University of Minnesota



Observations finales du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Inde, U.N. Doc. CEDAW/C/IND/CO/4-5 (2014).


 

* Adoptées par le Comité à sa cinquante-huitième session (30 juin-18 juillet 2014).

Observations finales concernant le rapport unique valant quatrième et cinquième rapports périodiques de l’Inde *

À ses 1219e et 1220e séances, le 2 juillet 2014, le Comité a examiné le rapport unique valant quatrième et cinquième rapports périodiques de l’Inde (CEDAW/C/IND/4-5 et Corr.1 et Add.1) (voir CEDAW/C/SR.1219 et 1220). La liste des problèmes et des questions du Comité figure dans le document CEDAW/C/IND/Q/4-5 et les réponses de l’Inde dans le document CEDAW/C/IND/Q/4-5/Add.1.

A.Introduction

Le Comité apprécie que l’État partie ait soumis son rapport unique valant quatrième et cinquième rapports périodiques. Il apprécie aussi qu’il ait présenté des réponses écrites à la liste des problèmes et questions soulevés par son groupe de travail présession et se félicite de l’exposé oral de la délégation et des précisions supplémentaires qu’elle a apportées au cours du dialogue. Le Comité regrette toutefois que la délégation n’ait pas répondu à quelques-unes des questions qu’il lui a posées oralement.

Le Comité prend note de la composition de la délégation, dirigée par le Secrétaire du Ministère de la femme et du développement de l’enfant, M. Shankar Aggarwal, qui comprenait des représentants des Ministères de l’intérieur, des relations extérieures, de la santé et du bien-être familial, de la justice sociale et de l’autonomisation et du développement des ressources humaines.

B.Aspects positifs

Le Comité se félicite des progrès accomplis, depuis l’examen du rapport unique de l’État partie valant deuxième et troisième rapports périodiques en 2007

(CEDAW/C/IND/2-3), dans les réformes législatives qu’il a entreprises, notamment les suivantes :

a)Loi relative à la modification du droit pénal, en 2013;

b)Loi concernant l’interdiction d’employer des personnes vivant de la récupération des déchets et leur réadaptation, en 2013;

c)Loi nationale relative à la sécurité alimentaire, en 2013;

d)Loi relative au harcèlement sexuel des femmes sur le lieu de leur travail (prévention, protection, réparation), en 2013;

e)Loi concernant la protection de l’enfant contre les abus sexuels, en 2012;

f)Loi concernant le droit de l’enfant à l’éducation gratuite et obligatoire, en 2009.

Le Comité se félicite des efforts déployés par l’État partie pour améliorer son cadre institutionnel et politique en vue d’accélérer l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et de promouvoir l’égalité des sexes, par exemple :

a)Création d’une société bancaire de services financiers, en 2013, en vue de faire progresser création l’émancipation économique des femmes;

b)Création d’une mission nationale pour l’émancipation de la femme, en 2010, en vue de traiter les problèmes concernant les femmes de manière coordonnée au niveau central et à celui des États;

c)Introduction, en 2010, du programme de prestations maternité Indira Gandhi Matritva Sahyog Yojana.

Le Comité se félicite que, pendant la période écoulée depuis l’examen des rapports précédents, l’État partie ait ratifié les instruments internationaux suivants ou y ait adhéré :

a)La Convention sur les droits des personnes handicapées, en 2007;

b)La Convention sur la criminalité transnationale organisée; le Protocole visant à prévenir, supprimer et punir la traite des personnes, en particulier les femmes et les enfants; le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer en 2011.

C.Principaux domaines de préoccupation et recommandations

Parlement

Le Comité souligne le rôle capital du pouvoir législatif pour garantir la mise en œuvre complète de la Convention (voir la déclaration du Comité au sujet de ses relations avec les parlementaires, adoptée à sa quarante-cinquième session, en 2010). Il invite le Parlement à prendre les mesures nécessaires pour ce qui est de l ’ application des présentes observations finales d ’ ici l ’ établissement du prochain rapport au titre de la Convention.

Égalité et non-discrimination

Le Comité note que l’article 15 de la Constitution garantit une protection égale de la loi aux hommes et aux femmes et interdit la discrimination fondée sur le sexe. Toutefois, le Comité est préoccupé par l’absence d’une loi antidiscrimination complète, abordant tous les aspects de la discrimination directe et indirecte à l’égard des femmes ainsi que toutes les formes de discrimination croisées, telles qu’elles sont explicitement énumérées au paragraphe 18 de la Recommandation générale no 28 (2010) du Comité sur les obligations fondamentales des États parties au titre de la Convention.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ adopter une législation antidiscrimination complète qui interdise la discrimination fondée sur tous les motifs mentionnés dans la recommandation générale n o 28;

b) De protéger les femmes contre les formes de discrimination multiples ou croisées et autres telles que mentionnées dans la recommandation générale n o 28;

c) D ’ inclure une définition complète de la discrimination à l ’ égard des femmes conforme aux articles 1 et 2 de la Convention et au principe de l ’ égalité entre les hommes et les femmes.

