmes, le Comité demande instamment à l’État partie :

a) D ’ examiner et de réviser le Code pénal, le Code de la famille et les autres lois pertinentes pour prévenir efficacement toute forme de violence à l ’ égard des femmes et protéger les victimes;

b) D ’ encourager les femmes à signaler les cas de violence intrafamiliale ou sexuelle, en leur faisant prendre conscience du caractère délictueux de tels actes;

c) De veiller à ce que les affaires de violence contre des femmes fassent effectivement l ’ objet d ’ enquêtes, et que les auteurs des actes soient poursuivis et condamnés à des peines proportionnées à la gravité de leurs actes;

d) De veiller à ce que toutes les femmes victimes de violence reçoivent l ’ assistance nécessaire et aient accès, sans entrave, à une réelle protection contre la violence, notamment en veillant à ce que le nombre de foyers d ’ accueil financés par l ’ État soit suffisant et en améliorant la coopération avec les organisations non gouvernementales actives dans ce domaine;

e) De veiller à ce que les autorités pertinentes soient conscientes qu ’ il est important d ’ émettre des ordonnances de protection pour les situations d ’ urgence concernant les femmes susceptibles d ’ être victimes de violence, et de maintenir ces ordonnances jusqu ’ à ce que le risque ait été écarté;

f) De renforcer le système de collecte de données en faisant en sorte que celles-ci soient ventilées par type de violence et par type de relation entre l ’ auteur de l ’ acte avec la victime, en soutenant les recherches menées dans ce domaine et en veillant à ce que ces informations et données soient d ’ accès public;

g) De ratifier rapidement la Convention du Conseil de l ’ Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l ’ égard des femmes et dans la famille.

Traite et exploitation de la prostitution

Tout en notant les mesures prises aux niveaux législatif, institutionnel et politique pour lutter contre la traite des personnes, dont l’adoption d’une stratégie nationale et d’un plan d’action national de lutte contre la traite des êtres humains (2009-2011), le Comité demeure préoccupé par :

a)Les retards considérables accumulés s’agissant d’adopter un nouveau plan de lutte contre la traite des êtres humains;

b)Le manque de programmes de réadaptation et de réintégration pour les victimes de la traite et l’insuffisance des ressources allouées à de tels programmes;

c)Le manque de coopération avec les organisations de la société civile qui luttent contre la traite.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ adopter sans retard un nouveau plan de lutte contre la traite des êtres humains;

b) D ’ allouer des ressources suffisantes aux programmes de réadaptation et de réinsertion des victimes de la traite;

c) De mettre en place une coopération effective avec les organisations de la société civile qui œuvrent dans ce domaine.

Participation à la vie politique et à la vie publique

Le Comité prend note des dispositions visant à promouvoir l’égalité de représentation des hommes et des femmes au niveau de la prise de décisions politiques et publiques, mais demeure préoccupé par le peu d’effet de ces mesures. Il est particulièrement préoccupé par :

a)La mise en œuvre limitée des dispositions de l’article 35 de la loi sur l’égalité des sexes prévoyant que les partis politiques, les syndicats et les associations professionnelles encouragent l’égalité de représentation des hommes et des femmes dans leurs organes décisionnels respectifs;

b)Le fait que les organisations de femmes n’ont pas participé à la rédaction du plan d’action national de mise en œuvre de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité, et qu’elles ont été exclues des négociations sur le Kosovo;

c)Le faible nombre de femmes dans les organes élus au niveau local et au niveau le plus élevé de la diplomatie.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De veiller à la participation pleine et égale des femmes à la vie politique et à la vie publique, notamment en appliquant l ’ article 35 de la loi sur l ’ égalité des sexes, et d ’ en évaluer les effets, particulièrement sur les femmes appartenant à des groupes défavorisés, tels que les femmes roms ou les femmes handicapées;

b) D ’ associer les organisations de femmes à la mise en œuvre de ses politiques concernant la paix et la sécurité, y compris aux négociations concernant le Kosovo;

c) D ’ augmenter le nombre de femmes occupant un poste de décision, spécialement dans les administrations locales et au niveau le plus élevé de la diplomatie.

