University of Minnesota



Observations finales du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Iraq, U.N. Doc. CEDAW/C/IRQ/CO/4-6 (2014).


 

Iraq

Observations finales concernant le rapport uniquevalant quatrième à sixième rapports périodiques *

Le Comité a examiné les quatrième à sixième rapports périodiques présentés en un seul document de l’Iraq (CEDAW/C/IRQ/4-6) lors de ses 1197e et 1198e réunions, le 18 février 2014 (voir CEDAW/C/SR.1197 et 1198). La liste des questions du Comité figure dans le document CEDAW/C/IRQ/Q/4-6 et les réponses du Gouvernement iraquien dans le document CEDAW/C/IRQ/Q/4-6/Add.1.

A.Introduction

Le Comité sait gré à l’État partie de la soumission des quatrième à sixième rapports périodiques présentés en un seul document. Il remercie l’État partie pour ses réponses écrites aux questions soulevées par le groupe de travail présession. Il se félicite de la présence de la délégation de l’État partie et du dialogue constructif engagé, ainsi que de la présentation orale et des précisions apportées par la délégation aux questions posées oralement par le Comité.

Le Comité félicite l’État partie pour sa délégation de haut niveau dirigée par la Ministre d’État à la condition de la femme, Mme Ibtehal Yaser. La délégation comptait également dans ses rangs le Secrétaire général du Haut Conseil aux affaires féminines dans la région du Kurdistan, et des représentants de divers ministères, du Secrétariat général du Conseil des Ministres et du gouvernement régional du Kurdistan.

B.Aspects positifs

* Adoptés par le Comité de sa cinquante-septi ème session (10-28 février 2014).

Le Comité salue les progrès enregistrés dans un contexte particulièrement difficile depuis l’examen en 2000 des deuxième et troisième rapports périodiques de l’État partie (CEDAW/C/IRQ/2-3) dans la mise en œuvre des réformes législatives, et notamment l’adoption de :

a)La loi no 28 (2012) sur la lutte contre la traite des personnes;

b)La loi no 23 (2011) sur la lutte contre l’analphabétisme;

c)La loi no 8 (2011) sur la violence intrafamiliale dans la région du Kurdistan.

Le Comité se félicite de l’adoption par l’État partie des politiques suivantes :

a)La stratégie nationale de lutte contre la violence à l’égard des femmes (2013 2017), en mars 2013;

b)La stratégie de lutte contre la violence à l’égard des femmes (2012 2016) dans la région du Kurdistan, en novembre 2012;

c)Le plan national sur les droits de l’homme (2010-2014).

Le Comité salue par ailleurs la levée par l’État partie de sa réserve à l’article 9 de la Convention en application de la loi no 33 (2011).

Le Comité apprécie que l’État partie ait ratifié, durant la période qui a suivi l’examen du précédent rapport, les instruments internationaux suivants ou y ait adhéré :

a)La Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2013;

b)La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en 2011;

c)La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, en 2010;

d)Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants; le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés, en 2008;

e)La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, en 2008; le Protocole additionnel visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, en 2009; le Protocole additionnel contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, en 2009.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Conseil des représentants, conseils provinciaux et parlement régional du Kurdistan

Le Comité souligne le rôle crucial du pouvoir législatif dans la mise en œuvre pleine et effective de la Convention (voir la déclaration du Comité sur ses relations avec les parlementaires, adoptée lors de la quarante-cinquième session, en 2010) . Il invite le Conseil des représentants et le parlement régional du Kurdistan, dans le cadre de leur mandat respectif, à prendre les mesures nécessaires en vue de mettre en œuvre les présentes observations finales dès à présent et jusqu’à la soumission du prochain rapport périodique au titre de la Convention .

Contexte général

Le Comité salue les efforts et l’engagement de l’État partie en faveur de la consolidation de la paix et du développement durable. Il fait observer que, depuis la chute de l’ancien régime en 2003 et la fin du régime des sanctions, l’État partie connaît une période difficile, marquée par l’instabilité politique, le renforcement des divisions sectaires et ethniques ainsi que par la montée de l’extrémisme religieux. Il constate avec préoccupation que, depuis la fin de l’année 2012, ces facteurs entraînent un accroissement de la violence et des niveaux élevés d’insécurité, au détriment des droits et des libertés fondamentaux des femmes et des hommes dans l’État partie, et, pour finir, une augmentation du nombre de victimes civiles. Il relève le démantèlement du secteur de la sécurité de l’État partie après la chute de l’ancien régime ainsi que les efforts entrepris pour reconstituer ce secteur. Il constate néanmoins avec préoccupation que l’État partie a pris des mesures visant à renforcer le rôle des services de sécurité, qui ont abouti à une impunité généralisée étant donné qu’elles ne prévoyaient pas de mécanismes de responsabilisation et qu’elles n’accordaient pas l’attention nécessaire au respect de l’état de droit. Le Comité est particulièrement préoccupé par cette situation, ainsi que par la corruption généralisée, qui ont contribué à une augmentation de la violence à l’égard des femmes de la part des acteurs étatiques ou non et au renforcement des attitudes traditionnelles et patriarcales qui entravent l’exercice par les femmes et les filles de leurs droits.

Conformément à sa recommandation générale n o 30 sur les femmes dans la prévention des conflits, les conflits et les situations d’après conflit, le Comité demande à l’État partie :

a) D’adopter un cadre de réforme global pour renforcer les capacités des forces de sécurité qui tienne compte des disparités entre les sexes, répondant aux besoins des femmes et axé sur le respect plein et entier des droits de l’homme et de l’état de droit; de faire en sorte que la réforme du secteur de la sécurité soit soumise à une surveillance et que des mécanismes de responsabilisation prévoyant des sanctions soient en place;

b) D’assurer le respect de l’état de droit et d’engager une réforme de la magistrature de façon à garantir l’indépendance, l’impartialité et l’intégrité de cette dernière et faire en sorte que la justice soit rendue efficacement et sans délai, selon une approche sensible aux disparités entre les sexes;

c) De mettre en place, à titre prioritaire, des mesures pour lutter efficacement contre la corruption et l’impunité et pour s’acquitter de son obligation d’agir avec la diligence voulue pour prévenir la violence infligée aux femmes et aux filles par des acteurs étatiques et non étatiques, d’ouvrir des enquêtes sur ce type de violence et d’en poursuivre et punir les auteurs;

d) De donner une formation systématique en matière de droits fondamentaux, en mettant notamment l’accent sur les droits des femmes, à toutes les personnes responsables de l’application des lois, aux militaires et aux autres membres des forces armées qui participent à des opérations de sécurité; d’instaurer et de faire respecter un code de conduite strict afin de garantir efficacement le respect des droits fondamentaux .

