University of Minnesota



Observations finales du Comité pour l
'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Mongolie, U.N. Doc. A/56/38,paras.234-278 (2001).




Comité pour l'élimination
de la discrimination à l'égard des femmes
Vingt-quatrième session
15 janvier-2 février 2001



Mongolie

234.Le Comité a examiné les troisième et quatrième rapports périodiques combinés de la Mongolie (CEDAW/C/MNG/3-4) à ses 504e et 505e séances, le 29 janvier 2001 (voir CEDAW/C/SR. 504 et 505).


a) Présentation des rapports par l'État partie

235. En présentant le rapport, la représentante de la Mongolie a rappelé au Comité que la Mongolie avait été l'un des premiers pays à ratifier la Convention sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes en 1981. Elle a également informé le Comité qu'en 1998, le Parlement de Mongolie avait accepté l'amendement au paragraphe 1 de l'article 20 de la Convention. La Mongolie a signé le Protocole facultatif se rapportant à la Convention en septembre 2000 et les procédures de ratification par le Parlement sont en cours.

236. La représentante a souligné qu'au cours des 10 années qui s'étaient écoulées depuis la présentation de son deuxième rapport, la situation politique, économique et sociale de la Mongolie avait considérablement évolué. La Mongolie est dorénavant un État doté d'un régime parlementaire et pluraliste. Elle est devenue partie à 30 traités internationaux relatifs aux droits de l'homme, elle a adopté les politiques pertinentes, promulgué ou modifié la législation conformément aux obligations conventionnelles.

237. La représentante a fait remarquer au Comité que la Constitution mongole interdit la discrimination fondée sur le sexe. Les droits des femmes à l'éducation et à l'emploi sont protégés par la Constitution et d'autres textes de loi qui garantissent aussi leur participation à la vie politique.

238. Pour ce qui est des mesures prises en application des dispositions de la Convention, la représentante a informé le Comité que la législation avait été amendée et que de nouvelles lois avaient été adoptées pour intégrer les principes fondamentaux de la Convention tant dans le cadre législatif que dans les politiques et programmes gouvernementaux. En outre, des programmes nationaux ont été mis en place pour répondre aux besoins particuliers des femmes rurales ainsi que des initiatives visant à introduire les technologies de pointe et à stimuler la création d'emplois.

239. La représentante a signalé que la loi sur la santé était entrée en vigueur en 1998 et que, dans le nouveau Code du travail, figuraient des dispositions particulières interdisant la discrimination sur le lieu de travail. La loi sur la famille est entrée en vigueur en 1999 et prévoit l'égalité des droits des femmes en matière d'héritage, d'exploitation des terres, de propriété du bétail et autres biens. Elle a signalé que le Grand Khoural d'État (le Parlement) venait d'adopter la loi sur la Commission nationale des droits de l'homme et que le Gouvernement, en collaboration avec des organisations internationales, avait lancé un processus de consultation à l'échelle du pays en vue d'élaborer un programme national en faveur des droits de l'homme.

240. La représentante a fait part au Comité des objectifs qui avaient été atteints dans le cadre de l'application de la Convention en Mongolie. Il s'agit notamment de l'instauration d'un environnement juridique approprié, d'une intensification de la participation des organisations non gouvernementales, de l'élaboration et de la mise en oeuvre de politiques en faveur de l'égalité des sexes et de l'amélioration de l'éducation des femmes. Les facteurs qui ont entravé la pleine application des dispositions de la Convention comprennent l'absence de dispositif national spécifique, le taux élevé de mortalité maternelle, la faible participation des femmes au processus de décision politique, les disparités entre les différentes zones géographiques et les divers groupes sociaux, l'augmentation de la violence à l'égard des femmes au sein de la famille et le fait que les femmes ne connaissent pas leurs droits au regard de la loi.

241. La représentante a conclu en exposant les stratégies adoptées par la Mongolie pour appliquer les dispositions de la Convention dans les années à venir. Celles-ci prévoient l'amélioration du mécanisme de coordination et d'intégration nationales, la création d'une base de données intégrée, l'analyse régulière des lois en vigueur, un examen général du secteur rural et le renforcement de la coopération entre les organisations gouvernementales et non gouvernementales pour aider les femmes à mieux connaître leurs droits au regard de la loi.


b) Conclusions du Comité

Introduction


242. Le Comité se déclara satisfait de la présentation des troisième et quatrième rapports périodiques combinés de la Mongolie et des réponses données aux questions du groupe de travail présession. Il se félicite de l'exposé oral de mise à jour et en particulier des diverses stratégies envisagées pour l'application future de la Convention.


Aspects positifs

243. Le Comité salue les efforts déployés par le Gouvernement pour ratifier l'amendement au paragraphe 1 de l'article 20 de la Convention ainsi que les mesures prises pour ratifier le Protocole facultatif.

