University of Minnesota



Observations finales du Comité sur l
'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Namibie, U.N. Doc. A/52/38/Rev.1,PartIIparas.69-131 (1997).




Comité sur l'élimination de la
discrimination à l'égard des femmes

Namibie

69. Le Comité a examiné le rapport initial de la Namibie (CEDAW/C/NAM/1) à ses 336e, 337e et 342e séances, les 8 et 11 juillet 1997 (voir CEDAW/C/SR.336, 337 et 342).

70. Le rapport a été présenté par la Directrice générale de la Direction des affaires féminines du Cabinet du Président de la Namibie. Elle a indiqué que la Namibie avait ratifié la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes sans faire de réserve le 23 novembre 1992, dans les deux années qui avaient suivi son accession à l'indépendance. La Convention avait permis de compléter une constitution conçue pour promouvoir les droits des femmes.

71. La Direction des affaires féminines avait été créée peu après l'indépendance en 1990. Son objectif était d'assurer l'intégration des femmes dans le processus général de développement, de guider l'élaboration de principes d'action, de suivre leur mise en oeuvre et de veiller à ce que la problématique hommes-femmes soit toujours prise en compte. La Direction a fait activement connaître la Convention et encourageait les femmes à faire valoir leurs droits. La représentante a expliqué que l'ensemble des politiques et programmes gouvernementaux en Namibie serait le fruit d'une politique soucieuse d'équité entre les sexes plus intégrée devant être arrêtée en 1997.

72. Elle a expliqué que le rapport initial de la Namibie décrivait neuf comités différents s'occupant des questions relatives aux femmes et composés de représentants du Gouvernement et d'organisations non gouvernementales consultés lors de la mise en oeuvre des programmes nationaux pour s'assurer que l'ensemble des politiques et programmes gouvernementaux tenaient compte des sexospécificités.

73. Le rapport initial, qui avait été soumis au Secrétariat en 1996, portait sur la période 1992-1995. La représentante en a fait un résumé et fourni un complément d'informations allant jusqu'en 1997, faisant ainsi un récapitulatif actualisé de la situation en Namibie. Elle a appelé l'attention sur la loi sur l'égalité entre les conjoints, adoptée depuis la présentation du rapport, et assurant l'égalité entre conjoints pour ce qui est des transactions financières, des biens des époux et de la garde des enfants.

74. Le Comité a été informé que la Direction des affaires féminines était en train de formuler une politique nationale tenant compte des sexospécificités et que la Commission de la réforme législative et du développement était chargée d'orienter la réforme législative afin de supprimer toute discrimination légale existant à l'égard des femmes. La violence envers les femmes et les enfants s'était avérée être l'un des principaux obstacles à la promotion de la femme en Namibie et était considérée comme un problème grave et fréquent malgré le manque d'informations statistiques à jour. Une législation était actuellement promulguée pour venir à bout de la violence à l'endroit des femmes. Les cas de viol et de tentatives de viol se faisaient chaque année plus nombreux et il convenait de réformer la loi dans ce domaine, les lois en vigueur demeurant discriminatoires à certains égards et étant considérées comme inefficaces.

75. Les croyances religieuses, les pratiques culturelles et les inégalités subsistant dans le cadre du droit commun et coutumier constituaient des facteurs permettant aux hommes de continuer à dominer les femmes au sein de la famille. Les stéréotypes sexuels faisant des femmes des mères étaient source de difficultés pour les nombreuses femmes choisissant de faire carrière plutôt que d'avoir des enfants. Des ateliers régionaux sur les questions relatives aux femmes étaient organisés par le Gouvernement pour lutter contre les stéréotypes d'ordre sexuel.

76. La représentante a indiqué que la proportion de femmes jouant un rôle dans la vie politique avait légèrement augmenté et que l'impact des femmes au Parlement se verrait renforcé par le Forum des femmes parlementaires. Elle a souligné que la mise en oeuvre de mesures en faveur des femmes permettrait à davantage d'entre elles de participer à la vie politique. Les femmes avaient encore tendance à être sous-représentées aux postes de responsabilité tant dans le secteur public que privé. La première juge namibienne avait été nommée depuis la présentation du rapport initial et le poste d'ombudsman était occupé par une femme.

