University of Minnesota



Observations finales du Comité sur l
'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, République de Corée, U.N. Doc. A/53/38/Rev.1,paras.347-386 (1998).



Comité pour l'élimination
de la discrimination à l'égard des femmes
Dix-neuvième session
22 juin au 10 juillet 1998

République de Corée

Le Comité a examiné les troisième et quatrième rapports périodiques de la République de Corée (CEDAW/ C/KOR/3 et CEDAW/C/KOR/4) à ses 400e et 401e séances, le 7 juillet 1998 (voir CEDAW/C/SR.400 et 401).

Présentation par l'État partie

La représentante a indiqué que le quatrième rapport avait été établi par un organe consultatif comprenant les représentants de 25 organisations non gouvernementales et 7 spécialistes des politiques en faveur des femmes et que la République de Corée avait ratifié l'amendement à l'article 20 de la Convention en août 1996.

La ratification de la Convention avait eu un impact considérable sur la vie des femmes coréennes. Les observations faites par les membres du Comité sur le deuxième rapport en 1993 avaient largement contribué à l'application de politiques en faveur des femmes, en particulier en ce qui concerne la participation des femmes à la prise de décisions et l'élimination des lois instituant une discrimination fondée sur le sexe en matière de nationalité.

La représentante a présenté plusieurs réformes juridiques importantes, notamment la loi de 1987 sur l'égalité des chances en matière d'emploi, la loi de 1991 sur la protection de la mère et de l'enfant, la loi de 1993 sur la répression de la violence sexuelle et la protection des victimes, la loi de 1995 sur la promotion de la femme et la loi de 1997 sur la prévention de la violence au foyer et la protection des victimes. La loi sur la nationalité avait été modifiée en 1997 et la République de Corée retirera bientôt les réserves qu'elle avait formulées sur l'article 9.

La représentante a évoqué les efforts faits par le Gouvernement pour faire largement connaître la Convention, notamment en organisant, en 1994, un colloque à l'occasion du dixième anniversaire de la ratification de la Convention par le pays et en publiant en 1996 des annotations de la Convention.

Depuis février 1998, le Gouvernement s'employait, à titre prioritaire, à promouvoir les droits des femmes comme partie intégrante des droits de la personne. Il avait mis en place la Commission présidentielle des affaires féminines et établi un plan directeur des politiques en faveur des femmes (1998-2002), le but étant d'accroître la participation des femmes dans tous les secteurs de la société coréenne. Le Gouvernement envisageait également de porter la proportion des femmes dans les comités gouvernementaux à 30 % d'ici à 2002.

La représentante a indiqué que la quatrième Conférence mondiale sur les femmes avait eu un impact considérable et que le Programme d'action de Beijing avait largement contribué à démarginaliser encore les femmes. Comme suite à la Conférence, le Gouvernement avait défini 10 domaines d'action prioritaires pour la promotion de la femme, dont la multiplication des structures d'accueil pour les enfants, l'amélioration des services d'aide maternelle et la création d'un réseau d'information pour les femmes.

La représentante a souligné qu'il était indispensable que les femmes participent davantage à la politique si l'on voulait améliorer le statut social de la femme et favoriser la démocratisation de la société. Un système avait été mis en place en 1995 pour faciliter le recrutement, chaque année, d'un certain nombre de femmes dans le secteur public, la proportion des femmes fonctionnaires devant passer de 10 % en 1996 à 20 % d'ici à 2000.

À propos de l'incidence de la crise économique et ses effets négatifs potentiels sur les femmes coréennes, en particulier sur les ménages à faible revenu dirigés par des femmes, la représentante a indiqué que le Gouvernement comptait intensifier ses efforts pour mettre en place un filet de sécurité pour ces familles afin de prévenir l'effondrement de la cellule familiale. Il renforcerait également ses programmes de promotion des activités économiques des femmes.

La représentante a indiqué que l'égalité des sexes en matière de recrutement, de placement et de promotion n'avait pas encore été réalisée et que, si la législation et la réglementation visant à assurer l'égalité des chances en matière d'emploi étaient déjà en place, l'entrée des femmes sur le marché du travail n'avait pas été aussi rapide qu'on l'espérait.

