University of Minnesota



Observations finales du Comité pour l
'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Inde, U.N. Doc. A/55/38,paras.30-90 (2000).



Comité pour l'élimination
de la discrimination à l'égard des femmes
Vingt-deuxième session
17 janvier-4 février 2000




Inde


1. Le Comité a examiné le rapport initial de l'Inde (CEDAW/C/IND/1) à ses 452e, 453e et 462e séances, les 24 et 31 janvier 2000 (CEDAW/C/SR 452, 453 et 462).

Présentation par l'État partie

2. La représentante de l'Inde a informé le Comité que son pays avait ratifié la Convention en juillet 1993 en l'assortissant de deux déclarations et d'une réserve. Le rapport avait été établi à l'issue de vastes consultations avec un certain nombre d'organisations féminines. L'Inde avait ratifié un grand nombre d'instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, et la Constitution indienne interdisait la discrimination fondée sur le sexe et prévoyait des mesures palliatives en faveur des femmes. L'Inde avait engagé un processus de consultations en préparation de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes et comptait parmi les premiers pays à accepter sans réserve le Programme d'action de Beijing.

3. Parmi les progrès récemment réalisés dans l'application de la Convention, on pouvait citer la création, en mars 1997, d'un comité parlementaire sur l'autonomisation des femmes et l'adoption d'amendements constitutionnels leur réservant 33,33 % des sièges des institutions du Panchayati Raj, assemblées locales autonomes, dans les zones rurales et dans les municipalités des zones urbaines. En outre, un projet de loi avait été présenté à la fin de 1999 qui visait à réserver aux femmes au moins un tiers des sièges pourvus à la suite d'élections au suffrage direct au Lok Sabha (Maison du peuple) et aux assemblées législatives des États.

4. La représentante a décrit les mécanismes nationaux de promotion de la femme, coordonnés par le Département pour le développement de la femme et de l'enfant, lui-même dirigé par un ministre assisté d'un ministre d'État. La Commission nationale pour la femme, créée en 1992, jouait un rôle officiel de médiation pour tout ce qui touchait aux femmes, tandis que le Comité central d'aide sociale était en contact avec près de 12 000 organisations non gouvernementales de femmes. Des mécanismes institutionnels de promotion de la femme existaient également au niveau des États. La représentante a mis l'accent sur le neuvième plan quinquennal (1997-2002) qui faisait de l'autonomisation des femmes une stratégie de développement et prévoyait l'élaboration dans les meilleurs délais d'une politique nationale d'autonomisation des femmes. En attendant l'adoption de cette politique nationale, nombre des mécanismes qui y étaient identifiés avaient déjà été mis en place. Récemment, le Cabinet du Premier Ministre avait demandé qu'il soit procédé à un examen des incidences de l'intégration de considérations d'équité entre les sexes dans les activités des différents ministères et départements.

5. Il existait, au niveau tant des États que de l'administration centrale, une législation progressiste visant à promouvoir les intérêts des femmes, et le Gouvernement avait demandé au Conseil national des femmes de suivre la mise en oeuvre des garanties constitutionnelles et juridiques en faveur des femmes. Trente-neuf lois étaient en cours de révision; des recommandations d'amendement, notamment à la loi portant sur la prévention du trafic immoral des personnes, avaient été présentées; et un projet de loi sur la violence contre les femmes avait été élaboré. Des tribunaux du peuple (lok adalats) et des tribunaux des affaires familiales (parivarik mahila lok adalats) avaient été créés pour alléger les procédures judiciaires. L'Inde avait une tradition de saisine de la Cour suprême dans l'intérêt public, et celle-ci avait rendu des jugements ayant fait date, notamment concernant le harcèlement sexuel sur le lieu de travail et la prostitution des enfants. Plusieurs instituts de formation avaient également entrepris de proposer une sensibilisation aux questions de parité entre les sexes à l'intention du personnel judiciaire.

