University of Minnesota



Observations finales du Comité pour l
'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Luxembourg, U.N. Doc. A/55/38,paras.379-416 (2000).




Comité pour l'élimination
de la discrimination à l'égard des femmes
Vingt-deuxième session
17 janvier-4 février 2000



Luxembourg


1. Le Comité a examiné le troisième rapport périodique du Luxembourg (CEDAW/C/LUX/3 et Add.1) à ses 446e et 447e séances, le 17 janvier 2000 (voir CEDAW/C/SR.446 et 447).

Présentation par l'État partie

2. Lorsqu'elle a présenté le troisième rapport périodique de son pays, la représentante du Luxembourg a appelé l'attention sur les mesures prises à la suite de l'examen par le Comité du deuxième rapport périodique en 1997, notamment une large diffusion des conclusions de cet examen, un débat sur l'égalité entre les sexes tenu à la Commission parlementaire de la Chambre des députés chargée d'étudier l'égalité des chances entre hommes et femmes et la promotion de la femme, dans le cadre des recommandations du Comité, et des articles de presse. Le Conseil national des femmes luxembourgeoises a approuvé les recommandations du Comité, et souligné l'importance de cette instance internationale de surveillance dans la réalisation de progrès en ce qui concerne la condition de la femme au Luxembourg.

3. Le Gouvernement avait adopté un Plan d'action 2000 pour la mise en oeuvre de la Déclaration et du Programme d'action de Beijing. Le Ministère de la promotion féminine avait fait rééditer la publication « Égalité de droits pour filles et garçons, femmes et hommes » qui mentionne la Convention et les mesures prises pour l'appliquer au Luxembourg. Par ailleurs, la collecte de statistiques ventilées par sexe avait été améliorée.

4. La représentante a fait valoir combien il importait de maintenir en place les rouages institutionnels visant l'application de politiques de promotion féminine et d'instauration de l'égalité entre les sexes afin de garantir la mise en oeuvre de la Convention, comme prévu dans la Déclaration et le Programme d'action de Beijing. Depuis la création en 1995 du Ministère de la promotion féminine, le Gouvernement luxembourgeois s'était employé activement à promouvoir l'égalité des femmes. Le nouveau gouvernement de coalition, au pouvoir depuis août 1999, donnait la priorité à une politique de promotion de la condition féminine. Sur un total de 14 ministres, ce gouvernement comptait quatre femmes. Le budget du Ministère de la promotion féminine, pour modeste qu'il soit, avait toutefois progressé de 33,75 % en cinq ans, et le Ministère soutenait la proposition récemment avancée par le Conseil national des femmes luxembourgeoises, tendant à mener une analyse ventilée par sexe de l'ensemble du budget national.

5. S'agissant des deux réserves du Luxembourg à la Convention, le Gouvernement restait déterminé à oeuvrer pour les retirer. La proposition du Gouvernement tendant à modifier l'article 3 de la Constitution relatif à la transmission héréditaire de la couronne, qu'appuyait le Grand-Duc, était toujours à l'étude. Par ailleurs, la représentante ne prévoyait pas qu'aucune mesure soit prise au cours de la législature actuelle en ce qui concerne la réserve à l'article 16 (choix du nom de famille d'un enfant). La législation en vigueur ne contenait aucune disposition concernant l'utilisation d'un autre nom de famille. La pratique de faire porter à un enfant le nom de famille de son père était profondément enracinée dans la culture du pays.

6. Le Gouvernement luxembourgeois appuyait le Protocole facultatif à la Convention, qu'il avait signé le 10 décembre 1999, et espérait être l'un des premiers à ratifier.

7. Le Gouvernement poursuivait une politique de sensibilisation de l'évolution des rôles et des responsabilités des femmes et des hommes. L'une des mesures prises à cet égard avait été le lancement du projet « Partageons l'égalité », qui avait servi à mettre au point une méthode pédagogique de formation à la parité. Un groupe de travail élaborait actuellement un projet visant à intégrer des considérations de parité dans tous les programmes d'enseignement de base et d'éducation permanente. On avait également mis au point des ouvrages d'enseignement et de formation, et soutenu l'activité d'organisations non gouvernementales. L'autre grand axe de l'action gouvernementale avait été l'intégration de considérations de parité à toutes les politiques, surtout à la législation. Depuis septembre 1998, toute décision législative devait être assortie d'une déclaration relative à l'impact sur l'égalité des chances. L'introduction du congé parental non transférable à compter du 1er janvier 1999 était un exemple de législation dont le but était de faire évoluer les rôles.

