University of Minnesota



Observations finales du Comité sur l
'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Italie, U.N. Doc. A/52/38/Rev.1,PartIIparas.322-364 (1997).



Comité sur l'élimination de la
discrimination à l'égard des femmes


Italie

322. Le Comité a examiné les deuxième et troisième rapports périodiques de l'Italie (CEDAW/C/ITA/2 et 3) À sa 346e séance, le Comité a été informé que son Bureau avait dérogé à la règle générale qui veut que les documents officiels soient publiés à la fois dans toutes les langues de travail du Comité et accepté d'examiner le document CEDAW/C/ITA/3 dans sa version éditée en langue anglaise. à ses 346e et 347e séances, le 15 juillet 1997 (voir CEDAW/C/SR.346 et 347).

323. En présentant les rapports, la représentante de l'Italie a déclaré que l'action en faveur de la promotion de la femme en Italie reposait essentiellement sur l'intégration et la responsabilisation, les disparités entre les sexes étant considérées comme un atout, et non comme un obstacle. À l'heure actuelle, les femmes en Italie recherchaient la liberté, l'indépendance et l'épanouissement personnel et ne voulaient plus être enfermées dans des rôles sociaux et familiaux stéréotypés.

324. La représentante de l'Italie a noté que les femmes italiennes avaient atteint de hauts niveaux d'instruction et s'inséraient de plus en plus sur le marché du travail. Paradoxalement, le fait que les femmes soient de plus en plus nombreuses à travailler entraînait un taux de chômage élevé chez elles, car elles ne se contentaient plus de leur rôle traditionnel de ménagère.

325. Il était à regretter que la culture masculine et les structures fondamentales de la société n'aient pas suivi le rythme de l'évolution des femmes et que les hommes se soient parfois activement opposés à l'émancipation des femmes.

326. La représentante a signalé que les principes de base de l'action gouvernementale en faveur de la promotion de la femme étaient énoncés dans la Directive du Premier Ministre, promulguée le 7 mars 1997. La Directive, qui visait l'administration publique à tous les niveaux — de la nation aux collectivités locales — avait été élaborée à l'issue de vastes consultations et d'un débat parlementaire et donnait pour mission à tous les ministres de mettre en oeuvre le Programme d'action de Beijing.

327. La représentante de l'Italie a fait savoir au Comité que l'Italie traversait actuellement une période de réforme sociale et prenait les mesures de convergence nécessaires pour entrer dans l'Union monétaire européenne. Ces mesures pouvant être préjudiciables aux femmes, il était essentiel de se préoccuper — et l'Italie s'en préoccupait activement — d'intégrer les considérations liées aux sexospécificités dans la réforme sociale.

328. La représentante a appelé l'attention sur les mesures qui avaient été prises en Italie pour réduire les heures de travail et créer des emplois, y compris au niveau communautaire, et pour favoriser l'esprit d'entreprise chez les femmes, notamment par l'octroi de prêts assortis de conditions favorables.

329. La représentante a indiqué que les femmes avaient encore la charge d'être les principales dispensatrices de soins dans la société italienne, mais que certains faits montraient qu'aujourd'hui les hommes prenaient leurs responsabilités à cet égard. Elle a précisé que le Gouvernement appliquait une politique et des mesures qui visaient à renforcer cette évolution : c'est ainsi que, pour faciliter la création de services de garderies d'enfants, des avantages fiscaux, notamment sous forme de crédits d'impôt, étaient offerts aux organisations à but non lucratif. En outre, un projet de loi sur le congé parental était en préparation, et des mesures étaient prises pour assouplir les rythmes de travail. La représentante a aussi mentionné l'initiative novatrice des "banques du temps", le plus souvent gérées par des femmes, qui permettaient l'échange de compétences et de services dans les communautés.

330. Un projet de loi avait été élaboré pour lutter contre la violence à l'égard des femmes dans la famille et une commission avait été mise en place pour enquêter sur les actes de torture, y compris les viols, qui auraient été commis par des soldats italiens pendant la mission de paix de 1993 en Somalie. La représentante a relevé que les femmes italiennes avaient participé activement aux missions de maintien de la paix menées au Moyen-Orient, en ex-Yougoslavie et en Albanie et que l'entrée des femmes dans les forces armées italiennes avait donné l'occasion de redéfinir le rôle des forces armées dans le pays.