6. La représentante a décrit les mesures qui avaient été prises pour intégrer une optique non sexiste dans les programmes et les manuels scolaires, ainsi que les efforts déployés par le Ministère de l'information et de la télédiffusion pour s'assurer que les médias présentent des images positives des femmes. Parmi les mesures de lutte contre la prostitution et le trafic des femmes figuraient une proposition d'amendement à la loi portant sur la prévention du trafic immoral des personnes visant à en élargir la portée et à alourdir les sanctions prévues; la nomination de policiers spéciaux; et la création d'abris ainsi que de garderies et de centres conçus pour assurer le développement des enfants, à l'intention des enfants de prostituées. Un plan d'action visant à lutter contre le trafic et l'exploitation sexuelle à des fins commerciales des femmes et des enfants et à redonner aux victimes leur place dans la société avait été élaboré, et l'Inde avait participé activement à la mise au point de la Convention sur la prévention du trafic des femmes et des enfants à des fins de prostitution et la lutte contre ce trafic de l'Association de l'Asie du Sud pour la coopération régionale (SAARC).

7. Lors de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes, l'Inde s'était engagée à accroître ses investissements dans l'éducation jusqu'à ce qu'ils atteignent 6 % du produit intérieur brut (PIB), mais cet objectif n'avait pas encore été atteint, même si le taux général d'alphabétisation des femmes avait davantage augmenté que celui des hommes ces quelques dernières années. L'Inde poursuivait sans relâche ses efforts pour combler le fossé entre les hommes et les femmes au niveau de l'alphabétisation et de l'éducation, et avait notamment créé à cet effet des centres d'apprentissage afin de répondre aux besoins des filles qui n'étaient pas en mesure de fréquenter des établissements d'enseignement de type classique.

8. Le droit du travail indien tenait compte des normes établies par l'Organisation internationale du Travail (OIT), et le Gouvernement s'efforçait de faire bénéficier toutes les femmes de prestations de maternité et de mettre en place des garderies à l'intention des femmes travaillant hors du foyer. Des directives en matière de harcèlement sexuel destinées aux employeurs avaient été établies par un jugement de la Cour suprême, et une législation en tenant compte était en cours d'élaboration. L'Inde s'efforçait de prendre en considération le travail des femmes dans le secteur non structuré, d'en tenir compte dans le recensement national, et d'accorder une protection aux personnes travaillant dans ce secteur.

9. On avait fait d'énormes progrès ces 10 dernières années concernant la santé des femmes, bien que le taux élevé de mortalité maternelle demeure préoccupant. Le programme concernant la santé en matière de reproduction et la santé infantile récemment lancé s'efforçait d'envisager la question de la santé des femmes dans une optique holistique. On avait pris des mesures de lutte contre le VIH/sida, et on avait aussi adopté des stratégies d'ordre législatif et autre, pour lutter contre l'infanticide des petites filles et les avortements sélectifs en fonction du sexe du foetus.

10. Les femmes des zones rurales constituaient presque 80 % de la population féminine, et le Gouvernement avait mis en place un système de quotas et des mécanismes destinés tout particulièrement aux femmes, pour assurer qu'elles bénéficient des programmes agricoles et de développement rural à égalité avec les hommes.

11. Le droit des personnes appliqué par les grandes communautés religieuses avait traditionnellement régi les relations entre mari et femme et au sein de la famille, le Gouvernement maintenant une politique de non-ingérence tant que ces communautés ne lui demandaient pas d'intervenir. Il convenait toutefois de signaler l'adoption de la loi concernant les tribunaux des affaires familiales, qui dispose que des questions familiales comme le mariage et les pensions alimentaires relèvent des tribunaux des affaires familiales, lesquels suivent des procédures informelles et fournissent des services de conseil. La représentante a appelé l'attention sur la législation concernant la violence liée à la dot et les dispositions du Code pénal et de la loi sur les éléments de preuve concernant la cruauté d'un mari ou de ses proches vis-à-vis d'une épouse.

12. En conclusion, la représentante a souligné que l'Inde était déterminée à éliminer de manière concrète et durable la pauvreté et les handicaps sociaux et à démarginaliser les populations pauvres et vulnérables.

Conclusions du Comité

Introduction

13. Le Comité accueille avec satisfaction le rapport initial présenté par l'Inde. Tout en étant conforme aux directives du Comité, ce rapport ne contient pas suffisamment de renseignements sur l'application de certains articles et sur le problème général de la violence dont sont victimes les femmes. Le Comité note en outre que le rapport a été présenté avec un certain retard. Qui plus est, il n'indique pas les mesures qui ont été prises pour donner suite au Programme d'action de Beijing. Le Comité remercie la délégation indienne des réponses qu'elle a données oralement et par écrit au cours de l'examen du rapport, qui ont apporté des précisions très utiles.

