University of Minnesota



Observations finales du Comité sur l
'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Fédération de Russie, U.N. Doc. A/50/38,paras.496-552 (1995).



Comité sur l'élimination de la
discrimination à l'égard des femmes



Fédération de Russie

496. À sa 274e séance, tenue le 26 janvier 1995, le Comité a examiné les troisième et quatrième rapports périodiques de la Fédération de Russie (CEDAW/C/USR/3 et CEDAW/C/USR/4).

497. À l'occasion de la présentation du quatrième rapport périodique, la représentante de la Fédération de Russie a décrit dans ses grandes lignes la situation économique, politique et sociale actuelle de la Fédération de Russie et a souligné que la condition des femmes dans ce pays devait être appréhendée en gardant à l'esprit les problèmes généraux qui se posaient dans les domaines susmentionnés. Elle a insisté sur la profondeur et le caractère permanent des réformes actuellement entreprises dans la Fédération de Russie et sur leurs incidences internationales. Elle a également fait observer que les coûts économiques et sociaux de la restructuration étaient élevés et que la Fédération de Russie devait régler, dans le cadre de ce processus, toute une série de problèmes nouveaux. Parmi les questions les plus préoccupantes figuraient la dégradation persistante de la situation économique, la chute des revenus réels, la progression de la pauvreté, le chômage, les importants flux migratoires et la forte détérioration du niveau de vie qui frappait, semble-t-il, la majorité de la population. De plus, ce tableau était assombri par l'existence de problèmes écologiques graves et par la dégradation des infrastructures matérielles et sociales résultant de la baisse sensible des investissements.

498. La pauvreté était devenue un phénomène largement répandu et auto-entretenu dans de nombreuses couches de la population. Le danger était réel de voir cette pauvreté se transmettre d'une génération à l'autre puisque de nombreux enfants de familles pauvres, notamment monoparentales, avaient peu de possibilités de s'épanouir, faute de livres, de jouets et autres outils nécessaires à leur développement intellectuel et spirituel. La pauvreté en Russie touchait de plus en plus de femmes, celles-ci représentant 70 % de la population au chômage. Le taux de chômage élevé des femmes russes était imputable essentiellement à la restructuration et la privatisation rapides d'industries employant une forte proportion de main-d'oeuvre féminine. Même si la majorité des chômeuses possédaient un niveau d'instruction élevé, elles restaient au chômage deux fois plus longtemps que les hommes. Les tensions sociales, que les réformes avaient accrues, avaient entraîné la résurgence de stéréotypes sur le rôle des femmes et suscité des appels en faveur du retour de celles-ci à leurs "fonctions naturelles". Même si des mécanismes favorisant la promotion de la femme avaient été mis en place au niveau national et avaient protégé les femmes de certaines conséquences préjudiciables des réformes, ils n'avaient pas été en mesure de défendre suffisamment leurs intérêts pour influer sur le cours des réformes. Les femmes demeuraient exclues de la prise de décisions dans les domaines économique et politique.

499. La représentante a informé les membres du Comité qu'après s'être rendu compte que les principes monétaristes de la première vague de réformes économiques n'offraient qu'un éventail limité de mesures de protection sociale, le Gouvernement russe avait posé comme condition essentielle de la poursuite des réformes économiques la fourniture d'un niveau adéquat de protection sociale. Elle a assuré les membres du Comité qu'en dépit de la crise économique et politique que connaissait la Fédération de Russie et de la forte réduction des moyens dont l'État disposait pour atteindre les objectifs fixés par la Convention, le Gouvernement russe restait attaché à la réalisation des objectifs de promotion de la femme et à l'élimination de toute discrimination à leur encontre, et continuerait de prendre des mesures visant à remédier aux effets des réformes qui portaient préjudice aux femmes et à améliorer leur situation économique et sociale.

Observations générales

500. Les membres du Comité ont remercié le Gouvernement de son rapport dont ils ont noté le caractère détaillé et la transparence. Ils ont toutefois fait observer que le quatrième rapport périodique présentait d'importantes lacunes, dont certaines méritaient d'être signalées : peu de références avaient été faites à des politiques, programmes et activités spécifiques menés par le Gouvernement pour appliquer les dispositions de la Convention; de plus, les statistiques fournies étaient insuffisantes pour que l'on puisse se faire une idée de la situation réelle. Le rapport était donc en grande partie théorique et, dans une certaine mesure, incomplet. Il était assez difficile d'apprécier l'évolution de la condition des femmes et les initiatives qui avaient été prises par le Gouvernement depuis le début de la restructuration.

