University of Minnesota



Observations finales du Comité sur l
'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Maurice, U.N. Doc. A/50/38,paras.160-217 (1995).




Comité sur l'élimination de la
discrimination à l'égard des femmes



Maurice

160. Le Comité a examiné le rapport initial et le deuxième rapport périodique de Maurice (CEDAW/C/MAR/1-2) à ses 268e et 271e séances, tenues les 20 et 24 janvier 1995.

161. Dans sa déclaration, la représentante de Maurice a décrit le cadre juridique, politique, institutionnel et économique qui présidait à l'application de la Convention dans son pays et a souligné les changements qui s'étaient produits sur les plans juridique et pratique depuis la présentation du rapport. Elle a fait observer que les mesures d'ajustement structurel prises dans le pays avaient en fait bénéficié aux femmes dans la mesure où elles avaient permis d'améliorer leurs possibilités d'emploi et d'intégration économique. Malgré les difficultés économiques généralement liées aux politiques d'ajustement, le Gouvernement avait réussi non seulement à ne pas avoir à réduire les dépenses consacrées aux programmes sociaux mais aussi à élargir effectivement les mécanismes nationaux visant à promouvoir la condition de la femme grâce à la création d'un nouveau ministère des droits de la femme. Après avoir souligné les réalisations accomplies dans les domaines de l'emploi, de l'éducation et de la santé des femmes, la représentante de Maurice a reconnu la persistance d'un certain nombre de difficultés d'ordre juridique, administratif, culturel et religieux qui faisaient obstacle à l'égalité des femmes et à l'amélioration de leur situation socio-économique. Elle a souligné que son gouvernement continuait d'être résolu à améliorer la condition de la femme et avait la ferme intention de promouvoir les droits de la femme en règle générale et à la lumière d'une monographie consacrée au thème de la participation des femmes au développement, qui devait paraître sous peu, en particulier.

Observations générales

162. Les membres du Comité ont relevé la concision, le caractère complet et la franchise de l'exposé fait par la représentante de Maurice ainsi que les réalisations considérables de ce pays dans l'application de la Convention. Elles étaient particulièrement impressionnés par la ferme volonté exprimée par le Gouvernement mauricien de réaliser l'objectif de la promotion de la femme et par le fait que les services sociaux et le financement des organisations féminines n'avaient pas fait l'objet de réductions en dépit des difficultés engendrées par les mesures d'ajustement structurel et par la récession. Elles ont noté avec satisfaction que des liens de coopération avaient été instaurés avec certaines des institutions spécialisées des Nations Unies aux fins de promouvoir la condition de la femme.

163. Plusieurs expertes se sont déclarées extrêmement satisfaites du retrait des réserves auxquelles avaient donné lieu les articles 11.1 b), 11.1 d) et 16.1 g) de la Convention. Une experte a fait observer que Maurice était l'un des rares pays où la Convention elle-même était appliquée en vue de réformer les systèmes juridiques et économiques nationaux de manière à en assurer un plus strict respect.

164. Des membres du Comité ont jugé qu'il aurait été utile que le rapport rende compte plus clairement de l'évolution de la situation dans le pays depuis l'établissement du premier rapport et fasse une plus large place aux obstacles qui subsistaient.

165. Il a été fait observer que les chapitres 2.3 et 16.3 de la Constitution mauricienne, traitant de la protection des droits fondamentaux de la personne humaine et de la définition de la discrimination, respectivement, avaient été rédigés sans tenir compte des considérations de sexe. D'aucuns ont estimé que cette situation risquait d'introduire un manque de cohérence interne dans la Constitution s'agissant des questions relatives à la discrimination. Si tel était en fait le cas, il faudrait remédier à cette situation.

166. Les membres ont pris note de l'évolution positive enregistrée à Maurice pour ce qui était de l'accroissement du taux d'emploi des femmes, de la promotion de leurs libertés fondamentales et de leur indépendance économique, ce qui, comme l'a fait observer une experte, était la condition préalable essentielle de l'amélioration de leur situation et de la défense de leur dignité. Elles se sont toutefois déclarés préoccupés par l'importance excessive qui leur semblait être attachée à l'orientation des femmes vers des emplois relevant du commerce et de l'industrie dans les zones de transformation des exportations ainsi que dans le secteur privé.