14. Le Comité constate que le rapport, de même que les réponses orales et écrites, ne contiennent pas suffisamment de données statistiques, ventilées par sexe et par État de l'Union, ni d'informations sur l'application de mesures palliatives en faveur des castes « énumérées », qui sont défavorisées.

15. Le Comité constate avec préoccupation que le Gouvernement n'a pas l'intention de revenir sur les déclarations qu'il a faites au sujet des paragraphes 1 et 2 de l'article 16 de la Convention.

Aspects positifs

16. Le Comité note que l'Inde garantit dans sa Constitution les droits fondamentaux de la personne humaine, dont l'application peut être assurée sur présentation d'une requête à la Cour suprême. Le Comité se félicite en particulier que le droit fondamental à l'égalité des sexes et à la non-discrimination soit reconnu et que la Constitution contienne une clause d'habilitation portant expressément sur les mesures palliatives prévues à cet égard.

17. Le Comité a été heureux d'apprendre que la Cour suprême avait élaboré la notion de saisine dans l'intérêt public ainsi qu'une jurisprudence intégrant la Convention dans le droit interne en interprétant les dispositions constitutionnelles relatives à l'égalité des sexes et à la non-discrimination.

18. Le Comité se félicite que les gouvernements qui se sont succédé en Inde aient adopté une série de politiques et programmes visant à améliorer la situation des femmes. Il constate avec satisfaction que ces politiques et programmes ont contribué dans une certaine mesure à améliorer la qualité des indicateurs sociaux sur les femmes dans plusieurs États de l'Union. Le Comité accueille favorablement la proposition tendant à formuler une nouvelle politique tendant à renforcer les moyens d'action des femmes ainsi que les directives émises par le Cabinet du Premier Ministre pour tenir systématiquement compte des problèmes des femmes et adopter au niveau national une approche du développement fondée sur la notion de droits.

19. Le Comité félicite le Gouvernement indien d'avoir créé la Commission nationale pour la femme et des commissions analogues dans les États, qui sont chargées d'élaborer des plans d'action en faveur des femmes ainsi que des propositions de réforme législative.

20. Le Comité félicite le Gouvernement d'avoir pris des mesures palliatives en vertu desquelles 33 % des sièges dans les organes des administrations locales sont réservés aux femmes. Il prend note avec satisfaction du projet de loi tendant à réserver aux femmes 33 % des sièges dans les assemblées des États et à l'Assemblée nationale, ainsi que de l'assurance donnée dans les communications orales que les femmes bénéficieront de 30 à 40 % des fonds dans les programmes donnant accès au crédit.

21. Le Comité félicite le Gouvernement d'avoir présenté une législation interdisant les avortements liés au sexe de l'enfant. Il accueille avec satisfaction les amendements à la loi sur la nationalité qui confèrent des droits égaux aux hommes et aux femmes.

Obstacles à l'application de la Convention

22. Le Comité note que l'Inde compte une population très importante et essentiellement rurale qui vit dans la pauvreté absolue, et que la féminisation de la pauvreté de même que les inégalités croissantes de revenus empêchent les femmes de bénéficier des retombées du développement économique.

23. Le Comité considère que la pauvreté généralisée, les pratiques sociales telles que le système des castes, le traitement préférentiel accordé aux garçons au sein de la famille, comme en témoignent la forte incidence d'actes de violence à l'égard des femmes, les fortes disparités entre les sexes et un rapport de masculinité défavorable font gravement obstacle à l'application de la Convention.

24. Le Comité fait observer que l'existence de disparités régionales entrave l'application efficace de la Convention.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations

25. Le Comité note que la Convention et le Programme d'action de Beijing n'ont pas été intégrés dans la planification des politiques et des programmes. S'il constate que plusieurs plans nationaux ont été adoptés avant et après la Conférence de Beijing, il constate aussi que ceux-ci sont axés sur la fourniture d'une aide sociale aux femmes.

