University of Minnesota



Observations finales du Comité pour l
'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Jamaïque, U.N. Doc. A/56/38,paras.195-233 (2001).



Comité pour l'élimination
de la discrimination à l'égard des femmes
Vingt-quatrième session
15 janvier-2 février 2001


Jamaïque

195.Le Comité a examiné les deuxième, troisième et quatrième rapports périodiques combinés de la Jamaïque (CEDAW/C/JAM/2-4) à ses 502e et 503e séances, le 26 janvier 2001 (voir CEDAW/C/SR. 502 et 503).


a) Présentation par l'État partie

196. En présentant le rapport, la représentante de la Jamaïque a informé le Comité de certains des défis d'ordre juridique, politique, social et économique que son pays devait relever pour appliquer la Convention. Les problèmes qui se posaient aux niveaux national et mondial étaient multiples et la situation des femmes était, à bien des égards, influencée par les réalités auxquelles faisait face l'ensemble de la population actuellement.

197. La représentante a reconnu l'importance de la législation nationale et de la protection des droits des femmes et noté qu'en ce qui concerne l'exercice de ces droits, le système juridique de son pays fonctionnait dans un contexte marqué par des attitudes traditionnelles à l'égard des femmes. Pour mettre fin aux stéréotypes, remédier aux déséquilibres et aux inégalités et harmoniser les lois avec les normes internationales, une révision globale de la législation touchant les femmes et les enfants avait été engagée.

198. Bien que de nombreuses femmes soient titulaires de titres universitaires de haut niveau, celles-ci demeuraient largement sous-représentées aux postes d'influence, de direction et de décision. S'il est vrai que certaines femmes occupent des postes importants dans l'administration, la représentation équitable des femmes dans le domaine politique n'était pas encore une réalité. De même, les femmes étaient plutôt sous-représentées aux postes de décision dans le secteur privé. La représentante a indiqué que l'éducation était le premier moyen permettant de changer les attitudes stéréotypées concernant les rôles assignés à chaque sexe et que la probabilité pour les femmes de poursuivre leurs études s'était améliorée, en particulier au niveau de l'enseignement supérieur. Cependant, les femmes éprouvaient toujours des difficultés à trouver un emploi à la mesure de leurs qualifications.

199. La représentante a présenté les programmes élaborés par son gouvernement pour lutter contre la pauvreté, la violence à l'égard des femmes, la prostitution et la propagation du VIH/sida et indiqué en particulier les progrès réalisés dans les domaines de l'éducation et de la santé. Toutefois, tous ces efforts pâtissaient des politiques d'ajustement structurel, de la mondialisation et de l'endettement croissant. Elle a estimé que pour appliquer de nouvelles politiques, le Gouvernement avait besoin de l'appui de la société civile, notant qu'un nombre accru d'organisations non gouvernementales, y compris le National Women's Political Caucus (Comité politique des femmes), participaient à la vie publique.

200. Notant que la pauvreté touchait tous les aspects de la vie des femmes, la représentante a indiqué que les programmes de lutte contre la pauvreté étaient une priorité nationale. Plusieurs programmes à l'intention des femmes des zones rurales et urbaines et des employées de maison, que la représentante a présentées comme étant les personnes les plus marginalisées dans l'économie, avaient été mis en oeuvre par le Bureau of Women's Affairs (Service des affaires féminines). Le Gouvernement s'attachait à assurer une plus grande intégration des femmes dans le secteur du tourisme, tout en suivant de près les aspects négatifs associés à ce secteur, notamment le tourisme sexuel, la prostitution et l'exploitation sexuelle des jeunes filles.