En conclusion, la représentante a indiqué que l'idéologie confucianiste entravait toujours la pleine réalisation de l'égalité des sexes; néanmoins, les traditions du passé finiraient par céder le pas à l'égalité totale des sexes, à la démocratie représentative et à la prospérité partagée. Elle s'est dite convaincue que fortes de la protection égale dont elles jouissaient en vertu de la loi, les femmes coréennes deviendraient des partenaires dans le processus d'édification de la nation et joueraient le rôle qui leur revient dans la renaissance mondiale caractérisée par l'égalité des sexes au XXIe siècle.

Conclusions du Comité

Introduction

Le Comité salue la délégation de haut niveau de la République de Corée et félicite le Gouvernement coréen d'avoir établi ses rapports, en particulier le quatrième rapport périodique, bien structuré et global, qui est généralement conforme aux directives du Comité et qui fournit toute une série d'informations et de données sur la situation des femmes en Corée. Ce rapport traduit également la volonté politique et le ferme engagement du Gouvernement en faveur de la promotion de la femme. Le Comité se félicite que le Gouvernement ait répondu de manière détaillée aux questions posées par les experts. Il note avec satisfaction que des organisations non gouvernementales ont participé à l'établissement des rapports.

Aspects positifs

Le Comité se félicite des mesures vigoureuses prises par le Gouvernement en faveur de la promotion des femmes ainsi que des mesures prises pour intégrer une démarche soucieuse d'équité entre les sexes dans les politiques et programmes.

Le Comité se félicite de la création et du renforcement des organismes nationaux chargés de l'amélioration de la condition de la femme, qui sont très dynamiques, en particulier la Commission présidentielle des affaires féminines.

Le Comité se félicite de la collaboration étroite entre le Gouvernement et les ONG en vue de la lutte contre la violence au foyer par le biais de l'adoption de lois sur la protection des victimes allant de pair avec la création de centres de prévention de la violence sexuelle et de la violence au foyer et de la protection des victimes, de la mise en place de centres d'accueil d'urgence et de l'organisation de campagnes de sensibilisation visant à encourager la signalisation de cas de violences au foyer et d'autres formes de harcèlement sexuel et l'intervention de la part des autorités.

Le Comité note avec satisfaction les efforts faits par le Gouvernement pour appliquer le Programme d'action de Beijing grâce à l'élaboration d'un plan national pour la promotion des femmes et à la définition de 10 domaines prioritaires à cet égard. Le Comité se félicite de l'adoption en 1995 de la loi sur la promotion de la femme et de la création du Fonds pour la promotion de la femme, doté de 70 millions de dollars, pour financer l'application du Programme d'action de Beijing et du Plan de promotion des femmes.

Le Comité se félicite de l'adoption et de la révision de diverses lois et instruments juridiques visant à adapter la législation nationale à la Convention. Il s'agit notamment de la loi sur la prévention de la violence au foyer et la protection des victimes de 1998 et de la loi sur la promotion de la femme de 1995, qui visent à aborder les questions d'égalité entre les sexes de manière globale. Le Comité se félicite également des amendements apportés en 1997 à la loi sur la nationalité et de l'information selon laquelle le Gouvernement envisage de retirer sa réserve à l'article 9 de la Convention.

Le Comité félicite le Gouvernement pour les diverses politiques, stratégies et mesures adoptées dans les domaines économique et social et souligne en particulier les résultats obtenus dans le domaine de l'enseignement, notamment l'introduction d'une formation professionnelle non traditionnelle pour les femmes.

Le Comité se félicite que la discrimination à l'égard des femmes soit définie dans plusieurs articles de la Constitution et dans la loi sur l'égalité des chances en matière d'emploi de 1989. Il se félicite également que les allocations de maternité versées aux femmes qui ont un emploi et les indemnités octroyées à certaines catégories de salariées pour compenser le fait qu'elles sont défavorisées ne soient pas considérées comme discriminatoire.