Les femmes et la paix et la sécurité

Le Comité accueille avec satisfaction les renseignements fournis par la délégation de l’État partie au sujet de l’approbation par le Gouvernement du projet de plan d’action national visant à mettre en œuvre la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité. Il constate néanmoins avec préoccupation que le projet dans sa forme actuelle n’aborde pas tous les aspects de la participation des femmes au processus de réconciliation nationale. Il est en outre préoccupé par le fait que, même si un bureau spécial pour les femmes a été établi au sein du Comité de réconciliation nationale, la participation des femmes au Comité se limite aux activités de sensibilisation.

Le Comité demande instamment à l’État partie de garantir la participation effective et significative des femmes aux processus décisionnels au sein du Comité de réconciliation nationale . Il lui demande en outre d’établir un calendrier précis pour la finalisation du projet de plan d’action national visant à mettre en œuvre la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité, en coopération avec la région du Kurdistan et des représentantes d’organisations de femmes et, dans le cadre de ce projet, de veiller à :

a) Prendre en considération toutes les priorités adoptées en ce qui concerne les femmes et la paix et la sécurité, telles qu’elles figurent dans les résolutions 1820 (2008) , 1888 (2009) , 1889 (2009) et 2122 (2013) du Conseil;

b) Intégrer un modèle d’égalité réelle conforme à la Convention, qui aura une incidence non seulement sur la violence à l’égard des femmes, mais aussi sur la vie des femmes dans tous ses aspects et lutter contre les formes convergentes de discrimination auxquelles les femmes, dont les veuves, les déplacées à l’intérieur de leur pays et les réfugiées, sont exposées;

c) Établir un budget tenant compte de la problématique hommes-femmes, définir des indicateurs pour le suivi régulier de sa mise en œuvre et prévoir des mécanismes de responsabilisation .

Femmes et filles réfugiées, rapatriées ou déplacées à l’intérieur de leur pays

Le Comité est préoccupé par le nombre croissant de réfugiés, en particulier des femmes et des filles, en provenance de la République arabe syrienne auxquels l’État partie doit garantir une protection fondamentale et un accès aux services de base. Il constate avec préoccupation que le cadre juridique national actuel relatif aux réfugiés est limité. Le Comité relève les mesures prises par le Ministère des déplacements et des migrations pour faire face à la situation de nombreux Iraquiens rapatriés ou déplacés à l’intérieur de leur pays, mais il constate avec préoccupation que ces mesures ne prennent pas en compte les risques et les besoins particuliers des différents groupes de femmes et de filles rapatriées ou déplacées à l’intérieur de leur pays.

Conformément à sa recommandation générale n o 30 sur les femmes dans la prévention des conflits, les conflits et les situations d’après conflit, le Comité recommande à l’État partie :

a) De veiller à ce que la satisfaction des besoins d’assistance humanitaire immédiate et de protection des femmes rapatriées, réfugiées ou déplacées à l’intérieur de leur pays s’accompagne de stratégies à long terme de promotion de leurs droits socioéconomiques et leur offre des possibilités de subsistance, de meilleurs moyens de décider de leur avenir et de participer, de se prendre en charge et de choisir des solutions durables répondant à leurs besoins;

b) De prendre en compte les risques et les besoins particuliers des différents groupes de femmes rapatriées, réfugiées ou déplacées à l’intérieur de leur pays, qui sont soumises à des formes multiples et convergentes de discrimination;

c) D’adhérer à la Convention relative au statut des réfugiés (1951) et à son Protocole (1967) ainsi qu’à la Convention sur la réduction des cas d’apatridie (1961); de modifier la législation nationale en conséquence afin de renforcer la protection des réfugiés, des demandeurs d’asile et des apatrides .

Réserves

Le Comité note qu’une commission mixte composée de membres de ministères et de représentants de la société civile compétents a été établie et chargée d’examiner les réserves de l’État partie à l’article 2 f) et g) et à l’article 16 de la Convention.

Le Comité prie instamment l’État partie de redoubler d’efforts pour lever ses réserves à l’article 2 f) et g) et à l’article 16 de la Convention, en tenant compte de la déclaration du Comité sur les réserves (adoptée lors de la dix-neuvième session, en 1998) .

Cadre constitutionnel et lois discriminatoires

Le Comité constate que l’État partie a adopté une nouvelle Constitution en 2005. Il relève avec préoccupation les contradictions existantes au sein du cadre constitutionnel, comme les divergences entre les articles 14 et 41. Il s’inquiète notamment du fait que :

a)Malgré l’abrogation de facto de l’article 41 de la Constitution, l’instabilité politique, les tensions sectaires et le renforcement des attitudes patriarcales traditionnelles dans l’État partie pourraient conduire, dans la pratique, à son application au détriment des droits des femmes, étant donné que cet article prévoit l’introduction de différentes lois sur le statut personnel en fonction des diverses doctrines religieuses présentes dans l’État partie;

b)Le projet de loi Jaafari sur le statut personnel, qui reste à discuter et éventuellement à adopter par le Conseil des représentants, contient des dispositions discriminatoires à l’égard des femmes, comme celles qui fixent l’âge minimum du mariage à 9 ans pour les filles, en violation de la Convention;

c)Des dispositions discriminatoires à l’égard des femmes qui subsistent dans les articles 41, 128, 377, 380, 398, 409 et 427 du Code pénal [loi no 111 (1969)], dans le Code de procédure pénale [loi no 23 (1971)] et dans la loi sur le statut personnel [no 188 (1959)];

d)Des lacunes subsistent dans la législation de l’État partie, comme l’absence de dispositions pénales spécifiques sur la violence à l’égard des femmes;

e)Des directives du Ministère de l’intérieur contiennent des dispositions discriminatoires ayant trait aux conditions d’obtention d’un passeport pour les femmes et à la liberté de circulation de ces dernières.

