University of Minnesota



Observations finales du Comité pour l
'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Nicaragua, U.N. Doc. A/56/38,paras.277-318 (2001).




Comité pour l'élimination
de la discrimination à l'égard des femmes
Vingt-cinquième session
(2-20 juillet 2001)



Nicaragua

277. Le Comité a examiné les quatrième et cinquième rapports périodiques du Nicaragua (CEDAW/C/NIC/4 et CEDAW/C/NIC/5) à ses 525e et 526e séances, le 17 juillet 2001 (voir CEDAW/C/SR.525 et 526).


a) Présentation par l'État partie

278. Présentant les rapports, la représentante du Nicaragua a indiqué au Comité qu'ils portaient sur la période allant de 1991 à 1998 et décrivaient certaines innovations importantes qui étaient intervenues dans ce laps de temps.

279. Le Gouvernement s'était engagé à appliquer la Convention mais plusieurs obstacles avaient entravé son application intégrale, notamment la persistance d'attitudes stéréotypées, en particulier le « machisme », et la pauvreté qui sévissait au Nicaragua. Le Gouvernement avait appliqué une stratégie renforcée de lutte contre la pauvreté et d'autres programmes visant à améliorer la santé et l'éducation des femmes, des filles et des garçons. La loi établissait un cadre général pour la protection des droits de l'homme et la Constitution et la ley de amparo garantissaient la réalisation de ces droits. Un programme commun fixant des priorités pour les femmes avait été élaboré en collaboration avec la société civile et les partis politiques; il garantissait les individus contre les abus de l'administration et prévoyait des mises en demeure pour faire cesser les actions administratives risquant de porter préjudice aux droits des citoyens. Le Code pénal, le Code de la famille et le Code de procédure pénale avaient fait l'objet d'un projet de révision destiné à éliminer les clauses discriminatoires; la Constitution et le Code civil comportaient des dispositions relatives à la nationalité et le Code de l'enfance et de l'adolescence, qui avait été approuvé en 1998, stipulait que les enfants avaient le droit de connaître l'identité de leurs parents et de porter un nom. La Commission pour la femme, l'enfance, la jeunesse et la famille avait soumis une loi sur l'égalité des chances à l'approbation de l'Assemblée nationale.

280. L'Institut nicaraguayen de la femme avait été créé en tant qu'instance nationale chargée de formuler et promouvoir des politiques publiques et d'élaborer des stratégies visant à assurer l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, notamment grâce à des mesures permettant d'améliorer les conditions de vie des femmes dans un contexte d'égalité, de développement et de paix. On avait également créé un Ministère de la famille qui avait pour mission de promouvoir des projets et programmes en faveur des familles, des enfants et des adolescents se trouvant dans une situation de risque social. Le Ministère oeuvrait également pour l'amélioration de la condition de la femme dans le cadre de ses activités relatives à la violence dans la famille, qui était assimilée à une violation du droit à la vie et du droit à la sécurité de la personne. Toutefois, des compressions budgétaires avaient réduit l'impact de ces projets et programmes.

281. La représentante du Nicaragua a indiqué que, parmi les différentes politiques que son gouvernement avait adoptées pour assurer la promotion de la femme, figuraient la politique sociale, la politique en matière de population, la politique encourageant la participation des citoyens, la politique d'éducation sexuelle et la politique d'égalisation des chances. D'autres mécanismes visant à encourager le dialogue entre le Gouvernement et la société civile avaient été mis en place par l'intermédiaire des commissions interinstitutions. Un poste de défenseur des droits de l'homme et un poste de procureur spécial chargé des enfants, des jeunes et des femmes avaient par ailleurs été créés.

282. La représentante a informé le Comité de la situation relative à la promotion de la femme dans le secteur de l'éducation et des résultats positifs qui avaient été obtenus sur le plan de l'accès des femmes à l'éducation à tous les niveaux et des taux d'inscription dans les écoles et les universités, notamment grâce au plan national en faveur de l'éducation (2001-2015). Les progrès étaient particulièrement sensibles pour les filles dans les zones rurales. Le taux d'analphabétisme des femmes était inférieur à celui des hommes et les femmes constituaient la majorité de la population scolarisée. L'Institut national de technologie, organisme responsable de la formation professionnelle, avait créé un service spécialement chargé de mettre au point des programmes pour renforcer les compétences des femmes dans les régions à taux de chômage élevé, des femmes rurales, des mères célibataires et des adolescentes se trouvant dans des situations à risque. Ces programmes avaient pour but d'appuyer la création de microentreprises pour les femmes, de leur donner accès au crédit avec faibles taux d'intérêt et de les faire bénéficier de possibilités d'emploi dans des secteurs où elles n'étaient pas traditionnellement cantonnées.