Facteurs entravant l'application de la Convention

Le Comité note que la crise économique et les politiques et prises de position du FMI aggravent la situation des Coréennes.

Le Comité note la persistance des valeurs masculines paternalistes et des stéréotypes traditionnels concernant le rôle des femmes. Malgré les amendements au Code civil, des dispositions discriminatoires sont toujours en vigueur, notamment l'interdiction des mariages entre personnes ayant le même nom.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Le Comité est préoccupé par les réserves que le Gouvernement coréen a formulées au sujet de la Convention.

Le Comité exhorte le Gouvernement à réexaminer les réserves qu'il a formulées au sujet de la Convention en vue de les retirer avant l'an 2000.

Le Comité est préoccupé par le fait que le rapport ne fournit pas suffisamment de renseignements concernant l'impact que les lois et politiques ont sur la vie des femmes.

Le Comité recommande que les rapports suivants fournissent des renseignements détaillés sur l'application des lois et politiques. Il recommande également qu'ils comprennent une analyse comparative des progrès accomplis depuis l'établissement des rapports précédents, s'appuyant notamment sur des données statistiques ventilées par sexe.

Le Comité note avec préoccupation que, bien que la Constitution contienne une définition de la discrimination, cette définition n'englobe pas une discrimination qui aurait le but ou les effets spécifiés à l'article premier de la Convention. Il note également que la loi de 1989 sur l'égalité des chances en matière d'emploi ne contient pas une définition complète de la discrimination qui inclue la discrimination fondée sur la religion, les convictions politiques, l'âge ou un éventuel handicap.

Le Comité recommande d'intégrer dans la Constitution et dans toutes les lois pertinentes une définition de la discrimination s'inspirant de celle qui figure à l'article premier de la Convention. Il recommande également au Gouvernement de diffuser des informations, de mettre en place des services d'aide juridique et de prendre toutes les mesures nécessaires pour inculquer aux femmes des notions élémentaires de droit. Il recommande enfin d'accélérer l'instauration de la Commission nationale des droits de l'homme et d'assurer des voies de recours en cas de pratiques discriminatoires.

Le Comité est préoccupé par le fait que la violence à l'égard des femmes reste omniprésente dans la société coréenne.

Le Comité recommande au Gouvernement d'intensifier ses efforts pour lutter contre la violence à l'égard des femmes, notamment en adoptant des mesures systématiques, en particulier en sensibilisant les membres de l'appareil judiciaire, les professionnels de la santé et les responsables de l'application des lois au problème de la parité entre les sexes. Il recommande également la création de foyers dotés des ressources nécessaires et la transmission de modèles de règlement des conflits par la non-violence au travers de l'éducation et des médias.

Le Comité est préoccupé par la sous-représentation des femmes dans la politique et dans les structures de décision, y compris dans le système judiciaire, et souligne qu'il importe de créer un climat politique favorable à la promotion de la femme dans tous les secteurs de la vie publique et privée.

Le Comité recommande que le Gouvernement renforce son soutien aux mesures visant à développer la représentation et l'éducation des femmes dans le domaine politique, à sensibiliser le public aux fonctions d'animatrices des femmes, à continuer de favoriser le système des objectifs et des quotas, à introduire des mesures en faveur de l'application du quota minimum de 30 % de femmes dans les partis politiques et à élaborer des politiques visant à augmenter la représentation des femmes dans le système judiciaire. Il recommande également au Gouvernement d'encourager le secteur privé à appliquer des quotas, en particulier dans les secteurs traditionnellement réservés aux hommes.

