University of Minnesota



Observations finales du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Guyana, U.N. Doc. CEDAW/C/GUY/CO/7-8 (2012).


 

Cinquante-deuxième session

9-27 juillet 2012

Observations finales du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes

Guyana

Le Comité a examiné le septième-huitième rapport périodique du Guyana (CEDAW/C/GUY/7-8) à ses 1041e et 1042e séances le 10 juillet 2012 (voir CEDAW/C/SR.1041 et 1042). La liste des points et questions soulevés par le Comité figure dans le document paru sous la cote CEDAW/C/GUY/Q/7-8 et les réponses du Gouvernement guyanais dans CEDAW/C/GUY/Q/7-8/Add.1.

A.Introduction

Le Comité adresse ses remerciements à l’État partie pour le septième-huitième rapport périodique, lequel a d’une manière générale suivi les directives du Comité concernant l’établissement des rapports, malgré l’absence de quelques données ventilées en particulier et bien qu’il ait été attendu depuis septembre 2006. Le Comité prend note de l’exposé oral de l’État partie, des réponses écrites à la liste des points et questions soulevés par son groupe de travail d’avant-session ainsi que des clarifications apportées aux questions posées oralement par le Comité.

Le Comité rend hommage à la délégation de haut niveau de l’État partie, dirigée par la Ministre des ressources humaines et de la sécurité sociale du Guyana, S. E. Mme Jennifer Webster, délégation qui comprenait aussi le Ministre de l’éducation. Le Comité regrette toutefois qu’il n’ait pas été donné de réponse à certaines des questions posées et que certaines des réponses apportées n’aient pas été suffisamment claires, précises ou détaillées.

B.Aspects positifs

Le Comité accueille avec satisfaction les progrès accomplis depuis l’adoption de ses précédentes observations finales en 2005, notamment les reformes législatives qui ont été entreprises et l’adoption d’un ensemble de mesures législatives. Il est fait spécifiquement référence aux textes ci-après :

a)Loi sur les affaires amérindiennes (2006);

b)Amendements à la loi sur la prévention des crimes (2008);

c)Loi sur la protection des enfants et loi portant création d’une agence de protection de l’enfance (2009);

d)Loi sur les délits sexuels (2010);

e)Loi sur les personnes handicapées (2010).

Le Comité accueille avec satisfaction l’adhésion de l’État partie aux traités internationaux suivants relatifs aux droits de l’homme, ainsi que leur ratification, depuis l’examen du rapport de l’État partie en 2005 :

a)Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille en 2010;

b) Protocole facultatif joint à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants en 2010;

c) Protocole facultatif joint à la Convention relative aux droits de l’enfant sur l’intervention d’enfants dans un conflit armé.

C.Principaux domaines de préoccupation et recommandations

Le Comité rappelle que l’État partie est tenu de mettre continuellement et systématiquement en œuvre les dispositions de la Convention et considère que les préoccupations et les recommandations énoncées dans les présentes observations finales appellent l’attention prioritaire de l’État partie dès maintenant et jusqu’à la présentation du présent rapport périodique. C’est pourquoi le Comité exhorte l’État partie à concentrer son attention sur ces domaines dans son travail de mise en œuvre de la Convention et à indiquer dans son prochain rapport périodique les actions engagées et les résultats obtenus. Le Comité demande à l’État partie de communiquer les présentes observations finales à tous les ministères compétents, au Parlement et au judiciaire afin d’en assurer la pleine mise en œuvre.

Parlement

Tout en réaffirmant que le Gouvernement est responsable au premier chef et qu’il est particulièrement comptable de la pleine mise en œuvre des obligations que la Convention fait à l’État partie, le Comité souligne que la Convention lie tous les compartiments de l’appareil d’État et il invite l’État partie à encourager le Parlement à prendre, conformément à ses procédures et dans les cas appropriés, les mesures nécessaires concernant la mise en œuvre des présentes observations finales dès maintenant et jusqu’à la présentation du prochain rapport que prévoit la Convention.

Visibilité de la Convention

Le Comité est préoccupé par le fait que la Convention et les recommandations générales du Comité sont généralement méconnues dans l’État partie, notamment dans le judiciaire et autres instances d’application des lois, ainsi que dans l’ensemble de la population. Il est préoccupé en outre par le fait que les femmes elles-mêmes, en particulier celles des zones rurales et des régions reculées, ne sont pas conscientes des droits que leur reconnait la Convention et ne disposent pas ainsi de l’information nécessaire pour les revendiquer.