77. La Constitution namibienne garantissait à tous le droit à l'éducation et l'enseignement était obligatoire jusqu'à l'âge de 16 ans. Le nombre d'inscriptions d'élèves de sexe féminin avait augmenté pour toutes les tranches d'âge et le taux d'alphabétisation féminine s'était également amélioré chez les plus jeunes. Les grossesses d'adolescentes, fréquentes, constituaient le principal obstacle au progrès de l'éducation des femmes. Elles comptaient parmi les principales raisons pour les jeunes filles d'abandonner leurs études.

78. La discrimination sexuelle et le harcèlement sexuel sur le lieu de travail étaient interdits par la loi relative au travail de 1992. La loi prévoyait également qu'un salaire égal devait récompenser un travail égal, même s'il était vrai qu'actuellement les femmes tendaient à occuper des postes où la rémunération était inférieure. Les femmes rurales constituaient le groupe démographique le plus important de Namibie.

79. Le taux de fécondité en Namibie était l'un des plus élevés au monde et le Gouvernement continuait de s'attacher à faire baisser ce taux grâce à des campagnes d'information publique et à l'amélioration des services de planification de la famille. L'avortement était illégal, sauf en cas d'inceste et de viol ou lorsque la santé de la mère ou de l'enfant était en danger. Les avortements légaux et l'infanticide constituaient des problèmes importants en Namibie mais une loi sur l'avortement et la stérilisation était en cours d'examen. La polygamie était également fréquente dans certaines communautés. Le VIH et le sida augmentaient à un rythme alarmant, en particulier chez les femmes, du fait de leur statut socio-économique peu élevé.

80. Des ateliers visant à mettre en oeuvre le Programme d'action de Beijing étaient organisés à l'échelon national et des programmes communautaires mis au point. La Convention et le Programme d'action étaient considérés comme complémentaires et de même importance mais la représentante a noté que le manque de ressources entravait la mise en oeuvre tant de l'une que de l'autre. Elle a rappelé au Comité que la Namibie avait pris l'engagement ferme lors de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes d'axer ses efforts sur quatre domaines : l'éducation, la formation et les petites filles; les femmes et la loi; la violence à l'égard des femmes et des enfants; et la santé.

81. La représentante a conclu en disant que la Namibie avait réalisé des progrès importants pour ce qui était de l'amélioration de la condition de la femme mais qu'il faudrait encore du temps au pays pour se transformer en une société où l'égalité entre les sexes serait une réalité. Il s'agissait là d'un objectif réalisable, les femmes namibiennes voulant faire entendre leur voix et les garanties prévues par la Constitution et la Convention étant progressivement mises en oeuvre et les promesses du Programme d'action tenues.

Conclusions du Comité

Introduction

82. Le Comité a remercié l'État partie de son rapport, qui était bien construit et contenait des renseignements détaillés. Il a également remercié la Directrice générale de la Direction des affaires féminines du Cabinet du Président de son exposé réaliste et honnête.

83. Le Comité s'est félicité de l'analyse détaillée figurant dans le rapport qui donnait une image précise et honnête de la situation des femmes en Namibie.

84. Le Comité a félicité le Gouvernement namibien d'avoir accédé de façon pacifique à l'indépendance et de respecter de manière générale les droits de l'homme de l'ensemble de la population namibienne.

Aspects positifs

85. Le Comité a félicité le Gouvernement namibien d'avoir ratifié la Convention sans émettre de réserves si peu de temps après avoir, à l'issue d'une longue lutte, accédé à l'indépendance.

86. Le Comité a noté avec satisfaction que les organisations non gouvernementales avaient participé à l'élaboration du rapport.

87. Le Comité s'est également félicité de la création de la Direction des affaires féminines et de son reclassement récent à un niveau politique plus élevé. Il a noté avec satisfaction les progrès réalisés par la Direction.

88. Le Comité a noté avec satisfaction la création de la Commission de la réforme juridique et du développement et les mesures juridiques prises à la suite de la ratification de la Convention. Il a noté que ces dernières avaient contribué aux énormes progrès réalisés sur la voie de l'égalité entre les sexes.

89. Le Comité s'est félicité de la loi sur l'égalité entre les conjoints et attendait avec intérêt l'adoption de la loi relative aux enfants.

