University of Minnesota



Observations finales du Comité pour l
'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Islande, U.N. Doc. A/57/38 (Part I),paras.215-255 (2002).



Comité pour l'élimination
de la discrimination à l'égard des femmes
Vingt-sixième session
14 janvier-1 février 2002


Islande


215. Le Comité a examiné les troisième et quatrième rapports périodiques combinés de l'Islande (CEDAW/C/ICE/3-4) à ses 532e et 533e séances, le 17 janvier 2002 (voir CEDAW/C/SR.532 et 533).

a) Présentation par l'État partie

216. Dans sa présentation, la représentante de l'Islande a actualisé les informations contenues dans les rapports, qui portaient sur la mise en oeuvre de la Convention jusqu'en décembre 1997, et précisé que les informations nouvelles figureraient dans le cinquième rapport périodique de son pays. Elle a en outre informé le Comité que son gouvernement avait ratifié le Protocole facultatif à la Convention en mars 2001 et prenait les dispositions nécessaires en vue de l'adoption de l'amendement au paragraphe premier de l'article 20 de la Convention relatif à la durée des réunions du Comité.

217. La représentante a indiqué qu'une nouvelle loi sur l'égalité des statuts et des droits des femmes et des hommes (loi sur l'égalité entre les sexes), qui remplaçait l'ancienne loi de 1991, avait été adoptée en mai 2000. Cette loi portait création d'un nouvel organe spécial, le Bureau pour la parité, dépendant du Ministère des affaires sociales et chargé du suivi de l'application de la nouvelle loi. Aux termes de cette dernière, les établissements et les entreprises comptant plus de 25 employés étaient tenus de mettre en oeuvre une politique d'égalité entre les sexes ou de prévoir des dispositions spéciales en ce qui concernait leurs politiques en matière d'emploi. Il était en outre interdit de pratiquer la discrimination directe et indirecte et les particuliers et les organisations non gouvernementales pouvaient saisir la Commission des doléances en matière d'égalité des sexes pour demander réparation de préjudices. Bien que les décisions de la Commission des doléances ne fussent pas contraignantes, le Bureau pour la parité, ou l'individu concerné, pouvait introduire une action en justice fondée sur les avis exprimés par ladite Commission.

218. Chaque ministère était tenu de nommer un coordonnateur chargé des questions d'égalité entre les sexes, dont le rôle était d'intégrer une perspective sexospécifique au sein du Ministère des affaires sociales et des institutions qui en dépendaient. Depuis 1991, l'Islande avait adopté trois programmes d'action quadriennaux ayant pour objectif de réaliser l'égalité entre les sexes, le dernier ayant démarré en 1998. Le Bureau pour la parité avait commencé à élaborer un nouveau plan d'action pour la période 2002-2006, qui mettait davantage l'accent sur l'intégration d'une dimension sexospécifique et les méthodes permettant d'y parvenir. À cet égard, la représentante a souligné la nécessité d'une participation accrue des hommes aux initiatives en faveur de la parité.

219. La loi de 2000 relative au congé de maternité/paternité, qui devait entrer en vigueur le 1er janvier 2003, avait été adoptée. Cette loi constituait une réforme fondamentale en ce sens qu'elle encourageait le partage des responsabilités parentales et l'égalité entre les sexes sur le marché du travail. La représentante a indiqué que la mise en oeuvre de la loi favoriserait l'égalité entre hommes et femmes en général et la réduction de l'écart entre les rémunérations en particulier, et permettrait de traiter le problème de la faible représentation des femmes aux postes les plus élevés dans le secteur de la gestion des entreprises, états de faits qui résultaient en partie des lourdes responsabilités incombant aux femmes ayant une famille et des enfants.

220. La représentante a souligné que les autorités islandaises étaient de plus en plus préoccupées par la traite des femmes et la prostitution, parfois associées aux « strip-clubs » qui se sont ouverts depuis 1990. En coopération avec les syndicats, les autorités locales et nationales observaient de très près les activités de ces clubs afin de les réduire. Les autorités compétentes préparent des mesures contre la prostitution.