Le Comité recommande à l’État partie ce qui suit :

a) Reprendre les travaux du Comité de révision constitutionnelle et abroger l’article 41 en vue de garantir l’égalité entre les femmes et les hommes, conformément à la Convention et à l’article 14 de la Constitution;

b) Retirer immédiatement le projet de loi Jaafari sur le statut personnel;

c) Abroger toutes les dispositions discriminatoires à l’égard des femmes contenues dans le Code pénal, le Code de procédure pénale et dans d’autres textes de loi, règlements et directives, et prendre des mesures en vue de créer un environnement non discriminatoire dans la loi et dans les faits, conformément aux précédentes recommandations du Comité (voir A/55/38 , partie II; par . 181);

d) Réexaminer le projet de loi sur la violence intrafamiliale, en vue de garantir que les auteurs de violences à l’égard des femmes soient punis, et harmoniser le Code pénal et le Code de procédure pénale en conséquence;

e) Interdire l’application des dispositions discriminatoires à l’égard des femmes qui figurent dans les directives du Ministère de l’intérieur de manière à garantir le respect de la décision n o 7/1/3/ 2711 (2004) du Secrétariat général du Conseil des ministres, qui lève les restrictions à la liberté de circulation des femmes, et assurer l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes concernant les conditions d’obtention d’un passeport .

Mécanismes nationaux de promotion de la femme

Le Comité prend note de la création du Ministère d’État à la condition de la femme en 2004 et du Haut Conseil aux affaires féminines dans la région du Kurdistan en 2009, en plus de celle de groupes de la parité des sexes dans plusieurs ministères. Il note que tant le Ministère d’État à la condition de la femme que le Haut Conseil aux affaires féminines de la région du Kurdistan ont élaboré des stratégies de promotion de la femme qui doivent encore être approuvées. Le Comité est préoccupé par le fait que le Ministère d’État à la condition de la femme n’a pas de portefeuille ministériel et qu’aucun crédit budgétaire spécifique ne lui a été alloué pour lui permettre de s’acquitter de son mandat de mécanisme national de promotion de la femme.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter sans plus tarder la stratégie nationale pour la promotion de la femme ainsi que celle pour la région du Kurdistan;

b) De veiller au bon fonctionnement du Ministère d’État à la condition de la femme en le dotant d’un portefeuille ministériel; de lui allouer des ressources humaines, techniques et financières suffisantes; de renforcer sa capacité d’influer sur la formulation, l’élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques; de renforcer son rôle de coordination à tous les niveaux de l’exécutif, en particulier au niveau ministériel;

c) D’établir un calendrier précis pour consolider et renforcer les capacités du Ministère d’État à la condition de la femme et du Haut Conseil aux affaires féminines dans la région du Kurdistan ainsi que la coordination entre eux et d’allouer des ressources humaines, techniques et financières suffisantes au Haut Conseil aux affaires féminines de la région du Kurdistan .

Institutions nationales des droits de l’homme

Le Comité note la création de la Haute Commission iraquienne des droits de l’homme, conformément à la loi no 53 (2008), et du Conseil indépendant des droits de l’homme dans la région du Kurdistan [loi no 4 (2010)]. Il relève également que le mandat de la Haute Commission lui permet de recevoir des plaintes individuelles et de mener des enquêtes préliminaires sur des violations des droits de l’homme. Cependant, le Comité est préoccupé par la non application de l’arrêt no 42 (2012) de la Cour suprême fédérale disposant que le nombre de femmes siégeant à la Commission devait être de cinq (un tiers du total des membres). Il relève en outre avec inquiétude que l’indépendance de la Haute Commission pourrait être compromise en raison d’intérêts politiques et des difficultés rencontrées pour élire son président et son vice-président.

Le Comité rappelle à l’État partie qu’il lui incombe de veiller à ce que la Haute Commission iraquienne des droits de l’homme soit pleinement conforme aux Principes concernant le statut des institutions nationales de défense et de promotion des Droits de l'homme (Principes de Paris), en particulier pour ce qui est de son indépendance . Il invite instamment l’État partie à faire en sorte que soit appliqué l’arrêt n o 42 (2012) de la Cour suprême fédérale sur la représentation des femmes parmi les membres de la Commission, conformément à la loi n o 53 (2008) .

Mesures temporaires spéciales

Le Comité regrette l’absence d’informations détaillées concernant les mesures temporaires spéciales mises en place dans l’État partie pour accélérer la concrétisation d’une égalité réelle entre les hommes et les femmes dans tous les domaines visés par la Convention, en particulier l’éducation, l’emploi et la santé.

Le Comité recommande à l’État partie de mieux faire comprendre la notion de mesures temporaires spéciales et l’usage qui peut en être fait, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à la recommandation générale n o 25, dans le cadre d’une stratégie dont dépend la concrétisation d’une égalité réelle entre hommes et femmes, en particulier pour les groupes de femmes désavantagées, telles que les veuves, dans des domaines comme l’éducation, l’emploi et la santé .