283. La représentante du Nicaragua a indiqué que l'espérance de vie des femmes avait augmenté mais que la mortalité maternelle constituait toujours un problème critique dans le domaine de la santé. On avait pris des mesures pour y remédier, notamment en créant des hôpitaux spécialisés dans lesquels un personnel féminin offre des services de prévention des maladies et de contrôle prénatal.

284. La représentante a admis que les femmes étaient généralement concentrées dans les secteurs d'emploi faiblement rémunérés. Dans les zones rurales, la discrimination dans l'accès à l'emploi et aux ressources productives et aux services restait importante. En 1997, on avait créé la Commission interinstitutions de la femme et du développement rural, chargée de défendre les intérêts des femmes rurales, et cette commission avait réalisé ultérieurement un projet intitulé « Les femmes et le crédit » visant à élargir l'accès des femmes au crédit.

285. La représentante a précisé qu'un grand nombre de femmes étaient victimes de la violence familiale au Nicaragua. Le Gouvernement avait créé des commissariats à la femme et à l'enfant à l'issue de l'action concertée menée par l'Institut nicaraguayen de la femme, le Réseau des femmes contre la violence, le secrétariat du Plan national de lutte contre la violence familiale et sexuelle (2001-2006) et la Commission nationale contre la violence à l'égard des femmes, des enfants et des adolescents, afin de remédier à ce problème. Le Code pénal avait également fait l'objet d'une réforme pour renforcer la protection offerte aux victimes. Le trafic sous toutes ses formes était également interdit par l'article 40 de la Constitution.

286. En conclusion, la représentante a informé le Comité que le nombre de femmes occupant des postes de décision et exerçant des fonctions politiques avait fortement augmenté depuis quelques années.


b) Observations finales du Comité

Introduction


287. Le Comité remercie le Gouvernement du Nicaragua de lui avoir transmis les quatrième et cinquième rapports périodiques. Toutefois, le Comité note que le rapport ne comprend pas suffisamment de données statistiques ventilées par sexe.

288. Le Comité a pris connaissance avec intérêt des informations présentées dans les rapports et se félicite de la franchise avec laquelle ils ont été établis. Il remercie également le Gouvernement des réponses très complètes qu'il a apportées aux questions du Comité qui visaient à obtenir des éclaircissements sur la situation des femmes au Nicaragua, ainsi que de sa présentation orale sans détour.


Aspects positifs

289. Le Comité se félicite des efforts faits par le Gouvernement pour appliquer la Convention, dont témoigne l'ensemble des mesures, lois, institutions et programmes qui ont été mis en place pour lutter contre la discrimination à l'égard des femmes nicaraguayennes. Il note que l'Institut nicaraguayen de la femme a été l'un des premiers mécanismes nationaux institués dans la région en 1982. Le Comité note également avec intérêt que le Gouvernement collabore avec les institutions de la société civile et d'autres acteurs en vue d'établir des priorités communes dans le domaine de la promotion de la femme.

290. Le Comité félicite le Gouvernement d'avoir publié et diffusé un manuel qui explique les dispositions de la Convention.

291. Le Comité félicite le Gouvernement des mesures prises pour faire enseigner les droits de l'homme dans les jardins d'enfants, les écoles primaires, secondaires, techniques et professionnelles, les écoles militaires et de police et pour prendre en compte la problématique hommes-femmes dans le Plan national de développement, les programmes scolaires et les programmes de formation des enseignants.

292. Le Comité constate avec satisfaction les efforts faits par les pouvoirs publics pour lutter contre la violence à l'égard des femmes, qui ont notamment conduit à l'adoption d'une loi contre la violence familiale (loi No 230), à la création d'une commission nationale contre la violence à l'égard des femmes, des enfants et des adolescents et à l'élaboration du Plan national de prévention de la violence familiale et sexuelle 2001-2006. Le Comité relève également avec satisfaction les efforts faits pour assurer la coordination des mesures prises dans ce domaine avec les différents secteurs de la société concernés, notamment avec les forces nationales de police et en particulier avec les commissariats de la femme.


Obstacles à l'application de la Convention

293. Le Comité relève que la grande pauvreté qui sévit dans le pays, exacerbée par les catastrophes naturelles, constituent de graves obstacles à la mise en oeuvre de la Convention et au plein exercice des droits des femmes.


Principaux sujets de préoccupation et recommandations

294. Le Comité note avec inquiétude la persistance des stéréotypes concernant le rôle de la femme dans la famille et dans la société, et notamment la subordination des femmes que préconisent certaines communautés religieuses et les attitudes et comportements sexistes dans la vie publique et dans la vie privée. Le Comité craint que, bien que le Gouvernement soit sensible à ces problèmes et prenne des mesures pour y remédier, notamment en réformant les lois, ces stéréotypes demeurent un obstacle à l'égalité entre hommes et femmes.