Violence à l’égard des femmes

Le Comité note l’action menée par l’État partie pour créer un cadre juridique de prévention et de répression de la violence à l’égard des femmes, notamment celles qui appartiennent aux castes et aux communautés marginalisées, telles que les Dalits et les Adivasis, et la mise en place, en 2013, de la Commission Justice Verma sur les amendements du droit pénal, chargée de dresser le bilan du vide normatif en la matière. Néanmoins, le Comité est préoccupé par :

a)La forte augmentation des actes de violence à l’égard des femmes, dont le viol et l’enlèvement et le nombre élevé de cas de viols signalés par le Bureau national d’enregistrement des infractions en 2012, qui indique une progression de 902,1 % depuis 1971, et l’impunité constante dont bénéficient les auteurs de tels actes;

b)Le fait que le Code pénal comporte une exemption de la sanction appliquée en cas de viol commis par le mari sur sa femme, si celle-ci a plus de 15 ans;

c)L’escalade de la violence fondée sur les castes, y compris le viol, à l’égard des femmes et des filles, et la minimisation, par les hauts responsables de l’État, de la gravité des infractions de violences sexuelles à l’égard des femmes et des filles;

d)L’application défectueuse de la loi relative aux castes et tribus répertoriées (prévention des atrocités) et l’impunité des auteurs d’infractions graves commises contre des femmes;

e)Le nombre élevé de décès liés à la dot depuis 2008;

f)La persistance des crimes dits « d’honneur » perpétrés par des membres de la famille sur des femmes et des filles;

g)L’évolution à la baisse du rapport de féminité, passé de 962 ‰ en 1981 à 914 ‰ en 2011;

h)L’incrimination des relations de même sexe telles qu’elles sont mentionnés dans l’arrêt de la Cour suprême (Suresh Kumar Koushal et autre c. la Naz Foundation, 2013);

i)L’augmentation du nombre d’agressions à l’acide contre des femmes depuis 2002, nonobstant le fait que de tels actes ne sont pas tous signalés.

Le Comité invite instamment l ’ État partie à :

a) Mettre en œuvre les recommandations de la Commission Justice Verma concernant la violence à l ’ égard des femmes;

b) Adopter rapidement la loi relative à la lutte contre la violence communautaire (prévention, contrôle et réadaptation des victimes), à veiller à ce qu ’ il prévoie un dispositif complet de réparation pour les victimes de ces infractions ainsi que la prise en compte de la question du genre et le souci des victimes dans les règles de procédures et d ’ administration de la preuve;

c) Modifier la loi portant modification de certaines dispositions de droit pénal, afin que le viol conjugal y figure en tant qu ’ infraction pénale, comme l ’ avait demandé le Comité dans ses observations finales précédentes ( CEDAW/C/IND/CO/3 , par. 23), étendre la portée de la protection de la loi à tous les motifs de discrimination interdits et définir le viol collectif comme un facteur aggravant passible de sanctions plus sévères;

d) Adopter la législation voulue pour frapper de peines plus lourdes les agressions à l ’ acide, à réglementer la vente et la distribution des substances acides et à mener de vastes campagnes pour mettre la population au courant du caractère délictueux de telles agressions;

e) Renforcer l ’ efficacité de la police, veiller à ce que les policiers s ’ acquittent de leur devoir de protéger les femmes et les filles contre la violence et soient tenus responsables, adopter des instructions permanentes tenant compte de la question du genre que devra appliquer la police de chaque État dans les enquêtes et les contacts avec les victimes ou les témoins et veiller à ce que les FIR (premier rapport d ’ information) soient dûment remplis;

f) Mettre en place sans tarder des centres de crise à guichet unique dans lesquels les femmes et les filles qui sont victimes de violence ou de viol trouvent des soins médicaux, des conseils psychologiques, de l ’ aide juridictionnelle, de l ’ hébergement et d ’ autres services d ’ appui disponibles gratuitement et immédiatement;

g) Former systématiquement l ’ ensemble des membres des forces de l ’ ordre, le personnel médical et le personnel judiciaire à la question des droits de la femme;

h) Mettre en place un système efficace de surveillance et d ’ évaluation de la mise en œuvre, de l ’ efficacité et des effets de la législation relative à la lutte contre la violence sexuelle;

i) S ’ efforcer d ’ éliminer l ’ incrimination des relations de même sexe en en étudiant la possibilité, comme l ’ a accepté l ’ État partie lors de l ’ examen périodique universel (voir A/HRC/21/10/Add.1 ) et prendre note de l ’ arrêt de la Cour suprême ( Suresh Kumar Koushal et autre c. la Naz Foundation , 2013) à ce sujet;

j) Prendre d ’ urgence les mesure s nécessaires pour adopter son p lan d ’ action national en vue d ’ améliorer le rapport de féminité;

k) Allouer les ressources voulues pour que la législation relative à la lutte contre la violence à l ’ égard des femmes soit appliquée immédiatement, que des tribunaux spéciaux soient créés et que des procédures de plainte et des services d ’ appui prévus par cette législation soient mis en place dans un délai déterminé.

Violence à l’égard des femmes dans les régions frontalières et les zones de conflit

Le Comité est profondément préoccupé par les informations faisant état d’un taux élevé d’actes de violence contre les femmes, notamment viol et autres formes de violence sexiste, disparitions forcées, assassinats, actes de torture et mauvais traitements, dans les régions touchées par un conflit (Cachemire, nord-est, Chhattusgarh, Odisha et Andhra Pradesh). Il est particulièrement préoccupé par :

a)Les dispositions de la loi sur les forces armées (pouvoirs spéciaux), qui prévoient que les poursuites contre un membre des forces armées sont soumises à une autorisation préalable de l’exécutif, et les informations faisant état du risque élevé de représailles contre les femmes qui portent plainte au sujet du comportement des forces de sécurité;

b)Le nombre important de femmes et de filles déplacées, particulièrement dans la région du nord-est, résultant d’actes de violence communautaires sporadiques, de conditions de vie précaires et de l’exposition à de graves violations des droits de l’homme et au manque d’interventions tenant compte des aspects liés au sexe à tous les stades du cycle de déplacement;

