University of Minnesota



Observations finales du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Qatar, U.N. Doc. CEDAW/C/QAT/CO/1 (2014).


 

* Adoptées par le Comité à sa cinquante-septième session (10-28 février 2014).

Observations finales concernant le rapport initial du Qatar *

Le Comité a examiné le rapport initial du Qatar (CEDAW/C/QAT/1) à ses 1191e et 1192e séances, tenues le 13 février 2014 (voir CEDAW/C/SR.1191 et 1192). La liste des questions et points à traiter du Comité figure dans le document CEDAW/C/QAT/Q/1 et les réponses du Gouvernement du Qatar dans le document CEDAW/C/QAT/Q/Add.1.

A.Introduction

Le Comité se félicite que l’État partie ait soumis son rapport initial ainsi que des réponses écrites à la liste des questions et points soulevés par le Groupe de travail d'avant-session. Il accueille avec satisfaction l’exposé verbal présenté par la délégation et les précisions supplémentaires apportées en réponse aux questions posées verbalement par le Comité.

Le Comité salue la délégation de l’État partie, qui était conduite par la Directrice adjointe du Comité exécutif du Conseil supérieur des affaires de la famille, Mme Juhaina Sultan Al-Easa. La délégation était composée de représentants du Ministère des affaires étrangères, du Ministère de l’intérieur, du Ministère de la justice, du Ministère du travail et des affaires sociales, de l’Amiri Diwan, du Conseil supérieur de l’éducation, du Conseil supérieur de la santé, du Conseil supérieur des affaires de la famille et de la Fondation qatarie pour la protection sociale et la rééducation.

B.Aspects positifs

Le Comité se félicite des progrès dans la réforme de la législation, notamment:

a)L’adoption de la loi n° 15 relative à la lutte contre la traite des êtres humains (2011);

b)L’amendement à la loi portant création de la Commission nationale des droits de l’homme (loi n° 38 de 2002), par loi-décret no17 de 2010, attribuant à la Commission la personnalité juridique et un budget séparé;

c)La création de la Cour constitutionnelle en application de la loi no12 de 2008.

Le Comité se félicite des progrès accomplis dans l’amélioration du cadre institutionnel et politique visant à accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et la promotion de l’égalité des sexes, notamment en adoptant:

a)La Vision nationale du Qatar pour 2030 qui a été adoptée par l’Émir en vertu du décret no44 de 2008 ainsi que la stratégie intégrée pour le développement (2011-2016) consécutive qui vise à renforcer les capacités des femmes et promouvoir leur participation à la vie économique et politique;

b)La stratégie nationale en matière d’éducation et de formation (2011‑2016) qui a pour objet notamment de consolider l’enseignement technique et la formation professionnelle pour tous, notamment les femmes.

Le Comité se félicite que l’État partie ait ratifié ou accédé aux instruments internationaux ci-après:

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées (2008);

b)Le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (2009).

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Réserves et déclarations

Le Comité fait part de sa préoccupation face au nombre et à l’étendue des réserves émises par l’État partie relatives à divers articles de la Convention, à savoir le paragraphe 2 de l’article 9, les paragraphes 1 et 4 de l’article 15, le paragraphe 2 de l’article 19, et tout particulièrement l’alinéa a) de l’article 2 et les alinéas a), c) et f) du paragraphe 1 de l’article 16 ainsi que ses déclarations. Le Comité estime que les réserves émises à propos des articles 2 et 16 sont contraires à l’objet et au but de la Convention et qu’elles exercent un impact négatif sur la mise en œuvre du principe fondamental de la reconnaissance de l’égalité de droit et de fait entre les femmes et les hommes dans tous les aspects de la vie publique et privée.

Le Comité invite instamment l’État partie à veiller à faire appliquer intégralement la Convention et à cet effet lui recommande :

a) De présenter, dans son prochain rapport, un exposé complet sur l’impact de ses réserves et de ses déclarations sur l’application des dispositions contenues dans la Convention ainsi que sur la situation des femmes qataries;

b) De retirer ses déclarations et réserves relatives au paragraphe 2 de l’article 9, aux paragraphes 1 et 4 de l’article 15 et au paragraphe 2 de l’article 19, et tout particulièrement celles relatives à l’article 2 et au paragraphe 1 de l’article 16.