8. Les femmes représentaient 37 % de la population active, les travailleuses frontalières (venant des pays limitrophes) constituant un tiers environ des actives. La famille traditionnelle – père chef de ménage travaillant à l'extérieur et mère responsable du foyer et des rapports sociaux – restait bien ancrée dans la société luxembourgeoise. Mais on voyait croître parallèlement la demande de meilleurs services de garde d'enfants et d'éducation permanente, surtout venant de femmes de moins de 45 ans qui comptaient ne quitter le marché du travail pour se consacrer à des obligations familiales que de façon temporaire. Le Luxembourg avait adopté des textes législatifs qui ouvraient la voie aux actions positives pour les femmes dans le secteur privé, et le Ministère avait soutenu plusieurs projets dans ce domaine. Il était désormais obligatoire dans le secteur privé de nommer des responsables de l'égalité des sexes, et on prévoyait de réviser le statut de la fonction publique afin d'y introduire les actions positives. Le gouvernement de coalition au pouvoir s'était déclaré opposé à l'introduction de quotas sur les listes électorales.

9. L'année 1999 avait été l'Année nationale contre la violence à l'encontre des femmes, occasion de vastes campagnes de sensibilisation au problème de la violence domestique et conjugale. On continuerait à offrir une formation aux prestataires de services dans les refuges pour femmes, la législation sur la violence domestique serait encore affermie, et on étudierait l'expérience d'autres pays ayant adopté des textes législatifs de ce type, afin de mieux sensibiliser différents ministères et les autorités judiciaires à ce problème. On comptait donner suite bientôt à l'avant-projet de loi sur le harcèlement sexuel sur les lieux de travail.

10. Une commission spéciale des femmes avait été créée au sein de la Commission nationale des étrangers pour mieux traiter de la question de l'intégration des étrangères dans la société luxembourgeoise. Les résultats de cette initiative seraient exposés dans le prochain rapport.

11. En conclusion, la représentante a reconnu qu'il restait encore des progrès à accomplir dans tous les domaines pour faire évoluer les comportements traditionnels et culturels sur les rôles et les attributions des hommes. Il faudrait obtenir qu'ils participent à la modification des relations entre les sexes, et parvenir à l'égalité entre femmes et hommes. C'est dans cet esprit que le Luxembourg avait proposé d'organiser une conférence sur « Les hommes et le pouvoir ». La représentante a exprimé en outre l'espoir que l'Assemblée générale se pencherait sur ce problème lors de sa session extraordinaire de juin 2000 consacrée à l'examen des résultats de la Conférence de Beijing cinq ans après.

Conclusions du Comité

Introduction

12. Le Comité remercie le Gouvernement luxembourgeois d'avoir présenté un troisième rapport périodique contenant des statistiques ventilées par sexe, ainsi que d'avoir répondu par écrit en détail à ses questions et d'avoir communiqué oralement d'autres renseignements qui ont précisé les activités et les politiques gouvernementales récemment poursuivies dans le pays. Il apprécie que le rapport ait été élaboré et présenté de manière franche et ouverte, et que les organisations non gouvernementales aient été consultées.

13. Le Comité félicite le Gouvernement luxembourgeois de s'être fait représenter par une délégation de haut niveau, dirigée par la Ministre de la promotion féminine. Il note que le rapport et les réponses concernent les mesures prises pour donner effet au Programme d'action de Beijing.

Aspects positifs

14. Le Comité félicite le Gouvernement d'avoir fait largement connaître la Convention et les conclusions qu'il avait adoptées après avoir examiné le deuxième rapport périodique de l'État partie en 1997. Il est heureux que l'État partie ait signé le 10 décembre 1999 le Protocole facultatif à la Convention et manifesté son intention de s'employer activement à en assurer rapidement la ratification.

15. Le Comité félicite le Gouvernement de s'être doté d'un ministère distinct chargé de la promotion féminine et de s'être dit décidé à le maintenir. Il accueille avec satisfaction l'intérêt et l'appui manifestés par la Ministre pour une analyse selon le sexe de l'ensemble du budget de l'État. Cette analyse aidera à mieux faire comprendre comment les dépenses publiques bénéficient aux femmes et aux hommes dans tous les domaines. Le Comité se félicite que le Gouvernement ait adopté une approche axée sur le long terme pour réaliser l'égalité entre hommes et femmes, d'une part par la sensibilisation à l'évolution des rôles et responsabilités respectifs de l'un et l'autre sexe, et d'autre part par l'intégration systématique de considérations de parité à toutes les politiques poursuivies.