c)La marginalisation et la pauvreté persistantes des femmes et des filles qui ont survécu aux émeutes du Gujarat et vivent dans des camps de secours, par la précarité de leurs conditions de vie avec un accès limité à l’éducation, aux soins de santé, à l’emploi et à la sécurité, et par la médiocrité des infrastructures d’assainissement, d’approvisionnement en eau, de transport et de logement;

d)Le manque de centres offrant un appui médical, psychologique, juridique et socioéconomique aux femmes et aux filles victimes de violence sexuelle dans les zones touchées par un conflit;

e)La réglementation limitée du commerce des armes, la prolifération des armes légères et de petit calibre, et les conséquences qui en découlent pour la sécurité des femmes;

f)Les restrictions imposées aux défenseurs des droits fondamentaux de la femme, en particulier ceux qui opèrent dans des zones de conflit, notamment les restrictions apportées au financement international et à la surveillance sous laquelle ils sont placés;

g)L’absence des femmes dans les négociations de paix dans les États du nord-est de l’État partie.

Le Comité engage l ’ État partie à :

a) Revoir rapidement, conformément aux recommandations de la Commission Justice Verma, la poursuite de l ’ application de la loi relative aux forces armées (pouvoirs spéciaux) et des protocoles juridiques connexes et à mettre en place des protocoles relatifs aux pouvoirs spéciaux dans les zones de conflit et à évaluer l ’ opportunité de leur application dans ces zones;

b) Modifier et/ou abroger la loi relative aux pouvoirs spéciaux des forces armées, de sorte que la violence sexuelle exercée contre les femmes par des membres des forces armées ou du personnel portant l ’ uniforme relève du droit pénal ordinaire et, en attendant la modification ou l ’ abrogation de ladite loi, supprimer la disposition subordonnant à l ’ autorisation de l ’ exécutif l ’ engagement de poursuites contre des membres des forces armées ou du personnel portant l ’ uniforme accusés d ’ actes de violence contre des femmes ou de toute autre infraction concernant les droits fondamentaux de la femme, et autoriser les poursuites dans toutes les affaires en souffrance;

c) Modifier l ’ article 19 de la loi relative à la protection des droits de l ’ homme et à conférer à la Commission nationale des droits de l ’ homme le pouvoir d ’ enquêter sur les affaires mettant en cause des membres des forces armées, en particulier lorsqu ’ elles portent sur des actes de violence commis contre des femmes;

d) Faire en sorte que le secteur de la sécurité soit soumis à un contrôle efficace, que des mécanismes de responsabilisation, assortis des sanctions voulues, soient mis en place, que l ’ armée et les autres forces armées participant aux opérations de sécurité reçoivent systématiquement une formation sur les droits de la femme, et faire adopter et appliquer par les forces armées un code de conduite visant à garantir efficacement le respect des droits de la femme;

e) Assurer complètement et effectivement la mise en œuvre de la loi sur la lutte contre la violence communautaire (prévention, contrôle et réadaptation des victimes) dès qu ’ elle sera promulguée;

f) Adopter une politique globale visant à améliorer les conditions de vie des femmes et des filles qui ont survécu aux émeutes du Gujarat, notamment en adoptant les mesures de reprise économique appropriées, en allouant des cartes aux personnes vivant au-dessous du seuil de pauvreté et en accordant les autres prestations des programmes gouvernementaux; à intensifier les mesures de protection et de sécurité des témoins pour les femmes et les filles vivant dans les camps de secours;

g) Garantir la participation des femmes aux négociations de paix dans les États du nord-est ainsi que leur participation à la prévention, à la gestion et à la résolution des conflits, conformément à la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité et à la recommandation générale n o 30 sur les femmes dans des situations de prévention des conflits, de conflits et à l ’ issue de conflits;

h) Supprimer les restrictions à l ’ action des défenseurs des droits de l ’ homme, notamment en matière de financement, et ne pas les placer sous surveillance.

Obligations territoriales de l’État

Tout en félicitant l’État partie pour son programme de coopération dans les zones sortant d’un conflit, tel que le Projet de logements collectifs dans le nord-est de Sri Lanka, le Comité est préoccupé par l’absence de considérations relatives au genre et de consultations avec les femmes sur ce projet. Le Comité s’inquiète également des conséquences pour les femmes, y compris au Népal, des projets d’infrastructures tels que la construction du barrage de Lakshmanpur, notamment en ce qui concerne leur déplacement, la perte de leurs moyens de subsistance, leur logement et leur sécurité alimentaire suite aux inondations subséquentes.

Le Comité réaffirme que l ’ État partie doit veiller à ce que les actes des personnes relevant effectivement de son contrôle, y compris les sociétés nationales opérant hors de son territoire, ne constituent pas des violations de la Convention et que ses obligations extraterritoriales s ’ étendent aux actes portant atteinte aux droits de l ’ homme, que les personnes touchées se trouvent ou non sur son territoire, comme l ’ indiquent les recommandations générales n os 28 et 30. Il recommande en conséquence à l ’ État partie :

a) D ’ étudier immédiatement les conséquences du projet indien de logements à Sri Lanka et d ’ adopter une approche concertée et intégrant les questions relatives au genre dans la mise en œuvre des étapes présentes et à venir de ce projet, et de répondre aux besoins et aux préoccupations des groupes de femmes les plus défavorisées et marginalisées;

b) D ’ adopter toutes les mesures voulues, y compris une évaluation de l ’ impact des effets du projet de construction du barrage de Lakshmanpur sur les femmes au Népal de manière, entre autres, à prévenir la perte de leurs moyens de subsistance, de leur logement et de leur sécurité alimentaire ou à y remédier et de leur fournir une compensation appropriée en cas de violation de leurs droits.

