University of Minnesota



Observations finales du Comité pour l
'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Maldives, U.N. Doc. A/56/38,paras.114-146 (2001).




Comité pour l'élimination
de la discrimination à l'égard des femmes
Vingt-quatrième session
15 janvier-2 février 2001



Maldives

114.Le Comité a examiné le rapport initial des Maldives (CEDAW/C/MDV/1) à ses 498e, 499e et 506e séances, les 24 et 30 janvier 2001 (voir CEDAW/C/ SR. 498, 499 et 506).


a) Présentation par l'État partie

115. En présentant le rapport, la représentante des Maldives a informé le Comité que plusieurs faits nouveaux positifs s'étaient produits depuis la présentation du rapport initial en 1998. Elle a relevé que les lois et politiques en vigueur n'étaient pas discriminatoires à l'égard des femmes dans les domaines de l'accès aux services de santé, à l'éducation et à l'emploi, mais que certains facteurs socioculturels faisaient obstacle à l'exercice effectif des droits des femmes dans ces domaines. La période sur laquelle portait le cinquième plan national de développement s'achèverait sous peu et le sixième plan national était en cours d'élaboration. Il contiendrait un chapitre distinct sur l'égalité entre hommes et femmes, questions dont on considérait qu'elle avait un aspect multidimensionnel, de façon que les problèmes spécifiques des hommes et des femmes soient pris en compte dans la planification du développement.

116. La représentante des Maldives a indiqué que diverses mesures, dont des campagnes de sensibilisation et des programmes d'encouragement de l'éducation à la vie familiale, avaient été prises afin d'éliminer les stéréotypes concernant le rôle des femmes qui étaient imposés par les manuels scolaires et les médias. Bien que la violence familiale soit toujours essentiellement considérée comme relevant de la vie privée, l'État avait lancé des campagnes de sensibilisation afin de lutter contre cette forme de violence. Les femmes qui étaient victimes d'actes de violence familiale pouvaient désormais s'adresser au Service de la sûreté nationale, qui appliquait à cet effet le droit pénal. Le trafic de femmes et de jeunes filles n'était pas considéré comme un problème aux Maldives, encore que du fait de l'accroissement de la population expatriée, il soit jugé nécessaire d'introduire à l'avenir des mesures de lutte contre ce trafic. La prostitution existait vraisemblablement, bien qu'elle soit illégale et sévèrement sanctionnée par la religion et la société.

117. La Constitution stipulait que le chef de l'État des Maldives doit être de sexe masculin, mais la participation des femmes à la vie politique, en tant qu'électrices et en tant que candidates, était encouragée. Des campagnes de sensibilisation et de vulgarisation juridique avaient été organisées afin d'accroître la participation des femmes à la vie politique, mais peu de candidates se présentaient aux élections et 10 % seulement des membres du Majlis (Parlement) étaient des femmes. En 2000, deux femmes avaient été nommées chef d'île adjointe, numéro deux des îles, tandis qu'une femme avait été nommée chef d'atoll par intérim. Rien ne s'opposait sur le plan juridique à ce que les femmes fassent partie des services diplomatiques et d'organisations internationales, mais une seule femme diplomate était en poste à l'étranger.

118. Il n'y avait pas de discrimination en matière de nationalité et les femmes avaient les mêmes droits que les hommes en ce qui concerne l'acquisition, la conservation ou le changement de la nationalité. La Maldivienne ne perdait pas sa nationalité en épousant un étranger, et la Constitution de 1998 avait conféré la nationalité maldivienne aux enfants nés d'une mère maldivienne et d'un père étranger. Les femmes pouvaient se faire délivrer un passeport et étaient libres de se rendre à l'étranger sans devoir obtenir l'autorisation de l'époux ou d'un parent de sexe masculin.

119. Il n'y avait pas de politiques antidiscriminatoires visant à assurer l'égalité entre hommes et femmes. On ne constatait pas de disparités dans la fréquentation scolaire des filles et des garçons jusqu'à la dixième année d'enseignement, si bien que le taux d'alphabétisation des filles était très élevé jusqu'au secondaire. Du fait de l'absence d'université et à cause des problèmes de transport, l'accès à l'enseignement supérieur était très limité. Aucun quota n'était imposé pour l'octroi de bourses d'études, même dans les disciplines traditionnellement dominées par les hommes, comme l'ingénierie et le droit. Bien qu'il n'y ait aucune discrimination entre hommes et femmes s'agissant de l'accès à l'emploi ou de la rémunération, les valeurs culturelles associaient essentiellement les femmes aux tâches ménagères, au soin des enfants et à l'agriculture.

