University of Minnesota



Observations finales du Comité sur l
'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Philippines, U.N. Doc. A/52/38/Rev.1,paras.275-305 (1997).




Comité sur l'élimination de la
discrimination à l'égard des femmes

Philippines

275. Le Comité a examiné les troisième et quatrième rapports périodiques des Philippines (CEDAW/C/1997/PHI/3 et 4)**** À sa 313e séance, le Comité a été informé que son Bureau avait dérogé à la règle générale qui veut que les documents officiels soient publiés à la fois dans toutes les langues de travail du Comité et accepté d'examiner le document CEDAW/C/1997/PHI/4 dans sa version éditée en langue anglaise à ses 327e et 328e séances, le 27 janvier 1997 (voir CEDAW/C/SR.327 et 328). Les représentants, notamment la Présidente de la Commission nationale sur le rôle des femmes philippines, ont présenté un document en trois parties qui contenait des réponses détaillées aux questions soulevées par le Groupe de travail présession du Comité. Ce document avait été établi conjointement par des organismes ministériels et des organisations non gouvernementales.

276. Le Comité a été informé des diverses mesures prises par le Gouvernement pour appliquer les dispositions de la Convention. Un plan contenant des données sur la condition des femmes dans tous les secteurs, et énonçant les mesures à prendre pour parvenir à une complète égalité entre hommes et femmes, a été élaboré sur un horizon de 30 ans. Le Gouvernement tenait à suivre une approche mieux adaptée aux besoins des femmes dans la lutte contre la pauvreté. Par ailleurs, la Commission nationale sur le rôle des femmes philippines a désormais directement accès au plus haut niveau du processus décisionnel. Le Gouvernement a également fourni la preuve de sa détermination en prélevant des fonds sur le budget national pour améliorer la condition féminine. Le Comité a également appris que des progrès considérables avaient été réalisés en faveur des femmes dans les domaines de la santé et de l'éducation.

277. La représentante des Philippines a toutefois reconnu que, malgré une nette amélioration de la situation depuis l'examen du deuxième rapport des Philippines, il restait encore beaucoup à faire avant que la Convention soit pleinement appliquée dans son pays. Elle a également constaté qu'un dispositif efficace pour vérifier l'application de la Convention faisait encore défaut. Elle a fait état des graves difficultés que la politique de décentralisation menée par le Gouvernement avait fait surgir sur la voie d'une application effective de la Convention.

278. La représentante a constaté que, malgré un redressement économique rapide, les femmes philippines avaient relativement beaucoup plus souffert de la pauvreté que les hommes et avaient ainsi contribué à perpétuer la féminisation de la main-d'oeuvre étrangère. Les femmes des zones rurales ont été particulièrement touchées et ont massivement migré vers les zones urbaines ou émigré. La représentante a ajouté que le Gouvernement philippin, profondément préoccupé par ce phénomène, avait créé des centres d'observation, institué des services de consultations et des activités spéciales d'assistance, ainsi que des services d'entraide sociale. Le Comité a appris que la plupart des migrantes travaillaient dans les domaines du spectacle ou des services domestiques, ce qui les rendait souvent très vulnérables et les exposait à des risques de violence. À cet égard, la représentante a reconnu que des efforts redoublés s'imposaient pour mettre en place des systèmes plus efficaces pour répondre aux besoins et aux problèmes spécifiques des travailleuses migrantes.

279. La représentante a appelé l'attention du Comité sur la multiplication des actes de violence commis contre des femmes. Le Gouvernement avait pris diverses mesures pour lutter contre cette tendance, faisant ainsi écho à la recommandation générale 19 du Comité. Le Comité a été informé que diverses formes d'assistance avaient été mises en place, notamment des centres d'accueil pour les femmes et une ligne téléphonique d'urgence fonctionnant 24 heures sur 24. Pour répondre aux pressions exercées par les ONG et les organismes publics, plusieurs projets de loi avaient également été présentés, notamment en matière de viol et de violence familiale, mais il était trop tôt pour savoir si ces dispositions pouvaient être pleinement appliquées. Le Gouvernement avait conscience de la nécessité de faire disparaître les stéréotypes sexistes qui prévalaient et d'organiser à cette fin une campagne de sensibilisation du public.