Mécanisme national de promotion de la condition de la femme

Le Comité salue les mesures prises pour renforcer la stratégie gouvernementale et le mécanisme national de promotion de la condition de la femme, notamment le Ministère de la femme et du développement de l’enfant, telles que l’adoption de la Mission nationale pour l’émancipation de la femme (2010-2015) et le projet de modification de la loi de 2010 relative à la Commission nationale de la femme, mais il continue d’être préoccupé par l’indépendance opérationnelle et financière limitée de la Commission nationale de la femme et des Commissions d’État et par l’absence d’un système transparent de nomination des membres et du/de la président(e) de la Commission, qui nuit à son indépendance et entrave sa capacité de s’acquitter efficacement de son mandat étendu. Le Comité note aussi avec inquiétude que les budgets alloués à l’émancipation de la femme au sein du Ministère de la femme et du développement de l’enfant, et les budgets prévus par les ministères au titre de la promotion de l’égalité des sexes, sont insuffisants.

Le Comité encourage l ’ État partie à renforcer l ’ indépendance, la capacité et les ressources de la Commission nationale de la femme, conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris), à veiller à ce que la composition et les activités de la Commission tiennent compte du principe de l ’ égalité des sexes et à accroître le budget du Ministère de la femme et du développement de l ’ enfant alloué à l ’ émancipation de la femme et les budgets prévus au titre de la promotion de l ’ égalité des sexes.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité craint que l’État partie n’ait pas pleinement saisi l’objet des mesures temporaires spéciales tel qu’il ressort du paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et de la recommandation générale no 25 sur la question. Il s’inquiète aussi qu’aucune mesure temporaire spéciale n’ait été ou ne soit prise dans le cadre d’une stratégie indispensable visant à accélérer la réalisation de l’égalité réelle entre les hommes et les femmes dans des domaines où les femmes sont défavorisées, tels que l’éducation ou l’appareil judiciaire, ainsi qu’à faciliter la participation des femmes issues des minorités religieuses et des castes et tribus répertoriées dans les divers domaines couverts par la Convention.

Le Comité demande à l ’ État partie de veiller à ce que tous les agents concernés de la fonction publique soient familiarisés avec la notion de mesures temporaires spéciales et il encourage la mise en œuvre de ces mesures conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et à la recommandation générale n o 25 du Comité, en particulier celles visant à accroître :

a) Le nombre de filles, en particulier de groupes défavorisés, inscrites dans l ’ enseignement secondaire et supérieure dans tous les États;

b) Le nombre de femmes dans l ’ appareil judiciaire grâce à un système de quotas pour l ’ embauche de magistrates ainsi que l ’ octroi de bourses spéciales et la mise en place d ’ autres mécanismes d ’ appui à l ’ intention des étudiantes en droit.

Stéréotypes et pratiques préjudiciables

Le Comité note avec préoccupation que l’État partie a maintenu ses déclarations concernant les articles 5 a) et 16 1) et 2) de la Convention et rappelle son point de vue selon lequel cela est incompatible avec les principes d’égalité et de non-discrimination consacrés par la Constitution de l’État partie. Il note également avec inquiétude que des attitudes patriarcales et des stéréotypes profondément ancrés sont toujours profondément enracinés dans les institutions et structures sociales, culturelles, économiques et politiques de la société indienne et dans les médias qui pratiquent la discrimination à l’égard des femmes. Il se déclare en outre préoccupé par la persistance de pratiques traditionnelles néfastes dans l’État partie, telles que le mariage des enfants, le système de la dot, les crimes dits « d’honneur », les avortements sélectifs selon le sexe, le sati, le devadasi et la chasse aux sorcières (femmes accusées de sorcellerie). Le Comité est particulièrement préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas pris suffisamment de mesures radicales et systématiques pour modifier et éliminer les stéréotypes et les pratiques néfastes.

Le Comité rappelle ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/IND/CO/3 , par. 11), et demande instamment à l ’ État partie :

a) De réexaminer ses déclarations concernant l ’ alinéa a) de l ’ article 5 et les paragraphes 1 et 2 de l ’ article 16 en vue de les retirer;

b) De mettre en place dans les meilleurs délais une campagne et une stratégie globale assortie d ’ objectifs et de délais précis afin d ’ éliminer les attitudes patriarcales et les stéréotypes discriminatoires à l ’ égard des femmes, conformément à l ’ article 2 f) de la Convention;

c) De renforcer ses efforts de sensibilisation et d ’ éducation, aussi bien auprès des femmes que des hommes, avec la participation de la société civile et des chefs des communautés, afin d ’ éliminer toutes les pratiques traditionnelles néfastes, et de collaborer avec les médias pour donner une image positive, non stéréotypée et non discriminatoire des femmes.

