University of Minnesota



Observations finales du Comité sur l
'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Rwanda, U.N. Doc. A/48/38,paras.451-473 (1993).



Comité sur l'élimination de la
discrimination à l'égard des femmes



Rwanda

451. Le Comité a examiné le troisième rapport périodique du Rwanda (CEDAW/C/RWA/3) à sa 227e séance, le 1er février (voir CEDAW/C/SR.227).

452. En présentant le troisième rapport périodique, le représentant s'est excusé de ne pouvoir répondre aux questions du groupe de travail de présession, qui avaient été adressées au Gouvernement rwandais avant la douzième session. Il a indiqué que des problèmes de communication entre la mission permanente et les bureaux officiels compétents l'en avaient empêché. Il a évoqué le conflit armé qui sévissait depuis le mois d'octobre 1990 et qui avait provoqué une déstabilisation, ainsi que la détérioration des conditions d'existence de la population, en particulier des femmes et des enfants. Il a fait observer que l'instauration du multipartisme avait été source d'incertitudes. Il a souligné les facteurs socio-économiques qui entravaient l'application effective de la Convention et mentionné l'intérêt accordé dans le rapport à la situation des femmes rurales, qui constituaient la majorité des femmes au Rwanda et qui devaient accomplir les tâches les plus contraignantes.

453. En ce qui concerne les aspects politiques de la condition de la femme, le représentant a dit que les dépenses occasionnées par la guerre auraient dû servir à développer le pays et, en particulier, contribuer au bien-être des femmes. Toutefois, tous les partis politiques avaient inscrit la question de la promotion de la femme dans leurs programmes, et un Ministère de la famille et de la promotion de la femme avait été créé pour aider celle-ci à prendre conscience de ses droits. Actuellement, trois ministres étaient des femmes. Bien qu'il n'existât pas de mécanisme de nature à encourager le recrutement de femmes dans la fonction publique, le nombre de femmes occupant des postes de caractère politique avait sensiblement augmenté. Le représentant a fait observer, toutefois, que la législation relative à l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes pouvait encore être très sensiblement améliorée.

454. En ce qui concerne les aspects socioculturels, le représentant a évoqué la politique gouvernementale en matière d'éducation et de santé et indiqué que les associations de femmes comme l'Uranana rw'Abanyarwandakazi mu Majyambere (URAMA) marquaient actuellement le pas; en ce qui concernait cette association du moins, elle avait été rattachée dans le passé à l'ancien parti unique. Toutefois, l'URAMA et d'autres associations féminines non gouvernementales essayaient d'affirmer leur identité et de trouver de nouveaux moyens et de nouvelles méthodes pour s'acquitter de leurs tâches. La politique de santé des pouvoirs publics était axée sur les groupes les plus vulnérables de la société, à savoir les mères et les enfants.

Observations générales

455. Des membres du Comité ont fait observer que le Gouvernement devrait être pleinement conscient du fait que la marginalisation et l'appauvrissement croissant des femmes constituaient un gros obstacle au développement de la société dans son ensemble. En ce qui concerne les programmes officiels et les campagnes de sensibilisation visant à améliorer la condition de la femme, certains membres tenaient à savoir quelle était la nature de ces programmes et quels avaient été les résultats concrets de ces campagnes.

456. Interrogé sur la question de savoir si des efforts étaient faits pour remédier à l'absence de données statistiques ventilées par sexe, le représentant a indiqué que le service statistique n'était pas suffisamment développé et que la nécessité d'établir des données ventilées par sexe n'était pas bien comprise dans le pays.

457. Répondant aux questions posées sur le nombre et les catégories de personnes qui avaient été touchées par la guerre civile, le représentant a indiqué que le nombre des personnes déplacées s'élevait à 320 828, dont 18 828 enfants de moins de 5 ans, 2 832 orphelins, 780 veuves et 11 000 mères enceintes ou allaitantes.

458. En ce qui concerne l'élaboration du troisième rapport périodique, des membres du Comité ont demandé s'il reflétait un consensus national et si des organisations féminines avaient également pris part à son élaboration.

Questions se rapportant à des articles précis

Article 2

459. Etant donné que les femmes n'ont pas les mêmes droits que les hommes dans de nombreux domaines, par exemple en matière d'héritage, de propriété, d'accès au crédit ou encore de représentation politique, et que les femmes mariées n'ont pas la capacité juridique, des membres du Comité ont demandé s'il était prévu d'adopter de nouvelles lois ou de modifier les lois en vigueur afin de remédier à cette situation. Dans sa réponse, le représentant a expliqué qu'il était difficile de modifier les traditions et de faire comprendre aux parents que leur fille, même si elle était mariée, avait le droit d'hériter d'eux. Traditionnellement, les familles assumaient les dettes de leurs différents membres et étaient dirigées par des hommes plutôt que par des femmes. Changer les attitudes traditionnelles demandait beaucoup de temps.

460. Les membres du Comité ont demandé pourquoi le Président de la République n'avait pas promulgué le Code de la famille adopté en 1988.

Article 3

461. Les membres du Comité ont demandé s'il existait au Rwanda des programmes visant expressément la promotion de la femme et, dans l'affirmative, en quoi ils consistaient?