90. Le Comité a noté avec satisfaction les progrès réalisés en ce qui concerne l'affectation de femmes à des postes de décision et en particulier, la nomination, en décembre 1996, d'une femme au poste nouvellement créé d'ombudsman.

91. Le Comité a félicité la Namibie d'avoir créé des centres pour les enfants et les femmes maltraités.

92. Le Comité s'est félicité de la nomination de la première femme juge.

93. Le Comité a félicité le Gouvernement d'estimer que les mesures en faveur des femmes constituaient un moyen privilégié de parvenir à l'égalité entre les sexes.

94. Le Comité s'est félicité de la création de neuf comités s'occupant des questions relatives aux femmes et du programme de sensibilisation des parlementaires et des fonctionnaires à la Convention.

Facteurs et difficultés affectant l'application de la Convention

95. Le Comité a noté que les femmes namibiennes étaient encore confrontées à une discrimination persistante résultant de certaines lois traditionnelles et coutumières.

96. Le Comité a également estimé qu'une méconnaissance générale des droits de l'homme et des droits reconnus par la loi constituait un obstacle à la mise en oeuvre de la Convention.

97. Le Comité a noté que la majorité de la population namibienne était pauvre et que la majorité des pauvres étaient des femmes. À son avis, la pauvreté ne permettrait guère aux femmes de réaliser leurs aspirations ainsi que le garantissait la Convention.

Principaux sujets de préoccupation

98. Le Comité s'est déclaré préoccupé de constater que le rapport n'avait pas tenu compte des recommandations générales qu'il avait faites.

99. Le Comité a estimé que l'absence de calendrier précis concernant la mise en oeuvre des programmes de mesures en faveur des femmes ainsi que de programmes permettant d'en maintenir les objectifs et d'en consolider les progrès était préoccupante.

100. Le Comité s'est inquiété de l'absence de programmes d'éducation en matière de droits de l'homme, ainsi que de programmes d'enseignement de notions élémentaires de droit et de programmes de sensibilisation permettant d'atteindre une égalité de fait.

101. Le Comité était gravement préoccupé par le caractère généralisé de la violence familiale et la persistance de certaines pratiques traditionnelles qui font la part belle aux stéréotypes et renforcent la discrimination à l'égard des femmes.

102. Le Comité a constaté avec inquiétude que, malgré les nouvelles lois, les femmes et, en particulier, celles des zones rurales, ne pouvaient pas accéder à la propriété foncière.

103. Le Comité a également constaté avec préoccupation que la question des congés de maternité était traitée dans le cadre de l'article 4 de la Convention; il estimait en effet que ce type de congés ne constituait pas une mesure en faveur des femmes.

104. Le Comité a noté avec préoccupation que la loi sur l'égalité entre les conjoints ne prenait pas suffisamment en considération la discrimination au sein de la famille.

105. Le Comité s'est déclaré préoccupé par le fait que la santé des prostituées n'était pas prise en considération et que, contrairement aux autres femmes, les prostituées n'avaient pas accès aux soins de santé.

106. Le Comité a noté avec une grave préoccupation le faible nombre de femmes poursuivant des études supérieures et le taux élevé d'abandon scolaire des fillettes dans l'enseignement de type classique.

107. Le Comité s'est en outre déclaré préoccupé par le caractère inadapté de la présente loi sur le viol et d'autres formes de violence à l'égard des femmes.

108. Le Comité a noté avec inquiétude que les adolescentes enceintes étaient punies et expulsées des établissements scolaires.

109. Le Comité a noté avec préoccupation la portée de la discrimination à l'égard des femmes sur le marché du travail.

110. Le Comité s'est inquiété du nombre important de mariages polygames et du fait que les mariages coutumiers n'étaient pas enregistrés.

111. Le Comité était aussi préoccupé par le nombre élevé d'avortements illégaux en Namibie et par le taux élevé de mortalité maternelle, et par le fait que le caractère inadéquat de la loi existante sur l'avortement contribuait à ce problème.

112. Le Comité a jugé qu'il était navrant que bien que la Directrice générale de la Direction des affaires féminines occupe désormais un poste de niveau ministériel, elle n'ait pas le droit de vote au Cabinet.

Suggestions et recommandations

113. Le Comité a prié l'État partie de faire en sorte que ses recommandations générales soient prises en considération dans le prochain rapport présenté par la Namibie au Comité.