295. Le Comité demande au Gouvernement de renforcer les mesures prises pour faire évoluer les attitudes stéréotypées relatives aux rôles et responsabilités respectifs des femmes et des hommes, notamment en lançant des campagnes de sensibilisation et d'éducation s'adressant à la fois aux hommes et aux femmes, ainsi qu'aux médias, de façon à réaliser l'égalité de fait entre les hommes et les femmes. Il demande également au Gouvernement d'évaluer l'impact de ces mesures afin d'en cerner les insuffisances, de les ajuster et de les améliorer en conséquence.

296. Le Comité est préoccupé par la forte incidence de la pauvreté chez les femmes, et en particulier chez les femmes des zones rurales et dans les ménages dirigés par des femmes.

297. Le Comité prie instamment le Gouvernement d'accorder une attention prioritaire aux femmes des zones rurales et aux femmes chefs de ménage, notamment pour ce qui est de la répartition des ressources budgétaires, et de suivre attentivement les résultats des recherches menées à leur sujet en vue de concevoir des mesures et des programmes efficaces pour améliorer leur situation socioéconomique et de s'assurer qu'elles bénéficient des services et des appuis nécessaires. Il souligne que l'investissement social dans les femmes n'a pas seulement pour effet de permettre à celles-ci de jouir des droits fondamentaux énoncés dans la Convention mais constitue également l'un des moyens les plus efficaces de combattre la pauvreté et de promouvoir le développement durable.

298. Le Comité s'inquiète des violences sexuelles commises sur des jeunes filles par des hommes plus âgés, selon une coutume répandue surtout dans les régions rurales. Il note que cette coutume porte atteinte aux droits des jeunes filles en matière de santé génésique, ainsi qu'à d'autres droits énoncés dans la Convention.

299. Le Comité engage le Gouvernement à prendre des mesures de sensibilisation et des mesures pénales pour éliminer la violence sexuelle à l'encontre des jeunes filles.

300. Le Comité estime que les taux de mortalité maternelle et infantile sont préoccupants. Il est également inquiétant que les principales causes de mortalité féminine soient les cancers du sein et du col de l'utérus et les problèmes liés à la grossesse, notamment l'hémorragie post-partum et la toxémie. Le Comité s'inquiète également de l'insuffisance des informations relatives aux avortements et aux décès et maladies qu'ils provoquent.

301. Le Comité recommande que le Gouvernement fasse tout son possible pour améliorer l'accès de la population aux centres de santé et à des soins médicaux dispensés par un personnel qualifié dans toutes les régions, y compris dans les zones rurales. Il recommande la mise en oeuvre de programmes de prévention des cancers du sein et du col de l'utérus ainsi que de programmes de soins à l'intention des femmes enceintes. Le Comité demande au Gouvernement d'inclure dans son prochain rapport, dans la section se rapportant à la santé des femmes, des informations relatives au nombre d'avortements pratiqués et de décès ou de maladies que ces avortements ont provoqués.

302. Le Comité note avec inquiétude que le Nicaragua a un taux de fécondité très élevé.

303. Le Comité invite le Gouvernement à améliorer sa politique et ses programmes de planification familiale et de santé en matière de reproduction, notamment en ce qui concerne la disponibilité de moyens contraceptifs modernes et abordables pour les femmes et les hommes. Il encourage le Gouvernement à promouvoir des programmes d'éducation sur les droits en matière de procréation et les comportements sexuels responsables à l'intention des femmes et des hommes et particulièrement des jeunes.

304. Le Comité note avec préoccupation la persistance d'un niveau élevé d'analphabétisme chez certaines catégories de femmes au Nicaragua.

305. Le Comité encourage le Gouvernement à élaborer des programmes spécialement destinés à réduire l'analphabétisme chez les femmes.

306. Le Comité note avec préoccupation que des femmes ont été remplacées par des hommes dans les secteurs structuré et non structuré de l'économie, que les salaires des hommes sont trois fois plus élevés que ceux des femmes et que le chômage et le sous-emploi sont élevés chez les femmes. Il constate aussi avec inquiétude qu'il existe une discrimination indirecte à l'égard des femmes, qui ne disposent que d'un accès limité au crédit, faute de pouvoir fournir les garanties exigées.

307. Le Comité recommande que l'on prenne des mesures pour améliorer la condition des travailleuses, notamment : la mise en place de programmes de formation destinés à promouvoir l'intégration des femmes dans le monde du travail et à diversifier leur participation; la création de centres de puériculture; l'amélioration de l'accès au crédit, notamment pour les femmes rurales; et des mesures résolues destinées à assurer, à travail égal, une rémunération égale.