26. Le Comité recommande que la politique envisagée de renforcement du pouvoir des femmes tienne compte des dispositions de la Convention et du Programme d'action de Beijing et suive une approche fondée sur les droits.

27. Le Comité considère que l'allocation insuffisante de ressources à la promotion des femmes dans le secteur social, de même que l'application partielle des lois applicables en la matière, entravent gravement l'exercice des droits fondamentaux des femmes en Inde.

28. Le Comité préconise l'allocation de ressources suffisantes ciblées sur la promotion des femmes dans le secteur social ainsi que la pleine application des lois pertinentes.

29. Le Comité relève l'existence de nombreuses lacunes dans les textes législatifs. Il estime qu'il faut entreprendre d'urgence une réforme de l'ensemble de la législation pour promouvoir l'égalité des femmes et leurs droits fondamentaux.

30. Le Comité recommande que les propositions de la Commission nationale pour la femme sur la réforme législative servent à élaborer une nouvelle législation et que la Commission soit chargée d'établir dans un certain délai des documents de travail sur la réforme législative dans des domaines critiques.

31. Le Comité constate qu'aucune mesure n'a été prise pour modifier les lois propres à différents groupes religieux et ethniques en consultation avec eux pour rendre ces lois conformes à la Convention. Il craint que la politique de non-intervention pratiquée par le Gouvernement ne perpétue les stéréotypes sexuels, les traitements préférentiels accordés aux garçons au sein de la famille et la discrimination à l'égard des femmes.

32. Le Comité engage le Gouvernement à retirer la déclaration qu'il a faite au sujet du paragraphe 1 de l'article 16 de la Convention et à appuyer les groupes de femmes en tant que membres de la communauté et à collaborer avec eux lors de l'examen et de la réforme des lois susmentionnées. Il invite également le Gouvernement à suivre les principes directeurs énoncés dans la Constitution et les décisions de la Cour suprême et à promulguer un code civil uniforme que divers groupes ethniques et religieux pourraient adopter.

33. Le Comité est préoccupé par le fait que l'Inde n'a pas encore établi de système complet et obligatoire d'enregistrement des naissances et des mariages. Il estime que l'impossibilité d'obtenir des documents attestant ces faits importants de l'état civil empêche l'application effective des lois qui offrent aux filles une protection contre l'exploitation sexuelle et le trafic, le travail des enfants ainsi que les mariages forcés ou précoces. Le Comité s'inquiète aussi de la possibilité que le fait que les mariages ne soient pas enregistrés porte préjudice aux droits des femmes en matière de succession.

34. Le Comité invite le Gouvernement à fournir des ressources, à mettre en place un système d'enregistrement obligatoire des naissances, et à en suivre l'application en coopération avec les groupes féminins et les organismes locaux. Il engage le Gouvernement à retirer la déclaration faite au sujet du paragraphe 2 de l'article 16 de la Convention.

35. Le Comité constate avec inquiétude que le droit fondamental à l'éducation prévu dans la Constitution et reconnu par la Cour suprême ne s'est pas concrétisé par un accès des filles à l'enseignement primaire et secondaire. Il relève que les crédits alloués à l'éducation sont encore loin d'atteindre le niveau des engagements pris par l'Inde concernant le Programme d'action de Beijing.

36. Le Comité demande instamment au Gouvernement de prendre des mesures concrètes, de définir un calendrier d'exécution et de prévoir des ressources suffisantes au titre de l'enseignement primaire et secondaire, de façon à permettre aux filles d'accéder à l'éducation sur un pied d'égalité avec les garçons et à éliminer l'analphabétisme chez les femmes. Il l'engage à rendre l'enseignement primaire et secondaire obligatoire en adoptant la réglementation voulue et en veillant à ce qu'elle soit appliquée.

37. Le Comité déplore que la violation des droits fondamentaux énoncés dans la Constitution ne soit justiciable que si elle est le fait de l'État et résulte d'une omission de la part de ce dernier. Il constate par ailleurs que les normes constitutionnelles ne s'appliquent pas au secteur privé, où sont employées un grand nombre de femmes, et qui est actuellement en plein essor du fait de la transition vers une économie de marché.