Visibilité de la Convention, Protocole facultatif et recommandations générales du Comité

Le Comité constate avec satisfaction que le Conseil supérieur des affaires de la famille, en coopération avec la Commission nationale des droits de l’homme du Qatar, a entrepris diverses activités pour sensibiliser l’opinion aux droits des femmes. Le Comité reste toutefois préoccupé que l’État partie n’ait pas adopté de mesures appropriées afin de promouvoir la visibilité de la Convention. Le Comité est préoccupé par le manque de connaissances au sein du Gouvernement, y inclus le système judiciaire, des droits des femmes consacrés dans la Convention, du concept essentiel d’égalité de fait entre les femmes et les hommes ainsi que des recommandations générales du Comité.

Le Comité invite l’État partie :

a) À sensibiliser davantage les femmes à leurs droits et aux voies de recours qui s’offrent à elles aux échelons national et local pour dénoncer les violations de leurs droits au titre de la Convention et veiller à ce que toutes les femmes, notamment les travailleuses migrantes, et en particulier les employées de maison, ainsi que les écoles et les institutions d’enseignement supérieur, soient informées de la teneur de la Convention;

b) À veiller à ce que la Convention soit suffisamment connue et appliquée par l’ensemble des branches du Gouvernement, notamment le système judiciaire, pour qu’elle serve de cadre aux lois, aux décisions de justice ainsi qu’à la mise en œuvre de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes. Le Comité recommande que la Convention et la législation voulue fassent partie intégrante de l’enseignement du droit et de la formation des juges, des avocats et des procureurs de manière à ce qu’un climat juridique propice à l’égalité des femmes et des hommes, dépourvu de toute discrimination fondée sur le sexe, soit fermement établi dans le pays.

Statut juridique de la Convention

Le Comité note avec préoccupation que le statut des instruments internationaux, notamment la Convention, n’a pas été clairement défini dans la législation nationale. Le Comité regrette également le manque d’information sur les procès dans lesquels la Convention a été directement invoquée et appliquée.

Le Comité recommande à l’État partie de préciser le statut de la Convention au sein du système juridique national et de veiller à ce que ses dispositions prévalent sur la législation nationale lorsqu’elles sont en conflit. Le Comité recommande également que l’État partie s’assure que la législation nationale est appliquée et interprétée en conformité avec les dispositions de la Convention.

Définition de la discrimination à l’égard des femmes

Le Comité note que les articles 34 et 35 de la Constitution du Qatar interdisent la discrimination fondée sur le sexe et consacrent l’égalité des citoyens en droits et en devoirs. Le Comité est toutefois préoccupé par l’absence de définition de la discrimination en application de l’article 1 de la Convention ainsi que par l’absence d’une interdiction explicite de la discrimination à l’égard des femmes.

Le Comité engage l’État partie à incorporer une définition de la discrimination à l’égard des femmes, tant directe qu’indirecte, conformément à l’article 1 de la Convention, et à interdire la discrimination à l’égard des femmes dans sa Constitution ainsi que dans toutes les lois appropriées.

Lois discriminatoires

Tout en se félicitant des efforts de l’État partie pour réexaminer, abroger ou amender ses lois discriminatoires, notamment le Code de la famille, le Comité note avec préoccupation les nombreuses dispositions discriminatoires dans la législation, notamment l’âge légal du mariage pour les filles dans le Code de la famille, l’impossibilité pour les femmes qataries de transmettre leur nationalité à leurs enfants aux termes de la loi sur la nationalité, outre la loi sur les ressources humaines et le Code pénal qui sont contraires à la Convention et aux autres instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.

Le Comité invite l’État partie à revoir systématiquement l’ensemble sa législation et de sa réglementation en tenant compte des pratiques des autres pays de la région qui l’ont fait avec succès et modifier ou abroger sans délai, avec un calendrier clairement défini, les lois discriminatoires, notamment les dispositions discriminatoires contenues dans le Code de la famille. Le Code pénal et la loi sur la nationalité, afin de se conformer pleinement aux dispositions de la Convention.

Mécanismes nationaux de promotion des femmes

Le Comité note que le Conseil supérieur des affaires de la famille est responsable de la promotion des femmes et de la formulation des politiques relatives aux femmes et à la famille. Le Comité est toutefois préoccupé par les limites de son mandat, de son autorité et de sa capacité à assurer que la législation et les politiques en faveur de l’égalité des sexes soient correctement formulées et entièrement appliquées par tous les départements ministériels et autres organismes gouvernementaux. De surcroît, le Comité note avec préoccupation l’absence d’un service centralisé au sein du Gouvernement chargé de coordonner les activités des mécanismes nationaux de promotion des femmes.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’établir au sein du Gouvernement un service centralisé doté d’un mandat fort ainsi que de ressources humaines et financières adéquates pour coordonner les mécanismes nationaux de promotion des femmes, en vue d’assurer l’application systématique des dispositions de la Convention dans l’État partie;