Le Comité demande à l’État partie :

a) De prendre les mesures nécessaires pour assurer une diffusion adéquate du texte de la Convention et des recommandations générales du Comité parmi toutes les parties prenantes ‒ ministères, parlementaires, membres du judiciaire, agents de la force publique et chefs religieux et responsables communautaires – afin de faire prendre conscience des droits humains des femmes et de mettre fermement en place dans le pays une culture du droit attachée à l’égalité des femmes et à l’absence de discrimination à leur égard;

b) Prendre toutes les mesures appropriées pour mieux ancrer chez les femmes la conscience de leurs droits et les rendre mieux à même de les faire reconnaitre, notamment en fournissant aux femmes des informations sur la Convention dans des langues qui leur soient accessibles dans toutes les régions de l’État partie, en particulier dans l’arrière-pays et les zones rurales ainsi que parmi les populations amérindiennes, l’accent étant mis sur les manières d’utiliser les voies de recours en justice pour violation de leurs droits.

Statut juridique de la Convention

Le Comité s’inquiète de ce que, bien que la Convention ait été ratifiée sans réserves par le Guyana en 1980, son statut juridique dans la législation de celui-ci demeure flou. Tout en prenant note de la protection des droits de l’homme prévue à l’article 154 A de la Constitution, il constate avec préoccupation que cette protection peut être limitée ou supprimée par un vote de l’Assemblée nationale à la majorité des deux tiers.

Le Comité demande instamment à l’État partie de placer au rang de ses priorités l’intégration pleine et entière de la Convention dans son système juridique, afin de conférer à celle-ci un rôle central en tant que cadre de référence pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

Définition de l’égalité et de la non-discrimination

Le Comité prend note avec satisfaction de la protection contre la discrimination fondée sur le sexe prévue dans les articles 149, 149D et 149F de la Constitution de l’État partie et par les dispositions de la loi sur l’égalité des droits et de celle sur la prévention de la discrimination. Toutefois, le Comité s’inquiète de ce qu’il y existe certaines incohérences entre lesdites dispositions et le fait que la liste des motifs de discrimination soit exhaustive.

Le Comité prie instamment l’État partie de consacrer, dans sa Constitution et dans toute autre loi pertinente, l’interdiction de la discrimination à l’égard des femmes, qu’elle soit directe ou indirecte et manifestée dans la sphère publique ou privée, conformément à l’article premier de la Convention, et d’harmoniser les diverses dispositions aux niveaux constitutionnel et législatif traitant d’égalité et de non-discrimination.

Accès à la justice et aux mécanismes de plainte

Le Comité constate que l’accès des femmes à la justice est prévu par la loi et que 6 des 10 régions administratives du pays disposent depuis 2008 de services d’aide juridique qui permettent aux personnes démunies et vulnérables d’accéder plus facilement à la justice. Il déplore toutefois que la capacité des femmes d’exercer ce droit et de saisir les tribunaux de cas de discrimination est limitée par des facteurs tels que l’absence de tribunaux permanents dans certaines régions, la méconnaissance des droits des femmes et d’autres difficultés pratiques liées à l’accès aux tribunaux. Le Comité note également que l’État partie n’a pas encore mis en place d’institution nationale indépendante de défense des droits de l’homme, alors qu’il avait accepté la recommandation formulée en ce sens dans le cadre de l’examen périodique universel le concernant effectué en 2010 (voir A/HRC/15/14). Le Comité note de nouveau qu’aucun médiateur n’a été nommé depuis janvier 2005 et qu’on ne dispose d’aucune information concrète sur une éventuelle nomination.

Le Comité exhorte l’État partie :

a) À mettre en place des tribunaux permanents et à veiller à ce que les autorités judiciaires aient une bonne connaissance de la Convention et des obligations de l’État partie;

b) À offrir des services d’aide juridique dans toutes les régions, à mettre en œuvre des programmes d’initiation au droit, à diffuser des informations sur les voies de recours contre la discrimination, et à suivre les résultats de ces mesures;

c) À prendre des mesures pour mettre en place une institution nationale indépendante de défense des droits de l’homme conformément aux Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme (Principes de Paris);

d) À nommer un médiateur chargé d’examiner les plaintes et de faire en sorte que l’institution nationale soit dotée de ressources humaines, financières et techniques suffisantes pour fonctionner efficacement et que sa composition et que ses activités tiennent compte de la problématique hommes-femmes et permettent de traiter véritablement la question des droits des femmes.