120. Les femmes et les hommes avaient également accès aux soins de santé et la situation sanitaire générale s'était améliorée grâce à un meilleur accès aux services sanitaires et médicaux. Il n'y avait pas de différence dans la situation sanitaire des filles et des garçons ni d'écarts sensibles dans les taux de mortalité infantile et les taux de croissance. L'État avait pris plusieurs initiatives pour s'attaquer aux disparités persistantes entre la situation nutritionnelle et sanitaire des femmes et celle des hommes pendant la période de procréation, et les médias avaient lancé des campagnes de sensibilisation à la santé en matière de reproduction.

121. Un nouveau Code de la famille avait été promulgué en décembre 2001 et entrerait en vigueur le 1er juillet 2001. Le nouveau Code comporterait des dispositions régissant les accords prénuptiaux, la polygamie et le divorce. La nouvelle législation retirait au mari le droit de divorcer unilatéralement sans passer par le tribunal et imposait une procédure devant un tribunal. En cas de divorce, les biens déclarés en communauté étaient divisés également et l'ex-mari versait une pension alimentaire aux enfants et aux ex-épouses. L'âge minimal légal du mariage serait de 18 ans pour les femmes comme pour les hommes, à moins que l'officier de l'état civil n'établisse l'existence de circonstances exceptionnelles, encore que, selon la charia, le mariage puisse être contracté dès la puberté. À ce propos, le Gouvernement avait mis en place un programme visant à décourager et à empêcher les mariages précoces.


b) Conclusions du Comité

122. Le Comité remercie le Gouvernement maldivien d'avoir présenté le rapport initial et se félicite du dialogue franc et positif qu'il a eu avec sa délégation. Il constate que le rapport ne contient pas les renseignements précis sur les plans nationaux et la législation stipulés par les directives du Comité, tout en appréciant le complément d'information donné dans les documents fournis durant la session et verbalement.


Aspects positifs

123. Le Comité salue la volonté politique, exprimée dans le programme « Maldives vision 20/20 », d'intégrer les droits fondamentaux des femmes dans le développement national. Il se félicite de l'action menée pour intégrer une perspective sexospécifique dans le plan d'action national et le plan de développement national.

124. Le Comité se félicite également des mesures prises récemment pour accroire le rôle des femmes en tant que chefs d'atoll ainsi que dans les comités de femmes des îles et des comités de développement des atolls.

125. Le Comité se félicite des progrès accomplis se traduisant par un taux d'alphabétisme très élevé pour les femmes ainsi que de la parité entre garçons et filles dans l'enseignement primaire et secondaire. Il se réjouit de l'amélioration des indicateurs d'espérance de vie pour les femmes.

126. Le Comité salue l'action menée pour déceler la discrimination à l'égard des femmes dans la législation. Il juge positive, en particulier, l'action engagée actuellement pour aligner la législation régissant les relations familiales sur la Convention par l'adoption d'un nouveau code de la famille.

127. Le Comité félicite le Gouvernement d'avoir modifié la loi sur la nationalité et d'avoir accordé aux femmes les mêmes droits qu'aux hommes pour ce qui est de l'acquisition, du changement et de la conservation de la nationalité, ainsi que de la transmission de leur nationalité à leurs enfants.

128. Le Comité constate avec satisfaction que le Gouvernement met en place progressivement le mécanisme national et a créé en 1998 un ministère des questions féminines et de la sécurité sociale. Il salue la transformation du Conseil national des femmes en Conseil de l'égalité entre les sexes, placé sous la direction du Président de la République.


Obstacles à l'application de la Convention

129. Le Comité constate que les distances séparant les îles et les atolls ainsi que l'existence de conceptions stéréotypées ont pour effet de freiner la mise en application intégrale de la Convention.


Principaux domaines de préoccupation et recommandations

130. Le Comité constate avec préoccupation les réserves formulées par l'État partie aux articles 7 a) et 16 de la Convention. Il s'inquiète de ce que la réserve à l'article 7 a) sur la participation politique favorise le maintien de dispositions législatives qui excluent les femmes des fonctions de président et de vice-président du pays.

131. Le Comité engage instamment le Gouvernement à retirer ses réserves et à révoquer la législation limitant la participation politique des femmes à la vie publique.

132. Le Comité déplore l'absence d'un mécanisme efficace pour faire respecter les droits reconnus par la Constitution et offrir des voies de recours. Il est préoccupé par le fait que les dispositions de la Convention relatives aux droits fondamentaux ne mentionnent pas la non-discrimination entre les sexes.

133. Le Comité engage le Gouvernement à introduire dans la Constitution une disposition contre la discrimination fondée sur le sexe et à assurer l'exercice effectif des droits fondamentaux.

134. Le Comité note que le Gouvernement n'a pas encore pris de mesures spécialisées temporaires, conformément au paragraphe 1 de l'article 4 de la Convention, pour améliorer l'accès des femmes à l'enseignement supérieur, aux postes de décision et aux organes législatifs aux niveaux national et local.