167. Il a été suggéré que l'article 4 de la Convention soit pleinement utilisé en vue de garantir la présence de davantage de femmes aux postes de responsabilités économiques et non pour accroître encore leur nombre dans les secteurs traditionnels, où les femmes sont depuis longtemps surreprésentées. En ce qui concerne les programmes spéciaux de mesures palliatives, une experte a évoqué la décision de réserver désormais aux filles deux établissements d'enseignement secondaire public mixtes, et a fait observer qu'il s'agissait en réalité d'une mesure négative puisqu'elle revenait à encourager la ségrégation et allait à l'encontre des Stratégies prospectives de Nairobi. Une autre experte a estimé qu'on pouvait mettre en doute l'efficacité des mesures législatives protectrices pour ce qui était d'instaurer l'égalité entre hommes et femmes. De telles mesures ne relevaient pas de la catégorie des mesures temporaires spéciales visant à accélérer l'instauration de l'égalité. À son avis, le rapport de Maurice traduisait une interprétation erronée de ce qu'il fallait entendre par la notion d'action positive. Les programmes d'organisation de cours de couture industrielle avaient pour effet de renforcer les stéréotypes qui caractérisaient le marché de l'emploi, et il serait préférable d'envisager d'organiser à la place des cours dans le secteur bancaire et dans celui de la gestion.

168. Les membres du Comité ont jugé préoccupant le fait que le rapport ne contenait pas de données sur les actes de violence commis contre les femmes. Étant donné le caractère généralisé de ce problème et les conséquences désastreuses qui en découlaient, il fallait disposer d'informations plus nombreuses. Une experte a fait des observations sur la section 253 du Code pénal : à son avis, ce code avait pour objet de protéger la société contre la prostitution mais non pas de chercher à résoudre les problèmes constitués par l'exploitation des femmes qui se livraient à cette activité et par les actes de violence commis contre celles-ci. Des préoccupations ont également été exprimées au sujet des risques de recrudescence de la prostitution liée au tourisme eu égard à la croissance rapide du secteur du tourisme à Maurice.

169. Après avoir jugés satisfaisants les progrès réalisés par le Gouvernement mauricien dans le domaine de l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes et dans celui de l'amélioration continue de leur situation dans les secteurs économique et social, une experte a exprimé un intérêt particulier pour la monographie consacrée au thème de la participation des femmes au développement qu'établissait actuellement le Gouvernement. Elle s'est déclarée convaincue que cette monographie ouvrirait de nouvelles possibilités de traiter des questions qui revêtent un intérêt particulier pour les femmes dans le pays.

170. Après avoir qualifié de fort louables les programmes d'alphabétisation des femmes, une experte a fait part des inquiétudes que lui inspirait le contenu de ces programmes, lesquels avaient actuellement pour effet de confirmer les femmes dans leurs rôles traditionnels. Elle a également relevé l'absence de cours sur la nutrition familiale.

171. Une experte a fait observer que le Code du travail, qui interdisait le travail de nuit pour les femmes, avait en fait un caractère discriminatoire, le travail de nuit étant généralement mieux rémunéré.

172. Une experte a loué le Gouvernement d'avoir mis en place des programmes de détection du cancer du sein et du col de l'utérus dès l'apparition des premiers symptômes, ce qui témoignait du fait que l'on se préoccupait enfin des besoins physiologiques particuliers des femmes. Elle a néanmoins relevé une contradiction en ce qui concernait la fourniture de services de planification de la famille. D'une part, le rapport précisait que les services de planification de la famille étaient fournis gratuitement et étaient faciles à obtenir et, d'autre part, on y insistait sur le problème très répandu des avortements clandestins.