Traite des femmes et exploitation de la prostitution

Le Comité prend note de l’établissement d’unités de lutte contre la traite, de programmes de sensibilisation et de l’équipe spéciale chargée de la traite d’êtres humains. Il reste toutefois alarmé par la persistance de la traite, à l’intérieur des frontières comme à travers elles, par l’absence de protection et de services pour les femmes et les filles qui sont victimes de la traite et de l’exploitation sexuelle et par le manque d’efforts déployés pour s’attaquer aux causes profondes de ces phénomènes. Le Comité est aussi préoccupé par la persécution des femmes prostituées du fait des mesures prises pour s’attaquer à la traite telles que des opérations de raid et de sauvetage.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De revoir la loi de 1986 sur les trafics immoraux (prévention) et d ’ y inclure des dispositions concernant la prévention de la traite des femmes et des filles et la réadaptation des victimes du point de vue économique et émotionnel;

b) De s ’ attaquer aux causes profondes de la traite en favorisant d ’ autres activités rémunératrices qui contribuent à développer le potentiel économique des femmes et de sensibiliser la population des zones rurales aux risques de la traite et à la façon dont les trafiquants opèrent;

c) De veiller à ce que les trafiquants fassent véritablement l ’ objet d ’ enquêtes efficaces et soient poursuivis et punis, de collecter des données et d ’ établir des mécanismes appropriés pour repérer rapidement les victimes de la traite, en particulier les femmes d ’ origine étrangère, les orienter, les aider et les soutenir et leur fournir des moyens de réparation;

d) De veiller à ce que les femmes et les filles victimes de la traite aient accès à des foyers de protection des victimes et des témoins, à des soins de santé de qualité, à des conseils, à des programmes d ’ appui et à des programmes d ’ activités rémunératrices, aux fins de leur réintégration dans le système éducatif et sur le marché du travail, et à ce qu ’ elles aient accès à un logement convenable et à une aide juridictionnelle gratuite qu ’ elles soient ou non capables ou prêtes à témoigner contre des trafiquants.

Participation à la vie politique et publique

Le Comité note que parmi les 23 membres du Cabinet, 6 femmes occupent un poste de ministre mais il reste préoccupé par la faible représentation des femmes dans la vie politique et publique, par exemple à la Chambre basse du Parlement, où l’on compte seulement 62 femmes sur les 543 parlementaires, ou à la Cour suprême où l’on ne compte qu’une seule femme parmi les 26 juges en exercice. Le Comité est en outre préoccupé par le retard pris dans l’adoption de la loi sur la Constitution (108e amendement) qui a pour objectif de garantir un quota de 33 % réservé aux femmes au Parlement et dans la fonction publique, dont le Parlement est saisi depuis 2010.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De promulguer la loi sur la Constitution (108 e amendement) afin de réserver aux candidates au moins 33 % des sièges dans les organes délibérants au niveau central et dans les États, comme préconisé par le Comité dans ses précédentes observations finales (CEDAW/C/IND/CO/3, par. 43) et de veiller à ce que les partis politiques augmentent la représentation des femmes dans leurs organes de décision à tous les niveaux;

b) De créer des conditions propices à la participation des femmes à tous les processus démocratiques, notamment les élections, et en particulier de renforcer la participation des femmes dans les g ram sabhas (conseils de villages), les m ahila sabhas et autres instances de gouvernance formelles et informelles au niveau local.

Éducation

Le Comité prend note de la loi de 2009 sur le droit des enfants à une éducation obligatoire et gratuite, qui garantit l’enseignement obligatoire et gratuit à tous les enfants âgés de 6 à 14 ans. Il reste toutefois préoccupé par le fait que seulement 4 % du PIB soit consacré à l’éducation, que les filles handicapées et celles issues de minorités soient encore très peu scolarisées et que le taux d’abandon scolaire chez les adolescentes atteigne 64 %, ce qui les rend particulièrement vulnérables face au mariage des enfants. Le Comité est aussi préoccupé par le faible niveau des taux de rétention et de réussite des filles dans le secondaire en raison des mariages précoces, des pratiques préjudiciables et de la pauvreté, en particulier dans les zones rurales. Le Comité est tout aussi préoccupé par le fait que les filles sont victimes de harcèlement sexuel et de violence sexiste, notamment dans les régions touchées par des conflits où l’occupation des écoles par les forces de sécurité contribue à l’abandon scolaire.

Le Comité rappelle ses précédentes observations finales ( CEDAW/C/IND/CO/3 , par. 31), et demande à l ’ État partie d ’ allouer davantage de ressources à la mise en œuvre de la loi sur l ’ enseignement gratuit et obligatoire et de prendre des mesures pour :

a) Veiller à ce que les écoles soient adaptées aux besoins des filles, se trouvent à une distance raisonnable des communautés, soient approvisionnées en eau potable et soient équipées de toilettes séparées pour les filles;

b) Régler les problèmes de sécurité pour les filles à l ’ intérieur et à l ’ extérieur des écoles, et notamment prévoir un accompagnement vers l ’ école pour les filles dans les zones peu sûres, mener des enquêtes efficaces et engager des poursuites concernant les châtiments corporels, les actes de harcèlement ou les actes de violence sexiste contre les filles à l ’ école;

c) Adopter une approche de l ’ éducation des filles fondée sur l ’ ensemble du cycle de vie et veiller à ce que les besoins spéciaux des filles défavorisées et marginalisées soient pris en compte dans le cadre de la définition des politiques;

d) Améliorer le taux d ’ alphabétisation des femmes et des filles et organiser des programmes à l ’ intention des filles touchées par des conflits qui quittent l ’ école ou l ’ université prématurément;

e) S ’ attaquer aux causes du faible taux de scolarisation des filles issues de minorités et de filles handicapées et au niveau élevé du taux d ’ abandon scolaire des adolescentes, notamment celles qui vivent dans des zones touchées par des conflits, tels que les stéréotypes sexistes, la pauvreté et le harcèlement sexuel à l ’ école et les mariages précoces, et concevoir des politiques permettant aux jeunes femmes de retourner à l ’ école après une grossesse;

f) Interdire l ’ occupation des écoles par les forces de sécurité dans les régions touchées par des conflits conformément au droit international humanitaire et au droit des droits de l ’ homme;

g) Améliorer la qualité de l ’ enseignement en organisant des activités de formation systématique des enseignants tenant compte des questions relatives à l ’ égalité entre les sexes et en révisant les programmes et les manuels scolaires pour y supprimer les stéréotypes sexistes.

