University of Minnesota



Observations finales du Comité pour l
'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Népal, U.N. Doc. A/54/38,paras.117-160 (1999).




Comité pour l'élimination
de la discrimination à l'égard des femmes
Vingt et unième session
7-25 juin 1999


Népal

1. Le Comité a étudié le rapport initial du Népal (CEDAW/C/NPL/1) à sa 434e et à sa 439e séance, le 15 et le 18 juin 1999 (voir CEDAW/C/SR.434 et 439).

a) Introduction par l'État partie

1. Le représentant du Népal a informé le Comité qu'on trouvait dans un additif au rapport initial du Népal un exposé des faits nouveaux survenus depuis la présentation du rapport en mai 1997. Au cours des neuf dernières années, le Népal avait ratifié plusieurs traités internationaux, parmi lesquels les traités relatifs aux droits de l'homme. Conformément aux dispositions de ces instruments, le Népal avait ainsi aboli la peine de mort. La loi népalaise sur le droit des traités, de 1990, dispose que les clauses d'un traité international auquel le Népal est partie l'emportent sur toute loi nationale, dans l'éventualité d'une discordance. Plusieurs décisions de la Cour suprême népalaise ont ainsi déterminé que ces discordances devaient être résolues dans le sens voulu par les traités.

2. Le représentant a informé le Comité que le respect des droits de l'homme, au Népal, était fondé sur le principe de l'égalité. Les droits fondamentaux étaient proclamés dans la troisième partie de la Constitution népalaise. En dépit de ces dispositions constitutionnelles, il existait encore au Népal des discriminations de droit et de fait. Des statuts sociaux fondés sur les pratiques traditionnelles ou sur la coutume, qui sont discriminatoires, et qui risquent de ne pas être compatibles avec la Constitution, demeurent pourtant, en particulier la pratique du Muluki Ain, qui limite la latitude d'action des femmes dans l'utilisation indépendante de leurs biens et leur droit d'hériter des biens de leurs parents.

3. Sur une population totale de 18,5 millions d'habitants, les femmes étaient 9,2 millions, soit 50,13 %; elles souffraient encore d'une certaine discrimination socioculturelle et économique; ainsi, le cabinet actuel ne comptait aucune femme ministre. Il a informé le Comité que le Népal était un royaume où l'on comptait plusieurs ethnies et plusieurs langues et qui était caractérisé par une grande diversité, de sorte que la condition féminine variait selon l'appartenance ethnique. Pourtant, le système traditionnel, dans la plupart des communautés, au Népal, était patriarcal. Le représentant a noté que l'inégalité entre les femmes et les hommes résultait surtout de la pauvreté, de l'analphabétisme, de coutumes traditionnelles ainsi que de stéréotypes alimentés par ce système patriarcal. Il a informé le Comité que la moitié de la population totale du Népal vivait encore dans la misère et que près de 90 % vivaient dans les zones rurales.

4. Il a appelé l'attention sur le huitième plan formulé par la Commission de planification et sur les dispositions de l'article 11.2.3 de la Constitution qui comportent des mesures spéciales temporaires permettant l'adoption de politiques de développement visant expressément l'amélioration de la condition de la femme, afin de mieux intégrer les femmes dans l'action de développement national et de mieux assurer leur participation à l'activité socioéconomique et à la vie politique. Certains des programmes établis en vertu du huitième plan comprennent par exemple le recrutement de 4 150 enseignants ainsi que la gratuité de l'enseignement dispensé aux filles. Dans le domaine sanitaire, des programmes de formation cherchant à améliorer le système local de soins ont été organisés à l'intention du personnel soignant s'occupant des mères et des enfants, des soignantes volontaires et des accoucheuses traditionnelles. Constatant que 57 % des Népalaises étaient employées dans l'agriculture, le Gouvernement a créé, au Ministère de l'agriculture, une division s'occupant spécialement des agricultrices. Les actions de création de revenus visant expressément les femmes ont également été menées dans la sylviculture et l'industrie. Pour ce qui est de la traite des femmes, le représentant a noté que le Népal avait mis en oeuvre un programme visant l'autonomie et la réinsertion des victimes de cette pratique et les filles vulnérables en général. Les victimes de la traite peuvent bénéficier d'un programme de formation de six mois.

5. Le représentant a noté qu'en dépit des efforts faits pour améliorer la condition de la femme au Népal, des choses restaient encore à faire dans le choix des politiques et des programmes. L'on constatait notamment un manque de moyens de suivi et d'évaluation efficaces; le taux de mortalité maternelle demeurait élevé, à 53,9 pour 10 000 naissances vivantes. L'espérance de vie des Népalaises était de 53,4 ans, celle des Népalais étant de 55,9 ans. Environ 30 % des Népalaises étaient alphabétisées contre 66 % des Népalais.