221. En septembre 1998, le Ministre des affaires sociales avait créé un Comité dont le mandat, d'une durée de cinq ans, était d'accroître la participation des femmes à la vie politique, notamment au moyen de campagnes d'éducation et d'information. La première tâche du Comité était de faire augmenter le nombre de candidates aux élections parlementaires de 1999. Cette année-là, 35 % des membres élus étaient des femmes, contre 25 % en 1995. Le Comité s'employait dorénavant à accroître le pourcentage de femmes dans les gouvernement locaux, qui était de 28,5 % seulement. La représentante a par ailleurs indiqué qu'entre 1998 et 1999, 50 % des postes au Ministère des affaires étrangères pour lesquels un diplôme universitaire était exigé avaient été attribués à des femmes.

222. À l'Université d'Islande, 60,9 % des nouveaux étudiants étaient des femmes et la proportion d'étudiantes dépassait 50 % dans la plupart des disciplines, à l'exception de l'ingénierie, de l'économie et de l'informatique. En avril 2000, un accord de deux ans avait été signé pour renforcer le rôle des femmes sur le marché du travail et leur rôle dirigeant dans la vie économique et pour encourager celles qui faisaient des études supérieures à choisir des domaines à prédominance masculine.

223. La représentante a mis en avant le fait que, en 2000, 79 % des femmes âgées de 16 à 74 ans étaient sur le marché du travail, contre 88 % d'hommes appartenant à la même tranche d'âge, et que la participation des femmes âgées de 55 à 74 ans avait diminué. En 2001, le taux de chômage des femmes était de 1,9 %, chiffre comparable à celui des hommes. Les écarts de rémunérations, sujets d'une vive controverse, variaient entre 10 % et 16 %.

224. La représentante a souligné qu'en 1998 le Bureau pour la parité et l'Administration de la prévention des maladies professionnelles et des accidents du travail avaient publié une étude sur le harcèlement sexuel confirmant l'existence de ce problème sur le lieu de travail. La loi sur l'égalité entre les sexes avait en conséquence qualifié et interdit cette pratique.

225. La représentante a indiqué que des mesures avaient été prises pour lutter contre la violence à l'égard des femmes, en particulier la violence à caractère sexuel, ainsi que la violence exercée contre les enfants, spécialement contre les filles : procès à huis clos, introduction de procédures spéciales pour protéger les victimes et les témoins tenus de fournir des preuves, et ordonnances restrictives, entre autres. Les peines applicables en cas de viol avaient été renforcées et le procureur demandait habituellement des peines substantielles en cas de violence à caractère sexuel.

226. En conclusion, la représentante a fait observer que si des progrès sensibles avaient été faits quant à la mise en oeuvre de la Convention, il restait encore beaucoup à faire. Des initiatives avaient été prises en ce sens, notamment pour examiner si et comment l'égalité entre les sexes était prise en compte par les organes de planification et de décision aux échelles nationale et locale. Un groupe de travail, qui se consacrait actuellement aux projets de lois formulés par les ministères des finances, de l'industrie, du commerce et des affaires sociales, avait également été chargé de veiller à la prise en considération de la problématique hommes-femmes dans l'élaboration de la législation.

b) Conclusions du Comité


Introduction

227. Le Comité accueille avec satisfaction les troisième et quatrième rapports périodiques présentés par l'État partie, qui sont conformes aux directives établies. Le Comité apprécie également que des informations complémentaires lui aient été fournies en réponse aux questions soulevées par le groupe de travail présession et au cours de la présentation orale.

228. Le Comité remercie l'État partie pour son dialogue franc et constructif avec les autres membres.

Aspects positifs

229. Le Comité rend hommage à l' État partie pour les progrès réalisés en matière d'égalité entre les sexes et le félicite pour les mesures prises afin d'intégrer les sexospécificités dans sa politique générale et à tous les stades des processus décisionnels.