Stéréotypes et pratiques préjudiciables

Le Comité est préoccupé par la persistance d’attitudes patriarcales et de stéréotypes profondément ancrés concernant les rôles et responsabilités des femmes qui sont discriminatoires à l’égard de ces dernières et perpétuent leur subordination dans la famille et la société, phénomènes qui ont été exacerbés par les divisions sectaires et religieuses dans l’État partie. Le Comité est profondément préoccupé par :

a)La forte prévalence de pratiques préjudiciables qui sont discriminatoires à l’égard des femmes, telles que les mariages d’enfants, les mariages temporaires et les crimes commis au nom de « l’honneur »;

b)Les dispositions discriminatoires du Code pénal [loi no 111 (1969)] qui permettent aux auteurs de ces crimes d’invoquer la défense de l’honneur comme circonstance atténuante (art. 128, 130 et 131);

c)Le faible nombre de poursuites engagées devant les tribunaux, malgré l’adoption d’une législation abrogeant les arrangements accordés aux auteurs de crimes commis au nom de « l’honneur » [loi no 14 (2002)] dans la région du Kurdistan, les meurtres de femmes étant généralement enregistrés comme des décès de cause inconnue ou des suicides;

d)Les informations faisant état d’un nombre anormalement élevé de cas d’auto immolation dans la région du Kurdistan;

e)Le nombre de cas de mutilations génitales féminines dans la région du Kurdistan, en particulier dans les régions rurales, alors que cette pratique est érigée en infraction [loi no 8 (2011)] et que, selon la délégation de l’État partie, elle recule dans la région du Kurdistan.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’adopter une stratégie globale pour éliminer toutes les pratiques et tous les stéréotypes préjudiciables, en particulier les mariages d’enfants, les mariages temporaires et les crimes commis au nom de « l’honneur », conformément aux articles 2 et 5 de la Convention, stratégie comportant des activités de sensibilisation visant le grand public, les médias et les dirigeants religieux et communautaires, menées en collaboration avec la société civile et les organisations de femmes;

b) D’abroger les articles 128, 130 et 131 du Code pénal pour faire en sorte que les auteu rs de crimes commis au nom de « l’honneur » ne puissent invoquer la défense de l’honneur comme circonstance atténuante .

Le Comité recommande par ailleurs à la région du Kurdistan :

a) De mettre un terme à l’impunité en c as de crimes commis au nom de « l’honneur » en prenant entre autres des mesures pour améliorer les méthodes d’enquête sur ces crimes afin que les auteurs puissent être convenablement identifiés, poursuivis et punis;

b) De renforcer ses activités de sensibilisation et d’éducation des femmes et des hommes, avec le concours de la société civile, afin d’éliminer la pratique des mutilations génitales féminines ainsi que ses justifications culturelles sous-jacentes, et de faire appliquer les dispositions législatives qui l’interdisent .

Violence à l’égard des femmes

Le Comité prend note de l’adoption de la Stratégie nationale de lutte contre la violence à l’égard des femmes en Iraq (2013-2017). Il salue l’adoption, dans la région du Kurdistan, de la loi no 8 (2011) sur la violence intrafamiliale et d’une stratégie pour combattre la violence à l’égard des femmes dans la région du Kurdistan (2012-2016). Le Comité est toutefois préoccupé par l’ampleur de la violence subie par les femmes dans l’État partie et par le fait que la violence intrafamiliale est considérée comme normale en raison d’attitudes patriarcales profondément ancrées. Il est de surcroît préoccupé par les :

a)Le projet de loi sur la violence intrafamiliale, qui attend l’approbation du Conseil des ministres depuis janvier 2012 pour pouvoir être soumis au Conseil des représentants pour examen;

b)La loi no 8 (2011) de la région du Kurdistan et le projet de loi sur la violence intrafamiliale, qui concernent exclusivement la violence subie par les femmes dans la sphère privée;

c)Les règlements destinés à assurer l’application effective de la loi no 8 (2011) dans la région du Kurdistan, qui n’ont pas encore été publiés, et le retard dans la mise en place complète des comités de conciliation prévus par la loi;

d)Un certain nombre de facteurs contribuant à la sous-déclaration des cas de violence à l’égard des femmes, tels que les obstacles culturels et l’impunité des auteurs de violences ainsi que la faiblesse des ressources humaines, techniques et financières dont disposent les unités de protection familiale de la police;

e)Les refuges pour les femmes victimes de violence existant seulement dans la région du Kurdistan.

Conformément à sa recommandation générale n o 19 relative à la violence à l’égard des femmes, le Comité invite instamment l’État partie à élargir sa définition de la violence à l’égard des femmes afin qu’elle englobe les actes de violence commis à l’égard des femmes dans la sphère publique et dans la sphère privée . Il recommande à l’État partie :

a) De prier instamment le Conseil des ministres de transmettre au Conseil des représentants le projet de loi sur la violence intrafamiliale afin que ce dernier l’examine et l’adopte; et de veiller à ce que la stratégie nationale de lutte contre la violence à l’égard des femmes en Iraq (2013-2017) soit effectivement mise en œuvre;

b) De dispenser systématiquement une formation sur le projet de loi à tous les policiers travaillant dans les unités de protection familiale et de poursuivre ses efforts afin d’assurer le recrutement et le maintien en poste de femmes policiers;

c) De faire en sorte qu’il existe des refuges pour les femmes victimes de violence sur l’ensemble de son territoire afin de renforcer les services de soutien médical et psychologique aux victimes, tels que les services de consultation et de réadaptation, et de veiller à ce que ces refuges soient dotés des ressources nécessaires et à ce que la qualité des services proposés soit régulièrement contrôlée;

d) De prendre des mesures appropriées pour garantir la collecte de données ventilées sur toutes les formes de violence à l’égard des femmes .

Le Comité recommande en outre à la région du Kurdistan de prendre des mesures spécifiques :

a) Pour faire en sorte que la loi n o 8 (2011) soit effectivement mise en œuvre en publiant, entre autres, les règlements nécessaires à sa mise en application;

b) Pour élaborer des directives précisant les types de violence intrafamiliale qui pourraient être soumis aux comités de conciliation et prendre des mesures pour garantir les droits des victimes dont le cas est porté devant lesdits comités .