b) De fournir dans le prochain rapport périodique des informations concernant le mandat, les ressources humaines et financières et l’impact des activités du Conseil supérieur des affaires de la famille sur l’égalité des sexes.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité note avec préoccupation l’absence de mesures temporaires spéciales, notamment un système de quotas, visant accélérer l’égalité de fait entre les femmes et les hommes dans tous les domaines de la Convention ainsi que la méconnaissance de l’État partie concernant la nature des mesures temporaires spéciales.

Rappelant sa recommandation générale n o 25 sur les mesures temporaires spéciales, le Comité relève que de telles mesures sont essentielles pour accélérer l’égalité de fait entre les femmes et les hommes dans tous les domaines de la Convention. Le Comité invite instamment l’État partie :

a) À adopter et mettre en œuvre des mesures temporaires spéciales avec des objectifs assortis de dates-butoirs, des quotas ou des traitements préférentiels en vue de réaliser concrètement l’égalité de fait entre les femmes et les hommes dans les domaines où les femmes sont sous-représentées ou désavantagées, notamment la vie politique, les organes de décision et le secteur privé;

b) À inclure le recours aux mesures temporaires spéciales à la fois dans les domaines publics et privés dans la Stratégie nationale de développement (2011-2016) et dans la législation;

c) À sensibiliser davantage les autorités, les organisations féminines et le public au caractère non discriminatoire des mesures temporaires spéciales conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention ainsi qu’à leur efficacité pour accélérer la réalisation de l’égalité de fait entre les femmes et les hommes.

Stéréotypes et pratiques discriminatoires

Le Comité est préoccupé par la persistance de stéréotypes profondément enracinés concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes au sein de la famille et dans la société, qui soulignent exagérément le rôle des femmes comme dispensatrices de soins. Il est également préoccupé par la prévalence de préjugés et d’attitudes négatives stéréotypées à l’égard des travailleurs migrants, notamment les femmes, et les nombreuses formes de discrimination qu’elles subissent sur base de leur nationalité ou pour d’autres motifs. Tout en notant que le plan stratégique global pour 2006-2011 comporte notamment des objectifs visant à éliminer les stéréotypes, le Comité constate avec inquiétude que des programmes, tels que le projet destiné à aider les femmes à trouver un équilibre entre leur rôle au sein de la famille et leurs responsabilités professionnelles, s’avèrent en fait susceptibles de renforcer les préjugés relatifs aux rôles et aux responsabilités des femmes.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De renforcer les mesures de sensibilisation ainsi que les enquêtes en vue de promouvoir efficacement l’égalité des sexes et surmonter les attitudes patriarcales et les stéréotypes discriminatoires profondément enracinés concernant les responsabilités respectives des femmes et des hommes au sein de la famille et de la société, et rendre compte au Comité des résultats obtenus au moyen de ces mesures dans le prochain rapport périodique;

b) D’adopter des mesures spéciales, y inclus les campagnes de sensibilisation et d’éducation, pour lutter contre les attitudes stéréotypées à l’égard des migrantes employées de maison;

c) De réévaluer les programmes tels que le projet visant à instaurer un équilibre entre le rôle familial et les obligations professionnelles des femmes afin d’éviter que le projet ne véhicule des images stéréotypées des rôles féminins et masculins;

d) D’adopter des mesures systématiques visant à mobiliser les médias et les ONG pour combattre les stéréotypes et les attitudes sociétales négatives;

e) D’informer le Comité des résultats des mesures adoptées dans ce domaine en faveur des femmes et des filles, notamment les migrantes employées de maison .

Violences faites aux femmes

Le Comité prend note des diverses mesures initiées par l’État partie, notamment la Fondation qatarie pour la protection des femmes et des enfants et l’adoption de la Stratégie nationale de développement (2011-2016) qui vise à établir une stratégie globale pour lutter contre les violences conjugales. Le Comité note cependant avec beaucoup de préoccupation le taux élevé de violences sexuelles et de sévices à l’encontre des femmes et des filles, notamment les migrantes employées de maison. Il est également préoccupé par l’absence de loi érigeant en infraction pénale la violence familiale et le viol conjugal; les obstacles à l’accès à la justice rencontrés par les migrantes employées de maison qui ont été victimes de violences; l’absence de prise en compte sérieuse à l’égard des violences faites aux femmes parmi les juges, les procureurs, les officiers de police et les professionnels de la santé et le manque de formation à cet égard; l’inexistence d’un système de collecte de données relatives aux cas de violences faites aux femmes et l’absence de données sur les taux de poursuite et de condamnations, sur les capacités et le financement de refuges ainsi que sur les services d’appui psychologique et de réhabilitation. Le Comité est également préoccupé par la sous-évaluation des violences domestiques et conjugales en raison du fait que de nombreuses mères se taisent de crainte de perdre la garde de leurs enfants, tandis que les femmes, notamment les migrantes employées de maison, courent le danger d’être accusées de « rapports illicites » et condamnées à des peines de prison.