Mécanisme national de promotion de la femme

Le Comité constate de nouveau avec préoccupation qu’il n’a pas obtenu de description claire du mécanisme national de promotion de la femme (voir CEDAW/C/GUY/CO/3-6, par. 27). Tout en prenant acte de l’existence de la Commission de la femme et de l’égalité des sexes, le Comité est préoccupé par le manque d’informations sur son pouvoir de décision, ses ressources humaines et financières et sa capacité de veiller à l’élaboration et à la pleine application de politiques relatives à l’égalité des sexes dans l’ensemble des activités des ministères et administrations publiques. Le Comité s’inquiète également de ce que la Commission des droits de l’homme, qui a pour mandat de protéger les droits de l’homme, d’enquêter sur les violations, de résoudre les différends ou de réparer les actes ou les omissions, et doit servir en outre de secrétariat à la Commission de la femme et de l’égalité des sexes, n’est pas encore opérationnelle.

Le Comité encourage l’État partie :

a) À définir clairement le mandat et les responsabilités des différentes composantes du mécanisme national de promotion de la femme et de renforcer sans tarder ce mécanisme en le dotant de ressources humaines, financières et techniques propres à lui permettre d’assurer la coordination des activités et de promouvoir efficacement l’égalité des sexes et la transversalisation de la problématique hommes-femmes;

b) À dispenser une formation sur les droits des femmes au personnel – femmes et hommes – des différentes composantes du mécanisme national de promotion de la femme;

c) À évaluer plus efficacement l’impact des mesures prises, afin de veiller à ce qu’elles permettent d’atteindre les buts et objectifs fixés.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité constate avec regret que les mesures temporaires spéciales visées dans sa recommandation générale no 25 ne sont pas systématiquement appliquées alors qu’elles sont nécessaires pour accélérer l’instauration d’une égalité réelle entre les hommes et les femmes dans tous les domaines couverts par la Convention, en particulier dans les domaines de l’emploi et de l’éducation.

Le Comité encourage l’État partie à recourir davantage aux mesures temporaires spéciales visées à l’article 4 1) de la Convention, telles qu’interprétées par le Comité dans sa recommandation générale n o 25, dans tous les domaines couverts par la Convention où les femmes sont sous-représentées ou désavantagées. À cette fin, il recommande à l’État partie :

a) De fixer des objectifs assortis de délais et d’allouer des ressources suffisantes à la mise en œuvre de stratégies comme des programmes de sensibilisation et d’appui, l’établissement de quotas et d’autres mesures proactives et concrètes visant à parvenir à une égalité réelle entre les femmes et les hommes dans tous les domaines, en particulier ceux de l’emploi et de l’éducation;

b) De sensibiliser davantage les parlementaires, les représentants de l’État, les employeurs et le grand public à la nécessité d’appliquer des mesures temporaires spéciales, et de fournir des informations exhaustives sur le recours à ces mesures et leur impact dans son prochain rapport.

Stéréotypes et pratiques préjudiciables

Tout en prenant note des efforts déployés par l’État partie pour lutter contre les stéréotypes et les préjugés par des campagnes d’information et de sensibilisation dans les médias, le Comité se déclare gravement préoccupé par la persistance de normes, de pratiques et de traditions préjudiciables, d’attitudes patriarcales et de préjugés profondément ancrés en ce qui concerne le rôle, les responsabilités et l’identité des hommes et des femmes dans tous les domaines de la vie. Il s’inquiète de ce que de telles coutumes et pratiques perpétuent la discrimination à l’égard des femmes, comme en témoigne la situation défavorable et inégale de celles-ci dans de nombreux domaines, notamment en ce qui concerne l’éducation, la vie publique et la prise de décisions, et que l’État partie n’a pas pris de mesures durables pour modifier ou éliminer les stéréotypes et les valeurs et pratiques traditionnelles préjudiciables.

Le Comité prie instamment l’État partie :

a) De mettre en place, sans tarder, une stratégie globale visant à éliminer les pratiques patriarcales et les stéréotypes discriminatoires à l’égard des femmes, en application des dispositions de la Convention. Il s’agirait notamment d’organiser, de concert avec la société civile, les responsables locaux et les chefs religieux, des campagnes d’information et de sensibilisation sur ce sujet à l’intention des femmes et des hommes à tous les niveaux de la société;

b) D’adopter des mesures novatrices visant à améliorer la compréhension du principe de l’égalité des sexes en faisant appel aux médias, et de recourir au système d’enseignement pour promouvoir une image positive et non stéréotypée des femmes;

c) D’assurer le suivi et l’examen des mesures prises de façon à en évaluer l’impact et à prendre les décisions qui s’imposent.