135. Le Comité demande instamment au Gouvernement de prendre des mesures spéciales temporaires à court et long terme. Il lui demande d'exécuter parallèlement des programmes de sensibilisation et de formation juridique de base en vue de lutter contre les stéréotypes sexuels et de garantir le droit des femmes à l'égalité. Le Comité engage le Gouvernement à élaborer ces programmes en priorité dans les régions du pays qui comptent des niveaux d'alphabétisation élevés.

136. Le Comité note avec préoccupation que les mariages précoces et les responsabilités au foyer contribuent à l'augmentation du taux d'abandon scolaire chez les filles. Il demande instamment au Gouvernement d'adopter des lois sur l'âge minimum du mariage et d'autres programmes en vue d'empêcher les mariages précoces conformément aux obligations qui lui incombent au titre de la Convention.

137. Le Comité note avec préoccupation la non-déclaration des cas de violence à l'égard des femmes, notamment de violence dans la famille, et l'absence de lois efficaces, d'une application rigoureuse des lois et d'un système d'appui aux femmes qui sont victimes d'actes de violence. Il se déclare particulièrement préoccupé par le fait que la violence à l'égard des femmes soit perçue par la communauté et l'appareil judiciaire comme une affaire privée plutôt qu'une violation des droits de l'homme et de la Convention.

138. Le Comité demande instamment au Gouvernement de mieux faire appliquer les lois, d'adopter des lois sur la violence, notamment sur la violence dans la famille et sur le viol conjugal, conformément à la recommandation générale 19 sur la violence contre les femmes, et d'oeuvrer avec les groupes de femmes en vue d'obtenir des données fiables et d'apporter une assistance aux victimes de la violence. Il demande au Gouvernement de donner suite à cette question dans les plans nationaux, en tenant compte du Programme d'action de Beijing et du Plan d'action du Commonwealth. Il exhorte le Gouvernement à sensibiliser la population en présentant la violence à l'égard des femmes comme une violation des droits de la personne humaine pour laquelle l'ensemble de la communauté paie un coût social élevé.

139. Le Comité est préoccupé par le fait que les lois sur la famille soient discriminatoires à l'égard des femmes et note avec préoccupation le taux élevé de divorce, ce qui a une incidence négative sur les femmes et les enfants.140. Le Comité demande instamment au Gouvernement d'appliquer la nouvelle loi sur la famille en vue de faire face à ce problème et de poursuivre ses efforts visant à réformer tous les aspects de la loi sur la famille de façon à protéger les droits fondamentaux des femmes.

141. Le Comité demande au Gouvernement de recueillir des informations sur la jurisprudence comparative dans le souci d'interpréter la loi islamique en harmonie avec les normes internationales relatives aux droits de l'homme et le Programme d'action de Beijing.

142. Le Comité note avec préoccupation que la santé et la nutrition des filles laissent à désirer après la puberté et que les taux de mortalité et de morbidité maternelles et le taux de mortalité des filles de moins de 5 ans demeurent à des niveaux peu satisfaisants. Il est également préoccupé par l'incidence négative qu'ont sur la santé et la nutrition des femmes les attitudes patriarcales et stéréotypées.

143. Le Comité demande instamment au Gouvernement de recueillir des informations sur les causes de la mortalité, de la malnutrition et de la morbidité maternelles et du taux de mortalité des filles de moins de 5 ans afin d'élaborer des programmes pour y faire face.

144. Le Comité demande instamment au Gouvernement de signer et de ratifier le Protocole facultatif et la Convention et de déposer dès que possible son instrument d'approbation de l'amendement à l'alinéa 1 de l'article 20 de la Convention relatif au calendrier des réunions du Comité.

145. Le Comité demande que le Gouvernement réponde, dans son prochain rapport périodique, aux différentes questions soulevées dans ses conclusions. Il demande également au Gouvernement de faire, dans son prochain rapport, une évaluation de l'impact des mesures prises pour appliquer la Convention.

146. Le Comité demande que les présentes conclusions soient largement diffusées aux Maldives afin que la population, en particulier les pouvoirs publics et les hommes politiques, soit informée des mesures prises en ce qui concerne l'égalité de droit et de fait des femmes et des mesures à prendre à l'avenir à cet égard. Il demande également au Gouvernement de continuer à assurer une large diffusion, notamment auprès des organisations de femmes et de défense des droits de l'homme, de la Convention et du Protocole facultatif s'y rapportant, des recommandations générales du Comité, de la Déclaration et du Programme d'action de Beijing et des résultats de la vingt-troisième session extraordinaire de l'Assemblée générale, intitulée « Les femmes en l'an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXIe siècle ».



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