308. Si le Comité se félicite des efforts que déploie le Gouvernement pour lutter contre la violence dans la famille, il note avec préoccupation que les femmes continuent de subir cette forme de violence au Nicaragua. Le Comité relève que, dans la mesure où la violence à l'égard des femmes constitue une atteinte à leurs droits fondamentaux, il incombe au Gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour la prévenir et pour protéger les victimes.

309. Le Comité invite le Gouvernement à prendre des mesures pratiques pour assurer le suivi de la législation et renforcer ses politiques et ses programmes destinés à lutter contre la violence à l'égard des femmes, notamment en évaluant leur efficacité et en procédant aux ajustements nécessaires.

310. Le Comité se félicite de la mise en place du mécanisme national pour la femme, l'Institut nicaraguayen de la femme, mais note avec inquiétude l'absence d'un appui institutionnel à l'Institut et sa dépendance vis-à-vis de la coopération internationale.

311. Le Comité prie instamment le Gouvernement de fournir à l'Institut nicaraguayen de la femme les ressources humaines et financières et le pouvoir de décision nécessaires pour qu'il soit en mesure de promouvoir efficacement l'égalité entre les sexes au Nicaragua.

312. Si le Comité se félicite de l'adoption de textes de loi visant à protéger et à promouvoir les droits fondamentaux des femmes, y compris la législation sur la violence dans la famille et la loi sur l'égalité des chances, il note avec préoccupation la persistance de lois discriminatoires et l'absence d'une législation concernant l'éducation.

313. Le Comité prie instamment le Gouvernement de réviser la législation en vigueur et d'adopter une nouvelle législation destinée à garantir l'égalité des droits, entre les femmes et les hommes, en ce qui concerne l'éducation. Il recommande également l'adoption rapide d'un code de la famille éliminant la discrimination.

314. Le Comité constate avec préoccupation l'absence d'informations sur la migration des femmes et des filles, les travailleuses des maquilas et des zones franches commerciales, les femmes âgées, les femmes appartenant à des minorités ou à des populations autochtones, la prostitution et la traite des femmes et des filles.

315. Le Comité demande au Gouvernement de fournir, dans son prochain rapport, des informations sur : la migration des femmes et des filles, et en particulier la cause de ces mouvements, leur destination et le degré de vulnérabilité de ces femmes et de ces filles à l'exploitation sexuelle, y compris la traite, la prostitution et le tourisme sexuel; la condition des travailleuses des maquilas et des zones franches commerciales, y compris les mesures prises pour assurer la protection de leurs droits; les femmes âgées et les femmes appartenant à des minorités ou à des populations autochtones, notamment en ce qui concerne la santé, l'emploi et l'éducation; la prostitution, y compris les mesures prises pour protéger les prostituées et les aider à se réinsérer dans la société, ainsi que pour lutter contre les causes profondes de la prostitution; l'action engagée par le Gouvernement pour lutter contre la traite et les résultats obtenus.

316. Le Comité engage vivement le Gouvernement à signer et à ratifier le Protocole facultatif à la Convention et à déposer aussitôt que possible l'instrument d'acceptation de l'amendement du paragraphe 1 de l'article 20 de la Convention relatif à la durée des sessions du Comité.

317. Le Comité prie le Gouvernement de donner suite aux questions soulevées dans les présentes conclusions, lorsqu'il présentera son prochain rapport conformément aux dispositions de l'article 18 de la Convention. Par ailleurs, il exhorte le Gouvernement à améliorer la collecte et l'analyse des données statistiques, ventilées selon le sexe, l'âge et l'appartenance à un groupe minoritaire ou ethnique et à communiquer ces données au Comité dans son prochain rapport. Il invite le Gouvernement à faire appel à la coopération internationale pour réaliser la collecte et l'analyse de ces données.

318. Le Comité prie le Gouvernement de diffuser largement les présentes conclusions au Nicaragua, afin d'informer les citoyens, et en particulier les hauts fonctionnaires de l'État, et le personnel politique des mesures prises pour garantir l'égalité de droit et de fait l'égalité des femmes et des hommes ainsi que des mesures supplémentaires qu'il convient de prendre à cet égard. Il prie le Gouvernement de continuer à diffuser largement, notamment auprès des associations de femmes et des organisations de défense des droits de l'homme, le texte de la Convention et de son protocole facultatif, les recommandations générales du Comité, la Déclaration et le Programme d'action de Beijing et les résultats de la vingt-troisième session extraordinaire de l'Assemblée générale intitulée « Les femmes en l'an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXIe siècle ».



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