Éducation

Tout en prenant note de la nouvelle approche relative à l’éducation pour tous définie dans la loi sur les fondements de l’éducation, le Comité demeure préoccupé par :

a)Le faible taux d’inscription des filles et des garçons roms à l’école primaire et secondaire et leur faible taux d’achèvement des études, qui est plus marqué chez les filles;

b)La persistance des stéréotypes sexistes dans les manuels scolaires et les supports pédagogiques de l’enseignement secondaire;

c)Les lacunes du programme d’éducation sur la santé et les droits en matière de sexualité et de procréation dans les programmes scolaires de tous niveaux.

Le Comité recommande à l ’ État partie de mieux faire comprendre l ’ importance de l ’ éducation, en tant que droit de l ’ homme et fondement de l ’ autonomisation des femmes et des filles. À cette fin, il invite instamment l ’ État partie à :

a) Promouvoir l ’ inscription et la fréquentation scolaire des enfants roms, et particulièrement des filles, dans l ’ enseignement primaire et secondaire, dans les établissements de l ’ enseignement général, et à éliminer tous les obstacles, notamment financiers, à leur accès à l ’ éducation;

b) Examiner et réviser les manuels et autres supports pédagogiques utilisés dans l ’ enseignement secondaire pour en éliminer les stéréotypes sexistes patriarcaux;

c) Introduire l ’ éducation aux droits et à la santé en matière de sexualité et de procréation à tous les niveaux du système éducatif, en tenant compte de l ’ âge des élèves.

Emploi

Bien que l’État partie ait pris des mesures en vue d’éliminer la discrimination fondée sur le sexe exercée sur le lieu de travail, le Comité demeure préoccupé par :

a)La persistance de l’écart de rémunération entre hommes et femmes;

b)Le taux de chômage disproportionnellement élevé pour les femmes, en particulier les femmes roms, les femmes handicapées et les femmes rurales;

c)La féminisation croissante de certaines professions;

d)Le peu de possibilités de concilier vie professionnelle et obligations familiales;

e)Le harcèlement sexuel dont les femmes font l’objet sur le lieu de travail;

f)Le manque de données ventilées sur la situation des femmes sur le marché du travail.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D ’ adopter des mesures pour mettre en œuvre le principe de l ’ égalité de rémunération pour un travail de valeur égale, afin de réduire et combler l ’ écart de rémunération entre hommes et femmes;

b) D ’ améliorer l ’ accès des femmes à l ’ emploi et à la création d ’ entreprise, y compris celui des femmes roms, des femmes handicapées et des femmes rurales;

c) D ’ encourager la participation des femmes dans les secteurs professionnels où elles sont traditionnellement peu présentes;

d) De faciliter la conciliation par les hommes et par les femmes de leur vie professionnelle et de leur vie privée, y compris en développant l ’ offre de solutions de garde d ’ enfant et en encourageant les hommes à assumer à égalité avec les femmes les responsabilités familiales;

e) De renforcer les mesures visant à prévenir et combattre le harcèlement sexuel sur le lieu de travail en mettant en place des mécanismes de signalement efficaces et les sanctions voulues;

f) De recueillir des données ventilées sur la situation des femmes et des hommes sur le marché du travail, ainsi que sur le nombre et la nature des procédures engagées et des plaintes administratives ayant trait à la discrimination fondée sur le sexe dans le cadre professionnel et au harcèlement sexuel sur le lieu de travail.

Santé

Tout en prenant note des mesures législatives et de politique générale adoptées par l’État partie, notamment de l’élargissement de l’assurance santé obligatoire à la population rom, le Comité demeure préoccupé par :

a)L’application lacunaire de ces lois et de cette politique générale et l’accès limité des femmes roms, handicapées ou victimes de viol aux services de soins de santé;

b)Les difficultés que rencontrent les femmes handicapées pour exercer leur droit à la santé de la procréation, qui résultent des préjugés à leur égard, du manque de formation du personnel et des difficultés d’accès aux sites;

c)Le recours à l’avortement comme méthode de régulation des naissances et le faible recours aux moyens de contraception modernes, la piètre qualité des services de conseil en planification familiale et le risque que, face à la baisse des taux de fécondité, l’État partie prenne des mesures pour limiter les possibilités actuelles de recourir à l’avortement;

d)Les difficultés d’accès des femmes vivant avec le VIH/sida au traitement par antirétroviraux de deuxième génération, et l’absence d’informations sur la prévention de la transmission du VIH/sida de la mère à l’enfant et sur les traitements possibles.