Violence à l’égard des femmes

Le Comité prend note de l’adoption de la loi sur les infractions sexuelles en 2010 et du lancement d’une politique nationale sur la violence familiale (2008-2013), intitulée « Break the Cycle Take Control » (Briser la spirale, reprendre le contrôle). Il se déclare toutefois préoccupé par la fréquence des cas de violence à l’égard des femmes dans l’État partie, en particulier les violences familiales et sexuelles, lesquelles sont culturellement acceptées et ne sont souvent pas signalées. Il constate également avec regret que le pays ne dispose que d’un seul centre offrant des services aux victimes de violence, qui est financé par l’État et géré par une organisation non gouvernementale. Le Comité s’inquiète aussi des actes de violence commis contre les lesbiennes, les bisexuelles et les transsexuels.

Le Comité prie instamment l’État partie :

a) D’accorder un rang de priorité élevé à la mise en œuvre intégrale de la loi sur les infractions sexuelles et de mettre en place des mesures globales permettant de prévenir et de combattre la violence infligée aux femmes et aux filles, en reconnaissant que cette violence est une forme de discrimination à l’égard des femmes et constitue une violation des droits fondamentaux qui leur sont conférés par la Convention et une infraction pénale, et en veillant à ce que les femmes et les filles victimes de violence aient immédiatement accès à des mesures de réparation et de protection et que les auteurs soient poursuivis et punis, conformément à la recommandation générale n o 19 du Comité;

b) De dispenser une formation obligatoire aux juges, aux procureurs et aux agents des forces de l’ordre sur les procédures à suivre lorsque des femmes sont victimes de violence;

c) D’inciter les femmes à signaler les incidents de violence familiale et sexuelle, en cessant de stigmatiser les victimes et en faisant prendre conscience de la nature criminelle de tels actes;

d) D’apporter une aide et une protection adéquates aux victimes de violence en renforçant les capacités des foyers et des centres d’aide aux femmes en détresse, en particulier dans les zones de l’arrière-pays, et en améliorant la coopération avec les organisations non gouvernementales qui proposent aux victimes refuge et réinsertion;

e) De recueillir des données statistiques sur les violences familiales et sexuelles ventilées par sexe, âge et relation entre la victime et le coupable;

f) De protéger efficacement toutes les catégories de femmes contre la violence et la discrimination en adoptant une législation complète prévoyant l’interdiction de multiples formes de discrimination.

Traite et exploitation de la prostitution

Le Comité est préoccupé par la persistance de la traite des femmes et des filles, notamment à l’intérieur du pays, ainsi que par le faible taux de signalement. Il regrette également que l’État partie ne dispose guère de refuges et de services d’aide psychologique pour les victimes de la traite et de la prostitution.

Le Comité exhorte l’État partie à appliquer pleinement l’article 6 de Convention, notamment :

a) En s’attaquant aux causes profondes de la traite et de la prostitution, notamment la pauvreté, afin d’éliminer la vulnérabilité des filles et des femmes à l’exploitation sexuelle et à la traite, et en s’employant à assurer la réadaptation et la réinsertion sociale des victimes;

b) En dispensant une formation sur les moyens de repérer et d’aider les victimes de la traite et sur les dispositions des lois de lutte contre la traite aux membres de l’appareil judiciaire, aux agents des forces de l’ordre, aux gardes-frontières et aux travailleurs sociaux dans toutes les régions du pays, en particulier dans les zones rurales et isolées;

c) En assurant un suivi systématique et en procédant à des évaluations périodiques du phénomène, notamment en recueillant et en analysant des données sur la traite de femmes et l’exploitation de prostituées, et en incluant ces données dans son prochain rapport périodique;

d) En renforçant sa coopération, sur les plans international, régional et bilatéral, avec les pays d’origine, de transit et de destination, en vue de prévenir la traite grâce à l’échange d’informations et d’harmoniser les procédures judiciaires permettant de traduire les trafiquants en justice;

e) En faisant le nécessaire pour que les femmes et les filles victimes de la traite aient accès à des soins médicaux de qualité, à une aide psychologique, à un soutien financier, à un logement adéquat et à des possibilités de formation, ainsi qu’à des services d’assistance juridique gratuits.

Participation à la vie publique et politique

Le Comité note que la proportion de femmes siégeant au Parlement de l’État partie a progressé, puisqu’elle est passée de 18,5 % en 1992 à 32 % en 2012. Il s’inquiète toutefois de la persistance d’obstacles à la promotion des femmes s’agissant de leur participation à la vie politique et à la vie publique, tels que l’inefficacité du système de quotas, l’absence de mesures temporaires spéciales, le manque de moyens financiers, l’insuffisance des mesures de discrimination positive visant à renforcer les capacités des candidates potentielles et la persistance de préjugés sexistes et d’une situation socioéconomique médiocre qui empêchent les femmes d’exercer pleinement leur droit de participer à la vie publique, particulièrement au niveau où sont prises les décisions. Tout en notant que pour la première fois en 2008, une femme – amérindienne de surcroît – a été nommée Ministre des affaires étrangères, le Comité est préoccupé par la lenteur des progrès réalisés vers l’accès des femmes amérindiennes, sur un pied d’égalité, aux postes de direction et de décision dans la vie publique et politique.