Traite et exploitation de la prostitution

Le Comité note la création, en 2012, du Comité supérieur de lutte contre la traite des personnes et de l’approbation en cours des instructions destinées à faciliter la mise en œuvre de la loi no 28 (2012). Il relève également l’ouverture d’un refuge pour les victimes de la traite des personnes à Bagdad. Le Comité déplore cependant le manque d’informations sur les ressources financières et humaines allouées à ce refuge et sur le type et la qualité des services qui y sont offerts. Il s’inquiète de ce que des femmes et filles deviennent souvent victimes de la traite après avoir été enlevées ou s’être vues proposer de fausses promesses de mariage ou opportunités d’emploi. Il est par ailleurs préoccupé par le manque d’informations concernant l’ampleur de la traite des êtres humains dans l’État partie. Le Comité constate avec inquiétude la criminalisation de la prostitution dans l’État partie et les peines de prison sévères, allant parfois de 15 années à la perpétuité, prononcées à l’encontre de femmes pratiquant la prostitution.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’accélérer l’approbation des instructions pour la mise en œuvre de la loi n o 28 (2012) et d’en assurer l’application effective sur l’ensemble de son territoire;

b) De mette en place des mécanismes efficaces d’enquête, de poursuite et de punition des trafiquants ainsi que d’identification précoce des victimes et de d’établir à l’intention de ces dernières des services de soutien ainsi que des mesures de protection des témoins; de compiler et analyser systématiquement les données ventilées sur la traite des femmes et des filles;

c) De mener à l’échelon national des campagnes de sensibilisation aux risques de traite, ciblant plus particulièrement les femmes et les filles, et d’assurer la formation systématique de toutes les personnes responsables de l’application des lois aux causes et aux conséquences de la traite;

d) De réviser sa législation, sa règlementation et ses décrets pertinents en vigueur, y compris la loi n o 8 (1988), le règlement n o 4 (1991) et le décret n o 234 (2001) , afin de décriminaliser la prostitution, de veiller à ce que les femmes impliquées dans l’industrie du sexe ne soient pas punies, et de leur offrir des opportunités de moyens de subsistance leur permettant de sortir de la prostitution;

e) De prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la remise en liberté immédiate de toutes les femmes purgeant une peine d’emprisonnement pour prostitution .

Participation à la vie politique et publique

Le Comité note avec satisfaction le respect, lors des élections organisées en 2010, du quota de 25 % de femmes au Conseil des représentants, inscrit dans la Constitution et dans la législation électorale [loi portant modification no 26 (2009)]. Il relève également l’instauration d’un quota de 25 % de femmes dans les conseils provinciaux en vertu de la décision no 13/T/2007 de la Cour suprême fédérale. Il salue l’adoption de mesures temporaires spéciales destinées à encourager les candidatures féminines aux prochaines élections législatives, ainsi que les informations fournies par la délégation, selon lesquelles 2 500 femmes ont été enregistrées en tant que candidates. Le Comité reste cependant préoccupé par :

a)Le taux de participation très faible des femmes à la vie politique et publique, notamment aux postes de décision à tous les niveaux de l’administration (nationale, régionale et locale), en raison de la persistance des attitudes traditionnelles et patriarcales à l’égard du rôle des femmes dans la société;

b)Le fait que les partis politiques semblent limiter leur soutien aux femmes à leur seule nomination en tant que candidates, de manière à respecter le quota des 25 %, sans leur fournir toutefois les moyens de renforcer leurs aptitudes au leadership politique;

c)La ségrégation entre les sexes au sein des commissions du Conseil des représentants, les femmes participant à celles traitant de sujets qui leur sont traditionnellement associés, tels que la santé;

d)Le fait que seul le Ministère d’État à la condition de la femme soit dirigé par une femme (sur 36 ministères au total) et le taux extrêmement faible de représentation des femmes dans les postes de décision au sein de l’exécutif;

e)La participation très limitée des femmes à l’appareil judiciaire (6 % du nombre total de juges et de procureurs), malgré les efforts de l’État partie.

Le Comité salue d’autre part l’inscription dans la loi no 10 (2009) d’un quota de 30 % de représentation féminine au parlement régional du Kurdistan et l’augmentation de la participation des femmes à l’administration de cette même région. Il s’inquiète cependant du fait que les postes décisionnels clés restent aux mains des hommes.

Le Comité invite instamment l’État partie à :

a) Poursuivre les politiques durables visant à promouvoir la participation pleine et entière des femmes aux processus décisionnels, en tant qu’exigence démocratique, dans tous les secteurs de la vie publique et politique aux plans national, régional et local, en adoptant, inter alia, des mesures temporaires spéciales, conformément à l’article 4 de la Convention et la recommandation générale n o 25 du Comité;

b) Veiller à ce que les partis politiques allouent des fonds à la promotion du leadership politique des femmes et apportent leur soutien aux candidates se présentant aux élections;

c) Mettre en œuvre des activités de sensibilisation à l’importance de la participation des femmes aux processus décisionnels, dans le but de mettre fin aux attitudes patriarcales et aux stéréotypes concernant les rôles des femmes et des hommes dans la société, en particulier dans les organes décisionnels des partis politiques;

d) Prendre les mesures nécessaires pour accroître le nombre de femmes dans la magistrature, en particulier dans les juridictions supérieures, et garantir la nomination de femmes à la Cour suprême fédérale .

Nationalité

Le Comité prend note de la promulgation de la loi no 26 (2006) sur la nationalité, qui octroie aux femmes et aux hommes iraquiens le droit de transmettre leur nationalité à leurs enfants (art. 3). Il est toutefois préoccupé par le fait que les enfants nés d’un père iraquien hors du territoire de l’État partie puissent bénéficier de la nationalité iraquienne sur la seule base de cette ascendance, alors qu’au titre de l’article 4 de la loi sur la nationalité, les enfants nés d’une mère iraquienne hors du territoire de l’État partie ne peuvent en bénéficier que si le père est inconnu ou apatride et sous réserve de l’acceptation, à sa seule discrétion, du Ministre de l’intérieur. Tout en notant que la loi no 26 (2006) permet aux femmes iraquiennes de transmettre leur nationalité à leurs époux étrangers, le Comité déplore les conditions plus strictes imposées aux époux étrangers d’Iraquiennes, qui demandent la nationalité sur la base de leur mariage (art. 11), par rapport à celles appliquées aux épouses étrangères d’Iraquiens (art. 7).