501. Les membres du Comité se sont inquiétés que les mesures temporaires spéciales adoptées ne portent pas sur des questions telles que l'influence accrue des femmes sur l'élaboration des politiques et sur l'économie de marché, la promotion des femmes à des postes de responsabilité, l'inégalité des rémunérations et autres formes de discrimination dont les femmes étaient victimes dans le cadre professionnel, ainsi que la santé des femmes. Il semblait bien que la pauvreté dans la Fédération de Russie touchait essentiellement les femmes.

502. Les membres du Comité ont noté avec une certaine préoccupation que la fin du communisme et la mise en place du nouveau système avaient entraîné des bouleversements politiques et économiques. Certes, la restructuration avait permis de réaliser des progrès notables dans la société en général, mais les femmes étaient de plus en plus désavantagées en raison de l'accroissement de leur charge de travail, de l'insuffisance des services de soins aux enfants et de la diminution des possibilités d'emploi; les bouleversements sociaux entraînaient une stratification de la population dépassant le domaine social et se manifestant aussi notablement entre les hommes et les femmes. Toutefois, le rapport contenait peu d'informations au sujet de la crise économique et de l'impact des politiques de stabilisation et d'ajustement sur la situation des femmes. Une explication plus détaillée aurait dû être donnée sur la manière dont l'inflation touchait tout particulièrement les femmes et avait pour effet d'augmenter leur charge de travail, dans la mesure où les programmes d'ajustement avaient entraîné une hausse des prix et un gel des salaires, contraignant les femmes, selon toute vraisemblance, à se passer de certains services communs auxquels elles avaient autrefois accès.

Questions relatives à des articles spécifiques

Article 3

503. En réponse à une question concernant le mécanisme national de coordination des politiques relatives aux femmes, notamment ses responsabilités, son statut et son autorité, la représentante, se référant au quatrième rapport périodique, a informé les membres du Comité qu'un mécanisme de protection des femmes, de la famille et des enfants, avait été mis en place au sein des administrations fédérale, régionale et municipale et qu'il coopérait avec les organismes publics. Une Commission de la femme, de la famille et de la démographie avait été créée à la Présidence de la Fédération de Russie. Cet organe consultatif collégial était chargé de formuler et coordonner les politiques gouvernementales visant à garantir aux hommes et aux femmes les mêmes droits et les mêmes chances. Un Comité de la femme, de la famille et de la jeunesse avait été créé à la Douma. Le Ministère de la protection sociale comptait un Département de la femme, de la famille et de l'enfant, qui était chargé de coordonner la politique du gouvernement concernant la famille, l'égalité sociale des hommes et des femmes, et le développement de l'enfant. Ce département travaillait en coopération avec les pouvoirs exécutif et législatif fédéraux. Un Conseil préparatoire national à la quatrième Conférence mondiale sur les femmes avait été mis en place pour coordonner les efforts déployés par les pouvoirs publics et les organisations non gouvernementales en vue d'améliorer la condition de la femme et d'élargir la portée de la politique sociale et ses assises juridiques.

504. En réponse à une question, la représentante a indiqué que les programmes publics de promotion de la femme visaient à faire respecter les principes d'égalité entre hommes et femmes touchant les droits et libertés garantis par la loi. Il s'agissait notamment d'appuyer les candidates aux élections, de désigner des candidates lorsque des postes étaient à pourvoir aux différents niveaux des pouvoirs exécutif et législatif, de vérifier que les mesures prises étaient bien appliquées et de coopérer en la matière avec le Gouvernement, les syndicats et les organisations non gouvernementales. L'un des principaux objectifs de ces programmes était d'aider les femmes à s'acquitter de leurs responsabilités familiales et de faire en sorte que ces responsabilités soient équitablement partagées entre les deux sexes.

505. En réponse à une question relative à la participation des femmes à la prise de décisions dans les domaines économique et social et à la place accordée à leurs préoccupations en matière de planification dans ces domaines, la représentante, se référant au quatrième rapport périodique, a informé le Comité que les femmes russes n'étaient pas représentées de façon adéquate au niveau de la prise de décisions. Les problèmes que posait leur participation à la prise de décisions dans les domaines économique et politique avaient été examinés au cours d'une Conférence nationale sur la participation des femmes au développement, qui s'était tenue en décembre 1994. La représentante a ajouté que, pour associer plus étroitement les femmes à la prise de décisions, la stratégie était à l'heure actuelle de remanier la gestion du corps social en prenant les dispositions législatives nécessaires, de créer les conditions requises à cet effet, et d'élaborer des programmes de formation spéciaux à l'intention des femmes.