Rappelant ses recommandations générales n° 19 sur les violences faites aux femmes, le Comité invite instamment l’État partie :

a) À mettre en place un système complet de protection contre la violence conjugale, tel que prévu dans sa Stratégie nationale de développement (2011–2016) et adopter une législation réprimant toutes les formes de violence à l’égard des femmes, y compris la violence familiale et le viol conjugal, sans exception et avec un calendrier précis;

b) À mettre en œuvre en priorité des mesures efficaces en vue d’assurer que les auteurs de violences à l’encontre des femmes en soient tenus responsables et respecter son obligation de diligence pour prévenir, investiguer, poursuivre et réprimer les cas de violences faites aux femmes, notamment les migrantes employées de maison;

c) À veiller à ce que les femmes victimes de violences, notamment les migrantes employées de maison, bénéficient de voies de recours adéquates et de réparation, notamment les compensations et la réadaptation la plus complète possible;

d) À rendre obligatoire la formation des juges, des procureurs et des agents de police quant à la nature pénale des violences faites aux femmes tout en incorporant dans cette formation des procédures plus respectueuses des femmes , en particulier les migrantes employées de maison, pour déterminer les cas de violences et aider les victimes;

e) À modifier le Code pénal pour dépénaliser les relations sexuelles consensuelles en dehors du mariage;

f) À réunir systématiquement toutes les données sur les violences faites aux femmes et aux filles, ventilées selon l’âge et la nature des liens entre la victime et l’auteur des violences.

Traite des êtres humains et exploitation de la prostitution

Tout en se félicitant des divers efforts menés par l’État partie, en particulier la Fondation du Qatar de lutte contre la traite des êtres humains et son adhésion à l’Initiative arabe pour le renforcement des capacités nationales de lutte contre la traite des êtres humains, le Comité est préoccupé par la prévalence et l’ampleur de la traite des femmes et des filles aux fins d’exploitation sexuelle et de travail forcé. Le Comité se déclare particulièrement préoccupé par :

a)La vulnérabilité des femmes et des filles qui ont été recrutées comme employées de maison, à devenir des victimes de la traite et l’incidence du système de parrainage qui limite les possibilités des migrantes employées de maison de changer d’employeur ou de porter plainte contre ce dernier, renforçant ainsi leur vulnérabilité aux sévices et au travail forcé;

b)L’absence d’information sur le nombre de plaintes, d’enquêtes, de poursuites et de condamnations en matière de traite des êtres humains ainsi que sur le nombre victimes qui ont bénéficié de programmes existants d’assistance et de réadaptation;

c)Le fait que l’article 5 de la loi n° 15 de 2011 sur la lutte contre la traite des êtres humains prévoit le renvoi des victimes de la traite dans leurs pays d’origine sans vérification préalable des risques encourus à leur retour en raison de leur sexe;

d)La criminalisation de la prostitution et les sentences de privation de liberté pouvant aller jusqu’à cinq ans infligées aux femmes accusées de se livrer à la prostitution.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’appliquer la loi n° 15 de 2011 sur la lutte contre la traite des êtres humains en menant sans délai des enquêtes impartiales et efficaces sur tous les rapports de traite d’êtres humains, en traduisant en justice leurs auteurs et en prononçant des peines à la mesure de la gravité de leurs actes;

b) De recueillir les données et mettre en place les mécanismes appropriés pour identifier les victimes de la traite, les aiguiller vers les services d’assistance appropriés, notamment les travailleuses migrantes arrêtées pour avoir tenté de s’échapper ou autres infractions aux lois relatives au système de parrainage, à l’immigration ou à la prostitution;

c) De leur fournir toute l’aide, l’appui et la protection nécessaires, notamment en leur facilitant l’obtention d’un permis de séjour, le cas échéant;