Le Comité recommande à l’État partie d’amender les dispositions discriminatoires de la loi n o 26 (2006), en l’occurrence les articles 4, 7 et 11, de manière à garantir aux femmes et aux hommes les mêmes droits s’agissant de l’acquisition, du transfert, de la conservation et du changement de leur nationalité, conformément à l’article 9 de la Convention .

Éducation

Le Comité prend note des informations fournies par la délégation de l’État partie à propos des efforts constants déployés pour intégrer les principes et valeurs des droits de l’homme, y compris l’égalité entre les femmes et les hommes, dans les programmes scolaires. Il relève également les efforts de l’État partie pour remédier au fort taux d’analphabétisme et la promulgation à cet effet de la loi no 23 (2011), mise en œuvre par l’intermédiaire d’un certain nombre de mesures telles que la création de centres d’alphabétisation au plan local. Le Comité est cependant préoccupé par :

a)Les rapports faisant état de la hausse constante du taux d’analphabétisme, en particulier chez les filles et les jeunes femmes rurales de 15 à 24 ans (33,6 %);

b)Les difficultés à évaluer dans quelle mesure les taux d’abandon scolaire dans le primaire et le secondaire ont baissé, en raison de l’absence de données ventilées par sexe, âge et situation géographique;

c)Les facteurs tels que l’insécurité sur le chemin de l’école, les longues distances à parcourir pour s’y rendre, la pauvreté et les mariages d’enfants qui entravent l’accès des filles à l’éducation;

d)L'insuffisance des crédits budgétaires alloués au secteur de l’éducation et le manque de possibilités de formation technique et professionnelle offertes aux filles.

Le Comité recommande à l’État partie de :

a) Veiller à supprimer les stéréotypes de genre durant le processus de révision des programmes et des manuels scolaires;

b) Redoubler d’efforts pour relever les taux d’alphabétisme dans le cadre de la loi n o 23 (2011), notamment chez les filles et les jeunes femmes des zones rurales, établir des cibles spécifiques assorties de délais et suive leur atteinte;

c) Prendre des mesures efficaces pour prévenir l’abandon scolaire des filles, notamment au niveau du secondaire; collecter et analyser des données ventilées par sexe, âge et situation géographique de manière à évaluer l’impact des politiques et des programmes à cet égard;

d) Lever effectivement les obstacles qui entravent l’accès des filles à l’éducation en renforçant, entre autres, la sécurité sur le chemin de l’école et en veillant à garantir la protection des écoles par les personnes responsables de l’application des lois; combattre les pratiques préjudiciables telles que les mariages d’enfants et octroyer des bourses aux jeunes filles touchées par la pauvreté;

e) Allouer suffisamment de ressources financières au secteur de l’éducation, dans le but d’en améliorer et normaliser la qualité, et d’élargir l’offre, pour les jeunes filles, de formations techniques et professionnelles dans des domaines non-traditionnels .

Emploi

Le Comité constate avec préoccupation la faible participation des femmes au secteur de l’emploi formel, en particulier dans le secteur privé où seuls 2 % du nombre total d’employés sont des femmes, le plus souvent cantonnées dans des emplois peu rémunérés et peu qualifiés. Il s’inquiète du retard dans l’adoption du projet de code du travail, compte tenu notamment du fait que cadre juridique en vigueur ne garantit pas l’égalité entre les employés femmes et hommes. Tout en notant que le harcèlement sexuel dans les lieux publics est couvert par le Code pénal, le Comité est préoccupé par l’absence de législation définissant et interdisant spécifiquement le harcèlement sexuel sur le lieu de travail. Il déplore par ailleurs le manque d’informations sur la situation des femmes travaillant dans le secteur de l’emploi informel, notamment dans le domaine agricole et du travail domestique.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’accélérer l’adoption du projet de code du travail et de veiller à ce qu’il garantisse l’égalité entre les femmes et les hommes, interdise la discrimination, et énonce le principe du salaire égal pour un travail de même valeur;

b) De promulguer une législation spécifique interdisant le harcèlement sexuel sur le lieu de travail;

c) D’adopter des mesures efficaces, y compris des mesures temporaires spéciales, afin de renforcer la participation des femmes au marché de l’emploi formel et d’éliminer la ségrégation professionnelle tant horizontale que verticale;

d) De prendre des mesures visant à protéger les femmes travaillant dans d’autres domaines du secteur informel, tels que l’agriculture et le travail domestique, conformément à la Convention, et de fournir des informations à cet égard dans le prochain rapport périodique .

Santé

Le Comité salue la diminution constante du taux de mortalité maternelle (25 pour 100 000 naissances vivantes, en 2012) dans l’État partie depuis 2003 et note les efforts déployés aux niveaux fédéral et régional pour lutter contre le cancer, par exemple la mise en place d’un dépistage pour favoriser la détection précoce. Le Comité est néanmoins préoccupé par :

a) L’augmentation régulière du nombre de cas de cancer, notamment les cancers du sein chez les jeunes femmes, en raison de la dégradation constante des conditions environnementales dans l’État partie;

b)Les conclusions des recherches indiquant que la présence de concentrations toxiques de mercure a mené à une augmentation des anomalies congénitales et des fausses couches;

c)L'insuffisance des crédits budgétaires alloués au secteur de la santé (6 % du total des dépenses publiques en 2009) et ses répercussions sur l’accès des femmes à des services de soins de santé de qualité, notamment dans les zones rurales;

d)L’accès insuffisant des femmes à la planification familiale et le recours limité aux contraceptifs en raison des attitudes patriarcales et du manque d’informations sur l’avortement et les services post-avortement.