506. Les membres du Comité ayant posé des questions sur la réinstallation des réfugiés, notamment des femmes réfugiées, la représentante a rappelé l'ampleur, les composantes et les causes du phénomène migratoire dans la Fédération de Russie. Elle a déclaré qu'un Service fédéral russe des migrations avait été créé en 1991. Au 1er janvier 1994, 447 900 réfugiés étaient enregistrés, dont 53,4 % de femmes. Ces réfugiés recevaient une allocation égale au salaire minimal et avaient droit à des prêts à long terme sans intérêts : 6 700 familles de réfugiés avaient bénéficié de ce type de crédit en 1992 et 1993.

Article 4

507. En ce qui concerne les mesures spécifiquement prises pour garantir une égalité de fait entre hommes et femmes, la représentante a déclaré que le droit russe interdisait toute discrimination fondée sur le sexe. Elle a également indiqué que l'on procédait actuellement à une réforme de la législation de la Fédération de Russie en vue de garantir cette égalité.

Article 5

508. En réponse à une question sur les mesures prises pour faire en sorte que les médias donnent de la femme une image objective, la représentante a déclaré que la radio et la télévision russes diffusaient systématiquement des émissions où ce problème était abordé, parmi d'autres préoccupations des femmes. Ces émissions visaient à faire connaître aux femmes leurs droits et à appeler l'attention du public sur leurs problèmes. La représentante a cité un certain nombre d'émissions populaires sur les problèmes et préoccupations des femmes. Elle a fait observer toutefois que les médias, et notamment la presse écrite, véhiculaient parfois des stéréotypes concernant le rôle de la femme et sa place dans la société.

509. Les membres du Comité ont demandé si le Gouvernement avait systématiquement étudié les différentes formes de violence à l'égard des femmes et les conséquences des sévices dont elles étaient victimes. En réponse à ces questions, la représentante a déclaré que son gouvernement considérait les actes de violence à l'égard des femmes comme une violation des libertés fondamentales de la personne humaine. Elle a fourni des statistiques sur les différentes formes de violence à l'égard des femmes et des informations sur les conséquences de ces actes sur la vie et la santé de leurs victimes. En septembre 1994, le Conseil national chargé de préparer la quatrième Conférence mondiale sur les femmes avait organisé une réunion pour examiner la Déclaration de 1993 sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes. Le Programme national de promotion de la femme comportait un chapitre spécial consacré aux mesures à prendre pour prévenir de tels actes de violence. La représentante a également indiqué au Comité qu'en 1993, on avait enregistré 14 400 cas de viol et compté 331 800 actes criminels dont les victimes étaient des femmes : 14 500 d'entre elles étaient mortes des suites de ces actes et 56 400 avaient été mutilées ou avaient subi d'autres atteintes à leur intégrité physique. La représentante a déclaré que, selon le droit russe, le viol était un délit pénal passible d'une longue peine de prison. Elle reconnaissait la nécessité de créer des refuges et a mentionné qu'une initiative avait été prise pour mettre en place des centres de réadaptation à l'intention des victimes de ces crimes. Dans un but préventif, on s'était efforcé de déterminer le profil de ceux qui se rendaient coupables de viol. La représentante a également déclaré que, pour que la lutte contre la violence à l'égard des femmes soit couronnée de succès, il fallait trouver des solutions aux problèmes socio-économiques actuels, régler les conflits interethniques et faire échec à la baisse du niveau de vie de la population.

510. En réponse à une question concernant le rôle de la famille pendant la période de transition et les charges familiales de plus en plus lourdes qui pesaient sur les femmes, la représentante a dit que, tout en considérant le partage des responsabilités au sein de la famille comme un problème interne à la famille, son gouvernement jugeait souhaitable que ces responsabilités soient réparties de façon équitable et appliquait des politiques visant à encourager hommes et femmes à prendre une part égale dans l'éducation des enfants et les soins aux membres de la famille. Elle a en outre déclaré qu'au fur et à mesure qu'elles se libéreraient sur le plan économique, les femmes russes verraient s'alléger le fardeau de leurs tâches domestiques quotidiennes.