d) D’abolir le système de parrainage pour tous les travailleurs migrants, en particulier les femmes et les enfants, conformément à la recommandation de la Rapporteuse spéciale sur les droits fondamentaux des victimes de la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les enfants ( A/HRC/4.23/Add.2 , par. 95) et à cet effet, requérir, le cas échéant, l’assistance technique de l’Organisation internationale du Travail (OIT) et du Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH);

e) De créer les conditions appropriées permettant aux migrantes employées de maison et aux victimes de la traite de porter plainte, en veillant à ce qu’elles soient suffisamment informées, dans une langue qu’elles peuvent comprendre, de leurs droits et des voies de recours à leur disposition pour saisir la justice pour violation de leurs droits;

f) De réévaluer la législation et les réglementations en vigueur pour abroger la criminalisation des femmes contraintes à la prostitution et d’aborder la question de la prostitution sous un angle global, notamment les programmes de sortie destinés aux femmes désirant quitter la prostitution.

Participation à la vie politique et à la vie publique

Le Comité est préoccupé par les attitudes patriarcales profondément enracinées et par les traditions culturelles qui constituent un obstacle à la participation des femmes à la vie politique au Qatar. Il est particulièrement préoccupé par l’absence continue de femmes au Conseil (consultatif) de la Choura et au sein des conseils municipaux ainsi que par la très faible représentation des femmes à l’échelon ministériel et autres postes où se prennent les décisions gouvernementales, notamment les affaires étrangères, la magistrature et les carrières juridiques.

Le Comité invite l’État partie :

a) À prendre des mesures immédiates dans la perspective des prochaines élections au Conseil consultatif en vue d’assurer que les femmes constituent au moins 30 % des membres élus au Conseil (consultatif) de la Choura;

b) À adopter et appliquer des mesures additionnelles, notamment les mesures temporaires spéciales sous la forme de quotas, assortis de critères de référence et d’échéances spécifiques, en vue d’accroître le nombre de femmes dans la vie politique et publique, à tous les niveaux et dans tous les domaines, notamment les conseils municipaux et les administrations locales, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à la recommandation générale n o 25 du Comité relative aux mesures temporaires spéciales;

c) À adopter les mesures appropriées, notamment la promulgation de lois électorales pertinentes, afin d’assurer que les partis politiques allouent des fonds suffisants aux femmes pour leurs campagnes électorales et établissent des critères de référence et des échéances spécifiques ainsi que des sanctions, telles que des amendes infligées aux partis politiques en cas de non-respect de ces mesures;

d) À prendre toutes les mesures nécessaires pour lever les obstacles à la participation des femmes dans le service diplomatique et augmenter le nombre de femmes juges, procureures et avocates et veiller à ce que des femmes soient nommées à la Cour suprême et à la Cour d’appel;

e) À sensibiliser davantage à l’importance de la participation électorale des femmes aussi bien comme candidates que comme électrices de manière à éliminer les attitudes patriarcales qui empêchent la participation politique des femmes.

Société civile et organisations non gouvernementales

Le Comité note avec préoccupation l’absence d’organisations féminines autonomes et dynamiques au sein de l’État partie. Tout en relevant que selon les informations communiquées par l’État partie, il n’existe aucune la loi interdisant de former une association féminine, le Comité constate avec préoccupation que les procédures d’enregistrement prévues par la loi sur les associations et les organisations privées (loi n° 12 de 2004) sont très lourdes et soumises à l’approbation du Conseil des ministres et que les associations, notamment les associations féminines, ne sont pas autorisées à aborder les questions politiques.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter des mesures spécifiques, notamment les amendements législatifs, en vue de créer un climat favorable aux associations féminines et aux organisations non gouvernementales œuvrant en faveur de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes, facilitant la création de ces associations, leurs activités et leurs appels de fonds. Le Comité recommande à cet égard à l’État partie d’intensifier son processus de consultation avec les organisations de la société civile;

b) De modifier la loi n° 12 de 2004 afin de permettre aux associations et organisations non gouvernementales féminines de participer à la vie publique et politique de l’État partie, en application de l’alinéa c) de l’article 7 de la Convention.

Nationalité

Le Comité note avec une vive inquiétude la discrimination à l’égard des femmes en matière de nationalité, car les femmes qataries mariées à un étranger ne peuvent pas transmettre la nationalité à leurs enfants alors que les hommes qataris ayant épousé une femme de nationalité étrangère peuvent transmettre la nationalité à leurs enfants. Il relève également avec préoccupation que contrairement aux hommes, les Qataries ne peuvent pas transmettre leur nationalité à leurs conjoints de nationalité étrangère. De surcroît, le Comité s’inquiète du risque couru par les enfants de Qataries ayant épousé un étranger de devenir apatrides.