230. Le Comité le félicite aussi de l'adoption de la loi de 2000 sur l'égalité entre les sexes et du grand nombre d'études, de projets pilotes et de recherches visant à promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes.

231. Le Comité se réjouit que l'État partie prenne en considération la responsabilité commune des hommes et des femmes en matière de promotion de l'égalité et qu'il ait adopté un certain nombre de mesures pour faire participer les hommes à la mise en oeuvre des stratégies visant à renforcer cette égalité, notamment en ce qui concerne le congé parental.

232. Le Comité dit sa satisfaction que l'État partie ait ratifié le Protocole facultatif à la Convention et s'apprête à adopter l'amendement au paragraphe 1 de l'article 20 relatif à la durée des réunions du Comité.

233. Il le félicite en outre de la suite donnée à plusieurs des recommandations qu'il avait formulées dans les conclusions finales adoptées à l'issue de la présentation du dernier rapport de l'Islande.

Obstacles à l'application de la Convention

234. Le Comité constate qu'il n'existe pas d'obstacles majeurs à l'application de la Convention en Islande.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations

235. Le Comité note avec préoccupation que la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes n'a pas encore été incorporée à la législation nationale; il est regrettable que l'article premier dans lequel est définie la discrimination à l'égard des femmes ne soit pas intégré à la législation islandaise.

236. Le Comité recommande à l'État partie d'examiner plus avant la question de l'incorporation de la Convention à la législation nationale et insiste particulièrement sur l'importance de l'article premier. Le Comité demande à l'État partie de l'informer dans son prochain rapport périodique des progrès accomplis à cet égard, et de lui indiquer notamment si l'on a demandé à des tribunaux nationaux d'appliquer la Convention.

237 Le Comité s'inquiète du fait que les décisions de la Commission des doléances en matière d'égalité entre les sexes ne soient pas contraignantes, notamment dans le cas où une instance gouvernementale violerait les dispositions en vigueur.

238. Le Comité recommande à l'État partie d'envisager de renforcer les mécanismes de la Commission des doléances afin, notamment, que ses décisions aient force obligatoire.

239. Le Comité note avec préoccupation l'apparente contradiction entre le niveau d'éducation élevé des femmes et leur traitement inégal sur le marché du travail, qui ressort en particulier de l'écart des salaires de 10 à 16 % dans le secteur public, au détriment des femmes.

240. Le Comité encourage l'État partie à continuer à chercher à réduire l'écart des rémunérations entre les femmes et les hommes dans le secteur public, à lancer des évaluations des tâches, et à réduire les disparités entre les deux sexes. Le Comité demande aussi à l'État partie de fournir de plus amples informations, dans son prochain rapport, sur la situation des femmes dans le secteur privé en matière de rémunérations.

241. Le Comité se demande également avec inquiétude si la persistance du taux élevé d'emplois à temps partiel des femmes signifie qu'en dépit des efforts déployés par l'État partie pour mieux concilier vie de famille et vie professionnelle, les femmes continuent d'assumer la part la plus importante des responsabilités familiales.

242. Le Comité encourage l'État partie à continuer d'aider les femmes et les hommes à parvenir à un équilibre entre famille et travail, notamment par des initiatives pour sensibiliser et éduquer les femmes aussi bien que les hommes, en ce qui concerne le partage des tâches dans la famille, et en veillant à ce que les emplois à temps partiel ne soient pas uniquement destinés aux femmes.

243. Le Comité constate que si les femmes sont plus présentes sur la scène politique qu'auparavant, elles sont encore sous-représentées dans les fonctions électives, dans les postes de haut niveau et dans la carrière diplomatique. Le Comité est préoccupé aussi de voir qu'en dépit de leur niveau d'instruction élevé, très rares sont les femmes qui sont professeurs d'université.