114. Le Comité a souligné que la mise en oeuvre de programmes de mesures en faveur des femmes devrait se faire selon un calendrier précis et comprendre des programmes éducatifs et autres permettant d'en maintenir les objectifs et d'en consolider les progrès.

115. Le Comité a recommandé l'adoption d'un programme intégré en vue de la pleine application de la Convention.

116. Le Comité a recommandé au Gouvernement de renforcer les programmes d'éducation et de sensibilisation permettant de parvenir à une égalité de fait entre les sexes et de concevoir et mettre en oeuvre des programmes redéfinissant les rôles des hommes et des femmes au sein de la famille.

117. Le Comité a recommandé au Gouvernement de renforcer, à tous les niveaux, les programmes d'éducation concernant les droits de l'homme et d'enseignement de notions élémentaires de droit.

118. Le Comité a recommandé à la Direction des affaires féminines de veiller à ce que des recherches soient menées en vue d'identifier les lois coutumières contraires à l'esprit et à la lettre de la Convention et de s'efforcer de remplacer ces lois.

119. Le Comité a recommandé au Gouvernement d'assurer un suivi efficace de la mise en oeuvre de l'ensemble des politiques et programmes en faveur des femmes.

120. Le Comité a recommandé au Gouvernement de prendre sans plus tarder des mesures en vue de lutter contre la violence dans la famille, notamment d'adopter des mesures d'ordre juridique en vue de modifier la loi sur le viol, y compris le viol conjugal. Le Comité a également recommandé que les affaires de violence sexuelle relèvent de la compétence exclusive des tribunaux internes et que le respect de la vie privée et la protection des victimes soient mieux assurés à l'occasion des instances.

121. Le Comité a souligné l'importance de mesures contribuant à accroître le pouvoir économique des femmes, pour leur permettre de ne pas dépendre totalement des hommes et de réduire leur vulnérabilité à la violence familiale. Le Comité a également recommandé que le Gouvernement mette en place des programmes de sensibilisation à l'intention des professionnels de la santé, des membres de la police et des magistrats pour qu'ils comprennent mieux le problème que la violence pose pour les femmes.

122. Le Comité a recommandé au Gouvernement de prendre des mesures et de concevoir des programmes, notamment en faveur des femmes, afin de renforcer la présence des femmes à tous les niveaux du système judiciaire.

123. Le Comité a suggéré au Gouvernement de s'efforcer d'introduire des réformes juridiques, notamment en ce qui concerne la propriété foncière des femmes, en particulier dans les zones rurales.

124. Rappelant ses recommandations contenues dans la recommandation générale 21 à cet égard, le Comité a instamment prié le Gouvernement de s'occuper de la question des mariages polygames. La Direction des affaires féminines devrait mettre au point un vaste programme visant à décourager la polygamie.

125. Le Comité a recommandé au Gouvernement de veiller à enregistrer, dès que possible, l'ensemble des mariages coutumiers, de manière à ce que les femmes puissent bénéficier de tous les droits découlant du mariage.

126. Tout en reconnaissant la nécessité de maintenir les tribunaux coutumiers, le Comité a instamment prié le Gouvernement de veiller à ce que ces derniers respectent les principes de la Convention à tous égards.

127. Le Comité a recommandé au Gouvernement namibien d'adopter les mesures nécessaires en vue de la révision des lois prévoyant des mesures punitives à l'encontre des femmes en cas d'avortement illégal.

128. Le Comité a recommandé au Gouvernement de continuer à collaborer avec les ONG en vue de l'application de la Convention et de la présentation des rapports prescrits par la Convention.

129. Le Comité a instamment prié l'État partie d'encourager les partis politiques namibiens à faciliter la participation des femmes et d'adopter toutes les mesures appropriées dans ce domaine.

130. Le Comité a prié le Gouvernement namibien de tenir compte dans son prochain rapport des faits soulevés dans le présent texte et d'y inclure des informations sur la mise en oeuvre des recommandations générales qu'il a faites.

131. Le Comité a demandé que les présentes conclusions fassent l'objet d'une diffusion en Namibie afin que les Namibiens sachent quelles sont les mesures qui ont été prises pour assurer une égalité de fait entre les hommes et les femmes et soient conscients de toute autre mesure qu'il est nécessaire de prendre à cet égard.



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