Le Comité exhorte l’État partie :

a) À redoubler d’efforts pour adopter des lois visant à améliorer la participation réelle des femmes à la vie politique ou à modifier en ce sens celles qui existent, et à mettre en œuvre des politiques à long terme tendant à promouvoir la pleine participation des femmes, sur un pied d’égalité avec les hommes, à la prise de décisions, impératif démocratique pour tous les domaines de la vie publique et professionnelle, en mettant en application la recommandation générale n o 23 (1997) du Comité, qui concerne les femmes et la vie publique;

b) À adopter et mettre en œuvre des mesures temporaires spéciales, conformément à l’article 4 1) de la Convention et à la recommandation générale n o 25 (2004) du Comité, afin d’accélérer la pleine participation des femmes, sur un pied d’égalité avec les hommes, à la vie publique et politique, s’agissant en particulier des femmes amérindiennes;

c) À organiser, à l’intention des hommes et des femmes, des campagnes de sensibilisation visant à éliminer les attitudes patriarcales et les stéréotypes concernant le rôle des hommes et des femmes, et à mettre en avant l’importance d’une pleine participation des femmes, sur un pied d’égalité avec les hommes, à la vie publique et politique et aux postes de décision dans les secteurs public et privé et dans tous les domaines d’activité.

Éducation

Tout en notant que l’État partie a instauré la parité entre les sexes dans l’enseignement primaire, le Comité est préoccupé par l’absence de statistiques ventilées par sexe et par région concernant les taux de scolarisation et d’abandon scolaire à tous les niveaux d’enseignement. Le Comité déplore également le taux élevé d’abandon scolaire chez les filles au niveau secondaire dans la région administrative 8 de l’État partie et les difficultés d’accès aux établissements d’enseignement dans les zones de l’arrière-pays. Le Comité s’inquiète également de la ségrégation existant dans les filières d’études dans l’enseignement supérieur, les femmes et des filles étudiant essentiellement dans des disciplines traditionnellement féminines, telles que la cuisine et la couture, et étant sous-représentées dans les disciplines techniques et professionnelles, et est préoccupé par les répercussions de cette pratique sur la représentation des femmes dans la population active rémunérée. Le Comité est également préoccupé par le fait que la pratique des châtiments corporels est acceptée aussi bien à l’école qu’à la maison, même si elle constitue une forme de violence à l’égard des enfants, notamment les filles.

Le Comité prie instamment l’État partie de respecter plus rigoureusement l’article 10 de la Convention et de sensibiliser davantage à l’importance de l’éducation en tant que droit fondamental et condition essentielle de l’autonomisation des femmes. À cette fin, il demande à l’État partie :

a) De veiller à ce que les filles et les femmes accèdent, sur un pied d’égalité avec les garçons et les hommes, à tous les niveaux et domaines d’enseignement, de prendre des mesures destinées à donner aux filles les moyens de bénéficier d’un enseignement secondaire dans toutes les régions de l’État partie, et d’éliminer les attitudes traditionnelles qui, dans certaines régions, sont susceptibles de faire obstacle à l’éducation des filles et des femmes;

b) De mettre en œuvre des mesures visant à éliminer les stéréotypes traditionnels et les obstacles structurels dans diverses structures sociales (famille, écoles et institutions religieuses) qui pourraient dissuader les filles de s’inscrire dans des branches non traditionnelles de l’enseignement académique ou professionnel aux niveaux secondaire et supérieur;

c) De redoubler d’efforts pour offrir aux filles des services d’orientation professionnelle qui les renseignent sur les carrières non traditionnelles dans les professions ayant un rapport avec les sciences;

d) D’interdire expressément les châtiments corporels dans tous les contextes, notamment en adoptant des lois et en organisant des campagnes de sensibilisation à l’intention des familles, des écoles et des autres structures éducatives;

e) De garantir l’accès aux établissements d’enseignement, en proposant notamment des moyens de transport pour les trajets école-domicile, en particulier dans l’arrière pays et les zones rurales et isolées.