Questions portant sur des articles spécifiques

Article premier

173. Les membres du Comité ont souligné que la Constitution mauricienne ne mentionnait pas le sexe parmi les motifs de discrimination. Une experte a fait observer que cela impliquait l'absence d'une législation relative à la discrimination à l'égard des femmes. Les membres ont demandé si le Gouvernement avait l'intention de réviser la Constitution de manière à remédier à ce problème et s'il envisageait de promulguer une législation visant à promouvoir l'égalité des chances. Dans sa réponse, la représentante de Maurice a indiqué que son gouvernement envisagerait d'amender la Constitution lorsque les questions relatives à la citoyenneté et à la nationalité auraient été réglées.

Article 3

174. Des membres ont demandé quelles étaient au juste les relations entre le Conseil national des femmes et le Comité ministériel et quelles étaient les relations de ces deux organismes avec le Ministère des droits de la femme et de la famille. Elles souhaitaient également savoir s'il existait un problème de coordination entre ces organismes et si leur coopération avec le Ministère des droits de la femme et de la famille et avec d'autres ministères était féconde. Elles souhaitaient aussi savoir si les responsables désignés dans les grands ministères faisaient rapport sur les problèmes qui se posaient dans leurs ministères respectifs.

175. La représentante de Maurice a répondu que le Conseil national des femmes avait dans ses attributions l'organisation des associations de femmes et la mise sur pied d'un dialogue entre l'État et les femmes par le biais de ces associations. Le Comité ministériel, pour sa part, se composait de responsables désignés dans différents ministères sectoriels qui se réunissaient pour examiner les problèmes que posait dans leurs ministères l'application de la politique en matière d'égalité des sexes et échanger des informations sur les projets exécutés par leurs ministères et ayant une incidence sur les femmes. L'inefficacité relative du Comité ministériel s'expliquait par le fait que les responsables désignés dans les ministères n'avaient pas été formés à l'analyse et à la planification des problèmes propres à chaque sexe, et également par les mutations qui se produisaient dans les ministères. Toutefois, le Comité avait travaillé avec succès, sur une base ad hoc, à l'élaboration du Livre blanc sur la participation des femmes au développement et au rapport national sur l'application des Stratégies prospectives de Nairobi; les fonctionnaires du Comité participaient à des séminaires et à des réunions et contribuaient de la sorte à régler différents problèmes. La formation des responsables à l'analyse des problèmes propres à chaque sexe figurait à l'ordre du jour du Ministère des droits de la femme et de la famille en 1995, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) ayant mis à cet effet un consultant à disposition. Il existait un lien entre le Comité ministériel et le Conseil national des femmes, en ce que le Conseil était dirigé par un comité composé des représentants des associations de femmes et des responsables désignés dans les ministères les plus importants du secteur social, comme les ministères de l'éducation, de la santé, de la planification et du développement économiques, de la sécurité sociale, de la jeunesse et de la culture.

Article 4

176. Des membres du Comité ont noté qu'il était question dans le rapport de former les femmes pour la police et de créer un corps de femmes agents de police. On a demandé si cette idée serait étendue au système judiciaire national. En réponse, la représentante de Maurice a dit que la question de la formation de femmes juges et magistrats devrait retenir l'attention, en particulier dans la perspective de la création d'un tribunal de la famille envisagée par le Gouvernement.

177. Des membres ont demandé ce qu'on entendait par "des mesures législatives protégeant spécialement les femmes dans le secteur agricole et dans le secteur manufacturier". Elles ont demandé, en particulier, si ces mesures protégeaient réellement les femmes dans ces secteurs ou si elles aboutissaient en réalité à perpétuer la ségrégation dans le domaine de l'emploi. La représentante de Maurice a répondu que les femmes travaillant dans l'agriculture avaient incontestablement bénéficié des mesures législatives de protection. Ainsi, elles étaient désormais dispensées des travaux des champs les plus pénibles. Il était interdit aux femmes se trouvant à un stade avancé de leur grossesse de soulever de lourdes charges et on leur confiait des travaux légers. Dans les industries sucrière et salinière, les femmes pouvaient bénéficier d'une retraite anticipée à l'âge de 55 ans. Dans les industries, les femmes se trouvant à un stade avancé de leur grossesse étaient dispensées d'effectuer des travaux impliquant la station debout. De même, en 1989, une clause discriminatoire qui interdisait aux femmes de briguer le poste de "dirigeante d'entreprise" avait été abolie. Les femmes travaillant dans le secteur industriel n'étaient pas tenues de faire des heures supplémentaires. Elles avaient le droit de se faire rembourser leurs frais de transport. Les femmes enceintes qui avaient travaillé 12 mois sans interruption avaient droit à toutes les prestations prévues en cas de maternité, soit un congé payé de 12 semaines, des indemnités en espèces et des interruptions de 60 minutes pour allaiter leurs bébés.