Article 6

511. Après avoir cité des informations provenant d'une source indépendante (une ONG) sur la prostitution dans les principales villes de Russie, une experte a demandé des renseignements complémentaires sur la prostitution en Russie et les mesures prises par le Gouvernement russe pour faire face au problème. La représentante a répondu que bien qu'il ait été contestable de citer une autre source que le rapport à l'examen, elle était toutefois disposée à formuler des observations sur certains aspects du phénomène. Elle a invité le Comité à se reporter à la section du quatrième rapport périodique décrivant la législation relative à la prostitution. Elle a précisé que la législation russe ne prévoyait pas de poursuite pénale pour prostitution mais que l'entraînement de mineurs à la prostitution, la tenue d'établissements de débauche et le proxénétisme constituaient des infractions pénales. Elle a également informé les membres du Comité qu'il n'existait pas en Russie d'organisme chargé expressément des questions de prostitution et qu'en conséquence, on ne disposait pas de source d'information et de statistiques fiables en la matière. Les prostituées n'étaient soumises à aucun examen médical supplémentaire et elles n'étaient passibles que de poursuites administratives, c'est-à-dire d'une amende.

512. Le Gouvernement russe ne cherchait pas à établir s'il existait des mariages fictifs entre des femmes russes et des étrangers. La représentante a également indiqué que beaucoup de personnes ignorant la loi, il était tout à fait concevable que certaines femmes aient quitté le pays après avoir contracté un mariage fictif. La Russie ayant adhéré à Interpol, elle serait peut être mieux à même de faire face aux problèmes posés par la prostitution et les actes criminels liés à ce phénomène.

Article 7

513. S'agissant de la présence des femmes au Parlement et de leur sous-représentation généralisée aux postes de décision politique, la représentante a fait valoir qu'on avait enregistré récemment, après une période de fléchissement, un accroissement notable des activités menées par les femmes ainsi qu'un regain de confiance de la part de ces dernières. On comptait à présent un nombre plus important de femmes à la tête d'associations et de partis politiques. Le mouvement "Femmes de Russie", créé en 1993, était représenté au Parlement. Son principal objectif était de renforcer le rôle socio-politique des femmes russes et leur accession aux postes de décision. Si les femmes étaient un tant soit peu mieux représentées auprès des organes législatifs du Gouvernement fédéral, elles étaient cependant encore considérablement sous-représentées aux postes supérieurs des ministères fédéraux. De fait, on ne comptait que deux femmes ministres en 1995. La stratégie d'intégration des femmes à la prise de décisions visait à élaborer et exécuter des programmes spéciaux de formation et de promotion de femmes résolues, capables et compétentes.

514. S'agissant des mesures prises par le Gouvernement pour faire en sorte que le niveau de représentation des femmes dans la vie publique ne diminue pas, en particulier dans les campagnes, la représentante a fait observer que la législation russe ne comportait pas de dispositions discriminatoires limitant la participation des femmes à la vie politique. L'ancien système de quotas, même s'il contribuait à atténuer les effets de la discrimination, n'était plus adapté et il fallait trouver d'autres méthodes. À cet égard, la représentante à souligné que la participation des femmes à la vie politique ne cessait d'augmenter. Les organisations féminines faisaient partie intégrante de la structure socio-politique du pays même si bon nombre d'entre elles commençaient seulement à se constituer et se trouvaient aux prises à bon nombre de difficultés. La représentante a informé les membres du Comité que des mesures spéciales avaient été instaurées afin d'identifier les femmes ayant les compétences voulues pour pouvoir se présenter aux élections des organes exécutifs.

Article 10

515. S'agissant des mesures prises par le Gouvernement pour évaluer le sexisme dans l'enseignement, la représentante a répondu que l'article 5 de la loi de la Fédération de Russie relative à l'instruction garantissait l'accès à l'éducation sans distinction aucune, notamment celle fondée sur le sexe. Les femmes russes accédaient, dans les mêmes conditions que les hommes, à l'enseignement supérieur et technique, à l'exception de la formation à certaines professions nécessitant l'utilisation de machines dangereuses ou l'accomplissement de travaux physiques pénibles. La définition de ces emplois comportait certaines restrictions applicables aux femmes. La représentante a également informé les membres du Comité que la proportion de femmes dans les établissements supérieurs demeurait stable.