Emploi

Le Comité note avec inquiétude la diminution de la participation de la main-d’œuvre féminine, à la fois dans les zones rurales et urbaines, et la situation des travailleuses de l’économie informelle (agriculture, travaux domestiques et ménagers) qui ne sont pas couvertes par les lois du travail et autres mesures de protection sociale. Il est préoccupé par l’écart des salaires selon les sexes qui indique que les femmes gagnent seulement 50 % à 75 % des salaires des hommes; les données statistiques montrent que les femmes ne possèdent que 9 % des terres. Le Comité est en outre préoccupé par le fait que la loi nouvellement promulguée concernant le harcèlement sexuel des femmes (prévention, interdiction et réparation) sur le lieu de travail comprenne des dispositions susceptibles de nuire à son efficacité, par exemple la prescription d’une étape préliminaire de conciliation; il l’est aussi par le fait qu’elle ne prévoie pas de mécanisme efficace de plainte à l’intention des employés de maison et que l’État partie n’ait pas ratifié la Convention no 189 (2011) de l’OIT relative à des conditions de travail décentes pour les employés de maison.

Le Comité demande instamment à l ’ État partie :

a) D ’ adopter des mesures efficaces sur le marché formel du travail, notamment des mesures spéciales temporaires, afin d ’ accroître la participation féminine, de réduire et d ’ éliminer l ’ écart entre les salaires des hommes et des femmes et de veiller à l ’ application du principe salaire égal à travail égal, ainsi qu ’ à garantir les mêmes possibilités au travail;

b) D ’ adopter le projet de politique nationale relative aux employés de maison et de veiller à ce que les dispositions concernant le harcèlement sexuel des femmes (prévention, interdiction et réparation) sur le lieu de travail soient révisées et appliquées aux employés de maison;

c) De ratifier la Convention de 1996 (n o 177) sur le travail à domicile, la Convention de 2011 (n o 189) sur des conditions de travail décentes pour les employés de maison de l ’ Organisation internationale du Travail (OIT) et d ’ amender en conséquence la législation nationale pertinente.

Santé

Tout en prenant note des efforts déployés par l’État partie pour étendre la couverture des services de santé maternelle, le Comité est préoccupé par la persistance du taux de mortalité maternelle élevé dans certains États et du taux de mortalité important résultant d’avortements pratiqués dans des conditions à risque, du manque d’accès à des conditions d’avortement sûres, à des soins appropriés après un avortement et à des services de qualité pour traiter les complications dues à des avortements dangereux. Le Comité est également préoccupé par l’insuffisance des allocations budgétaires consacrées aux services de santé, par les disparités dans les soins de santé maternelle, notamment entre les zones urbaines et rurales, par la disponibilité limitée de moyens de contraception modernes et les possibilités d’y avoir accès, notamment en cas d’urgence pour prévenir des grossesses non souhaités, par le manque d’information et d’éducation en matière de santé procréative et sexuelle, par l’assujettissement des prestations maternité à des conditions excluant certaines femmes et par l’absence d’un mécanisme universel et précis d’établissement de rapports sur les décès maternels.

Le Comité prie instamment l ’ État partie :

a) D ’ examiner les politiques de santé procréative pour les rendre plus inclusives en vue d ’ améliorer la qualité des services de santé maternelle dans les États où ils sont déficients, d ’ éliminer les conditions relatives aux prestations maternité, de garantir le financement approprié des services de santé procréative et leur fourniture adéquate dans les zones urbaines et rurales, y compris par des informations et une éducation dans ce domaine;

b) De donner aux femmes accès à des possibilités d ’ avortement de qualité et sûres, y compris celle de traiter les complications résultant d ’ avortements dangereux, ainsi que d ’ améliorer l ’ accès à des moyens contraceptifs efficaces et abordables et leur utilisation, notamment en les subventionnant, afin de limiter le recours à l ’ avortement comme méthode de planification familiale;

c) D ’ adopter une politique obligatoire et précise d ’ établissement des rapports sur les décès maternels, qu ’ ils se produisent dans des établissements de santé publics ou privés, à domicile ou en route vers un centre de santé et de mettre en place un système de contrôle efficace de la fourniture de services de santé transparents.

Femmes rurales

Le Comité est préoccupé par la prévalence des coutumes et pratiques traditionnelles qui empêchent les femmes rurales, en particulier celles appartenant aux castes et tribus répertoriées, d’hériter ou d’acquérir des terres et autres biens. Il est également préoccupé par les difficultés que rencontrent les femmes rurales et celles vivant dans des zones éloignées pour avoir accès à des services sanitaires et sociaux et participer aux processus décisionnels au niveau communautaire, outre le fait que les femmes rurales sont particulièrement touchées par la pauvreté et l’insécurité alimentaire, le manque d’accès aux ressources naturelle, à l’eau potable et aux facilités de crédit.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) D ’ abolir les pratiques et coutumes traditionnelles qui empêchent les femmes rurales d ’ hériter et d ’ acquérir des terres et d ’ exercer pleinement leurs droits et de garantir aux femmes le droit de posséder des terres;

b) D ’ intensifier ses efforts pour répondre aux besoins des femmes rurales et leur donner de meilleures possibilités d ’ accès aux services de santé, à l ’ éducation, à l ’ eau potable et aux services d ’ assainissement, à des terres fertiles, aux ressources naturelles, au crédit et à des opportunités génératrices de revenu.