Article 6

178. En réponse à la préoccupation exprimée par des membres du Comité face à l'absence de données concernant la violence à l'encontre des femmes, la représentante de Maurice a indiqué que la violence était une question très délicate et que les victimes hésitaient souvent à signaler de tels faits. Cela étant, elle a fourni au Comité certaines informations statistiques sur la violence familiale à Maurice. Ainsi, de 1991 à ce jour, 107 cas d'inceste et 431 cas de mauvais traitements infligés à des enfants ont été signalés. De 1989 à ce jour, on a signalé 1 500 cas de femmes battues.

179. Des membres se sont enquis de la législation en matière de racolage et de recours aux services d'une prostituée. Elles ont demandé également si les prostituées étaient tenues de se soumettre régulièrement à des examens médicaux. Des membres ont demandé s'il existait une législation particulière visant à protéger les mineurs du tourisme sexuel. Elles se sont également enquis du point de savoir s'il se trouvait des migrantes au nombre des prostituées et si la législation interdisait la traite des femmes.

180. En réponse, la représentante de Maurice a indiqué au Comité qu'il n'existait pas de registre des prostituées à Maurice et que les prostituées opéraient donc dans l'illégalité. Elle a cependant signalé que, la campagne de sensibilisation au sida aidant, elles étaient aujourd'hui plus conscientes des risques de santé liés à leur profession. D'après une information donnée à la télévision, les prostituées subissaient des contrôles médicaux périodiques. La représentante de Maurice a fait référence aux sections pertinentes du Code pénal et de la loi sur la protection des enfants qui prévoient que le fait d'avoir recours à des prostituées (enfants ou adultes), d'inciter à pareille prostitution ou d'exploiter celle-ci constitue une infraction et est passible de peines.

Article 7

181. Des membres du Comité ont demandé quelles mesures avaient été prises pour encourager les femmes à embrasser la carrière diplomatique et comment la situation se présentait dans ce domaine par rapport au système judiciaire.

182. La représentante de Maurice a répondu que la carrière diplomatique était ouverte aux hommes comme aux femmes et que le recrutement se faisait sur la base d'un concours d'entrée. Maurice comptait actuellement 51 diplomates, dont 7 femmes. Cette disparité s'expliquait avant tout par le manque de candidates possédant les qualifications requises et non par une discrimination à l'égard des femmes. La Cour suprême comptait actuellement six membres, dont une femme, et le Président du Tribunal des faillites et son suppléant étaient tous deux des femmes. Par ailleurs, 3 des 12 magistrats des tribunaux de district étaient des femmes. On pouvait donc affirmer que, dans l'ensemble, les femmes étaient bien représentées dans le système judiciaire, même si leur participation laissait quelque peu à désirer aux différents niveaux de l'administration de la justice.

183. Un des experts a demandé si le tissu multiculturel et multiracial de la société mauricienne avait suscité des problèmes internes et, dans l'affirmative, quelle incidence ces problèmes avaient eue sur les femmes. La représentante a répondu que Maurice ne comptait pas de population autochtone et que des populations de différentes races et cultures d'Europe, d'Asie et d'Afrique coexistaient en parfaite harmonie dans son pays. Compte tenu de l'extrême diversité de la population mauricienne, le Gouvernement se montrait extrêmement circonspect lorsqu'il avait à connaître de questions pouvant rompre l'équilibre et désagréger le tissu social. Elle a indiqué qu'elle avait pris note des observations des membres concernant les dangers liés aux tensions culturelles et leur incidence négative sur les femmes.