Article 11

516. Répondant à la question posée au sujet du taux élevé de chômage parmi les femmes russes, la représentante de la Fédération de Russie a déclaré que le droit au travail et le droit à un traitement non discriminatoire sur le marché du travail constituaient les problèmes les plus ardus et les plus complexes à résoudre dans la nouvelle économie de marché. Elle a indiqué que les femmes représentaient près de 70 % des chômeurs en 1993 et expliqué que cette situation résultait de la restructuration des "secteurs dits féminins de l'économie". Toutefois, le pourcentage de femmes parmi les chômeurs devrait tomber à 60-65 %, la première phase des réformes entreprises étant maintenant achevée. Elle a également informé les membres du Comité que le Gouvernement venait de commencer à réglementer les relations professionnelles dans la nouvelle économie de marché, fondant sa politique sur les principes d'aide aux indigents et de l'amélioration des conditions permettant la création d'emplois.

517. S'agissant de la discrimination dont les femmes font l'objet sur le marché du travail, la représentante de la Fédération de Russie a informé le Comité que le Gouvernement n'avait jamais déclaré explicitement ou implicitement, que les femmes devaient s'occuper exclusivement de la famille et du ménage. Cela étant, comme la liberté d'expression était garantie, certains journalistes et politiciens avaient le droit d'exprimer leurs points de vue personnels au sujet du rôle des femmes dans l'économie et dans la société. Elle a indiqué que les femmes et les hommes ne recevaient pas un traitement différent dans le secteur privé. Cependant, les femmes ayant été victimes d'actes de discrimination pouvaient, si elles le souhaitaient, en référer aux tribunaux pour le règlement de cas de discrimination même lorsque les entreprises concernées fermaient leurs portes.

518. Pour ce qui est des différences de rémunération entre les hommes et les femmes, la représentante de la Fédération de Russie a informé le Comité que les salaires des femmes étaient inférieurs non parce que ces dernières faisaient l'objet d'une discrimination mais parce qu'elles étaient employées dans les secteurs financés par le budget de l'État. Les femmes en Fédération de Russie gagnaient en moyenne un tiers de moins que les hommes. En revanche, celles qui occupaient des emplois comparables à ceux des hommes recevaient le même salaire qu'eux.

519. En ce qui concerne le traitement spécial réservé aux femmes enceintes, les membres du Comité ont demandé comment étaient appliquées les politiques de congé de maternité et de prestation aux mères de famille vu la situation de pénurie que connaissait le pays. La représentante de la Fédération de Russie a répondu que de telles politiques avaient été adoptées, comme il était indiqué dans le quatrième rapport périodique.

520. Les membres du Comité souhaitaient connaître le montant en valeur réelle des prestations familiales par rapport à la période antérieure aux réformes économiques. La représentante de la Fédération de Russie a signalé que l'analyse des variations de la valeur réelle des prestations familiales était compliquée en raison de la différence entre le pouvoir d'achat effectif du revenu familial et sa valeur nominale. La nouvelle structure des prestations contribuait aussi à la complexité du problème. Elle a informé le Comité qu'à la fin de 1993, les familles ayant des enfants à charge pouvaient prétendre à divers types de prestations dont le montant était fonction de l'âge des enfants à charge et du nombre de membres de la famille ayant un revenu. Elle a ajouté que, depuis 1992, les familles ayant des enfants à charge avaient droit à un abattement fiscal par enfant.

Article 12

521. Répondant à la question posée au sujet de l'impact de l'ajustement structurel sur la fourniture de soins de santé et l'accès des femmes et des enfants à ces soins, la représentante de la Fédération de Russie a informé le Comité que cet accès est garanti par la Constitution de son pays. Les soins de santé, qui était autrefois financés par le budget de l'État, étaient en train de devenir un système faisant appel à l'assurance privée. L'État garantissait aux femmes et aux enfants des soins de santé gratuits.

522. En ce qui concerne la question de l'incidence du virus de l'immunodéficience humaine/syndrome d'immunodéficience acquise (VIH/sida) chez les femmes en Fédération de Russie, la représentante de ce pays a indiqué que son gouvernement avait accordé à ce problème un rang prioritaire et en avait fait une question de sécurité nationale. Elle a informé le Comité qu'en janvier 1994, on avait recensé en Fédération de Russie 264 cas de femmes séropositives, dont 42 % étaient des jeunes filles et 33 étaient enceintes au moment du diagnostic. Le Gouvernement avait élaboré une loi relative à la prévention de la propagation du VIH/sida en Fédération de Russie, qui était actuellement présentée aux organes législatifs pour examen.