Emploi

Le Comité regrette que, malgré les dispositions de l’article 22 1) de la Constitution, qui consacrent le droit de tout citoyen à être rémunéré en fonction de la nature, de la quantité et de la qualité de son travail, à toucher un salaire égal pour un travail égal ou de valeur égale, et à bénéficier de conditions de travail équitables, les femmes continuent d’être victimes de discrimination dans ce domaine. Il est également préoccupé par le manque d’informations sur la participation des femmes à la population active dans les zones urbaines et rurales, leur taux d’emploi, l’existence d’une forte ségrégation horizontale et verticale sur le marché du travail et la persistance d’un écart de rémunération entre les hommes et les femmes. Il s’inquiète également de la concentration des femmes dans le secteur informel, qui les prive d’une couverture sociale et d’autres prestations, ainsi que de la forte proportion de femmes exerçant des travaux non rémunérés au sein de la famille, notamment dans le secteur agricole.

Le Comité prie instamment l’État partie :

a) D’appliquer concrètement le principe d’un salaire égal pour un travail de valeur égale, grâce à des campagnes de sensibilisation, des sanctions plus sévères et des inspections du travail plus efficaces, et de réduire et, à terme, éliminer les écarts de salaire entre hommes et femmes, conformément à la Convention n o 100 (1951) de l’OIT sur l’égalité de rémunération;

b) De mettre en place un cadre réglementaire pour le secteur informel, de façon à permettre aux femmes qui y travaillent d’obtenir une couverture sociale et d’autres prestations;

c) De renforcer la formation des femmes dans les domaines techniques et professionnels, notamment dans des activités traditionnellement masculines et le secteur agricole;

e) D’adopter des mesures temporaires spéciales conformément à l’article 4 1) de la Convention et à la recommandation générale n o 25 du Comité, afin d’assurer l’égalité des chances pour les hommes et les femmes sur le marché du travail.

Santé

Tout en se félicitant des efforts déployés par l’État partie en ce qui concerne le système de santé, notamment la stratégie nationale relative au secteur de la santé pour la période 2008-2012, le Comité est préoccupé par le manque de données médicales ventilées par sexe et par région, et par l’absence d’un système de suivi qui permettrait d’évaluer l’impact des mesures prises pour améliorer la santé des femmes, de superviser les services de santé et de veiller à ce que les femmes y aient facilement accès. Le Comité regrette également que les taux de mortalité et de morbidité maternelle demeurent élevés (le taux de mortalité maternelle s’élève à 98 pour 100 000 naissances vivantes) et que les femmes et les filles aient un accès insuffisant aux services de soins de santé procréative, à l’information, à l’éducation et à la contraception, en particulier dans l’arrière-pays et les zones rurales. Le Comité s’inquiète également de la fréquence des cas de violence sexiste et des pratiques préjudiciables nuisant à la santé et au bien-être des femmes et des filles, notamment la -pratique des mariages précoces. Il déplore aussi le manque de services de santé mentale adéquats, notamment de services d’accompagnement psychosocial à l’intention des femmes et des filles qui souffrent d’un traumatisme, d’un stress aigu ou d’autres problèmes de comportement et de santé mentale.

Le Comité prie instamment l’État partie :

a) De faire le nécessaire pour améliorer l’accès des femmes aux soins de santé et aux soins connexes, dans le cadre de la recommandation générale n o 24 du Comité;

b) De prendre des mesures spécialement destinées à permettre aux femmes de bénéficier plus facilement de soins dispensés par un personnel qualifié dans des établissements médicaux de qualité, en particulier dans l’arrière-pays et dans les zones rurales et isolées, et de s’employer à sensibiliser les femmes enceintes à une maternité sans risque;

c) D’intensifier et d’étendre les efforts visant à améliorer dans tout le pays la connaissance des méthodes contraceptives abordables et l’accès à celles-ci, et à veiller à ce que les femmes vivant dans l’arrière-pays et dans les zones rurales et isolées puissent accéder sans difficulté aux informations et aux services de planification familiale;

d) D’intégrer des cours de santé sexuelle et procréative dans les programmes scolaires de toutes les écoles fréquentées par des adolescents, en mettant l’accent sur la prévention des grossesses précoces et des maladies sexuellement transmissibles, notamment le VIH/sida;

e) De proposer des services adéquats et efficaces, notamment un accompagnement psychosocial pour les femmes et des filles souffrant d’un traumatisme émotionnel ou d’autres problèmes de santé mentale, en particulier dans l’arrière-pays et les zones rurales et isolées.