201. Dans le secteur de la santé, les taux de mortalité maternelle et infantile avaient considérablement baissé et des politiques de prévention du cancer étaient appliquées. La prévention des maladies sexuellement transmissibles avait été intégrée aux services de planification familiale et un service d'assistance mis en place pour fournir des conseils et un appui. La représentante a noté que, malgré les progrès notables réalisés dans le domaine de la santé des femmes, le VIH/sida était devenu une question à laquelle l'attention devrait être accordée d'urgence au niveau national. Les femmes contractaient le virus à un rythme plus rapide que les hommes et les jeunes constituaient le groupe d'âge qui semblait courir les plus hauts risques.

202. La représentante a indiqué que des efforts avaient été entrepris pour faire face à la question de la violence dans la famille et des autres formes de violence fondée sur le sexe. Les statistiques montraient qu'il existait une corrélation entre l'incidence des meurtres et la violence dans la famille. Plusieurs mesures avaient été prises par les institutions pour lutter contre la violence dans la famille et les autres formes de violence fondée sur le sexe, notamment les sévices sexuels et l'inceste, et le Gouvernement accordait des subventions financières aux organisations non gouvernementales qui fournissaient des services dans ce domaine. L'éducation et la sensibilisation de la population étaient considérées comme des moyens essentiels de lutter contre la violence et plusieurs lois visant la violence fondée sur le sexe faisaient l'objet d'une révision. Parmi celles-ci, on peut citer la loi sur la violence dans la famille (Domestic Violence Act), la loi sur les infractions à l'encontre des personnes (Offences Against the Persons Act) et la loi portant répression de l'inceste (Incest Punishment Act). Par ailleurs, un projet de loi contre le harcèlement sexuel était en cours d'examen.

203. Pour conclure, la représentante a informé le Comité que les programmes d'ajustement structurel, la mondialisation et l'endettement croissant continuaient d'influer sur l'évolution de la situation dans le pays. Réaliser les objectifs de justice et d'équité était une gageure en raison du chômage, de l'absence de croissance et de la féminisation de la pauvreté. L'une des priorités du Gouvernement était d'axer les efforts sur les membres les plus marginalisés et les plus démunis de la société, en particulier les femmes et les enfants, afin de leur permettre d'être autonomes et de faire des choix. La représentante a fait observer que la Jamaïque traversait une période de transition et était en quête de nouvelles stratégies pour relever les défis actuels. Elle a réaffirmé l'engagement pris par son gouvernement d'honorer ses obligations au titre de la Convention et son intention de ratifier le Protocole facultatif.


b) Conclusions du Comité

204. Le Comité félicite le Gouvernement jamaïcain d'avoir présenté ses deuxième, troisième et quatrième rapports périodiques combinés conformément aux directives du Comité concernant l'établissement de rapports périodiques. Il le félicite également pour des réponses approfondies fournies aux questions posées par le Groupe de travail de présession et pour l'exposé oral présenté par la délégation qui visait à clarifier la situation actuelle des femmes en Jamaïque et qui a fourni des renseignements supplémentaires concernant l'application de la Convention.

205. Le Comité se félicite du dialogue franc qui a eu lieu entre la délégation et ses membres.


Aspects positifs

206. Le Comité félicite le Gouvernement jamaïcain d'avoir oeuvré avec les organismes des Nations Unies et les organisations régionales et sous-régionales à l'élaboration de plans d'action nationaux et internationaux sur les femmes. Il se félicite de la volonté politique dont n'a cessé de faire preuve la Jamaïque pour appliquer les programmes nationaux et régionaux en vue de renforcer les plans d'action visant à améliorer la condition de la femme.

207. Le Comité félicite le Gouvernement d'avoir fait preuve de sa volonté politique d'appliquer la Convention, ainsi que de ses efforts visant à réviser et modifier sa législation pour honorer ses obligations au titre de la Convention.

208. Le Comité félicite le Gouvernement de son intention de signer et de ratifier le plus tôt possible le Protocole facultatif à la Convention.

209. Il se félicite du fait que le Gouvernement ait retiré la réserve qu'il avait émise concernant le paragraphe 2 de l'article 9 de la Convention au moment de la ratification.