244. Le Comité note qu'un certain nombre de réformes législatives concernant la situation des femmes ont été instaurées, notamment par l'adoption de dispositions interdisant la discrimination sur le lieu de travail et stipulant l'égalité de droit des femmes en matière d'héritage, d'utilisation des terres et de propriété du bétail et autres formes de propriété. Il note également la reconnaissance par le Gouvernement des organisations non gouvernementales de femmes.

245. Le Comité salue les progrès accomplis en matière d'accès à l'éducation et de participation élevée des femmes au secteur tertiaire.

246. Le Comité se félicite des efforts déployés pour analyser la situation des femmes en Mongolie et élaborer un programme d'action national en vue d'améliorer leur condition, grâce au soutien technique des organisations internationales.


Obstacles à l'application de la Convention

247. Le Comité constate que la persistance des attitudes patriarcales et des comportements stéréotypés pour ce qui est du rôle de la femme dans la famille et dans la société empêche les femmes de jouir véritablement de leurs droits et les prive de la possibilité de participer pleinement au développement national.

248. Le Comité considère que les effets négatifs de la transition en cours du pays vers une économie de marché constituent des obstacles majeurs à l'application intégrale de la Convention.


Principaux domaines de préoccupation et recommandations

249. Le Comité note avec une profonde préoccupation la détérioration de la situation des femmes en Mongolie pendant la période de transformation économique. Il s'inquiète particulièrement du fait que le Gouvernement n'ait pas réussi à empêcher l'érosion des droits des femmes aux progrès économiques, à la santé, à l'éducation, à la participation politique et à la sécurité de la personne.

250. Le Comité demande instamment au Gouvernement de protéger et promouvoir les droits fondamentaux de la femme et d'utiliser les ressources du développement et les ressources techniques disponibles, de même que les ressources humaines du pays, notamment la société civile et les groupes de femmes, pour inverser cette tendance.

251. Le Comité s'inquiète de voir que la pauvreté est généralisée chez les femmes en conséquence de la privatisation et d'autres facteurs liés à la transition vers une économie de marché.

252. Le Comité demande au Gouvernement de rassembler des données et des informations sur les femmes vivant dans la pauvreté, ventilées par âge et par zone urbaine et rurale; d'établir des politiques et des services d'appui ciblés; de s'efforcer d'empêcher que davantage de femmes ne tombent au-dessous du seuil de pauvreté, et en particulier de s'efforcer de remédier à la situation des ménages dirigés par une femme.

253. Le Comité s'inquiète de voir que, bien que la Constitution prévoie l'égalité de tous les citoyens devant la loi, elle ne reprend pas la définition de discrimination de l'article premier de la Convention, qui interdit la discrimination tant directe qu'indirecte. Le fait que les femmes ne disposent pas de recours en cas de violation de leurs droits le préoccupe également.

254. Le Comité demande au Gouvernement d'entreprendre les réformes législatives voulues pour assurer que la Constitution et la législation du pays donnent tout son sens à l'article premier de la Convention et que l'exercice des droits constitutionnels soit suivi d'effet.

255. Le Comité note qu'une série de lois ont été promulguées, mais sans qu'on les analyse sous l'angle de leur impact potentiellement discriminatoire à l'égard des femmes. Il craint aussi que les lois ne soient pas appliquées de façon à protéger efficacement les droits fondamentaux des femmes.

256. Le Comité demande au Gouvernement de passer en revue et de réviser toutes les lois discriminatoires à l'égard des femmes, en consultation avec les groupes professionnels et les groupes de femmes. Il l'exhorte à renforcer l'application des lois et à prévoir des recours effectifs devant les tribunaux. Il lui demande également d'élaborer des programmes d'enseignement de notions élémentaires de droit à l'intention de la communauté ainsi que des programmes de sensibilisation aux questions de parité entre les sexes à l'intention des juges et des responsables de l'application des lois.

257. Le Comité note avec préoccupation que la Mongolie n'a pas encore mis en place des programmes de sensibilisation aux questions de parité entre les sexes et d'enseignement de notions élémentaires de droit destinés spécifiquement à la forte population de jeunes que compte le pays.

258. Le Comité demande au Gouvernement d'élargir la portée des programmes de téléenseignement à l'intention des jeunes de façon à y inclure des programmes d'éducation sur les questions de parité entre les sexes dès que possible. Il estime que les jeunes peuvent jouer un rôle important pour modifier les stéréotypes et les attitudes patriarcales dans la société.

259. Le Comité s'inquiète de voir que la présence des femmes dans les organes législatifs et gouvernementaux nationaux et locaux et aux postes de prise de décisions dans l'administration n'est pas à la hauteur de leur niveau d'éducation élevé.

260. Le Comité demande instamment au Gouvernement de mettre en place des mesures temporaires spéciales, conformément à la Convention, ainsi que des programmes de sensibilisation du public et d'éducation en matière de droits de l'homme, de façon à instaurer un environnement favorisant une plus grande participation des femmes à la vie publique.