38. Le Comité recommande l'adoption d'une loi sur la discrimination fondée sur le sexe visant à rendre justiciable le non-respect des normes établies par la Convention et la Constitution, qu'il soit le fait de l'État ou d'autres entités, par omission ou par commission.

39. Le Comité constate avec préoccupation que la violence à l'égard des femmes est très répandue et qu'elle prend des formes encore plus extrêmes en raison de pratiques traditionnelles comme la dot, le sati et le système des dévadâsî. La discrimination à l'égard des femmes appartenant à certaines castes ou à certains groupes religieux ou ethniques se manifeste également par un harcèlement, des mauvais traitements et des sévices sexuels d'une extrême violence.

40. Le Comité insiste auprès du Gouvernement pour qu'il fasse appliquer les lois interdisant les pratiques telles la dot, le système des dévadâsî et la discrimination fondée sur l'appartenance à telle ou telle caste. Il lui demande de renforcer l'appareil répressif et d'entreprendre les réformes proposées par la Commission nationale pour les femmes et les activistes touchant la législation sur le viol, le harcèlement sexuel et la violence dans la famille.

41. Le Comité recommande que l'on élabore un plan d'action national pour aborder la question de la violence à l'égard des femmes de façon globale, conformément à ses recommandations générales 19 et 24. Il demande au Gouvernement de lui fournir des statistiques et des informations en la matière dans son prochain rapport.

42. Le Comité constate avec préoccupation que les femmes sont exposées à de forts risques de violence, de viol, de harcèlement sexuel, de sévices humiliants et de torture dans les zones qui sont le théâtre d'insurrections armées.

43. Le Comité recommande que la législation sur la prévention du terrorisme et le Armed Forces Special Provisions Act (loi portant sur les dispositions particulières applicables aux forces armées) soit revue en consultation avec la Commission indienne des droits de l'homme, la Commission nationale pour les femmes et la société civile, de sorte que les forces de sécurité ne puissent se soustraire aux enquêtes et aux poursuites en raison des pouvoirs spéciaux qui leur sont conférés, en cas d'actes de violence commis à l'égard des femmes dans les zones de conflit ou bien au cours de l'arrestation ou de la détention de femmes. Il recommande que les femmes aient la possibilité de contribuer au règlement pacifique des conflits.

44. Le Comité recommande que l'on adopte, à l'intention de la police, des forces de sécurité et du personnel médical, des programmes de sensibilisation aux problèmes particuliers des femmes et aux droits fondamentaux, qui devraient venir compléter les programmes existants.

45. Le Comité juge regrettable que, malgré l'adoption en 1989 de la Scheduled Castes and Scheduled Tribes (Prevention of Atrocities) Act (loi relative aux castes et tribus « énumérées » et à la prévention des atrocités à leur égard), les femmes dalit continuent d'être en butte à la discrimination et à des actes de violence.

46. Le Comité prie instamment le Gouvernement de faire appliquer les lois interdisant la discrimination à l'égard des femmes dalit et proscrivant le système des dévadâsî. Il l'exhorte à adopter des programmes antidiscriminatoires dans des domaines comme l'éducation, l'emploi et la santé afin de donner une chance à ces femmes et d'instaurer des conditions favorables à leur épanouissement. Le Comité demande au Gouvernement de fixer des délais pour l'exécution de ces mesures et de l'informer des progrès accomplis dans son prochain rapport.

47. Le Comité déplore l'exploitation des femmes et des petites filles contraintes à la prostitution ou victimes d'une traite interétatique ou transfrontalière. Il déplore également que ces femmes soient exposées à la contamination par le VIH/sida et à d'autres risques pour la santé, et que les lois existantes favorisent le dépistage obligatoire et l'isolement.

48. Le Comité engage le Gouvernement à revoir la législation actuelle en matière de trafic des femmes et de prostitution forcée et à renforcer l'appareil répressif. Il lui recommande d'établir des contrôles bilatéraux et interétatiques et d'élaborer des programmes de réinsertion et de sensibilisation afin d'empêcher cette exploitation.

49. Le Comité constate avec inquiétude que les taux de mortalité maternelle et infantile sont parmi les plus élevés du monde. Il prend également note du rapport de masculinité défavorable et de la prévalence des avortements liés au sexe de l'enfant, malgré la loi qui interdit cette pratique. Il observe que la planification de la famille vise exclusivement la femme.