Article 10

184. Les membres du Comité ont fait observer que les disciplines proposées par les programmes d'éducation des adultes du Ministère des droits de la femme étaient essentiellement la couture industrielle, le secrétariat, la broderie et l'artisanat. On a posé la question de savoir si d'autres types de formation étaient offerts aux femmes et ce que le Ministère des droits de la femme se proposait de faire face à cette situation.

185. En réponse à cette question, la représentante de Maurice a informé les membres du Comité que le Ministère des droits de la femme dispensait une formation principalement à l'intention des personnes peu douées pour les études de type classique auxquelles les portes des établissements relevant du Département de la formation technique industrielle et des établissements privés étaient fermées. La formation dispensée à ces femmes visaient essentiellement à leur permettre d'acquérir des connaissances de base et à les aider à s'acquitter de leurs tâches familiales, à découvrir leurs talents et à atteindre un certain degré d'épanouissement. Le Département de la formation technique industrielle chargée de la formation à Maurice dispensait une formation en électronique, en ingénierie et dans d'autres disciplines ouvertes aux femmes.

186. Répondant à l'observation faite à propos de la conversion de deux écoles publiques secondaires mixtes en établissements de jeunes filles, la représentante de Maurice a déclaré que cette décision avait été prise compte tenu du contexte culturel et de la tradition éducative de son pays. Cette décision contribuait à l'efficacité de l'enseignement et de l'apprentissage et permettait aux enseignants d'utiliser des méthodes d'enseignement différenciées suivant qu'il s'adressait aux garçons ou aux jeunes filles. Elle a certifié aux membres du Comité que la conversion en question, loin d'être source de ségrégation, venait à point nommé offrir aux jeunes filles de meilleures chances d'éducation.

Article 11

187. Les membres du Comité ont noté que la réserve aux alinéas b) et d) de l'article 11.1 avait été retirée. Elles ont demandé quelle nouvelle loi avait été adoptée à Maurice pour permettre le retrait des réserves et si toutes les procédures légales prescrites en matière de retrait de réserve avaient été rigoureusement suivies.

188. En réponse, la représentante de Maurice a déclaré que toutes les procédures régissant le retrait des réserves à l'égard des dispositions de l'article 11 (et de l'article 16) avaient été suivies. Ces procédures prévoyaient la tenue de consultations qui avaient été menées avec le Bureau juridique d'État et à l'échelon du gouvernement. Compte tenu des changements survenus dans la situation économique et sociale du pays de 1984 à 1991, le Bureau juridique d'État, suivi en cela par le gouvernement, avait donné son agrément au retrait desdites réserves.

189. Les membres du Comité ont relevé que le rapport indiquait qu'aux termes de la législation sur le travail et de la loi portant création de la Zone de transformation des exportations (EPZ Act), la femme mauricienne n'avait droit au congé de maternité qu'à l'occasion de trois grossesses. Elles ont voulu savoir ce qui se passait en cas de quatrième grossesse, compte tenu surtout de la rigueur des lois sur l'avortement. La représentante de Maurice a répondu que le congé de maternité payé était limité à trois accouchements. La femme salariée se voyait accorder un congé sans traitement après le troisième accouchement. Elle a également souligné que cette disposition allait dans le sens de la politique nationale de population qui visait à décourager les familles nombreuses.

190. S'agissant de la politique consistant à accorder à la femme salariée une pause d'une heure pour allaiter son enfant, les membres du Comité ont demandé comment elle était appliquée et si elle avait sa raison d'être. La représentante de Maurice a répondu que l'application de cette loi se heurtait à des difficultés d'ordre pratique car les crèches à proximité des usines étaient peu nombreuses. Elle a déclaré que la loi avait été adoptée pour encourager l'allaitement maternel.

191. Quant à savoir quand la législation sur l'emploi dans la Zone de transformation des exportations serait modifiée de sorte que les femmes employées dans ce secteur puissent jouir des mêmes conditions de travail que dans le secteur public, la représentante de Maurice a souligné que les secteurs public et privé dans son pays fonctionnaient selon des régimes différents et qu'il n'était pas économiquement possible au stade de développement économique actuel du pays d'offrir les mêmes conditions de travail dans les deux secteurs. Elle a toutefois fait observer que la réglementation relative aux entreprises d'exportation (Export Enterprises Regulations) adoptée en 1983 fixait les salaires et autres conditions d'emploi.