523. Répondant à la question concernant la planification de la famille et la demande de données récentes à cet égard, la représentante de la Fédération de Russie a déclaré que le Gouvernement finançait un programme fédéral visant à créer des services de planification familiale dans tous les établissements médicaux. L'objectif de ce programme était d'assurer une plus large distribution de contraceptifs et de réduire le nombre d'avortements. Elle a informé le Comité qu'en 1994, 25 centres de planification familiale fonctionnaient dans tout le pays et que, de ce fait, le taux d'avortement était tombé de 114 pour 1 000 femmes en 1990 à 94 pour 1 000.

Article 14

524. S'agissant des effets des engrais et pesticides sur la santé des agricultrices et de leurs enfants, la représentante de la Fédération de Russie a déclaré que son gouvernement avait pris une série de mesures destinées à améliorer les conditions de vie des femmes rurales. Dans certains cas, ces femmes avaient droit à des prestations supplémentaires. Les femmes âgées de moins de 35 ans ne pouvaient être affectées à des tâches requérant l'emploi de poisons, pesticides et désinfectants. Il existait une liste détaillée des professions et lieux où il était interdit d'employer des femmes. Le Ministre de l'agriculture et de l'alimentation avait mis sur pied un programme visant à une plus grande automatisation et à une réduction du travail manuel dans les secteurs particulièrement dangereux pour la santé.

525. La représentante de la Fédération de Russie a répondu aux experts qui avaient demandé un complément d'informations sur l'exode rural des femmes que l'abandon des campagnes était dû à l'absence d'emplois dans les zones rurales. Elle a souligné que le chômage ne pouvait être considéré comme la principale et unique cause de migration car les femmes des zones rurales avaient peu de chances de trouver un emploi en ville. Elle a ajouté que la fuite vers les villes avait toujours été un phénomène caractéristique de la Fédération de Russie, qui, dans le passé, avait été le résultat de la politique d'urbanisation.

526. Pour ce qui est de la question de l'infrastructure de commercialisation offerte aux femmes rurales, la représentante de la Fédération de Russie a répondu que la mise en place d'une telle infrastructure en était à ses débuts. Le Gouvernement prévoyait qu'à l'avenir elle serait largement accessible à tous les travailleurs dans le secteur agro-industriel.

Article 16

527. Une experte a fait observer que, selon diverses informations diffusées par les médias, le nombre d'enfants sans abri avait augmenté de façon alarmante en Fédération de Russie. Elle aimerait en connaître la raison et a demandé si le Gouvernement russe avait pris des mesures pour remédier à ce problème. La représentante de la Fédération de Russie a répondu que chaque année, 60 000 mineurs livrés à eux-mêmes sont arrêtés pour vagabondage et délinquance. Elle a indiqué au Comité qu'à l'heure actuelle, le pays comptait 59 centres de réadaptation sociale, 151 orphelinats et 5 centres d'aide à l'enfant. Ces établissements s'occupaient de trouver des foyers d'accueil pour les enfants sans famille.

Observations et questions supplémentaires

528. Les membres du Comité se sont félicités des réponses concrètes et détaillées que la représentante de la Fédération de Russie a apportées aux questions que le Comité lui avait posées. L'un des membres s'est inquiété du système des quotas, et du fait que le Gouvernement semblait avoir complètement ignoré les possibilités que pouvaient offrir les quotas en tant que moyen de promotion de la condition féminine. Elle a déclaré qu'elle ne voyait pas comment la Fédération de Russie pouvait assurer une participation plus large des femmes au processus de décision si elle ne contraignait pas les partis à associer les femmes à la vie politique. Elle a ajouté que le système des quotas avait été appliqué avec succès dans de nombreux pays, et exprimé l'espoir que la création d'organisations féminines et une plus grande participation des femmes à la vie politique contribueraient à une meilleure prise en compte de leurs intérêts dans les choix économiques et politiques que suppose le processus de transition.

529. En réponse à cette observation, la représentante a déclaré que, bien que les quotas puissent, dans une certaine mesure, servir la promotion de la femme, les femmes russes les trouvaient humiliants. Selon son gouvernement, on pouvait améliorer davantage la condition de la femme russe en l'encourageant à prendre part à la vie politique. La représentante de la Fédération de Russie a déclaré qu'il était indispensable de faire participer un plus grand nombre de femmes aux activités des associations féminines et des partis politiques.