280. Le Comité a par ailleurs été informé que la prostitution était illégale aux Philippines. La représentante a cependant signalé que l'opinion publique avait évolué à cet égard et que la question était abondamment débattue dans le pays.

281. La représentante des Philippines a conclu son exposé en assurant le Comité de la détermination de son gouvernement de faire progresser la condition des femmes.

Conclusions du Comité

Introduction

282. Le Comité s'est félicité de la documentation présentée par le Gouvernement philippin, qu'il a applaudi, en particulier pour la haute tenue de son quatrième rapport périodique, qui contenait des renseignements détaillés au sujet de l'application des dispositions de la Convention conformément aux directives fournies par le Comité. Le rapport donnait une vue d'ensemble des mesures juridiques et administratives adoptées par le Gouvernement philippin et l'analyse qu'il contenait témoignait d'une bonne connaissance des obstacles qui s'opposaient à la promotion des femmes. En revanche, ce rapport manquait de renseignements concrets, de statistiques notamment, sur l'effet réel des programmes et des politiques adoptés par le Gouvernement. Le Comité s'est vivement félicité que le Gouvernement ait pris l'initiative de collaborer avec les ONG pour établir le rapport. Il s'est tout particulièrement félicité de la franchise et de la sincérité avec lesquelles les institutions nationales avaient fait état des principaux obstacles qui s'opposaient à l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes.

Facteurs et difficultés affectant l'application de la Convention

283. Le Comité a noté les grandes politiques économiques appliquées par le Gouvernement, notamment les accords économiques et commerciaux aux niveaux régionaux et mondiaux, qui auraient d'importantes répercussions pour les femmes. Plus particulièrement, la tendance à la libéralisation économique et à la privatisation pourraient avoir d'importantes conséquences pour la situation économique des femmes, en particulier dans les zones de libre-échange et dans les zones rurales. Le Comité s'est inquiété de ce que le nombre croissant de femmes parmi les migrants et les problèmes qui en découlaient, comme la violence contre les travailleuses migrantes, ne s'en trouvent renforcés.

Aspects positifs

284. Le Comité a salué l'adoption par le Gouvernement des Philippines du Plan de développement de l'égalité entre les sexes qui a été établi pour la période 1995-2025, ainsi que des priorités arrêtées par les associations féminines nationales afin d'exécuter le Programme d'action de Beijing et de démarginaliser le développement et l'égalité entre les sexes à tous les échelons de l'administration publique.

285. Le Comité a accueilli avec satisfaction la décision d'affecter un certain pourcentage de toutes les dépenses budgétaires à des programmes et à des projets spécifiquement axés sur les femmes, et il a recommandé que le pourcentage minimum alloué soit augmenté.

286. Le Comité a pris note avec satisfaction des diverses mesures adoptées pendant la période qui s'est écoulée entre le troisième et le quatrième rapports périodiques, comme par exemple les facilités de crédit accordées aux femmes, la législation interdisant le harcèlement sexuel, le relèvement de l'âge minimal pour les employés de maison et enfin l'augmentation des allocations de maternité et de paternité pour les salariés.

287. Le Comité a noté avec satisfaction dans le rapport que des consultations avaient été engagées en vue d'évaluer le travail non rémunéré des femmes dans un compte parallèle à celui de l'économie nationale.

288. Le Comité s'est aussi vivement félicité de la multiplication du nombre des organisations non gouvernementales féminines qui menaient une action au niveau local et du rôle décisif qu'elles jouaient en faveur de la promotion des femmes, ainsi qu'il ressortait des rapports présentés par l'État partie.

289. Le Comité s'est félicité du taux d'alphabétisme exceptionnellement élevé (93 %) des femmes philippines.

Principaux sujets de préoccupation

290. Le Comité a noté avec préoccupation l'insuffisance des mécanismes et des indicateurs de suivi destinés à étudier l'impact des politiques et programmes publics, ainsi que des lois et des directives et règles administratives, en particulier au niveau local.