6. Le représentant a informé le Comité du plan conceptuel à long terme, qui cherche l'avènement d'une société développée, fondée sur l'égalité des sexes, l'émancipation de la femme, et sa participation dans tous les secteurs du développement national. Le neuvième plan (1997-2002) comprend expressément l'objectif de la parité des sexes, à la faveur notamment d'une prise en compte de la contribution des femmes au travail ménager dans les systèmes de comptes nationaux, l'élaboration d'indicateurs ventilés par sexe afin de mesurer la participation des femmes au développement et des moyens de coordonner efficacement l'action des organismes s'occupant de la condition féminine.

7. Pour ce qui est de l'élimination des disparités entre les sexes, le représentant a informé le Comité que la législation et la réglementation qui comportent encore une discrimination entre les hommes et les femmes seront examinées par un groupe de travail créé par le Ministère de la condition féminine et de la protection sociale. Ce ministère a formulé un plan d'action pour l'émancipation des Népalaises. Il s'agit de faire en sorte que les hauts responsables, les décideurs et les politiciens prennent conscience de la problématique de la parité dans ses rapports avec le développement. Le Ministère s'attachera aussi à accroître le nombre de femmes dans les postes élevés de la fonction publique et du secteur public, par des classes organisées par les administrations et par les organisations non gouvernementales (ONG).

8. À la suite d'un examen du Programme d'action de Beijing, le Plan de travail national de 1997 pour l'égalité entre les sexes et l'autonomisation des femmes, qui aborde les 12 domaines critiques du Programme, a été formulé. Le représentant a informé le Comité qu'un «fonds national», qui permettra l'accès au crédit des femmes népalaises, serait également établi. En concluant son exposé, le représentant a noté que les femmes népalaises souffraient toujours de discrimination, mais que le Royaume du Népal s'était engagé à éliminer toutes les formes de discrimination.

b) Conclusions du Comité

Introduction

1. Le Comité est reconnaissant au Gouvernement népalais d'avoir soumis son rapport initial qui suit les directives du Comité. Il félicite également le Gouvernement pour l'additif au rapport initial qui contient une mise à jour et pour la présentation d'informations supplémentaires faite oralement. Toutefois, le Comité note que le rapport ne contient pas de données statistiques suffisantes et fiables selon les sexes et qu'il ne fournit pas d'informations suffisantes concernant l'application d'un certain nombre d'articles de la Convention.

2. Le Comité se félicite du fait que le Népal a ratifié la Convention sans réserves en 1990, peu après avoir établi un système de démocratie fondé sur le multipartisme.

3. Le Comité félicite le Gouvernement népalais d'avoir envoyé une délégation de haut niveau, dirigée par le Secrétaire du Ministère du droit et de la justice.

Aspects positifs

1. Le Comité se félicite des efforts déployés par le Gouvernement népalais afin d'adopter la nouvelle Constitution (1990) qui interdit toute discrimination directe et indirecte fondée sur le sexe, et qui établit un pouvoir judiciaire indépendant.

2. Le Comité note avec satisfaction qu'à la suite de la loi de 1997 sur l'autonomie, environ 40 000 femmes font actuellement partie des pouvoirs locaux.

3. Le Comité félicite le Gouvernement du Programme pour l'enseignement primaire de base, lancé en 1992, qui vise à améliorer l'éducation des femmes et des jeunes filles et qui contribue à la promotion du statut social des femmes, et joue un rôle essentiel dans les stratégies d'élimination de la pauvreté.

4. Le Comité se félicite de la création de la Division des droits de la femme au Ministère du développement local afin notamment de mettre en oeuvre les deux programmes centraux de microcrédit pour les femmes et d'appliquer les programmes visant à produire des revenus et à promouvoir le développement communautaire.

5. Le Comité félicite le Gouvernement népalais de l'adoption du neuvième plan, qui intègre les questions relatives aux femmes dans les problèmes du développement. Il se félicite également des engagements pris par le Népal afin de réexaminer la législation existante et d'adopter des lois appropriées conformément aux instruments internationaux. Le Comité se félicite également du plan national d'action pour l'égalité entre les sexes et l'autonomisation des femmes adopté par le Ministère de la promotion des femmes et de la protection sociale et approuvé dans le neuvième plan.

6. Le Comité note avec satisfaction que de nombreuses ONG jouent un rôle actif dans l'application de la Convention.

Obstacles à l'application de la Convention

1. Le Comité note que la persistance de coutumes et de traditions différentes et d'un système de valeur très nettement patriarcal ayant une incidence sur tous les aspects de la vie quotidienne font obstacle à la pleine application de la Convention.