16. Le Comité se félicite de l'adoption de la loi de mai 1999 qui a renforcé les mesures de lutte contre la traite des personnes et l'exploitation sexuelle des enfants, et a étendu l'application de la législation luxembourgeoise à tous les crimes et délits sexuels commis à l'étranger par des ressortissants luxembourgeois.

17. Le Comité salue les efforts déployés par le Gouvernement pour enseigner l'égalité, en particulier dans le cadre de son projet « Partageons l'égalité – Glaichheet delen-Gleichheit teilen », qui vise à promouvoir l'égalité des chances entre filles et garçons dès l'école maternelle en inscrivant le principe d'égalité dans les programmes de formation des enseignants et des formateurs, notamment par l'élaboration de manuels et de modules de formation.

18. Le Comité se félicite de l'adoption de la loi de juillet 1998 qui impose la nomination de responsables de l'égalité dans les entreprises de plus de 15 employés. Il salue également l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1999, de la loi sur l'application du Plan d'action national sur l'emploi qui a instauré le droit à un congé parental non transférable d'une durée de six mois pour chacun des parents, congé qui est financé par l'État.

19. Le Comité se félicite en outre que cette même loi de juillet 1998 sert à présent de fondement juridique à l'adoption de mesures palliatives en faveur des femmes dans le secteur privé.

20. Le Comité se félicite que le Gouvernement ait pris des mesures pour recueillir des données ventilées par sexe et entende élargir ces mesures, afin d'offrir une base solide aux futures initiatives juridiques et politiques, y compris en ce qui concerne des groupes de femmes défavorisées comme les immigrées.

Obstacles à l'application de la Convention

21. Le Comité note qu'aucun facteur ou difficulté notable n'empêche l'application effective de la Convention au Luxembourg.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations

22. Le Comité note avec préoccupation que l'État partie n'a pas modifié sa Constitution pour y inscrire le principe de l'égalité entre les sexes, ce qui constitue un manquement non seulement aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 2 de la Convention, mais aussi au droit international relatif aux droits de l'homme en général. À cet égard, le Comité fait observer que ce problème avait déjà été soulevé lors de l'examen du deuxième rapport périodique du Luxembourg en 1997, et que dans une motion adoptée par la suite, la Chambre des députés luxembourgeoise avait entrepris d'élaborer, à titre prioritaire, un amendement en ce sens.

23. Le Comité recommande au Gouvernement de prendre d'urgence toutes les mesure nécessaires pour faciliter l'amendement de la Constitution de façon à respecter les dispositions de l'article 2 de la Convention. Il recommande en outre, une fois la Constitution modifiée, de fixer un calendrier de révision de l'ensemble de la législation afin de l'aligner sur la Constitution telle qu'amendée. Il souligne que cette révision s'impose pour mettre en lumière l'importance de l'amendement de la Constitution sur l'égalité entre les sexes et permettre des recours internes effectifs. Le Comité souligne l'importance cruciale de ces recours compte tenu de l'entrée en vigueur prochaine du Protocole facultatif à la Convention.

24. Le Comité s'inquiète de ce que, malgré l'engagement pris par le Gouvernement dans son Plan d'action 2000 sur l'application de la Déclaration et du Programme d'action de Beijing, aucun progrès n'ait été réalisé concernant le retrait des réserves relatives à l'article 7 (transmission héréditaire de la couronne par ordre de primogéniture mâle) et à l'alinéa g) de l'article 16 (droit de choisir le nom de famille des enfants). Le Comité s'inquiète du manque de volonté de la part du Gouvernement d'influer sur les traditions et les mentalités de façon à pouvoir retirer cette dernière réserve.

25. Le Comité engage le Gouvernement à prendre des mesures pour modifier l'article 3 de la Constitution, le Grand Duc ayant donné son accord à un amendement en ce sens. Il engage également le Gouvernement à lancer des campagnes de sensibilisation et d'information visant à faire évoluer l'image traditionnelle et stéréotypée de l'un et l'autre sexe, ce qui lui permettrait de retirer sa réserve concernant l'article 16.