Obstacles à l'application de la Convention

210. Le Comité note que les attitudes stéréotypées profondément enracinées concernant le rôle des femmes et des hommes, ainsi que la persistance de la violence fondée sur le sexe dans la société, constituent des obstacles à l'application intégrale de la Convention.


Principaux sujets de préoccupation et recommandations

211. Le Comité exprime sa préoccupation à l'égard de la lenteur du processus de réforme des dispositions discriminatoires de la législation en vigueur. Il s'inquiète également de ce que la Constitution, qui affirme l'égalité de tous les citoyens, ne prévoie pas de voies de recours pour les femmes.

212. Le Comité recommande que la Constitution soit amendée de façon que les femmes disposent de voies de recours constitutionnelles. Il exhorte le Gouvernement à engager les procédures législatives nécessaires pour faire amender la Constitution de manière à mettre en place un cadre juridique permettant d'assurer la conformité de l'appareil législatif avec les dispositions de la Convention. Il engage le Gouvernement à amender les textes législatifs en vigueur et à en adopter de nouveaux en vue de garantir des droits égaux aux hommes et aux femmes dans les domaines du travail, de la protection sociale, de la famille et de la propriété.

213. Le Comité est préoccupé par le fait que la loi jamaïcaine régissant la délivrance des passeports dispose qu'une femme mariée ne peut conserver son nom de jeune fille sur son passeport que si elle insiste pour ce faire ou pour des raisons professionnelles et que, dans ces deux cas, il doit être fait mention dans son passeport et du nom de son mari et de sa qualité de femme mariée.

214. Le Comité invite le Gouvernement à mettre la loi sur les passeports en conformité avec les dispositions de l'alinéa g) du paragraphe 1 de l'article 16 de la Convention.

215. Le Comité est préoccupé de ce que la loi relative aux congés de maternité de 1979 ne s'applique pas au personnel domestique. Il est également préoccupé par l'écart entre les conditions d'octroi de prestations au personnel domestique en vertu du régime national d'assurance et les autres catégories de personnel féminin relevant de la loi relative au congé de maternité.

216. Le Comité engage l'État partie à réviser la loi de 1979 sur le congé de maternité de manière à assurer, conformément aux normes internationales, que le congé de maternité soit rémunéré. Il engage également l'État partie à revoir la loi relative au congé de maternité ainsi que le régime national d'assurance en vue d'en éliminer toute disparité dans les conditions d'octroi des prestations entre le personnel domestique et les autres catégories de personnel féminin.

217. Le Comité s'inquiète de la persistance d'attitudes et de modèles de comportement stéréotypés concernant le rôle des femmes et des hommes dans la famille et dans la société.

218. Le Comité engage le Gouvernement à lancer des campagnes de sensibilisation en vue de modifier les stéréotypes et comportements discriminatoires concernant le rôle des femmes et des filles.

219. Le Comité note avec préoccupation que le Gouvernement n'est pas entièrement familiarisé avec toute la gamme des mesures temporaires spéciales prévues par le paragraphe 1 de l'article 4 de la Convention.

220. Le Comité exhorte le Gouvernement à mettre en place toute la gamme des mesures temporaires spéciales en vue d'augmenter le nombre des femmes associées à la prise de décisions à tous les niveaux, ainsi que dans les secteurs public et privé. Il recommande au Gouvernement de sensibiliser les partenaires sociaux à l'importance de ces mesures.

221. Le Comité est préoccupé par le fait que le système actuel de suivi des mesures d'intégration des femmes par l'entremise de coordonnateurs n'est pas efficace et que la structure requise n'a pas été mise en place.

222. Le Comité engage le Gouvernement à adopter des mesures de promotion des femmes dans tous les ministères, institutions et administrations et note que la responsabilité ne doit pas en reposer exclusivement sur le Service des affaires féminines. Il recommande que le Service des affaires féminines soit chargé de surveiller les efforts de promotion de la femme dans toutes les activités de l'administration. Il demande que le prochain rapport présente des informations plus détaillées sur la liste de vérification pour la surveillance du traitement des femmes.