244. Le Comité encourage l'État partie à prendre des mesures spéciales temporaires conformément à l'article 4.1 de la Convention pour accroître la représentation des femmes dans les postes de responsabilité dans tous les secteurs, notamment dans tous les comités qui s'occupent des affaires publiques. Il recommande aussi à l'État partie de prendre des mesures pour accroître le nombre de femmes occupant des postes importants dans les universités.

245. Tout en notant que l'État partie a adopté une démarche juridique et sociale positive en matière de lutte contre la violence à l'égard des femmes, notamment la violence dans la famille, le Comité est préoccupé par la légèreté des peines applicables aux délits et crimes sexuels, y compris aux viols.

246. Le Comité demande instamment à l'État partie de continuer à mettre en oeuvre et à renforcer les mesures en vigueur pour combattre la violence à l'égard des femmes, et à multiplier les initiatives de sensibilisation et les actions menées auprès des hommes qui se rendent coupables de ces actes de violence. Le Comité presse également l'État partie de se pencher sur les dispositions actuelles qui infligent des peines peu élevées aux auteurs de violence sexuelle, y compris de viols. L'État partie est encouragé à examiner la question de la violence à l'égard des femmes sous l'angle des articles de la Convention et de la recommandation générale 19 du Comité concernant la violence à l'égard de femmes. Le Comité demande à l'État partie de fournir de plus amples informations, dans son prochain rapport, sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes, y compris sur les mesures prises pour former le personnel policier et judiciaire.

247. Le Comité note avec préoccupation que l'Islande est peut-être devenue un pays de destination en matière de traite des femmes.

248. Le Comité invite l'État partie à poursuivre l'action qu'il a engagée contre la traite des femmes, notamment par une coopération internationale accrue.

249. Le Comité exprime son inquiétude quant à la réforme du régime de retraite, qui s'est traduite par des répercussions qui affectent plus les femmes que les hommes.

250. Le Comité recommande à l'État partie d'étudier les conséquences de la réforme du régime de retraite et d'adopter les mesures nécessaires pour éviter d'accroître la pauvreté parmi les femmes âgées.

251. Le Comité s'inquiète du fort taux de consommation d'alcool parmi les femmes, et du taux de consommation d'alcool et de drogue parmi les jeunes, y compris les filles.

252. Le Comité demande instamment à l'État partie de prendre des mesures pour s'attaquer au problème de l'abus d'alcool et de drogue, en particulier chez les femmes et les filles.

253. Le Comité encourage l'État partie à continuer de prendre les dispositions nécessaires à l'adoption de l'amendement au paragraphe 1 de l'article 20 de la Convention.

254. Le Comité prie l'État partie de répondre dans son prochain rapport aux questions encore en suspens qui ont été posées lors du dialogue constructif, ainsi qu'aux questions spécifiques soulevées dans les présentes conclusions. Il demande en outre à l'État partie de présenter, toujours dans son prochain rapport, une évaluation de l'impact des mesures prises pour appliquer la Convention, en particulier pour ce qui a trait à l'intégration des sexospécificités.

255. Le Comité demande que le texte des présentes conclusions soit largement diffusé en Islande de façon à informer le public, et notamment les membres de l'administration, les fonctionnaires et le personnel politique, des mesures prises en vue de garantir l'égalité de droit et de fait entre les hommes et les femmes, ainsi que des mesures supplémentaires à adopter dans ce domaine. Il presse également à l'État partie de continuer à assurer une large publicité à la Convention et à son Protocole facultatif, aux recommandations d'ordre général du Comité, à la Déclaration et au Programme d'action de Beijing et aux conclusions de la trente-troisième session extraordinaire de l'Assemblée générale intitulée « Les femmes en l'an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXIe siècle », et ceci notamment parmi les associations féminines et les organisations de défense des droits de l'homme.



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