Prestations économiques et sociales

Tout en constatant les efforts déployés par l’État partie pour instaurer l’égalité des sexes en ce qui concerne l’accès aux services financiers et la formation à la création d’entreprise, le Comité est préoccupé par le manque global d’information sur les conditions régissant l’octroi de prêts, de prêts hypothécaires et d’autres formes de crédit. Il trouve également préoccupant que malgré l’augmentation récente des prestations de retraite versées aux femmes, celles qui n’ont pas cotisé alors qu’elles travaillaient à temps partiel ou à domicile ou exerçaient une autre activité faiblement rémunérée, voire non rémunérée, ne remplissent pas les conditions requises pour toucher des prestations de retraite.

Conformément à l’article 13 de la Convention, le Comité recommande à l’État partie :

a) De lever les obstacles auxquels se heurtent les femmes chefs d’entreprise en élaborant des programmes spécifiques et en mettant au point des dispositifs d’évaluation permettant de déterminer si les programmes de formation à la création d’entreprise aident réellement ces femmes;

b) De revoir le régime de retraite actuel de façon à accroître le pourcentage de femmes pouvant bénéficier d’une retraite à taux plein.

Femmes rurales et Amérindiennes

Tout en accueillant avec satisfaction la promulgation en 2006 de la nouvelle Loi sur les Amérindiens portant attribution de titres de propriété sur 14 % des terres du Guyana à 135 communautés amérindiennes et tout en notant la création d’un fonds spécial pour la promotion des communautés amérindiennes et le lancement du Programme d’électrification rurale, le Comité se dit préoccupé par la situation désavantagée des femmes dans l’arrière-pays, les zones rurales et reculées qui forment la majorité des femmes de l’État partie et qui sont caractérisées par la pauvreté, les difficultés d’accès à des services sanitaires et sociaux et le manque de participation aux mécanismes de prise des décisions au niveau communautaire.

Le Comité demande à l’État partie :

a) De porter une attention spéciale aux besoins des femmes rurales afin de veiller à ce qu’elles aient accès à la santé, à l’éducation, à de l’eau salubre et à l’assainissement ainsi qu’à des projets générateurs de revenus;

b) De combattre des coutumes et des pratiques traditionnelles pernicieuses, surtout dans les zones rurales, qui empêchent les femmes rurales et les Amérindiennes de jouir pleinement des droits énoncés dans la Constitution.

Mariage et relations familiales

Tout en notant qu’a été adopté en 2006 la loi sur l’âge du consentement et l’amendement ultérieur à la loi sur le mariage en 2006, qui interdit aux enfants de moins de 16 ans de contracter mariage, le Comité demeure préoccupé d’apprendre que le phénomène des mariages précoces persiste. Il note aussi avec inquiétude que c’est principalement aux femmes qu’il incombe d’élever les enfants et de prendre soin des personnes à charge au sein de la famille et que ces responsabilités les empêchent d’exercer leur droit à l’éducation, à un emploi et autres activités liées au plein développement de leur personne.

Le Comité engage l’État partie :

a) D’assurer la pénalisation de fait des mariages précoces;

b) D’entreprendre une campagne de sensibilisation pour mieux instruire les femmes quant aux droits que leur reconnait la Convention, y compris quant à des stéréotypes traditionnels pernicieux qui leur ôtent la liberté de choix en matière de santé génésique, pour faire valoir le principe selon lequel le soin du bien-être de l’enfant incombe tant au père qu’à la mère et pour assurer aux femmes le droit de faire elles-mêmes leurs choix en ce qui concerne le mariage et la famille.

Collecte de données

Le Comité est préoccupé par le manque général de données récentes disponibles fournies par l’État partie. Il fait savoir qu’en raison de la diversité de composition de la population de l’État partie il faut des données actualisées ventilées selon, par exemple, le sexe, l’âge, la race, l’ethnicité, le lieu géographique et la situation socioéconomique pour évaluer de manière exacte la situation des femmes, afin de voir si elles souffrent de discrimination, pour élaborer des politiques éclairées et ciblées et pour suivre et évaluer de manière systématique les progrès accomplis vers la réalisation de l’égalité fondamentale des femmes dans tous les domaines sur lesquels porte la Convention.

Le Comité exhorte l’État partie à renforcer la collecte, l’analyse et la diffusion de données globales ventilées par sexe, âge, ethnicité, lieu géographique et profil socioéconomique, et d’indicateurs mesurables pour apprécier les tendances qui se font jour dans la situation des femmes et les progrès accomplis vers la réalisation de l’égalité fondamentale des femmes dans tous les domaines sur lesquels porte la Convention. Il appelle à cet égard l’attention de l’État partie sur la recommandation générale n o 9 du Comité (1989) concernant les données statistiques relatives à la situation des femmes et il encourage l’État partie à concevoir des indicateurs non sexistes qui puissent être utilisés dans la définition, la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation et, au besoin, la révision des politiques relatives aux femmes et à l’égalité des sexes.