223. Le Comité s'inquiète du taux élevé de grossesses parmi les adolescentes.

224. Le Comité invite l'État partie à améliorer ses programmes et politiques en matière de planification familiale et de santé de la reproduction, notamment en facilitant l'accès tant des femmes que des hommes à des moyens de contraception modernes d'un prix abordable. Il encourage le Gouvernement à promouvoir des programmes d'éducation sur les droits en matière de procréation et sur un comportement sexuel responsable parmi les femmes et les hommes, et tout particulièrement les jeunes.

225. Le Comité s'inquiète de la persistance de la violence à l'égard des femmes et de la violence familiale, et notamment des viols conjugaux. Il s'inquiète également du taux élevé d'inceste et de viol et du fait que le Gouvernement n'a pas de stratégie globale en vue de cerner et d'éliminer la violence fondée sur le sexe.

226. Le Comité exhorte le Gouvernement à attribuer un degré élevé à l'adoption de mesures contre la violence faite aux femmes dans la famille et dans la société, conformément à la recommandation générale 19 et à la Déclaration sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes. Il recommande au Gouvernement de sensibiliser la population à la question de la violence à l'égard des femmes et le prie instamment de renforcer les activités et programmes de lutte contre la violence sexuelle, les crimes sexuels, l'inceste et la prostitution, tout particulièrement la prostitution associée au tourisme. Il exhorte le Gouvernement à ratifier la Convention interaméricaine sur la prévention, la répression et l'élimination de la violence à l'égard des femmes en vue de renforcer ses programmes dans ce domaine.

227. Le Comité s'inquiète du taux élevé de pauvreté qui caractérise un certain nombre de segments de la population féminine, et notamment les ménages dirigés par une femme. Il reconnaît que les programmes d'ajustement structurel et l'évolution de la situation mondiale ont eu un impact négatif sur ces ménages.

228. Le Comité prie le Gouvernement de lui fournir des compléments d'information sur les programmes et projets mis en oeuvre en vue de lutter contre l'impact négatif qu'ont sur les femmes les programmes d'ajustement structurel et de veiller à ce que ces politiques d'élimination de la pauvreté se poursuivent sans interruption et ne conduisent pas à une marginalisation supplémentaire des femmes.

229. Le Comité s'inquiète des conditions de travail des ouvrières dans les zones de libre-échange commercial.

230. Le Comité prie instamment le Gouvernement de faire adopter des lois assurant la protection des droits des travailleurs dans les zones de libre-échange commercial.

231. Le Comité engage également le Gouvernement à signer et ratifier le Protocole facultatif à la Convention. Il l'engage également à déposer l'instrument portant acceptation de l'amendement du paragraphe 1 de l'article 20 de la Convention relatif aux réunions du Comité.

232. Le Comité prie le Gouvernement de fournir dans son prochain rapport des données, statistiques et informations plus détaillées sur tous les aspects de la situation des femmes en Jamaïque et de répondre, dans son prochain rapport périodique au titre de l'article 18 de la Convention, aux préoccupations exprimées dans les présentes conclusions.

233. Le Comité demande que le texte des présentes conclusions soit largement diffusé en Jamaïque de façon à informer la population jamaïcaine, et notamment les membres de l'administration et le personnel politique, des mesures prises en vue de garantir l'égalité de droit et de fait entre hommes et femmes, ainsi que des mesures supplémentaires adoptées dans ce domaine. Il prie également le Gouvernement de continuer à assurer une large publicité, notamment parmi les organisations de femmes et les organisations de défense des droits de l'homme, à la Convention et à son Protocole facultatif, aux recommandations générales du Comité, à la Déclaration et au Programme d'action de Beijing et aux conclusions de la vingt-troisième session extraordinaire de l'Assemblée générale intitulée « Les femmes en l'an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXIe siècle ».



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