Le Comité engage l’État partie à modifier sa loi sur la nationalité pour la mettre en conformité avec les paragraphes 1) et 2) de l’article 9 de la Convention de manière à permettre aux Qataries de transmettre leur nationalité à leurs enfants et à leur conjoint étranger à l’instar des Qataris. Le Comité invite également l’État partie à retirer ses réserves au paragraphe 2 de l’article 9. Le Comité l’invite également à accéder à la Convention de 1954 relative au statut des apatrides ainsi qu’à la Convention sur la réduction des cas d'apatridie de 1961.

Éducation

Tout en accueillant avec satisfaction l’adoption par l’État partie de la Stratégie sectorielle de l’éducation et de la formation 2011-2016, le Comité est préoccupé par le choix des femmes en faveur des disciplines traditionnelles et par le petit nombre de femmes inscrites dans les cours de formation et dans les disciplines scientifiques et techniques.

Le Comité recommande à l’État partie de redoubler d’efforts pour diversifier les choix en matière d’éducation et de formation proposés aux filles et aux garçons. Il lui recommande également de fournir dans son prochain rapport périodique des données actualisées, ventilées selon le sexe, sur les choix des femmes et des filles dans les domaines de l’éducation et de la formation.

Emploi

Le Comité note que le document intitulé La Vision nationale du Qatar pour 2030 vise notamment à promouvoir la participation des Qataries dans tous les secteurs de l’emploi. Il s’inquiète toutefois de la persistance de la discrimination à l’égard des femmes sur le marché du travail, de la réprobation sociale dont souffrent les femmes qui travaillent et des normes sociales qui restreignent leur choix professionnel aux seules professions qui leur assignent un rôle « respectable ». Le Comité est de surcroît préoccupé par la pratique discriminatoire qui veut que les Qataries présentent à leur futur employeur une lettre d’autorisation de leur tuteur. Il s’inquiète également de la persistance de l’écart des salaires (de 20 à 30 %), entre les sexes, de la sous-représentation des femmes aux postes de direction, notamment le secteur privé, et l’absence de dispositions spécifiques dans la loi sur les ressources humaines et dans le Code pénal réprimant la discrimination à l’égard des femmes dans l’emploi.

Le Comité invite l’État partie à assurer que les femmes bénéficient des mêmes opportunités que les hommes sur le marché du travail, en abrogeant les lois et réglementations discriminatoires ainsi que les pratiques qui le sont de fait, comme la nécessaire autorisation d’un tuteur pour avoir le droit de travailler. Le Comité invite instamment l’État partie :

a) À adopter des mesures efficaces pour éliminer la ségrégation horizontale et verticale dans le domaine de l’emploi, diminuer et abolir les écarts de salaire entre les sexes et appliquer le principe de l’égalité de rémunération et de l’égalité des chances dans le secteur de l’emploi;

b) À modifier le Code du travail de 2004 ainsi que la loi sur les ressources humaines pour y insérer une disposition interdisant la discrimination dans tous les aspects de l’emploi, notamment les pratiques discriminatoires dans le recrutement.

Travailleuses migrantes

Le Comité s’inquiète vivement à propos de rapports relatifs aux diverses formes d’exploitation et aux sévices infligés aux travailleuses migrantes, notamment le travail forcé, les violences physiques et sexuelles, les traitements inhumains et dégradants, le non-paiement des salaires, les heures supplémentaires exagérées, la confiscation des passeports, les restrictions à la liberté de mouvement et de communication, tout spécialement dans le cadre du système de parrainage (kafeel). Le Comité est également préoccupé par :

a)Le fait que la protection prévue par le Code du travail ne s’applique pas aux employées de maison qui rencontrent d’innombrables obstacles lorsqu’elles veulent porter plainte contre leurs employeurs et obtenir satisfaction en cas de mauvais traitements, tout en courant le danger d’être l’objet de plaintes pénales pour délit de fuite si elles se sauvent pour échapper aux maltraitances;

b)Le retard encouru par le projet de loi sur les employées de maison qui n’a pas encore été revu ni achevé et dont aucune échéance n’a été fixée pour son adoption;

c)Le fait que l’État partie n’ait pas fourni des informations adéquates sur la situation des travailleuses migrantes au Qatar, notamment: la disponibilité de services d’assistance et de programmes pour les protéger contre la violence, la maltraitance et l’exploitation; le nombre de plaintes déposées par des travailleuses migrantes pour violences, notamment les violences sexuelles, au cours de la période à l’examen; et le nombre d’enquêtes, de poursuites et de sanctions prononcées à l’encontre de leurs auteurs.