Protocole facultatif

Le Comité exhorte l’État partie à ratifier le Protocole facultatif à la Convention.

Modification du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention

Le Comité encourage l’État partie à accélérer l’acceptation de la modification du paragraphe 1 de l’article 20 de la Convention concernant le temps de réunion du Comité.

Déclaration et programme d’action de Beijing

Le Comité engage vivement l’État partie à utiliser pleinement, dans la mise en œuvre des obligations que lui fait la Convention, la Déclaration et le Programme d’action de Beijing, qui renforcent les dispositions de la Convention, et il prie l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des informations sur ce point.

Objectifs du Millénaire pour le développement

Le Comité souligne que la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement passe par la mise en œuvre pleine et entière de la Convention. Il demande que tous les efforts qui tendent à la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement soient marqués par un souci d’égalité des sexes et une traduction explicite des dispositions de la Convention et il prie l’État partie d’inclure dans son prochain rapport périodique des informations sur ce point.

Diffusion des observations générales du Comité

Le Comité souhaite que soient largement diffusées dans le Guyana les présentes observations finales afin de faire prendre conscience à la population, aux responsables gouvernementaux, à la classe politique, aux parlementaires et aux organisations de femmes et de défense des droits humains des mesures qui ont été prises afin d’assurer aux femmes l’égalité de droit et de fait ainsi que des autres étapes à franchir à cet égard. Le Comité recommande que cette diffusion se fasse aussi au niveau des collectivités locales. On encourage l’État partie à organiser une série de réunions pour discuter des progrès accomplis dans la mise en œuvre de ces observations. Le Comité prie l’État partie de continuer à diffuser largement, en particulier à l’intention des organisations de femmes et des droits humains, les recommandations générales du Comité, la Déclaration et Programme d’Action de Beijing et le document issu de la vingt-troisième session extraordinaire de l’Assemblée générale sur le thème « Femmes 2000 : égalité des sexes, développement et paix pour le XXI e siècle ».

Ratification d’autres traités

Le Comité indique que l’adhésion de l’État partie aux neuf grands instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme donnerait aux femmes davantage de chances de jouir de leurs droits et libertés fondamentales d’êtres humains dans tous les compartiments de la vie. C’est pourquoi le Comité encourage l’État partie à envisager de ratifier les traités auxquels il n’est pas encore partie, à savoir le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la Convention internationale contre la torture et autres traitements ou châtiments cruels, inhumains ou dégradants, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les migrants, la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées et la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Assistance technique

Le Comité recommande que l’État partie envisage de chercher à obtenir coopération et assistance technique dans l’élaboration et la mise en œuvre d’un programme global concernant l’application des recommandations ci-dessus et de la Convention dans son ensemble. Il demande aussi à l’État partie de renforcer encore sa coopération avec les institutions spécialisées et les programmes du système des Nations Unies, notamment de l’Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (ONU-Femmes), la Division de statistique, le Programme des Nations Unies pour le développement, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance, le Fonds des Nations Unies pour la population, l’Organisation mondiale de la santé et le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.

Suivi des observations finales

Le Comité prie l’État partie de fournir, dans les deux ans, des informations écrites sur les mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations énoncées dans les paragraphes 11 et 17 .

Établissement du prochain rapport

Le Comité prie l’État partie d’assurer une large participation de tous les ministères et des organismes publics à l’établissement de son prochain rapport et de consulter diverses organisations de femmes et de défense des droits humains durant cette phase.

Le Comité prie l’État partie de répondre, dans son prochain rapport périodique au titre de l’article 18 de la Convention, aux préoccupations exprimées dans les présentes observations finales. Il invite l’État partie à remettre son prochain rapport périodique en juillet 2016.

Le Comité invite l’État partie à suivre les « Directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, englobant le document de base commun et les rapports pour chaque instrument », approuvées lors de la cinquième réunion inter comités des organismes créés en vertu de traités sur les droits de l’homme en juin 2006 (voir HRI/MC/2006/3 et Corr.1). Les directives concernant l’établissement de rapports sur chaque instrument, que le Comité a adoptées à sa quarantième session en janvier 2008, doivent être appliquées en conjonction avec les directives harmonisées concernant l’établissement de rapports sur un document de base commun. Ensemble, elles constituent les directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre de la Convention relative à l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Le document relatif à chaque instrument ne devrait pas dépasser 40 pages et le document de base commun 80.



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