291. Le Comité s'est vivement inquiété des réformes économiques, qui avaient certes entraîné un accroissement du produit national brut d'une part, mais qui avaient d'autre part encore creusé l'écart qui séparait le niveau d'emploi des hommes et des femmes et aggravé la marginalisation économique des femmes. Le préjudice subi, même s'il était de courte durée, serait de plus en plus difficile à compenser. Il semblerait que, faute de moyens de subsistance, les femmes rurales migraient vers les régions urbaines, où le chômage était plus élevé que jamais, ce qui expliquait peut-être pourquoi un aussi grand nombre de femmes se livraient à la prostitution non déclarée et allaient chercher du travail à l'étranger.

292. Le Comité a relevé l'application discriminatoire des lois qui punissaient les femmes qui se livraient à la prostitution, mais non les hommes qui y contribuaient en tant que proxénètes, souteneurs et clients, et il a en outre noté que l'imposition d'examens médicaux aux femmes sans en exiger autant de leurs clients masculins ne constituait pas une politique efficace de santé publique.

293. Le Comité s'est vivement inquiété des insuffisances du système juridique face à la violence à l'égard des femmes étant donné que l'inceste et la violence dans la famille n'étaient pas spécifiquement punis par la loi et étaient toujours entourés de silence.

294. Le Comité a noté que la décentralisation des programmes de population et de développement devrait permettre de rapprocher les services des bénéficiaires. Le Comité s'est inquiété de ce que, faute de ressources suffisantes, et pour peu que les fonctionnaires publics ne soient pas sensibilisés aux problèmes des femmes, la décentralisation n'empêche les femmes d'accéder à ces services, ce qui serait contraire à la Convention.

295. Le Comité a noté avec inquiétude que malgré une participation accrue aux organes de décision du secteur public, en particulier au sein des ONG, les femmes étaient encore très mal représentées dans les milieux politiques, aux échelons supérieurs du Gouvernement et dans le domaine judiciaire.

Suggestions et recommandations

296. Le Comité a instamment prié le Gouvernement philippin d'adopter de toute urgence une politique de création d'emplois sûrs et protégés pour les femmes afin d'apporter une solution économique viable au chômage des femmes, à leur cantonnement dans des emplois subalternes et sur le marché parallèle, dans les zones franches, dans la prostitution, ou sur le marché des travailleurs à l'étranger.

297. Le Comité a suggéré au Gouvernement de s'assurer que sa politique économique ne conduirait pas à la marginalisation et à l'exploitation, ce qui inciterait les femmes à chercher des emplois à l'étranger au détriment de la société.

298. Le Comité a fortement recommandé que le Gouvernement renforce les organismes qui offraient des informations et des services de soutien aux femmes avant qu'elles ne partent chercher du travail à l'étranger, ainsi qu'aux communautés d'accueil si nécessaire.

299. Le Comité a proposé de prendre des mesures visant à punir les proxénètes et à créer d'autres possibilités d'emploi pour les femmes pour régler de manière appropriée le problème de la prostitution.

300. Le Comité a vivement invité le Gouvernement à prendre des mesures législatives pour combattre la violence à l'égard des femmes et de réunir des données à ce sujet.

301. Le Comité a recommandé que des services de santé, y compris des services en matière de reproduction, de planification familiale et de contraception, soient mis à la disposition de toutes les femmes dans toutes les régions du pays et qu'ils leur soient accessibles.

302. Le Comité a recommandé que des mesures spéciales soient adoptées à titre temporaire en vue d'accroître la représentation des femmes dans les hautes fonctions du secteur public.

303. Le Comité a pensé qu'il serait très nécessaire de recueillir des données ventilées par sexe dans tous les domaines.

304. Afin de faciliter l'application de la Convention, le Comité a recommandé de mettre au point des moyens de contrôle et des indicateurs qui permettraient de vérifier les effets des politiques et des programmes du Gouvernement.

305. Le Comité a demandé au Gouvernement philippin de traiter des problèmes soulevés dans les présentes conclusions dans son prochain rapport qui devrait également contenir des informations sur la mise en oeuvre des recommandations générales du Comité et sur les mesures de suivi prises en application du Programme d'action de Beijing, le tout en suivant la présentation indiquée dans les directives révisées du Comité. Le Comité a également demandé que les présentes conclusions soient diffusées dans tout le pays.



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