462. Le Comité a demandé si l'URAMA s'était fixé un calendrier pour améliorer la situation de la femme, quels étaient ses rapports avec le mécanisme national de promotion de la femme ou toute autre institution similaire, si c'était une organisation reconnue et quelle était sa structure administrative. Le représentant a répondu que, par le passé, cette association entretenait des relations étroites avec le parti unique, mais que depuis l'instauration du multipartisme elle avait perdu son identité et sa structure. Elle n'entretenait plus de liens étroits avec les autorités et devait s'efforcer d'obtenir des subventions. Ce n'était qu'une fois que la démocratie aurait été définitivement instaurée que l'URAMA pourrait élaborer un plan d'action.

463. Selon le troisième rapport périodique, le suivi de l'application de la Convention incombait au Ministère de l'intérieur. Les membres du Comité ont donc demandé quel était le mécanisme permettant d'assurer ce suivi et si l'URAMA y participait.

Article 5

464. Le représentant a expliqué qu'aucun programme ne prévoyait pour l'instant de modification des pratiques et coutumes traditionnelles.

Article 9

465. Etant donné que la loi du 28 septembre 1963 définissant les conditions de transmission, de conservation, d'acquisition ou de changement de nationalité était contraire aux dispositions de la Convention puisqu'elle introduisait une discrimination à l'égard des femmes, le représentant a convenu que le Comité devrait recommander au Gouvernement rwandais de faire tout son possible pour réviser cette loi et la rendre conforme aux dispositions de la Convention.

Article 10

466. Etant donné le très faible niveau d'alphabétisation au Rwanda, les membres du Comité ont demandé s'il existait un mécanisme précis pour atteindre l'objectif fixé par l'URAMA, c'est-à-dire éliminer l'analphabétisme chez les femmes. Le représentant a répondu qu'il n'existait pas de mécanisme particulier pour assurer la scolarisation des filles ou des garçons, mais qu'il existait des programmes de sensibilisation, notamment dans le cadre de réunions au niveau local, et que l'enseignement primaire était obligatoire et gratuit.

Article 11

467. A la question de savoir s'il existait des programmes d'ajustement structurel, si leurs effets néfastes avaient été analysés et si les pouvoirs publics avaient pris des mesures pour garantir l'emploi des femmes, le représentant a répondu que les effets de ces programmes au Rwanda avaient été catastrophiques. Il était prévu d'organiser une réunion avec l'URAMA et les Etats donateurs pour tenter d'y remédier.

Article 12

468. A la question sur les services de planification familiale, le représentant a répondu qu'ils étaient assurés par l'Office national des populations, dont la tâche la plus importante était de faire prendre conscience aux femmes et aux hommes des dangers que présentaient pour les mères et les enfants des grossesses trop rapprochées.

469. Des membres ont demandé si la politique sanitaire du Rwanda restait "axée sur la médecine de masse" selon les termes du troisième rapport périodique et si le fait qu'elle s'efforçait "d'atteindre en priorité les groupes les plus vulnérables" signifiait que l'on pouvait se procurer aisément des contraceptifs au Rwanda. Ils ont demandé d'autre part en quoi consistaient les programmes de planification familiale et quels étaient leurs résultats, étant donné que la fécondité d'une femme était très importante sur le plan social en Afrique. Les statistiques indiquant que le délit le plus fréquent commis par les femmes était l'avortement illégal, des membres ont demandé si les femmes avaient la possibilité de se faire avorter légalement et sans danger.

470. Le représentant a mentionné la création récente du Laboratoire national de lutte contre le sida visant à sensibiliser la population à la nécessité d'utiliser des préservatifs. On diffusait à cette fin des informations à la radio, les dispensaires jouaient un rôle similaire et des séminaires étaient organisés sur ce sujet. Les membres du Comité ont demandé s'il existait des programmes d'éducation pour les jeunes filles.

Article 14

471. Compte tenu du très fort pourcentage de femmes rurales, des membres ont demandé si des programmes avaient été mis en oeuvre expressément à leur intention et s'il était prévu et possible d'évaluer la valeur économique des travaux domestiques des femmes rurales. Le représentant a déclaré que, mis à part des campagnes de sensibilisation, il n'existait pas de programmes conçus à l'intention des femmes rurales. Les plans quinquennaux concernaient le développement en général mais ne visaient pas expressément les femmes.

472. Des membres ont demandé dans quelles conditions exceptionnelles les femmes rurales pouvaient avoir accès à la propriété foncière et au crédit.

Conclusions

473. Les membres du Comité ont félicité le Rwanda d'avoir soumis son troisième rapport périodique à temps, en dépit de sa situation économique et politique très difficile et ils ont félicité le représentant de ce pays d'avoir présenté son rapport avec franchise, mais ils ont estimé que ce dernier ne montrait pas le résultat d'efforts accomplis par un gouvernement fermement décidé à améliorer la situation des femmes; en effet, il mentionnait souvent un dispositif juridique déjà en place à l'époque du rapport précédent. On ne voyait pas très clairement si la situation des femmes avait changé, ni quelles mesures avaient été prises pour l'améliorer. Etant donné que le représentant n'avait pas répondu à la plupart des questions qui avaient été transmises au Gouvernement avant la douzième session, les membres ont demandé que les réponses à ces questions soient fournies au secrétariat par écrit dans un délai d'un mois et leur soient communiquées dans les langues de travail. Ils ont instamment demandé que la Convention soit diffusée aussi largement que possible et émis l'espoir qu'elle constituerait un instrument utile pour aider les femmes rwandaises à amener le Gouvernement à respecter ses engagements internationaux et à améliorer leur situation.



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