331. La représentante a indiqué que les femmes restaient sous-représentées dans les postes de décision et que ce problème serait réglé dans le cadre des mesures prises pour responsabiliser les femmes en général. En revanche, les femmes étaient maintenant bien représentées dans ces postes aux niveaux local et municipal. Leur représentation était particulièrement forte dans les municipalités du sud, y compris en Sicile.

332. La représentante a informé le Comité que des campagnes d'éducation, fondées sur le modèle d'une société pluriculturelle, étaient menées en Italie pour lutter contre le racisme et la xénophobie. Cela ne suffisait pas pour éduquer la prochaine génération, aussi fallait-il faire en sorte que les uns et les autres apprennent à se connaître.

333. La représentante a conclu que, même s'il restait beaucoup à faire pour appliquer la Convention en Italie, l'égalité était formellement établie dans le pays. Même s'il fallait encore faire des efforts pour l'établir concrètement, elle était convaincue que la combinaison des mesures d'intégration et de responsabilisation permettrait d'y parvenir. À cet égard, elle a souligné que le féminisme et le mouvement féminin avaient déjà transformé la société italienne et que la responsabilisation des femmes entraînerait d'autres changements positifs.

Conclusions du Comité

Introduction

334. Le Comité a rendu hommage au Gouvernement italien pour le haut niveau de sa délégation dirigée par le Ministre de l'égalité des chances, qui témoignait de la volonté de l'État partie d'appliquer la Convention et de l'intérêt qu'il portait aux travaux du Comité.

335. Le Comité a pris note avec satisfaction des deuxième et troisième rapports de l'Italie qui étaient très étoffés et très détaillés et témoignaient d'une grande sincérité. Les deux rapports, mais surtout le troisième, dénotaient une approche novatrice tournée vers l'avenir et, complétés par la présentation orale, expliquaient la logique qui sous-tendait les politiques et les priorités du Gouvernement. Au demeurant, le Comité se déclarait déçu de n'avoir reçu que tardivement le troisième rapport, ce qui a empêché tous les membres d'en faire un examen approfondi à l'avance.

336. Le Comité a relevé avec satisfaction la qualité de la présentation orale des rapports et des réponses fournies, qui appelaient à la réflexion et tenaient scrupuleusement compte des détails et des nuances des questions posées. La présentation orale permettait aussi de faire porter la réflexion sur la notion d'égalité des sexes et donnait un tableau statistique complet de la situation des femmes dans la société italienne.

Aspects positifs

337. Le Comité s'est félicité de la création par le gouvernement en place du Ministère de l'égalité des chances, qui est chargé de la coordination, et a rendu hommage à ce ministère qui redouble d'efforts pour intégrer les femmes dans la vie juridique, institutionnelle et sociale de l'Italie. À cet égard, il a tout spécialement fait l'éloge de la Directive promulguée le 7 mars par le Premier Ministre, qui met l'accent sur les problèmes spécifiques aux femmes dans toute une série d'activités.

338. Le Comité a noté avec satisfaction les efforts constants que le Gouvernement italien faisait pour mettre en place une législation contre la discrimination. À cet égard, il s'est félicité de la présentation récente au Parlement d'un projet de loi concernant la violence dans la famille qui complétait la loi de 1996 sur la lutte contre la violence. C'étaient là des initiatives qui traduisaient la volonté du Gouvernement d'assurer la protection des droits de la femme et de lutter contre les formes de violence dont elles sont victimes.

339. Le Comité s'est aussi félicité des efforts de sensibilisation que le Gouvernement déployait pour éliminer la xénophobie et le racisme dans la société italienne. Il a pris note avec satisfaction des efforts visant à promouvoir le rôle de la femme dans les opérations de maintien de la paix menées dans différentes régions du monde. À cet égard, il a relevé avec satisfaction la volonté de faire la lumière sur les actes de violence que des soldats italiens auraient perpétrés contre des femmes lors d'une mission de maintien de la paix, et les mesures prises à cette fin.

340. Le Comité a noté avec satisfaction que le Ministère de l'égalité des chances se proposait et s'efforçait d'assurer l'intégration des femmes dans la réforme sociale en cours, en cessant de privilégier la situation de l'homme-soutien de famille pour remédier à l'injustice dont sont victimes les femmes et mieux répondre aux besoins des personnes âgées, en particulier des femmes.

341. Le Comité s'est félicité des progrès remarquables faits par les femmes italiennes dans les domaines de l'éducation et du travail, qui avaient beaucoup contribué à leur indépendance économique et à leur égalité de facto à de nombreux égards.