530. Une autre experte s'est déclarée préoccupée par le fait qu'en Fédération de Russie, comme dans de nombreux autres pays procédant à un ajustement structurel, les femmes faisaient les frais des effets négatifs du processus de transition. Elle a ajouté que, pendant la période de transition, les femmes russes étaient à la fois exposées aux discriminations de l'ancien et du nouveau système. Elle a également exprimé ses inquiétudes devant la féminisation de la pauvreté et ses conséquences catastrophiques. Elle a évoqué la ségrégation qui existait sur le marché du travail et exprimé l'espoir que le nouveau système serait capable de vaincre cet obstacle à la promotion des femmes.

531. Une autre experte s'est inquiétée de la réapparition des stéréotypes. Elle a fait observer que l'ancien système n'avait rien fait pour abolir les stéréotypes touchant le rôle des femmes dans la société et que ceux-ci risquaient fort de se perpétuer. Elle a souligné qu'il fallait répondre aux besoins individuels des femmes et pas seulement à leurs besoins en tant que mères de famille. Elle s'est également déclaré préoccupée par la guerre civile qui sévissait actuellement en Fédération de Russie et par les conséquences qu'elle pouvait avoir en termes de pertes en vies humaines et de gaspillage de précieuses ressources financières.

532. Une experte a évoqué les répercussions de l'ajustement structurel sur les services sociaux et la détérioration de l'état de santé de la population russe. Elle s'est particulièrement inquiétée de la généralisation des affections des voies respiratoires et des maladies du système digestif et du système nerveux chez les enfants russes. Elle a demandé de plus amples informations sur les causes de ces maladies, notamment en ce qui concerne les troubles nerveux.

533. En réponse à cette observation, la représentante de la Fédération de Russie a cité les facteurs écologiques, la pauvreté et la dégradation de l'état nutritionnel comme causes possibles de cette détérioration généralisée de l'état de santé des citoyens russes.

534. Une experte a mentionné l'ampleur des nouveaux problèmes sociaux et économiques auxquels le Gouvernement devait faire face dans le cadre de la transition, tels la pauvreté, la détérioration du système de santé et la réduction des services sociaux fournis. Dans ce contexte, elle craignait que la poursuite des réformes n'entraîne une nouvelle baisse des niveaux de vie dans le pays. Toutefois, elle a aussi relevé quelques évolutions positives. D'après elle, les crises économiques et politiques faisaient mieux connaître les problèmes des femmes et encourageaient celles-ci à participer à la vie politique. Elle a conseillé au Gouvernement de faire appel au Comité sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes pour qu'il l'aide dans ses efforts de réforme économique et sociale.

535. Un membre du Comité a estimé qu'il fallait prendre, à titre temporaire, d'autres mesures spéciales afin d'aider les femmes russes à faire en sorte que leurs intérêts soient dûment pris en compte dans la politique économique et sociale durant la période de transition.

536. Une autre experte s'est inquiétée du nombre croissant de prostituées russes, non seulement en Fédération de Russie, mais aussi dans d'autres pays où leurs droits fondamentaux sont constamment bafoués. Elle a signalé que nombre d'entre elles se trouvaient en Turquie et que certaines étaient séropositives. Elle a demandé des renseignements sur le sort réservé aux prostituées russes qui étaient déportées de Turquie et d'autres pays. À son avis, ces renseignements étaient indispensables pour mieux suivre la situation concernant le respect des droits fondamentaux des femmes.

Conclusions du Comité

Introduction

537. Le Comité a apprécié l'honnêteté de l'évaluation de la situation contenue dans le quatrième rapport périodique de la Fédération de Russie ainsi que de l'exposé oral. À la différence du troisième rapport périodique, ce quatrième rapport a montré que, s'agissant de l'absence de discrimination et de l'égalité des droits et des chances, l'excellent cadre juridique mis en place en Fédération de Russie pour la promotion de la femme ne constituait pour les femmes ni une garantie absolue ni une étape nécessaire. De plus, comme le montrait clairement le quatrième rapport périodique, les bouleversements économiques et sociaux en cours remettaient en question les progrès réalisés dans le passé par les femmes et en leur faveur.