Femmes appartenant à des castes et tribus répertoriées

Le Comité est préoccupé par le fait que les femmes dalits et celles appartenant à des tribus répertoriées soient confrontées à des obstacles multiples pour avoir accès à la justice, en raison de leur ignorance juridique, de leur méconnaissance de leurs droits et de leurs possibilités limitées d’accès à une assistance juridique. Il prend note avec inquiétude des obstacles financiers, culturels et physiques auxquels se heurtent les femmes dalits et celles des tribus répertoriées pour bénéficier de services de santé gynécologique et maternelle, de leur connaissance limitée des procédures d’enregistrement des naissances et de l’existence d’obstacles bureaucratiques et financiers qui les empêchent d’enregistrer les naissances et d’obtenir des actes de naissance pour leurs enfants.

Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De surveiller la disponibilité et l ’ efficacité des responsables des services juridiques, de mettre en œuvre des programmes d ’ alphabétisation dans le domaine juridique, de mieux sensibiliser les femmes dalits et les femmes et filles de tribus répertoriées à tous les moyens juridiques qui sont à leur disposition et de suivre les résultats de ces initiatives;

b) De renforcer les campagnes de sensibilisation du public et de prendre des mesures spécifiques pour que les femmes dalits et celles de tribus répertoriées soient informées des procédures d ’ enregistrement des naissances et obtiennent des actes de naissance et pour qu ’ elles puissent avoir accès à ces services;

c) D ’ assurer la formation du personnel médical et de santé afin que les femmes dalits et celles de tribus répertoriées bénéficient des soins de personnels de santé bien formés.

Femmes handicapées

Le Comité, notant qu’une loi concernant les droits des personnes handicapées est en instance devant le Parlement, se préoccupe du fait que les femmes intellectuellement ou psychologiquement handicapées puissent se voir privées de leur capacité juridique et être confiées à des institutions sans leur consentement et sans possibilité de recours à une solution ou un examen quelconque. Il est particulièrement préoccupé que les femmes souffrant d’un manque de capacités intellectuelles puissent être stérilisées sans leur consentement et, en outre, que les femmes handicapées soient confrontées à un taux de pauvreté élevé, à un manque d’accès à l’éducation, à l’emploi et aux services de santé, notamment dans les zones rurales, qu’elles se heurtent à de multiples problèmes, notamment possibilités insuffisantes d’accès aux espaces et services publics, qu’elles soient souvent victimes de harcèlement en public et qu’elles soient exclues des processus décisionnels. Il note également avec inquiétude le manque de données ventilées concernant les personnes handicapées et le fait que les interventions suite à des actes de violence commis à l’égard de femmes handicapées ne tiennent pas compte du type de déficience, qu’il soit physique, sensoriel ou intellectuel.

Le Comité demande instamment à l ’ État partie :

a) De promulguer sans retard la loi concernant les droits des personnes handicapées et d ’ y inclure une section spécifique visant à protéger les femmes et les filles intellectuellement handicapées contre la stérilisation forcée, d ’ abroger les lois relatives à la détention de femmes pour des raisons d ’ incapacité, y compris hospitalisation non volontaire et placement forcé en institution, et de les interdire;

b) De veiller à ce que les droits des femmes handicapées soient intégrés dans les stratégies et plans d ’ action nationaux les concernant, de mettre en place des services de soutien communautaires en consultation avec les organisations de personnes handicapées et d ’ intensifier ses efforts pour fournir des services sociaux et sanitaires aux familles ayant des filles et des femmes souffrant d ’ un handicap;

c) De faciliter les activités de plaidoyer menées par des femmes et des filles handicapées et en leur nom;

d) De créer une base de données et d ’ assurer la collecte régulière d ’ informations sur les personnes handicapées, ventilées par sexe, âge, type de handicap et région, et promouvoir l ’ analyse et la diffusion régulière de ces données et renforcer les capacités nécessaires à cet effet.

Mariage et relations familiales

Bien que la mise en œuvre de la loi sur l’interdiction des mariages d’enfants ait été suivie dans une certaine mesure d’une diminution du nombre de mariages précoces et forcés des filles, le Comité s’inquiète que l’État partie n’ait pas retiré sa déclaration sur le paragraphe 2 de l’article 16. Le Comité note également avec inquiétude la forte prévalence de ces mariages et le fait que les victimes de mariages d’enfants soient tenues d’introduire une demande d’annulation du mariage auprès d’un tribunal dans les deux ans suivant l’âge de la majorité. Le Comité est également préoccupé d’apprendre que les juges autorisent souvent les mariages de fillettes mineures sur la base des lois musulmanes et que l’État partie n’ait pas adopté une législation garantissant l’enregistrement de tous les mariages célébrés sur son territoire.

Le Comité prie instamment l ’ État partie :

a) De promulguer rapidement une loi visant à exiger l ’ enregistrement obligatoire de tous les mariages et d ’ envisager de retirer sa déclaration relative au paragraphe 2 de l ’ article 16 de la Convention;

b) De veiller à ce que la loi sur l ’ interdiction des mariages d ’ enfants soit appliquée sans exception;

c) D ’ annuler automatiquement tous les mariages d ’ enfants et de veiller à ce que la loi sur la protection des enfants contre les abus sexuels s ’ applique également aux jeunes mariés qui sont encore des enfants;

d) De redoubler d ’ effort pour mieux sensibiliser l ’ opinion publique à l ’ interdiction des mariages d ’ enfants, aux effets délétères de cette pratique sur la santé et l ’ éducation des filles et pour enquêter, poursuivre et punir efficacement les cas de mariages forcés et précoces.