342. Le Comité était heureux de constater que le Gouvernement s'employait à promouvoir l'esprit d'entreprise chez les femmes grâce à l'octroi de facilités de crédit ainsi qu'à la surveillance et à la coordination des activités de différents organismes publics et privés dans ce domaine.

343. Le Comité a approuvé le caractère humain et progressiste des dispositions de la loi italienne sur l'immigration, et surtout celles qui visaient à protéger les droits des femmes immigrantes.

Facteurs et difficultés affectant l'application de la Convention

344. Le Comité a noté que les fortes différences et inégalités, d'ordre culturel, social et économique, qui subsistaient entre le nord et le sud du pays constituaient des obstacles majeurs à l'application de la Convention et à l'instauration d'une égalité de fait dans la société italienne.

345. Le Comité a estimé qu'un autre obstacle grave s'opposant à l'application de la Convention en Italie tenait à la féminisation de la pauvreté, attestée par les données selon lesquelles plus de 60 % des familles dirigées par une femme vivent au-dessous du seuil de pauvreté.

Principaux sujets de préoccupation

346. Le Comité a exprimé sa préoccupation quant à l'insuffisance des efforts déployés pour lutter contre les stéréotypes par l'éducation ou par d'autres moyens d'atteindre le public. Il s'est déclaré profondément inquiet de ce qu'aucune initiative importante n'ait été prise pour supprimer les stéréotypes des manuels scolaires et du matériel pédagogique ou pour mettre en lumière le rôle des femmes et leur contribution à l'histoire.

347. Le Comité s'est déclaré préoccupé par la persistance des normes et des stéréotypes patriarcaux dans la société italienne et notamment par le peu d'attention accordée à cette question dans les politiques officielles et par les responsables. La position de l'Italie qui souhaite "utiliser les ressources propres des femmes" et les mesures prises en ce sens ont été considérées par le Comité comme susceptibles de renforcer et de valoriser les stéréotypes concernant le rôle des femmes, et donc d'empêcher la concrétisation de l'égalité.

348. Le Comité a noté avec une profonde inquiétude que le nombre de femmes occupant des postes politiques et de responsabilité restait très limité et que leur participation à la vie politique avait diminué ces dernières années. Après avoir souligné l'importance de la présence de femmes à ces postes, le Comité a exprimé la crainte que le Gouvernement n'ait contribué à cette situation en jugeant inutile d'adopter des objectifs chiffrés et des quotas.

349. Le Comité a déploré en outre l'absence de programmes destinés à sensibiliser le public, en particulier la police, les magistrats et les professionnels de la santé, à la situation et aux besoins des victimes d'actes de violence au sein de la famille. Faute d'une telle sensibilisation, la législation destinée à lutter contre la discrimination et contre la violence à l'égard des femmes ne permettra pas de combattre efficacement la discrimination indirecte et de garantir la notification précise et la poursuite systématique en justice de toutes les formes de violence à l'égard des femmes.

350. Le Comité s'est inquiété de l'absence de données ventilées par sexe en ce qui concerne le travail à temps partiel. Il a insisté sur le fait qu'il importait de suivre de près cette question et de tenir à jour des statistiques indiquant combien de femmes travaillaient à temps partiel, car ce paramètre contribuait à la discrimination indirecte quand elles étaient particulièrement nombreuses à le faire.

351. Le Comité a noté avec préoccupation que les tâches familiales étaient inégalement réparties et qu'elles étaient assumées principalement par les femmes, notamment dans le sud du pays. Il a noté aussi qu'aucun programme, initiative, ou autre forme d'action n'était mis en oeuvre pour inciter les hommes à assumer une part équitable des tâches domestiques et des soins aux enfants et aux personnes âgées.

352. Le Comité a déploré qu'il n'existe pas de statistiques ou d'études sur l'origine d'un certain nombre de problèmes de santé concernant les femmes. Il a noté avec une vive inquiétude que selon certaines études, l'incidence du cancer du poumon chez les femmes augmentait. Il a noté aussi que les accouchements par césarienne étaient très fréquents et que les femmes n'avaient pas recours aux techniques de détection précoce comme la mammographie et les frottis vaginaux, sans que l'on ait expliqué ce phénomène dans le rapport. En outre, on ne disposait pas de données dans le domaine de la médecine du travail et des maladies professionnelles.