261. Le fait que les lois, politiques et programmes n'accordent pas l'attention voulue au phénomène de la violence à l'égard des femmes préoccupe profondément le Comité. Il s'inquiète en particulier du grand retard dans la promulgation de la législation proposée sur la violence familiale.

262. Le Comité prie instamment le Gouvernement de promulguer la loi proposée sur la violence familiale, notamment les dispositions concernant le viol conjugal, de renforcer l'application des lois et d'élaborer un ensemble global d'initiatives pour traiter le problème de la violence familiale, compte tenu de la recommandation générale 19 et de la Déclaration sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes.

263. Le Comité note que toute une gamme d'institutions et d'organismes s'occupent des questions de parité entre les sexes au cas par cas et ne coordonnent pas leurs travaux. Il s'inquiète de voir que le Gouvernement, tout en constatant la faiblesse des mécanismes nationaux, n'a pas fourni d'informations sur les nouvelles initiatives prises pour remédier à ce problème.

264. Le Comité exhorte le Gouvernement à établir des mécanismes nationaux solides et efficaces, de façon que la Convention et le Programme d'action de Beijing puissent être intégrés aux plans de développement. Il estime qu'il faut coordonner et suivre efficacement l'intégration des questions de parité entre les sexes dans les programmes. Il recommande d'intégrer ces questions dans les travaux de la Commission des droits de l'homme, et d'y nommer des femmes.

265. Le Comité se déclare préoccupé par le fait que des mesures limitées ont été prises pour lutter contre la prostitution et la traite des femmes.

266. Le Comité demande instamment au Gouvernement de prendre des mesures pour engager des poursuites contre les personnes qui organisent la prostitution et d'adopter des mesures efficaces pour lutter contre la traite des femmes.

267. Le Comité note avec une grave préoccupation l'impact négatif de la privatisation sur l'accès des femmes à des soins de santé adéquats et à l'éducation.

268. Le Comité demande au Gouvernement de veiller à ce que les services ne soient pas réduits et, en particulier, à ce que les domaines de la santé et de l'éducation n'aient pas à subir le contrecoup de la privatisation.

269. La politique démographique de la Mongolie, qui fait assumer aux femmes la responsabilité exclusive des soins à la famille et aux enfants, préoccupe profondément le Comité, d'autant que cette politique encourage les femmes à avoir une famille nombreuse. Il fait observer que cette situation encourage la marginalisation économique des femmes et exacerbe la pauvreté.

270. Le Comité demande instamment au Gouvernement d'élaborer des lois, des politiques et des programmes d'enseignement qui appuient et favorisent la notion de responsabilité parentale commune et empêchent la discrimination à l'égard des femmes en raison de leurs responsabilités familiales.

271. Le Comité s'inquiète du niveau élevé de chômage chez les femmes.

272. Le Comité exhorte le Gouvernement à établir une base législative qui assure aux femmes l'égalité d'accès au marché du travail et des possibilités égales d'emploi, et empêche la discrimination directe et indirecte dans l'emploi. Il prie le Gouvernement d'appliquer des politiques visant à réduire le chômage parmi les femmes.

273. Le Comité exprime sa préoccupation concernant la santé des femmes tout au long de leur vie. Il s'inquiète également du fait que les difficultés économiques ont un effet négatif sur la santé en matière de reproduction et sur la santé mentale des femmes. En particulier, il note avec préoccupation le problème aigu de la mortalité maternelle, imputable en partie aux avortements effectués dans des conditions insalubres et à l'absence de services de planification familiale.

274. Le Comité demande instamment au Gouvernement d'offrir des services de santé physique et mentale adéquats, sûrs, d'un coût abordable et accessibles aux femmes tout au long de leur vie. Il exhorte aussi le Gouvernement, en particulier dans les zones rurales, à élargir l'accès aux contraceptifs d'un coût abordable pour les hommes et les femmes, et à dispenser une éducation sexuelle aux filles et aux garçons.

275. Le Comité est préoccupé par le fait qu'une grande partie des informations fournies dans les réponses orales et écrites ne se rapportent pas à la situation actuelle des femmes en Mongolie.

276. Le Comité demande au Gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations pertinentes sur la situation des femmes ainsi que des informations sur les autres préoccupations soulevées dans les présentes conclusions.

277. Le Comité encourage le Gouvernement à ratifier le Protocole facultatif à la Convention.

278. Le Comité prie le Gouvernement de diffuser largement les présentes conclusions en Mongolie, afin que la population, en particulier les hommes politiques et les pouvoirs publics, soient conscients des mesures qui ont été adoptées pour assurer l'égalité de droit et de fait des femmes et des hommes, et des mesures supplémentaires à prendre dans ce domaine. Il le prie également de continuer à diffuser largement, en particulier auprès des organisations de femmes et de protection des droits fondamentaux, la Convention et son protocole facultatif, les recommandations générales du Comité, ainsi que la Déclaration et le Programme d'action de Beijing et les textes issus de la vingt-troisième session extraordinaire de l'Assemblée générale intitulée « Les femmes en l'an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXIe siècle ».



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