Le Comité recommande à l’État partie de :

a) Redoubler d’efforts pour remédier aux taux élevés de cancer, en particulier de cancers du sein, en développant, inter alia, une stratégie définissant des objectifs spécifiques en coordination avec les régions et les gouvernorats, afin d’améliorer la prévention, la détection précoce, le traitement et le soutien psychologique des femmes et jeunes filles souffrant de cette maladie et en allouant des ressources financières et humaines adéquates à cet effet;

b) D’adopter des mesures spécifiques et coordonnées pour remédier à la dégradation constante des conditions environnementales, afin de réduire l’incidence des anomalies congénitales chez les enfants et des cancers et fausses couches chez les femmes;

c) D’améliorer l’accès des femmes aux structures de soins de santé et à l’assistance médicale prodiguée par du personnel formé, y compris des femmes professionnelles de santé, en particulier dans les zones rurales et éloignées;

d) De mener des campagnes de sensibilisation afin d’éradiquer les attitudes patriarcales et les croyances culturelles qui entravent le libre accès des femmes aux services de planification familiale et aux moyens contraceptifs; de veiller à ce que ces services et moyens soient disponibles, abordables et accessibles aux femmes;

e) De fournir des informations détaillées dans son prochain rapport périodique sur les motifs autorisant l’avortement et sur les services d’interruption de grossesse et post-avortement à la disposition des femmes .

Femmes rurales

Le Comité prend note des initiatives entreprises par l’État partie pour la promotion des femmes rurales. Il est cependant préoccupé par la prévalence de coutumes et de pratiques traditionnelles qui limitent le niveau de participation des femmes rurales aux programmes de développement et leur accès au crédit et les empêchent d’hériter ou d’acquérir des terres et d’autres biens. Le Comité s’inquiète également des difficultés rencontrées par les femmes rurales pour accéder aux soins de santé et aux services sociaux et participer aux processus décisionnels au niveau communautaire.

Le Comité recommande à l’État partie de :

a) Mener des campagnes de sensibilisation à l’importance de la participation des femmes rurales aux projets de développement en tant que décisionnaires et bénéficiaires;

b) Intensifier ses efforts pour répondre aux besoins des femmes rurales et faire en sorte qu’elles bénéficient d’un accès égal aux services sociaux et de santé, à l’éducation, à l’eau potable et aux services d’assainissement, au crédit, à des terres fertiles et à la propriété foncière, et à des activités génératrices de revenus .

Veuves

Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour remédier à la situation des nombreuses veuves, dont la majorité sont chefs de famille. Il est préoccupé cependant par le risque élevé encouru par les veuves d’être victimes de violence et de diverses formes d’exploitation, y compris l’exploitation sexuelle, en raison de leur situation économique et sociale précaire. Il s’inquiète du nombre extrêmement faible de veuves (environ 200 000) qui bénéficient d’un soutien économique de la part du Département de la protection sociale des femmes, alors qu’elles seraient selon les estimations 1,5 million dans l’État partie. Il est par ailleurs préoccupé par l’absence de mesures de renforcement des capacités et de possibilités d’autonomisation pour les veuves.

Le Comité invite instamment l’État partie à renforcer les capacités humaines, techniques et financières du Département de la protection sociale des femmes afin de lui permettre de remédier à la situation des veuves . Il recommande à l’État partie de :

a) Veiller à ce que les veuves perçoivent des pensions et des prestations sociales et autres suffisantes;

b) Fournir aux veuves des occasions d’améliorer leur situation, notamment par des formations professionnelles, des prêts, des services de conseils et des programmes de sensibilisation visant à mettre fin à leur stigmatisation au sein des familles et de la communauté;

c) Prendre les mesures appropriées pour protéger effectivement les veuves de la violence et de l’exploitation, notamment de l’exploitation sexuelle .

Femmes en détention

Le Comité exprime sa plus vive préoccupation devant la situation des femmes placées dans des lieux de détention dans l’État partie. Il s’inquiète tout particulièrement :

a)Des rapports faisant état de la condamnation à la peine de mort de femmes reconnues coupables de meurtre et de l’exécution de 13 femmes, entre 2005 et 2012;

b)Des informations selon lesquelles des femmes reconnues coupables d’adultère ou de prostitution purgent des peines d’emprisonnement allant de 15 ans à la perpétuité;

c)Des rapports faisant état de femmes en détention arbitraire, d’actes de tortures et de violences sexuelles dans les prisons, des obstacles rencontrés par les femmes en détention pour accéder à la justice, et de l’absence d’assistance juridique;

d)Des conditions précaires et du surpeuplement de certains établissements de détention et du manque de structures et de services de soins de santé pour les femmes détenues.

Le Comité enjoint l’État partie :

a) De décréter un moratoire sur la peine de mort, conformément aux recommandations de la communauté internationale et de suspendre l’exécution des femmes condamnées à mort;

b) De faire en sorte que les allégations de violations des droits de l’homme formulées par des détenues, s’agissant notamment des détentions arbitraires, des actes de torture et des violences sexuelles, fassent l’objet d’une enquête effective et que les auteurs soient poursuivis et dûment punis;

c) De traiter la situation des femmes en détention en élaborant des politiques, stratégies et programmes sexospécifiques et globaux, visant à faciliter leur accès à la justice et à garantir le respect du droit à un procès équitable, et à leur proposer des programmes éducatifs et de réinsertion;

d) D’améliorer les conditions dans les établissements pénitentiaires accueillant des femmes, conformément aux normes internationales, de remédier au surpeuplement carcéral et de veiller à la prestation de services de soins de santé adéquats, notamment pour les femmes enceintes .

Femmes appartenant à des minorités religieuses ou ethniques

Le Comité prend note des informations fournies par l’État partie à propos des mesures en place pour prévenir la violence ciblée à l’encontre des membres de minorités religieuses ou ethniques, en particulier des femmes. Cependant, il s’inquiète de l’impact négatif de la recrudescence de la violence et des tensions sectaires et religieuses dans l’État partie sur la vie et le bien être des femmes appartenant à des minorités religieuses ou ethniques. Le Comité est également préoccupé par l’absence d’informations détaillées concernant la situation de ces groupes de femmes, et le manque de mesures spécifiques en place pour garantir l’exercice de leurs droits.