Rappelant sa recommandation générale n o 26 relative aux travailleuses migrantes, le Comité invite l’État partie :

a) À promulguer une loi sur les employées de maison et amender le Code du travail de 2004 de manière à ce qu’elles bénéficient de la même protection que les autres catégories de travailleurs;

b) À prendre sans délai les mesures requises pour abolir le système de parrainage, abroger les dispositions répressives du Code pénal à l’égard des travailleuses qui s’enfuient de chez leur employeur et rechercher l’assistance technique de l’OIT selon que de besoin;

c) À organiser des inspections du travail sur les lieux de travail des travailleuses migrantes, notamment les employées de maison, en cas de plaintes pour violation de leurs droits; à mener systématiquement des enquêtes à chaque allégation d’exploitation, de mauvais traitements et de violences à l’encontre de migrantes employées de maison; et à poursuivre et réprimer de façon adéquate les employeurs et autres auteurs de sévices et d’exploitation;

d) À contrôler l’application de l’article 9 de la loi sur le parrainage par les employeurs qui dispose que ces derniers sont tenus de restituer leur passeport aux travailleuses migrantes, et punir les employeurs et les instances de recrutement qui violent cette disposition;

e) À veiller à ce que les travailleuses migrantes jouissent effectivement de l’accès à l’aide juridique et aux mécanismes pour porter plainte et offrir immédiatement accès à un refuge et à des services de réhabilitation aux travailleuses migrantes qui se sont plaintes de maltraitance et d’exploitation;

f) À ratifier la Convention sur les travailleuses et travailleurs domestiques de 2011 de l’OIT (n o 189) ;

g) À sensibiliser davantage les travailleuses migrantes et les employées de maison à leurs droits aux termes de la Convention;

h) À fournir des informations détaillées sur la situation des migrantes employées de maison.

Santé

Le Comité prend note que l’État partie a adopté la Stratégie nationale de santé 2011-2016. Le Comité est néanmoins préoccupé par les situations ci-après :

a)Le Code pénal interdit l’avortement même en cas de viol et le sanctionne par des peines de prison; et lorsqu’une femme est violée par son employeur et se retrouve enceinte, elle est condamnée si elle s’avorte elle-même;

b)Les femmes enceintes et les travailleuses migrantes sont obligées de se soumettre à un test de dépistage du VIH/sida. Les travailleuses migrantes sont refoulées si le test est positif;

c)Les travailleuses migrantes et les femmes bidoun ont difficilement accès aux soins de santé, notamment la santé sexuelle et procréative ainsi qu’aux soins obstétriques d’urgence et la plupart du temps elles ne savent pas comment accéder aux services de santé.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De dépénaliser l’avortement conformément à la recommandation générale n o 24 sur les femmes et la santé;

b) De modifier la politique du dépistage obligatoire du VIH/sida auprès des femmes enceintes et des travailleuses migrantes en interdisant le dépistage non consenti du VIH/sida et le refoulement des travailleuses migrantes dont le test se révèle positif;

c) D’adopter les mesures appropriées pour veiller à ce que les travailleuses migrantes et les femmes bidoun aient accès gratuitement aux soins médicaux d’urgence, notamment la santé sexuelle et procréative, et aux services d’interruption de grossesse en cas de viol.

Mariage et relations familiales

Le Comité s’inquiète vivement de la persistance à dénier aux femmes les mêmes droits qu’aux hommes dans les relations familiales. Tout en prenant note de l’information communiquée par l’État partie que le Code de la famille (loi no 22 de 2006) est à l’examen, le Comité est préoccupé par le grand nombre de dispositions discriminatoires qu’elle contient, concernant notamment :

a)L’âge légal du mariage qui est de 16 ans pour les filles et de 18 ans pour les garçons, avec des exceptions autorisant le mariage à moins de 16 ans;

b)L’admissibilité de la polygamie et les droits inégaux et/ou limités des femmes en matière de divorce, d’héritage, de garde et de droit de tutelle sur les enfants ainsi que le fait que les femmes perdent le droit de garde en cas de remariage;

c)L’obligation pour les femmes d’obtenir l’autorisation de leur tuteur pour contracter mariage;

d)L’obligation pour les femmes âgées de moins de 25 ans d’obtenir l’autorisation de leur tuteur pour voyager à l’étranger, ce qui constitue une restriction discriminatoire à la liberté de mouvement.