Éléments positifs

538. Le Comité a noté avec satisfaction que le quatrième rapport périodique énumérait une série de lois qui faisaient apparaître qu'entre 1990 et 1993, le Gouvernement russe avait sérieusement cherché à respecter le principe de l'équité entre les sexes dans la plupart des textes juridiques, depuis la Constitution de 1993 jusqu'aux décrets présidentiels et règlements et instructions ministériels.

539. Le Comité a apprécié les innovations profondes introduites dans le système scolaire du pays, et ce malgré tous les problèmes qui se posaient à la Fédération.

540. Le Comité a noté aussi avec satisfaction que le Gouvernement russe avait l'intention d'appliquer l'esprit et la lettre de la Convention pour améliorer la situation des femmes dans la période de transition.

Principaux sujets de préoccupation

541. Le Comité a estimé que la question la plus difficile était de savoir si toutes les lois et tous les règlements énumérés dans le quatrième rapport périodique étaient effectivement appliqués dans l'intérêt des femmes.

542. Le Comité s'est inquiété du fait qu'il semblait que le sort des femmes et des enfants (en matière de santé, d'espérance de vie, de possibilités d'emploi et d'accès à l'enseignement par exemple), se soit sérieusement aggravé, bien que les droits politiques, économiques et sociaux des femmes aient été reconnus.

543. Le Comité s'est également déclaré préoccupé par les conséquences ci-après de la transformation d'une société marxiste en une société à économie de marché dotée d'un régime de propriété déréglementée et privatisée de même que par les bouleversements économiques, politiques et sociaux qui en résultaient :

a) Obstacles à la réalisation des objectifs de la Convention;

b) Accroissement de la vulnérabilité sociale d'une partie de la population;

c) Fortes entraves à la possibilité pour les femmes d'exercer leur droit à l'égalité des chances.

544. Le Comité s'est déclaré profondément préoccupé par la détérioration de la structure sociale résultant de la restructuration du pays, qui entraîne des migrations massives.

545. Le Comité s'est également déclaré inquiet des incidences négatives de la transition sur la santé de la population, singulièrement des femmes et des enfants, notamment en ce qui concerne la recrudescence de la tuberculose et la baisse du taux de natalité, devenu inférieur en fait au taux de mortalité, qui influaient sur la croissance de la population. Le Comité était aussi préoccupé par la qualité du régime alimentaire de la population et l'accroissement de la mortalité maternelle qui en résultait.

546. Le Comité s'est déclaré profondément préoccupé par le fait que tous ces problèmes étaient gravement préjudiciables pour les femmes, dans leur rôle au sein de la famille et dans leur capacité d'avoir un revenu, de jouer un rôle actif dans l'enseignement et de participer à tous les aspects de la vie de la société.

547. En outre, l'insuffisance des crédits consacrés à la santé avait entraîné la régression des soins médicaux garantis par l'État aux femmes et aux enfants et les crédits alloués par l'État à l'enseignement général enregistraient une baisse.

548. Le Comité s'est également déclaré préoccupé par le fait que le chômage des femmes avait été multiplié par neuf et qu'il touchait tout autant celles qui n'avaient guère reçu de formation que celles qui avaient un niveau d'instruction élevé. Par ailleurs, il était aussi préoccupant que les femmes gagnent en moyenne 30 % de moins que les hommes.

Suggestions et recommandations

549. Le Comité recommande fermement, au vu des graves conséquences qu'a la restructuration économique actuelle, que le Gouvernement applique à titre prioritaire durant la période de transition des mesures économiques d'urgence visant à alléger les souffrances considérables des femmes russes.

550. Le Comité recommande à la Fédération de Russie de créer dans le cadre de son administration fédérale des rouages dotés d'effectifs et de ressources suffisants pour mettre en oeuvre et coordonner la politique globale en faveur des femmes et appliquer les dispositions de la Convention. Il conviendrait que ces rouages administratifs soient coiffés par une personne du plus haut niveau possible afin qu'ils aient une influence sur toutes les décisions du Gouvernement qui touchent les femmes. Compte tenu de la dimension du pays et du grand nombre d'habitants, le Comité a estimé qu'il était approprié de créer de tels mécanismes à tous les niveaux.

551. Le Comité propose d'adopter des mesures provisoires pour promouvoir la participation des femmes à la prise des décisions dans différents domaines, notamment aux niveaux les plus élevés.

552. Le Comité recommande à la Fédération de Russie de présenter dans son prochain rapport des informations sur les conséquences de la restructuration politique sur les femmes.



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