192. S'agissant de l'incidence des changements des politiques budgétaire et fiscale et des fluctuations de l'indice des prix sur les femmes, elle a répondu qu'elle n'avait pas été étudiée scientifiquement. Toutefois, la contraction des dépenses d'équipement avait conduit à un gel de la construction d'écoles secondaires d'État et de logements subventionnés qui a sans doute rendu l'enseignement et le logement décent moins accessibles aux femmes. Elle a également souligné que cette tendance s'était inversée depuis la fin des années 80 et que ces secteurs étaient en pleine expansion. Les femmes avaient directement bénéficié de la nouvelle politique fiscale de l'État en ce sens qu'elles pouvaient maintenant remplir une déclaration individuelle d'impôt sur le revenu et bénéficier d'abattements à titre individuel.

193. Les membres du Comité ont noté que les rangs des femmes dans la main-d'oeuvre gonflaient rapidement à Maurice et ont demandé si l'État se préparait à faire face à la demande croissante de soins de santé, de services de garderie et de cours de recyclage. Elles ont également voulu savoir si l'augmentation du taux de l'emploi comportait des aspects positifs seulement ou si elle s'accompagnait également de certains inconvénients. La représentante de Maurice a déclaré que le gonflement rapide de la main-d'oeuvre féminine à Maurice avait eu pour effet de tripler la charge à laquelle des femmes devaient faire face et que les services d'appui communautaires devaient être mis à leur disposition. L'État avait entrepris de mettre en place ces services en collaboration avec les organisations non gouvernementales, les administrations locales, le secteur privé, etc.

194. Les membres du Comité ont noté avec préoccupation que le rapport indiquait que les mineurs âgés de moins de 16 ans étaient autorisés à exercer un emploi, ce qui était illégal d'après la Convention pertinente de l'OIT. Il a été souligné que le rapport ne renseignait ni sur le lieu de travail des mineurs, ni sur la question de savoir si une quelconque législation spéciale régissait leur emploi et si celui-ci était surveillé par l'État. La représentante de Maurice a informé les membres du Comité que la législation mauricienne du travail interdisait l'emploi de tout individu âgé de moins de 15 ans et qu'en 1990 le Gouvernement mauricien avait ratifié la Convention No 138 de l'OIT relative à l'âge minimum pour l'emploi et était décidé à éliminer le travail des enfants qui, à l'heure actuelle, représentait 0,7 % de la population active mauricienne. Elle a souligné que le rapport parlait de l'âge de 16 ans comme l'âge à partir duquel les mineurs étaient autorisés à exercer un emploi.

Article 12

195. Des membres du Comité ont demandé ce que faisait le ministère chargé des droits des femmes pour améliorer la piètre qualité de vie des femmes de l'île Rodrigues. Qu'est-ce qui était fait en ce qui concerne la fourniture de services de soins de santé et de possibilités d'emploi pour les femmes vivant à Rodrigues et l'amélioration des infrastructures sociales? La représentante a avisé le Comité de l'existence d'un ministère s'occupant exclusivement de la situation sur cette île. Elle a également indiqué que des informations nouvelles avaient été collectées et mises à jour. La situation à Rodrigues s'améliorait : l'eau, l'assainissement et les routes étaient disponibles, mais beaucoup restait à faire. Les chiffres reflétant la situation à Rodrigues seraient fournis dans le cadre du rapport suivant.

196. Des membres du Comité ont demandé comment les services de planification de la famille étaient fournis à toutes les femmes, y compris les femmes pauvres. Elles ont également voulu savoir quelles étaient les chances de voir réviser la législation anti-avortement. La représentante de Maurice a répondu que, dans son pays, toutes les femmes de tous âges, mariées ou non, avaient accès à la planification de la famille, qui s'adressait de façon spécifique aux adolescentes. Bien que les méthodes contraceptives soient largement répandues, on relevait chaque année quelque 2 000 cas de complication à la suite d'un avortement, les statistiques ne précisant pas s'il s'agissait d'avortements naturels ou provoqués.