136. Le Comité note que les troubles terroristes et les fréquents changement de gouvernement qui provoquent une instabilité politique dans la jeune démocratie népalaise constituent aussi des obstacles à la pleine application de la Convention.

137. Le Comité considère que l'ampleur de la pauvreté dans les zones rurales et les zones reculées et le fossé entre la situation des femmes vivant dans les villes et celle des femmes vivant dans les campagnes et dans les zones reculées sont un obstacle majeur à la pleine application de la Convention.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations

1. Le Comité voit avec préoccupation que le Gouvernement n'a pas pris des mesures suffisantes pour faire figurer les dispositions de la Convention dans la législation interne, ou pour amender les dispositions discriminatoires de la législation en vigueur. Le Comité est également préoccupé par l'interprétation que donne la Cour suprême de ces lois discriminatoires, et en particulier par l'opinion de la Cour selon laquelle si des lois ne sont pas conformes à la culture et à la tradition du pays, la société s'en ressentira.

2. Le Comité recommande qu'une définition de la discrimination conforme à l'article premier de la Convention figure en bonne place dans les lois pertinentes. Le Comité appelle également le Gouvernement à amender en priorité les lois discriminatoires sur la propriété et sur les successions, les dispositions discriminatoires des lois sur le mariage, la nationalité et l'état civil, les primes et le droit pénal, en particulier la nouvelle loi sur l'avortement.

3. Le Comité est préoccupé par le très faible niveau d'alphabétisation des femmes, en particulier dans les zones rurales et reculées, et par la persistance d'un fossé à la fois qualitatif et quantitatif entre les sexes à tous les niveaux de l'enseignement. Il est préoccupé aussi par le fait que le Programme pour l'enseignement primaire de base ne concerne qu'un petit nombre de filles et de femmes et que les femmes non alphabétisées sont systématiquement privées de la possibilité de recevoir une formation professionnelle en raison du niveau demandé pour entrer dans les établissements techniques. Le Comité est également préoccupé par le fait que les programmes et manuels scolaires véhiculent des stéréotypes sexistes et ne peuvent donc qu'affermir les préjugés de supériorité masculine.

4. Le Comité exhorte le Gouvernement à mettre en oeuvre une politique de gratuité et d'obligation de l'enseignement primaire à l'intention de toutes les filles, à organiser une formation professionnelle à des activités rémunérées, en particulier en faveur des femmes rurales marginalisées, et à faciliter l'accès des femmes à une forme d'éducation non traditionnelle, échappant aux stéréotypes. Le Comité recommande aussi que le Gouvernement prenne des mesures concrètes pour accroître le nombre de femmes dans l'enseignement supérieur, en particulier dans les disciplines non traditionnelles. Le Comité recommande aussi que les programmes et manuels scolaires soient revus pour éliminer tous les stéréotypes sexistes.

5. Le Comité exhorte le Gouvernement à prendre des mesures efficaces, et notamment des mesures d'incitation pour veiller à ce que les parents se conforment à l'obligation scolaire. Il recommande aussi que de vastes campagnes de sensibilisation sociale soient menées pour encourager les femmes à aller à l'école.

6. Le Comité constate avec préoccupation qu'il faut davantage sensibiliser à la question de la parité des sexes, mieux familiariser et former dans ce domaine les groupes chargés de l'application des politiques et programmes afin de parvenir à une égalité des femmes dans la société.

7. Le Comité appelle le Gouvernement à lancer des programmes de sensibilisation à la problématique de la parité entre les sexes, à l'intention de la fonction publique, des groupes influents, des responsables politiques, des spécialistes de la santé et des responsables de l'application des lois pour s'assurer que les obligations résultant de la Convention sont bien comprises par tous.

8. Le Comité note que le rapport ne présente pas suffisamment de données statistiques fiables ventilées par sexe et fournit trop peu d'information sur l'application d'un certain nombre d'articles de la Convention.

9. Le Comité recommande que le prochain rapport contienne des données statistiques ventilées par sexe et des informations sur tous les articles de la Convention.

10. Le Comité est préoccupé par l'existence dans la législation actuelle d'une loi qui criminalise l'avortement, y compris en cas de grossesse résultant d'un viol ou d'un inceste. Le Comité considère que la loi actuelle sur l'avortement explique en partie le taux élevé de la mortalité maternelle au Népal et le nombre élevé de prisonnières dans le pays. Il est aussi préoccupé par le fait que les amendements proposés à cette loi continuent d'être restrictifs, l'avortement ne pouvant être pratiqué que si la santé de la mère est en danger.