Le Comité est également préoccupé par la coexistence dans l’État partie de systèmes juridiques multiples en ce qui concerne le mariage et les relations familiales qui s’appliquent aux divers groupes religieux et ont pour résultat la persistance d’une forte discrimination à l’égard des femmes; il prend aussi note avec inquiétude de la réticence constante de l’État partie à réviser sa politique de non-ingérence dans les lois des communautés relatives à la personne sans leur initiative et à consentir de retirer ses déclarations sur l’alinéa a) de l’article 5 et le paragraphe 1 de l’article 16 de la Convention. Il s’inquiète en outre des dispositions de la loi spéciale sur le mariage en matière de procédure qui, de facto, empêchent les couples, en particulier les femmes, de demander l’autorisation de se marier et d’enregistrer leur mariage. Le Comité s’inquiète en particulier du fait que les biens des époux relèvent généralement d’un régime de séparation des biens de sorte que les femmes ne reçoivent pas leur part des biens accumulés au cours du mariage et que les amendements proposés à la loi spéciale sur le mariage et la loi hindoue sur le mariage ne prévoient qu’une possibilité limitée et facultative de répartition des biens des époux.

Le Comité réaffirme ses observations finales précédentes ( CEDAW/C/IND/CO/3 , par. 55), rappelle l ’ article 16 de la Convention et demande à l ’ État partie de garantir l ’ égalité entre les femmes les hommes dans le mariage et les relations familiales en :

a) Veillant à ce que toutes les lois sur le mariage et les relations familiales régissant les divers groupes religieux, outre leur modification ultérieure, soient pleinement conformes aux articles 15 et 16 de la Convention et à la recommandation générale n o 21 du Comité sur l ’ égalité dans le mariage et les relations familiales et sur les conséquences économiques du mariage, des relations familiales et de leur dissolution;

b) Réexaminant l ’ application de la loi spéciale sur le mariage en vue d ’ éliminer les obstacles de procédure concernant la demande de l ’ autorisation de se marier et l ’ enregistrement des mariages:

c) Réexaminant le cadre juridique existant concernant les relations relatives aux biens des époux de façon à garantir aux femmes leur part de ces biens compte tenu des recommandations générales n os 21 et 29 du Comité.

Protocole facultatif et amendement au paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention

Le Comité encourage l ’ État partie à ratifier le Protocole facultatif à la Convention et à accepter, dès que possible, l ’ amendement au paragraphe 1 de l ’ article 20 de la Convention concernant le calendrier des réunions du Comité.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité incite l ’ État partie à s ’ inspirer de la Déclaration et du Programme d ’ action de Beijing dans les efforts qu ’ il déploie pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention.

Objectifs du Millénaire pour le développement et cadre de développement pour l’après-2015

Conformément aux dispositions de la Convention, le Comité demande l ’ intégration de la prise en compte de la distinction homme-femme dans tous les efforts visant à réaliser les objectifs du Millénaire pour le développement et dans le cadre de développement pour l ’ après-2015.

Diffusion

Le Comité rappelle à l ’ État partie son obligation de mettre systématiquement et constamment en œuvre les dispositions de la Convention. Il prie instamment l ’ État partie d ’ accorder en priorité son attention aux présentes observations finales et recommandations d ’ ici la présentation de son prochain rapport périodique. Il demande donc que les présentes observations finales soient diffusées en temps opportun, dans la (les) langue(s) officielle(s) de l ’ État partie, aux institutions d ’ État concernées à tous les niveaux (national, régional et local), en particulier au gouvernement, aux ministères, au Parlement et à l ’ appareil judiciaire afin qu ’ elles puissent être pleinement mises en œuvre. Il encourage l ’ État partie à collaborer avec toutes les parties compétentes concernées, par exemple associations d ’ employeurs, syndicats, organisations des droits de l ’ homme et de femmes, universités, instituts de recherche et médias. Il recommande en outre que les présentes observations finales soient diffusées de manière appropriée au niveau des communautés locales, afin d ’ en permettre la mise en œuvre. De plus, le Comité prie l ’ État partie de continuer à diffuser à toutes les parties concernées la Convention, le Protocole facultatif y relatif et la jurisprudence pertinente ainsi que les recommandations générales du Comité.

Assistance technique

Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager de demander une aide internationale et de se prévaloir de l ’ assistance technique pour l ’ élaboration et la mise en œuvre d ’ un programme complet visant à donner suite aux recommandations ci-dessus et à appliquer la Convention dans son ensemble. Le Comité demande également à l ’ État partie de poursuivre sa coopération avec les institutions spécialisées et les programmes du système des Nations Unies.

Ratification d’autres traités

Le Comité prend note que l ’ adhésion de l ’ État partie aux neuf principaux instruments internationaux des droits de l ’ homme permettrait aux femmes de mieux exercer leurs droits et leurs libertés fondamentales dans tous les aspects de la vie. Le Comité encourage donc l ’ État partie à envisager de ratifier les instruments suivants auxquels il n ’ a pas encore adhéré : la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains et dégradants, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille et la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Suivi des observations finales

Le Comité prie l ’ État partie de fournir par écrit, dans les deux ans, des informations sur les mesures qu ’ il a prises pour donner suite aux recommandations figurant aux alinéas a), e), et h) du paragraphe 11, et a), d), f) et h) du paragraphe 13 ci-dessus.

Préparation du prochain rapport

Le Comité invite l ’ État partie à présenter son sixième rapport périodique en juillet 2018.

Le Comité prie l ’ État partie de suivre les « Directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, notamment les directives concernant un document de base commun et les documents spécifiques à chaque traité » ( HRI/MC/2006/3 et Corr.1 ).



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