50. Le Comité recommande au Gouvernement d'adopter dans le programme de santé national une approche holistique portant sur la santé de la femme tout au long de la vie. Il l'exhorte à répartir les ressources disponibles en tenant compte du < droit de la femme à la santé >, conformément aux directives qu'il a énoncées dans sa recommandation générale 24. Il lui demande de solliciter l'appui des associations médicales pour assurer le respect de la déontologie et éviter les avortements liés au sexe de l'enfant. Le Comité recommande également au Gouvernement de s'assurer l'appui de la profession médicale pour sensibiliser la population à la nécessité urgente d'éliminer les pratiques associées à la préférence pour les enfants mles.

51. Le Comité juge inquiétant le fait que les femmes soient peu nombreuses au Gouvernement et dans l'appareil judiciaire, notamment dans les tribunaux des affaires familiales et dans les lok adalats ou chambres de conciliation.

52. Le Comité demande instamment au Gouvernement de prendre des mesures concrètes pour encourager les femmes à entrer dans la magistrature et participer aux lok adalats, et le prie de lui communiquer des données ventilées par sexe dans son prochain rapport.

53. Le Comité exprime l'inquiétude que lui inspirent les fortes disparités constatées entre le taux d'activité économique des hommes et celui des femmes. Il craint que la pratique de la servitude pour dettes et la violation du droit successoral en ce qui concerne les terres n'entraînent une exploitation éhontée du travail des femmes et ne paupérisent ces dernières.

54. Le Comité prie le Gouvernement de renforcer les lois sur l'asservissement et de donner aux femmes des possibilités de travail indépendant et une rémunération minimale en contrepartie des activités productrices qu'elles peuvent avoir à domicile ou dans le secteur non structuré. Il lui demande de revoir d'urgence la législation sur les successions et de veiller à ce que les femmes rurales aient accès à la terre et au crédit.

55. Le Comité juge regrettable que la Commission nationale pour les femmes n'ait pas les moyens de faire adopter ses propositions en matière de réforme législative ou d'intervenir pour empêcher la discrimination dans les secteurs public ou privé. Il note que ni la Commission nationale ni les commissions d'État ne disposent de ressources financières ou autres adéquates. Il note également que la Commission nationale pour les femmes n'a ni les mêmes ressources ni la même autorité que la Commission indienne des droits de l'homme et qu'il n'existe aucun lien officiel entre elle et les commissions d'État.

56. Le Comité recommande que des organisations non gouvernementales participent aux travaux de la Commission nationale pour les femmes. Les pouvoirs de la Commission devraient être aussi larges que ceux de la Commission des droits de l'homme et comprendre notamment une procédure de recours. Il recommande que l'on renforce de même les commissions d'État et qu'on établisse des liens entre celles-ci et la Commission nationale.

57. Le Comité s'inquiète de constater que, bien que le Gouvernement soit disposé à collaborer avec les organisations non gouvernementales et les associations féminines, les femmes activistes et oeuvrant à la défense des droits de la personne sont exposées à la violence et au harcèlement dans les communautés où elles travaillent.

58. Le Comité demande instamment au Gouvernement de faire strictement respecter la loi et de protéger les femmes activistes et travaillant à la défense des droits de la personne contre tout acte de violence ou de harcèlement.

59. Le Comité encourage l'Inde à déposer son instrument d'acceptation de l'amendement apporté au paragraphe 1 de l'article 20 de la Convention et à signer et ratifier dans les meilleurs délais le Protocole facultatif à la Convention.

60. Le Comité prie le Gouvernement indien de lui fournir, dans son prochain rapport périodique, des informations touchant les sujets de préoccupation soulevés dans les présentes conclusions.

61. Le Comité demande que les présentes conclusions soient largement diffusées en Inde afin que la population, la société civile et les pouvoirs publics soient conscients des mesures qui ont été prises pour assurer l'égalité de jure et de facto des femmes et des hommes, et des mesures supplémentaires à adopter dans ce domaine. Elle le prie également de diffuser largement dans toutes les langues locales la Convention, son Protocole facultatif, les recommandations générales du Comité, ainsi que la Déclaration et le Programme d'action de Beijing.



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