Le Comité exhorte l’État partie à :

a) Améliorer l ’ accès des femmes à des soins de santé et des services connexes de haute qualité, conformément à sa Recommandation générale n o 24 (1999);

b) Veiller à l ’ application effective des lois et des politiques prévoyant une assurance santé obligatoire et des services gratuits pour toutes les femmes et toutes les filles;

c) Prendre les mesures propres à garantir la réalisation pleine et effective du droit des femmes handicapées à la santé sexuelle et procréative en luttant contre les préjugés, en dispensant la formation voulue au personnel médical et en multipliant le nombre de lieux de soins équipés pour pourvoir à leurs besoins;

d) Limiter le recours à l ’ avortement comme moyen de contraception en améliorant l ’ information sur les procédés modernes de contraception et en facilitant l ’ accès à ces méthodes, qui devraient figurer sur la liste des médicaments recommandés, et faire en sorte que les conditions d ’ accès à l ’ avortement demeurent inchangées, tant sur le plan financier que sur le plan juridique, et envisager d ’ inclure le coût de cette intervention dans le régime d ’ assurance santé;

e ) Prendre des mesures d ’ application immédiate pour permettre aux femmes et aux filles vivant avec le VIH/sida d ’ accéder au traitement par antirétroviraux de deuxième génération et aux autres médicaments et services nécessaires, ainsi qu ’ à l ’ information sur les méthodes permettant d ’ éviter la transmission du VIH/sida de la mère à l ’ enfant.

Femmes rurales

Le Comité prend note avec préoccupation des inégalités entre les femmes qui vivent en milieu rural et celles qui vivent en milieu urbain dans l’État partie, pour ce qui est du niveau de vie et de l’emploi, s’agissant notamment des femmes âgées. Le Comité est également préoccupé par la discrimination de fait dont les femmes rurales font l’objet dans l’accès à la propriété, en raison de schémas traditionnels et sociaux qui privilégient la détention par l’homme des titres de propriété.

Le Comité recommande à l’État partie de faire en sorte que les femmes rurales, y compris celles qui sont âgées, aient accès sans entrave à un niveau de vie adéquat et à l’emploi. Il lui recommande en outre de prendre les mesures nécessaires pour éliminer les stéréotypes quant au rôle des femmes dans les zones rurales, ainsi que les pratiques discriminatoires à l’égard des femmes pour ce qui est des droits de propriété.

Groupes de femmes défavorisées

Tout en prenant note de l’adoption d’une stratégie nationale révisée sur la situation des personnes réfugiées et déplacées à l’intérieur de leur propre pays portant sur la période 2011 2014, le Comité est préoccupé par l’absence de surveillance par les pouvoirs publics des conditions faites aux femmes réfugiées, demandeuses d’asile et déplacées à l’intérieur de leur pays et par l’absence de données ventilées par sexe, en particulier en ce qui concerne la violence à l’égard des femmes. Il est également préoccupé par le fait que les procédures d’enregistrement des naissances pour les personnes sans papiers, en particulier celles qui font partie de la communauté rom, prévues par les modifications de la loi relative aux procédures non contentieuses, restent laissées à l’appréciation du Ministère de l’intérieur.

Le Comité prie instamment l’État partie de mettre en place des mécanismes de surveillance de la situation des femmes réfugiées, demandeuses d’asile et déplacées à l’intérieur du pays afin de mieux protéger leurs droits, y compris en les protégeant contre la violence, et de fournir des données utiles à cet égard. Il lui recommande également de veiller à ce que les décisions de justice sur l’enregistrement des naissances et la citoyenneté des personnes sans papiers soient effectivement appliquées et ne puissent être infirmées par un organe exécutif.