353. Le Comité s'est déclaré particulièrement préoccupé du nombre limité de services pratiquant des avortements dans le sud de l'Italie : un grand nombre de médecins et d'agents hospitaliers s'y refusaient en effet au nom de l'objection de conscience.

354. À propos des réformes sociales qui tendaient à faire en sorte que l'homme ne soit plus le seul soutien économique, pour donner aux femmes leur autonomie et les sortir d'une dépendance financière humiliante, le Comité s'est inquiété de ce qu'elles comportent un risque réel pour certaines catégories de femmes : celles qui étaient restées au foyer et n'avaient pas touché de salaire, celles dont la carrière avait été interrompue par les maternités ou par d'autres tâches et les femmes âgées qui n'étaient plus capables de gagner leur vie.

Suggestions et recommandations

355. Le Comité a recommandé que le Gouvernement italien maintienne et renforce les mesures qu'il avait prises pour émanciper les femmes et intégrer les problèmes liés à l'égalité des sexes. Il souhaitait que des actions correctives reposant sur des objectifs chiffrés et des quotas soient mises en oeuvre, notamment dans le domaine de la vie publique pour les postes politiques et de responsabilité où l'égalité n'avait pas progressé au rythme souhaité.

356. Le Comité a instamment prié le Gouvernement italien de prendre des mesures à grande échelle pour éliminer les stéréotypes extrêmement répandus, en particulier dans le sud, sur le rôle des hommes et des femmes, en faisant comprendre au public l'importance d'une répartition équitable des rôles et des tâches au sein de la famille. Il était essentiel que les manuels scolaires et le matériel pédagogique soient révisés pour en éliminer ces stéréotypes.

357. Le Comité a recommandé que l'Italie élargisse la législation en vigueur et promulgue éventuellement de nouvelles lois pour lutter efficacement contre la discrimination indirecte. Il a souligné l'importance des mesures destinées à sensibiliser les juges, les avocats et le personnel chargé de l'application des lois à ce phénomène ainsi qu'aux obligations internationales contractées par l'Italie, notamment dans le cadre de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

358. Le Comité a demandé en outre au Gouvernement de présenter des informations détaillées évaluant l'impact de la législation et des politiques relatives à l'égalité des femmes et à la lutte contre la discrimination pour le prochain rapport que l'Italie soumettra au Comité.

359. Le Comité a instamment prié le Gouvernement italien de lancer des campagnes de sensibilisation à la violence domestique et à ses diverses manifestations (sexuelles, physiques, etc.) afin de protéger les droits fondamentaux des femmes et des fillettes au sein de la famille. Il a recommandé en particulier que des mesures soient prises pour encourager les femmes à porter plainte en cas de violence et que des mécanismes soient mis en place pour que ces plaintes soient traitées avec efficacité et dans les meilleurs délais. Il a recommandé que les professionnels de la santé reçoivent une formation au traitement et à la gestion des cas de violence familiale. Le Comité a également recommandé l'adoption de mesures visant à accroître le nombre de foyers d'accueil destinés aux victimes d'actes de violence familiale dans toute l'Italie.

360. Le Comité a recommandé vivement que le Gouvernement prenne des mesures pour que les femmes, surtout dans le sud du pays, puissent exercer leurs droits en matière de reproduction, entre autres, pour leur donner accès à des services d'avortement sans risques dans les hôpitaux publics.

361. Le Comité a instamment prié le Gouvernement italien de prendre les dispositions nécessaires pour que les ONG participent à l'établissement du prochain rapport au Comité.

362. Le Comité a recommandé à l'Italie, qui est membre de l'Union européenne, de prendre des initiatives concrètes pour encourager l'Union à accepter la Convention en tant que déclaration fondamentale des droits de la femme.

363. Le Comité a recommandé que l'Italie veille à ce que toutes les femmes disposent d'un revenu suffisant et que les maris et les pères soient obligés d'assurer leur soutien financier. Il a aussi recommandé que le Gouvernement adopte des mesures pour assurer le respect de l'obligation de versement des pensions alimentaires et d'une part équitable des avoirs matrimoniaux, notamment des mesures qui permettent aux tribunaux d'annuler les dispositions qui ont pour but ou pour effet de dissimuler des avoirs et des revenus et privent donc les femmes des ressources auxquelles elles ont droit.

364. Le Comité a demandé au Gouvernement italien de diffuser largement les présentes conclusions dans tout le pays afin que chacun soit au courant des mesures qui sont prises en application de la Convention et de celles qui restent à prendre pour que les femmes parviennent à une égalité de fait.



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