Le Comité note avec inquiétude la situation des femmes sur le marché du travail et souligne l'importance de ce problème, compte tenu de la crise économique qui frappe actuellement l'Asie et de ses conséquences pour la situation des femmes. Il est préoccupé par les faits suivants :

a) Harcèlement sexuel sur le lieu de travail;

b) Insuffisance de la protection sociale des travailleuses dans le secteur privé;

c) Ségrégation des emplois et concentration de femmes dans les emplois féminins traditionnels;

d) Manque de débouchés pour les femmes hautement qualifiées et écart des salaires entre les femmes et les hommes;

e) Soutien insuffisant aux femmes chefs d'entreprise, en particulier dans les secteurs traditionnellement réservés aux hommes;

f) Situation des femmes, en particulier des femmes âgées, dans le secteur agricole et dans les zones rurales;

g) Licenciements prématurés et augmentation du travail à temps partiel pour les femmes.

Le Comité fait les recommandations suivantes :

a) Présentation de données statistiques sur le nombre croissant de travailleurs à temps partiel dans le cadre de régimes de sécurité sociale;

b) Mise en pratique du principe «à travail égal, salaire égal» et reconnaissance du travail non rémunéré des femmes;

c) Accès des travailleuses du secteur privé à la même sécurité sociale que dans le secteur public, y compris en étendant la pratique du congé de maternité au secteur privé, afin de réduire l'écart entre les conditions de travail dans ces deux secteurs;

d) Ratification des Conventions de l'OIT, en particulier des Conventions 110 et 111;

e) Élimination des avis de recrutement comportant des restrictions quant au sexe;

f) Campagnes d'information et programmes de formation visant à encourager les gens à signaler et à combattre le harcèlement sexuel sur le lieu de travail.

Le Comité se déclare préoccupé par la situation des femmes rurales, en particulier par leur sous-représentation aux postes de décision et de haute responsabilité dans les secteurs public et privé.

Le Comité encourage le Gouvernement à accorder la plus grande attention aux besoins des femmes rurales et à veiller à ce qu'elles tirent profit des politiques et des programmes adoptés dans tous les domaines, y compris la reconnaissance de leur statut d'employées agricoles devant bénéficier des droits conférés par la loi sur les conditions de travail et leur accès à la prise de décisions, aux services de santé et aux services sociaux. Par ailleurs, le Comité recommande que plus d'études soient entreprises sur la situation des femmes rurales et que davantage de données statistiques soient recueillies pour étayer le choix des politiques dans ce domaine. Il recommande également au Gouvernement de faciliter l'accès des femmes rurales au crédit.

Autres sujets de préoccupation :

a) Statut et rôle du mécanisme national, y compris la Commission des affaires féminines, ses pouvoirs et son budget;

b) Le fait que l'âge minimum du mariage n'est pas le même pour les femmes et pour les hommes;

c) Taux élevé des avortements;

d) La discrimination créée par les lois successorales;

e) Insuffisance des données fournies par le rapport sur le nombre de femmes ayant recours aux services de santé, en particulier pour le sida et les maladies sexuellement transmissibles.

Le Comité recommande au Gouvernement coréen de fournir dans son prochain rapport périodique des renseignements sur les mesures qui ont été prises pour répondre à ces préoccupations.

Le Comité recommande au Gouvernement coréen d'accorder une attention spéciale à la reconnaissance du droit des femmes invalides à la sécurité sociale, prévu par le régime d'assurance chômage de 1955, et de persister dans sa politique de mise en place de programmes variés pour les femmes âgées, notamment pour la promotion de leur santé, malgré la crise économique actuelle.

Le Comité recommande au Gouvernement de s'employer particulièrement à préserver les femmes de l'impact de la crise économique actuelle et, si nécessaire, de prendre des mesures spéciales à cet effet.

Le Comité demande que ces conclusions soient largement diffusées en République de Corée afin que le peuple coréen, et en particulier le Gouvernement, les responsables de l'administration et les hommes politiques, sachent quelles mesures ont été prises pour garantir l'égalité de fait entre les sexes et quelles mesures complémentaires sont encore nécessaires. Par ailleurs, il demande au Gouvernement de continuer de diffuser largement, en particulier auprès des organisations féminines et des organismes des droits de l'homme, la Convention, les recommandations générales du Comité, ainsi que la Déclaration et le Programme d'action de Beijing.



Page Principale || Traités || Recherche || Liens