26. Le Comité s'inquiète de la persistance de conceptions traditionnelles et stéréotypées du rôle et des responsabilités des hommes et des femmes dans la vie publique et privée. Ces conceptions se retrouvent dans le comportement des gens, de même que dans la législation et les politiques, et empêchent les femmes de jouir pleinement des droits que leur garantit la Convention.

27. Le Comité engage le Gouvernement à intensifier ses efforts de sensibilisation en s'appuyant sur la législation, les politiques et des projets spécifiques, afin de dépasser les comportements stéréotypés, de mettre l'accent sur le partage des responsabilités familiales entre hommes et femmes, et de faire comprendre l'importance de la pleine participation des femmes à la vie publique et économique.

28. Le Comité s'inquiète de l'apparent anachronisme, dans un pays comme le Luxembourg, de certaines lois imposant par exemple à une femme veuve ou divorcée d'attendre 300 jours avant de se remarier, ou encore de la législation régissant l'avortement. Il s'inquiète en particulier de voir que le Gouvernement ne semble guère disposé à revoir et adapter cette législation en fonction de l'évolution des mentalités et des nouvelles réalités dans la région de l'Europe.

29. Le Comité engage le Gouvernement à prendre l'initiative voulue en la matière et à élaborer un programme législatif global pour modifier les lois en question.

30. Le Comité s'inquiète de l'inégalité des chances sur le marché du travail, qu'illustre le faible pourcentage de femmes (37 %) dans la population active, l'écart de salaire entre hommes et femmes, le fait que les femmes sont plus nombreuses que les hommes à travailler à temps partiel, la ségrégation sur le marché du travail et les stéréotypes qui dépeignent les hommes comme les gagne-pain et les soutiens de famille, et les femmes essentiellement comme les mères et gardiennes du foyer. Le Comité s'inquiète aussi du fait que l'on ne comprend pas suffisamment bien les causes structurelles qui perpétuent l'écart entre les salaires, le travail des femmes étant considéré comme ayant moins de valeur que celui des hommes.

31. Le Comité engage le Gouvernement à entreprendre des études sur les causes de l'écart de rémunération afin d'obtenir une meilleure base lors de la négociation de conventions salariales collectives. Il le prie également d'analyser les projets en cours pour accroître la participation des femmes au marché du travail, afin de pouvoir en utiliser les résultats pour élaborer des politiques et une législation permettant de consolider les acquis des femmes dans ce domaine.

32. Le Comité trouve préoccupant que, bien que l'on s'attende à ce qu'une loi concernant le harcèlement sexuel sur le lieu de travail soit adoptée prochainement, il n'existe toujours aucune législation portant spécifiquement sur la violence familiale.

33. Le Comité engage le Gouvernement à élaborer des politiques et une législation visant à prévenir et éliminer la violence familiale et la violence sexuelle, y compris le viol de femmes et de petites filles, et à poursuivre les délinquants. Il engage l'État partie à recueillir des statistiques sur la violence dans la famille et des informations complètes sur l'impact des mesures de lutte contre ce phénomène. Il recommande de même au Gouvernement de rassembler des informations supplémentaires sur l'impact de la loi sur la traite des personnes et l'exploitation sexuelle des enfants.

34. Le Comité demande au Gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations détaillées sur l'article 2, concernant les femmes et la santé; compte tenu de la recommandation générale 24 du Comité, ces informations devraient comporter des données sur la consommation de tabac chez les femmes et les maladies liées à cette consommation.

35. Le Comité engage vivement le Gouvernement à déposer dans les meilleurs délais son instrument d'acceptation de l'amendement au paragraphe 1 de l'article 20 de la Convention concernant le calendrier de réunion du Comité.

36. Il exhorte de même le Gouvernement à ratifier le Protocole facultatif à la Convention.

37. Le Comité demande au Gouvernement luxembourgeois d'inclure dans son prochain rapport périodique des informations touchant les sujets de préoccupation soulevés dans les présentes conclusions.

38. Le Comité demande que le texte des présentes conclusions soit diffusé largement au Luxembourg afin d'informer la population, en particulier les membres de l'administration et le personnel politique, des mesures prises pour garantir l'égalité de jure et de facto des femmes, et des mesures supplémentaires à prendre dans ce domaine. Il prie également le Gouvernement de continuer à diffuser largement la Convention, son Protocole facultatif, les recommandations générales du Comité, ainsi que la Déclaration et le Programme d'action de Beijing, tout particulièrement auprès des associations de femmes et des organisations de défense des droits de l'homme.



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