Le Comité recommande à l’État partie de prendre des mesures préventives afin de protéger les femmes appartenant à des minorités religieuses ou ethniques de la violence de la part d’acteurs étatiques et non étatiques . Il lui recommande par ailleurs de mener une évaluation de la situation de ces groupes de femmes dans tous les domaines couverts par la Convention et de fournir des informations à cet égard dans son prochain rapport périodique .

Mariages et relations familiales

Le Comité constate avec préoccupation que la mise en œuvre de l’article 41 de la Constitution (2005) fragilise la loi sur le statut personnel [no 188 (1959)] de l’État partie, dans la mesure où il permet l’adoption de divers statuts personnels selon les doctrines religieuses, au détriment des droits des femmes en matière de mariage et de relations familiales. Il s’inquiète par ailleurs :

a)Des dispositions discriminatoires à l’égard des femmes contenues dans le projet de loi Jaafari sur le statut personnel, fondé sur l’article 41 de la Constitution, ainsi que de la disposition fixant l’âge minimum du mariage pour les filles à 9 ans et l’exigence posée aux femmes d’avoir un tuteur masculin (wali) et d’obtenir son consentement pour pouvoir se marier;

b)Des exceptions légales à l’âge minimum du mariage fixé à 18 ans pour les femmes et les hommes dans la loi no 18 (1959) qui permettent le mariage des filles dès l’âge de 15 ans;

c)Du fait que la polygamie soit autorisée dans certaines circonstances par la loi sur le statut personnel [no 188 (1959)] et la loi no 15 (2008) dans la région du Kurdistan;

d)Du nombre croissant de mariages d’enfants, polygames et temporaires;

e)Du nombre croissant de mariages non enregistrés et de leur impact négatif sur les droits des femmes, notamment leurs droits économiques, sociaux et culturels.

Conformément à sa recommandation générale n o 29 sur les conséquences économiques du mariage, des liens familiaux et de leur dissolution, le Comité rappelle que les lois et coutumes sur le statut personnel basé sur l’identité perpétuent la discrimination à l’encontre des femmes et que le maintien de plusieurs systèmes juridiques est en soi discriminatoire envers ces dernières . Il recommande à l’État partie :

a) De retirer immédiatement le projet de loi Jaafari sur le statut personnel;

b) D’abroger les exceptions légales discriminatoires à l’âge minimum du mariage pour les filles dans la loi sur le statut personnel [ n o 188 (1959 )] et de veiller à ce que les exceptions légales à l’âge minimum, fixé à 18 ans pour les femmes et les hommes, soient accordées uniquement aux filles et garçons d’au moins 16 ans dans des cas exceptionnels, sous réserve de leur consentement express et avec l’autorisation d’un tribunal compétent;

c) De prendre les mesures législatives requises pour interdire la polygamie;

d) De veiller à l’enregistrement de tous les mariages, conformément à la loi sur le statut personnel [ n o 188 (1959 )] .

Protocole facultatif et amendement de l’article 20 1) de la Convention

Le Comité encourage l’État partie à ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention et à accepter, dès que possible, l’amendement de l’article 20 1) de la Convention concernant le calendrier de réunion du Comité .

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité demande à l’État partie de se fonder sur la Déclaration et le Programme d’action de Beijing dans les efforts qu’il déploie pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention .

Objectifs du Millénaire pour le développement et cadre de développement pour l’après-2015

Le Comité préconise de prendre en compte la problématique hommes-femmes, conformément aux dispositions de la Convention, dans toutes les activités visant à atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement, et liées au cadre de développement de l’après-2015 .

Diffusion

Le Comité rappelle l’obligation qu’a l’État partie d’appliquer de façon systématique et continue les dispositions de la Convention . Il encourage vivement l’État partie à accorder une attention prioritaire à l’application des présentes observations finales et recommandations d’ici à la présentation du prochain rapport périodique . Le Comité demande par conséquent que les présentes observations finales soient diffusées en temps opportun, dans la ou les langues officielles de l’État partie, aux institutions d’État pertinentes à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier au Gouvernement, aux ministères, au Conseil des représentants, aux conseils provinciaux, au parlement régional du Kurdistan et à l’appareil judiciaire, afin d’en assurer l’application intégrale . Il encourage l’État partie à collaborer avec toutes les parties prenantes concernées, comme les associations d’employeurs, les syndicats, les organisations des droits de l’homme et les organisations féminines, les universités, les établissements de recherche et les médias . Il recommande en outre que ses observations finales soient diffusées de manière appropriée au niveau communautaire local, pour en permettre l’application . De plus, le Comité demande à l’État partie de continuer à diffuser la Convention, son Protocole facultatif et sa jurisprudence, ainsi que les recommandations générales du Comité auprès de tous les intéressés .

Assistance technique

Le Comité recommande à l’État partie d’envisager de solliciter une assistance internationale et de recourir à une assistance technique pour l’élaboration et la mise en œuvre d’un programme complet visant à l’application des recommandations ci-dessus et de la Convention dans son ensemble . Le Comité invite en outre l’État partie à poursuivre sa coopération avec les institutions spécialisées et les programmes des Nations Unies .

Ratification d’autres instruments

Le Comité fait observer que l’adhésion de l’État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme renforcerait l’exercice par les femmes de leurs libertés et droits fondamentaux dans toutes les sphères de la vie . Il encourage par conséquent l’État partie à envisager de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille à laquelle il n’est pas encore partie .

Suivi des observations finales

Le Comité demande à l’État partie de fournir, dans un délai de deux ans, des informations écrites sur les mesures qu’il aura prises pour mettre en œuvre les recommandations énoncées aux paragraphes 12 et 18 ci-dessus .

Établissement du prochain rapport

Le Comité invite l’État partie à soumettre son septième rapport périodique d’ici février 2018 .

Le Comité invi te l’État partie à suivre les « Directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, notamment les directives portant sur le document de base commun et les rapports pour chaque instrument » ( HRI / MC/2006/3 et Corr . 1 ) .



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