Article 14

197. Des membres du Comité ont demandé si les femmes pouvaient être propriétaires de la terre, ce que le Gouvernement faisait pour promouvoir leur droit à la propriété foncière et quelles étaient les répercussions de cette question sur les ménages ruraux dont le chef de famille est une femme. Un membre du Comité a jugé encourageant que les femmes vivant dans les zones rurales puissent choisir de travailler non seulement dans l'agriculture, mais aussi dans l'industrie. Toutefois, elle a souhaité avoir des renseignements sur les femmes et la propriété de la terre : dans certains pays, des obstacles d'ordre social, juridique et culturel empêchaient les femmes de posséder de la terre. Un autre membre du Comité a demandé si les Mauriciennes pouvaient posséder de la terre. La représentante de Maurice a répondu que, dans son pays, les femmes avaient accès à la propriété foncière et qu'elles jouissaient des mêmes droits que les hommes en matière de propriété foncière et d'héritage de la terre.

198. Un membre du Comité a souhaité voir élucider la contradiction entre l'indication concernant la pénurie de main-d'oeuvre dans le secteur agricole et l'affirmation selon laquelle la journée de travail dans l'agriculture dure de 6 heures à midi, c'est-à-dire est très courte. La représentante a répondu que la pénurie de main-d'oeuvre dans l'agriculture s'expliquait par le fait que les femmes aussi bien que les hommes ne voulaient plus travailler dans le secteur agricole en dépit du raccourcissement de la journée de travail et d'un taux comparable de rémunération. Ils préféraient nettement travailler dans l'industrie manufacturière, même si la journée de travail était plus longue, ce qui tenait sans doute au fait que ce secteur était considéré comme "plus propre" et était mieux considéré. En outre, elle a indiqué qu'à Maurice, la pratique avait été, surtout dans les champ de canne à sucre, de travailler du lever du soleil à midi à cause du climat.

199. Des membres du Comité ont demandé en quoi la dégradation de l'environnement affectait les femmes rurales et quelles mesures étaient prises à cet égard. Elles ont noté que l'évolution des habitudes alimentaires avait été mentionnée et ont demandé des précisions, notamment si cette évolution se traduisait par une aggravation des normes nutritionnelles. Il a été répondu au Comité qu'une enquête réalisée en 1988 avait montré que 38 % des femmes étaient anémiques et que l'obésité était surtout répandue parmi la main-d'oeuvre féminine. Il existait une tendance au sein de la population à préférer la restauration rapide et à négliger les normes nutritionnelles. Le Ministère de la santé et le Ministère de l'agriculture s'employaient à élaborer une politique alimentaire et nutritionnelle afin d'aider les familles à s'adapter au nouveau style de vie propre à une société nouvellement industrialisée. Elle a informé les membres du Comité que la dégradation de l'environnement était surtout visible à Rodrigues et se traduisait surtout par l'érosion des sols et le déboisement. Des mesures avaient été prises pour préserver l'environnement, telles que la culture en terrasses, le reboisement, la sensibilisation et la gestion des déchets.

Article 16

200. S'agissant de la question de la reconnaissance du mariage religieux, la procédure de dissolution des mariages religieux et la question de savoir si le droit religieux était applicable au divorce, la représentante a répondu que, dans son pays, les mariages religieux produisaient les mêmes effets que les mariages civils, que les enfants nés de ces mariages étaient considérés comme légitimes et que le droit civil leur était applicable ainsi qu'aux procédures de divorce.

201. Des membres du Comité ont demandé si les femmes mariées à Maurice étaient autorisées à vivre dans la maison de leurs parents. Elles ont également demandé si une femme mariée avait le droit de se loger dans une maison autre que celle de son mari ou de sa famille. La représentante de Maurice a répondu que, dans son pays, une femme mariée avait le droit de demeurer au domicile conjugal jusqu'à sa mort, même après la mort du mari. Elle a indiqué que la loi mauricienne ne prévoyait pas le droit pour la femme de se loger dans aucune autre maison.