Mariage et relations familiales

Le Comité relève que le Plan d’action (2010-2015) pour la mise en œuvre de la Stratégie nationale pour l’amélioration de la situation des femmes et la promotion de l’égalité des sexes comporte des mesures visant à reconnaître les problèmes de mariage d’enfants, de mariage forcé (arrangé) et la pratique de la « vente de fiancée », à prévenir ces problèmes et à y remédier. Il prend également note de la volonté de « débattre du modèle de loi sur le partenariat entre personnes de même sexe établi par la société civile » exprimée par la délégation de l’État partie. Toutefois, le Comité demeure préoccupé de ce qui suit :

a)L’absence de progrès dans la prévention des mariages précoces et forcés (arrangés) au sein de la population rom et d’autres groupes minoritaires;

b)Les modifications apportées en 2009 au Code pénal, abrogeant les articles sur la « conclusion d’un mariage frappé de nullité » et l’» autorisation de conclure un mariage illégal »;

c)La cessation de l’allocation publique pour enfant à charge au quatrième enfant, et l’inefficacité dans le recouvrement des pensions alimentaires dont les pères doivent s’acquitter.

Le Comité exhorte l ’ État partie à :

a) Prendre toutes les mesures nécessaires pour appliquer la disposition de son Plan d ’ action visant à prévenir les mariages précoces et forcés (arrangés) au sein des groupes minoritaires, en particulier des Roms, et mieux informer ces communautés et les travailleurs sociaux sur les effets préjudiciables du mariage précoce pour la santé et l ’ éducation des femmes;

b) Réviser son Code pénal de façon à garantir que la conclusion d ’ un mariage frappé de nullité et l ’ autorisation de conclure un mariage illégal soient interdites et punies de façon appropriée;

c) Mettre en place des mécanismes permettant de soutenir les familles nombreuses et les enfants dont le père ne s ’ acquitte pas de ses obligations en matière de pension alimentaire;

d) Faire en sorte que le modèle de loi sur le partenariat entre personnes de même sexe soit adopté rapidement.

Amendement du paragraphe 1 de l’Article 20 de la Convention

Le Comité encourage l’État partie à accepter l’amendement au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention, relatif à la durée des sessions du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité invite l’État partie à s’appuyer sur la Déclaration et le Programme d’action de Beijing dans ses efforts pour appliquer les dispositions de la Convention.

Diffusion et mise en œuvre

Le Comité rappelle à l’État partie l’obligation qui lui incombe d’appliquer systématiquement et de manière continue les dispositions de la Convention. Il prie instamment l’État partie d’accorder une attention prioritaire à la mise en œuvre des présentes observations finales et recommandations d’ici à la présentation du prochain rapport périodique. Le Comité demande par conséquent que ces observations finales soient diffusées en temps opportun dans la langue officielle de l’État partie, auprès des institutions publiques pertinentes, à tous les niveaux (national, régional, local), notamment auprès du Gouvernement, des ministères, de l’Assemblée nationale et du corps judiciaire, en vue d’en assurer la pleine application. Il encourage l’État partie à collaborer avec tous les intéressés, comme les associations d’employeurs, les syndicats, les organisations des droits de l’homme et les organisations féminines, les universités, les instituts de recherche et les médias. Il recommande en outre que ses observations finales soient diffusées comme il convient au niveau communautaire local pour en permettre l’application. Par ailleurs, le Comité demande à l’État partie de continuer à faire connaître la Convention, son Protocole facultatif et la jurisprudence y relative, ainsi que les Recommandations générales du Comité à toutes les parties prenantes.

Ratification d’autres traités

Le Comité note que l’adhésion de l’État partie aux neuf principaux instruments internationaux consacrés aux droits de l’homme donnerait aux femmes de meilleures chances d’exercer leurs libertés et droits fondamentaux dans tous les aspects de la vie. Le Comité encourage par conséquent l’État partie à envisager la ratification de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, Convention à laquelle il n’est pas encore partie.

Suivi des observations finales

Le Comité prie l’État partie de fournir d’ici deux ans, par écrit, des informations sur les mesures prises pour appliquer les recommandations figurant aux paragraphes 17 et 23 a), c), d) et e) ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité invite l’État partie à présenter son quatrième rapport périodique en juillet 2017.

Le Comité prie l’État partie de se conformer aux « Directives harmonisées pour l’établissement de rapports en vertu des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, englobant le document de base commun et les rapports spécifiques pour chaque instrument » ( HRI/MC/2006/3 et Corr.1).



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