11. Le Comité engage le Gouvernement à réviser la législation en vigueur et à réexaminer les amendements proposés, de façon à permettre l'organisation d'interruptions volontaires de grossesse en toute sécurité. Le Comité recommande que le Gouvernement donne la priorité à la prévention des grossesses non désirées, par des services de planification familiale et par l'éducation sexuelle. À cet effet, le Comité suggère que le Gouvernement tienne compte de la recommandation générale 24 relative à l'article 12 sur les femmes et la santé.

12. La Comité est préoccupé par la forte incidence de la prostitution et l'augmentation de la traite des femmes et des filles, en particulier du proxénétisme. Il est préoccupé aussi par le fait qu'on fait traverser la frontière à des petites filles dans le but de les marier.

13. Le Comité exhorte le Gouvernement à prendre des mesures efficaces pour examiner les dispositions législatives existantes sur la prostitution et la traite des femmes, de façon à déterminer si elles sont compatibles avec la Convention, et à s'assurer de la pleine et rigoureuse application de ces ressources. Il demande aussi au Gouvernement d'amorcer une coopération régionale et bilatérale, en tenant compte des accords conclus et des normes établies dans ce domaine aux niveaux sous-régional, régional et international. Il exhorte le Gouvernement à revoir son code pénal de manière à punir ceux qui procurent des femmes pour la prostitution et la traite et à mener une action de rapatriement et de réinsertion des femmes victimes de la traite et à organiser des services d'aide à leur intention.

14. Le Comité est préoccupé par le fait que si la Constitution garantit que les partis politiques réservent aux femmes 5 % au moins des candidatures sur les listes de candidats aux élections à la Chambre des représentants, et qu'au moins trois sièges sont réservés aux femmes à l'Assemblée nationale, il y a encore très peu de femmes parlementaires. Il est préoccupé aussi par la très faible proportion de femmes dans l'administration.

15. Le Comité recommande que le Gouvernement prenne des mesures appropriées, notamment en introduisant des mesures spéciales temporaires conformes à l'article 4.1 de la Convention, pour assurer une plus grande participation des femmes à toutes les décisions.

16. Le Comité se déclare préoccupé par la persistance au Népal de coutumes et de pratiques traditionnelles qui sont défavorables aux femmes et aux filles, telles que le mariage d'enfants, la dot, la polygamie, les coutumes dites deuki (tradition consistant à dédier les petites filles à un dieu ou une déesse qui, de ce fait, deviennent dans les temples des «prostituées sacrées») et badi (pratique ethnique consistant à forcer les fillettes à devenir des prostituées) et les pratiques discriminatoires qui découlent du système de castes.

17. Le Comité recommande au Gouvernement, avec le concours de la société civile, notamment des associations de femmes et des organisations non gouvernementales, de lancer des politiques et des programmes ayant pour but d'éliminer les stéréotypes discriminatoires à l'égard des femmes et des filles. Le Comité recommande de lancer une vaste campagne ayant pour but de faire mieux connaître et comprendre la problématique de la parité des sexes et des droits fondamentaux des femmes dans le peuple népalais.

18. Le Comité voit avec préoccupation que les femmes sont surtout employées à des emplois subalternes. Il est préoccupé aussi par la disparité entre les sexes dans la rémunération et la répartition inégale des revenus, qui s'explique par le fait que, dans leur grande majorité, les femmes effectuent surtout dans la famille du travail non rémunéré.

19. Le Comité exhorte le Gouvernement à adopter une législation du travail interdisant les disparités de salaire. Il lui recommande en outre de prendre des mesures spéciales pour encourager l'emploi des femmes dans tous les secteurs et leur offrir des facilités spéciales de crédit afin de leur permettre de créer de petites entreprises.

20. Le Comité note avec préoccupation qu'on sait peu de choses de la situation des femmes dans les zones rurales, où vivent pourtant la majorité des Népalais, et où dans leur majorité les femmes cultivent la terre.

21. Le Comité prie le Gouvernement de faire figurer dans son prochain rapport des renseignements plus nombreux sur la situation des femmes rurales et de celles qui appartiennent à des minorités ethniques, en particulier pour ce qui est de l'accès aux services publics.

22. Le Comité prie le Gouvernement de répondre dans son prochain rapport aux préoccupations formulées dans ses observations de conclusion.

23. Le Comité demande que soient largement diffusées au Népal les observations qui figurent ici en conclusion afin que la population, en particulier les administrateurs et les politiciens, prenne conscience des mesures qui ont été prises pour assurer une égalité de droit et de fait des hommes et des femmes, ainsi que les nouvelles mesures qui sont nécessaires à cet égard. Il demande aussi au Gouvernement de continuer à diffuser largement, en particulier dans les organisations de défense des droits de l'homme et des droits des femmes, la Convention, les recommandations générales du Comité, et la Déclaration et le Programme d'action de Beijing.



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