Conformément aux recommandations générales n o 21 et 29 relatives à l’article 16 de la Convention, le Comité recommande à l’État partie :

a) D’achever le réexamen du Code de la famille (loi n o 22 de 2006) sans attendre davantage et d’abroger les dispositions discriminatoires qu’il contient et veiller à l’égalité des droits des femmes dans tous les domaines relevant du mariage et de la vie familiale, notamment leurs droits de contracter librement mariage, l’héritage, le divorce et la garde des enfants;

b) De s’inspirer de l’exemple d’autres pays qui partagent la même religion et le même système judiciaire qui ont su adapter leur législation nationale aux instruments internationaux juridiquement contraignants qu’ils ont ratifiés, tout spécialement l’égalité des droits des femmes dans le mariage, le divorce, la garde des enfants et l’héritage;

c) D’amender la législation pertinente pour abolir la polygamie et relever l’âge légal du mariage à 18 ans pour les filles pour le rendre identique à celui des garçons;

d) De lancer des campagnes de sensibilisation visant les femmes en vue de les rendre conscientes de leurs droits dans les relations familiales et le mariage;

e) De réexaminer ses déclarations et ses réserves concernant les paragraphes 1 et 4 de l’article 15, les alinéas a), c) et f) de l’article 16 de la Convention, en vue de les retirer.

Convention

Le Comité encourage l’État partie à ratifier le Protocole facultatif à la Convention et d’accepter sans délai l’amendement au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention à propos de la durée des réunions du Comité.

Déclaration de Beijing et Programme d’action

Le Comité demande à l’État partie de se fonder sur la Déclaration et le Programme d’action de Beijing dans les efforts qu’il déploie pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention .

Objectifs du Millénaire pour le développement et programme de développement pour l’après-2015

Le Comité invite l’État partie à intégrer l’égalité des sexes, en application des dispositions de la Convention, dans tous ses efforts visant à réaliser les objectifs du Millénaire pour le développement ainsi que dans le cadre du programme de développement pour l’après-2015.

Diffusion

Le Comité rappelle l’obligation de l’État partie d’appliquer de façon systématique et continue les dispositions de la Convention. Il invite instamment l’État partie à accorder une attention prioritaire aux présentes observations finales et recommandations d’ici la soumission de son prochain rapport périodique. Le Comité le prie par conséquent de diffuser rapidement ses observations finales et ses recommandations dans la langue nationale aux organismes gouvernementaux pertinents à tous les niveaux (national, régional et local), notamment les gouvernements, les ministères, le Conseil (consultatif) de la Choura et le système judiciaire pour leur permettre d’appliquer intégralement la Convention. Il invite l’État partie à collaborer avec toutes les parties prenantes, notamment les associations d’employeurs, les syndicats, les organisations féminines et des droits de l’homme, les universités, les instituts de recherche et les médias. Il recommande en outre de diffuser à toutes les parties prenantes les observations finales sous une forme appropriée à l’échelon local pour en favoriser la mise en œuvre. De surcroît, le Comité prie l’État partie de continuer de distribuer la Convention, et dès à présent, le Protocole facultatif, la jurisprudence pertinente ainsi que les recommandations générales du Comité.

Assistance technique

Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de faire appel à l’aide internationale et à l’assistance technique pour contribuer à l’élaboration et à la mise en œuvre d’un programme global pour appliquer les recommandations ci-dessus et l’ensemble de la Convention. En outre, le Comité invite l’État partie à collaborer également avec les institutions spécialisées et les programmes du système des Nations Unies.

Ratification d’autres traités

Le Comité souligne que l’adhésion de l’État partie aux neuf principaux instruments internationaux des droits de l’homme renforcerait les possibilités des femmes de jouir de leurs droits et libertés fondamentales dans tous les aspects de la vie. Le Comité par conséquent encourage l’État partie à ratifier les traités dont il n’est pas encore partie, à savoir le Pacte international relatif aux droits civils et politiques; le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Suite à donner aux observations finales

Le Comité invite l’État partie à fournir dans un délai de deux ans des informations écrites sur les mesures qu’il aura prises pour appliquer les recommandations contenues dans les paragraphes 28 à 38 ci-dessus.

Préparation du prochain rapport

Le Comité invite l’État partie à soumettre son deuxième rapport périodique en février 2018.

Le Comité demande à l’État partie de suivre les directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument (HRI/MC/2006/3 et Corr.1) .



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