202. Des membres du Comité ont demandé si les juges recevaient une formation sur les questions concernant le divorce et les intérêts de l'enfant en cas de divorce. Un membre du Comité a estimé que le Gouvernement devait remanier la disposition concernant les "300 jours" devant s'écouler avant qu'une femme puisse se remarier. Un autre membre du Comité a demandé combien de mariages étaient arrangés par les parents. La représentante de Maurice a répondu que les juges ne recevaient pas de formation de ce type dans son pays.

Conclusions du Comité

Introduction

203. Le Comité a félicité la représentante du Gouvernement mauricien de l'exposé complet qu'elle avait fait des premier et deuxième rapports périodiques établis sur la base des directives du Comité, rapports riches en données statistiques.

204. Le Comité a remercié le Gouvernement mauricien d'avoir pleinement ratifié la Convention et lui a demandé instamment de s'en servir pour améliorer davantage la condition de la femme mauricienne.

Points positifs

205. Le Comité a estimé que Maurice avait obtenu des résultats louables dans le domaine de l'intégration sociale et oeuvrait à l'égalité des chances en faveur des femmes grâce à un programme social ambitieux. Il a félicité ce pays pour les efforts résolus qu'il déployait pour faire en sorte que tous les groupes ethniques soient égaux en droit.

206. Le Comité s'est en outre félicité du fait que malgré des programmes d'ajustement structurel, des ressources plus importantes étaient consacrées à l'éducation des femmes et à des programmes destinés à procurer aux femmes des avantages sociaux.

207. Le Comité s'est vivement félicité que le Gouvernement mauricien ait décidé de retirer les réserves qu'il avait formulées au sujet des articles 11.1 b), 11.1 d) et 16.1 g).

Principaux sujets de préoccupation

208. Le fait que la discrimination fondée sur le sexe ne soit pas proscrite par la Constitution était un sujet de préoccupation. Le Comité a estimé que cette lacune dans la Constitution devait être comblée.

209. Le rapport ne renseignait pas suffisamment sur la prostitution et le trafic des femmes ni sur les programmes de réinsertion connexes. Le prochain rapport devrait fournir davantage d'informations à cet égard.

210. On a noté que la loi mauricienne sur la nationalité n'était pas claire, et en particulier que les hommes et les femmes mariés à des étrangers ne jouissaient pas des mêmes droits.

211. Le taux élevé de grossesse chez les adolescentes en dépit de l'amélioration des programmes de planification familiale n'avait pas fait l'objet d'explications. Le rapport ne précisait pas si les femmes bénéficiaient de services de planification familiale, quelle que soit leur situation de famille.

212. Le Comité a également noté avec préoccupation que les femmes de Rodrigues étaient nettement moins épanouies que celles de la grande île.

213. Le Comité a été d'avis que, aussi louable soit-elle, la formation des femmes à la broderie, à la couture industrielle, etc., dans le cadre d'un programme exclusivement destiné à celles-ci, ne ferait que les cantonner dans le secteur féminin de l'économie.

Suggestions et recommandations

214. Le Comité a demandé que, dans le deuxième rapport, de plus amples informations soient fournies sur le mécanisme national ainsi que sur ce qui a été fait pour l'instituer au niveau des collectivités.

215. Le Comité estime que davantage de renseignements sont nécessaires au sujet de la prostitution et de ce que faisait le Gouvernement pour la restreindre et pour faciliter la réinsertion des femmes qui l'avaient pratiquée. Il demande aussi davantage d'informations sur la possibilité d'une recrudescence du tourisme sexuel.

216. Le Comité encourage le Gouvernement mauricien à modifier les lois régissant les zones de transformation des exportations et à fournir des informations à ce sujet dans le prochain rapport.

217. Le Comité demande que le prochain rapport contienne des renseignements sur les programmes de formation professionnelle pour les jeunes filles et les femmes, en mettant l'accent sur la formation non traditionnelle.



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