University of Minnesota



Observations finales du Comité pour l
'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Guyana, U.N. Doc. A/56/38,paras.145-184 (2001).



Comité pour l'élimination
de la discrimination à l'égard des femmes
Vingt-cinquième session
(2-20 juillet 2001)



Guyana

145. Le Comité a examiné le deuxième rapport périodique du Guyana (CEDAW/C/ GUY/2) à sa 527e séance, le 18 juillet 2001 (voir CEDAW/C/SR.527).


a) Présentation par l'État partie

146. En présentant le rapport, la représentante du Guyana a déclaré que son gouvernement était résolu à assurer la mise en place de mécanismes garantissant la pleine participation des femmes à la société, sur un pied d'égalité avec les hommes. Elle a également reconnu que, si des progrès sensibles avaient été réalisés, les normes patriarcales, les attitudes sociales et culturelles et les difficultés économiques constituaient des obstacles à la pleine égalité des sexes.

147. La représentante a informé le Comité que le processus de réforme constitutionnelle avait abouti à un accord selon lequel l'interdiction de la discrimination fondée sur le sexe, ou la situation matrimoniale, ou bien pour cause de grossesse, devrait être un principe fondamental, juridiquement contraignant, inscrit dans la Constitution. Une loi adoptée en 2001 par l'Assemblée nationale crée des commissions constitutionnelles, notamment la Commission nationale pour la femme et l'égalité entre les sexes.

148. C'est le Bureau de la condition féminine du Ministère du travail, des ressources humaines et de la sécurité sociale qui est chargé de la coordination des actions menées au niveau national pour éliminer la discrimination à l'égard des femmes dans la société guyannienne. Depuis sa création en 1981, il a pris l'initiative de réformes et fait adopter des mesures législatives et administratives visant à garantir aux femmes l'égalité des chances en matière d'éducation, de formation et d'emploi. Ses capacités, qui étaient restées limitées compte tenu du large éventail des fonctions qu'il avait à remplir, seront prochainement renforcées sur les plans humain et financier.

149. La représentante a ensuite expliqué l'objet et le fonctionnement des autres mécanismes et institutions visant à promouvoir l'égalité entre les sexes. Le Plan national d'action pour les femmes 2000-2004 s'attaquait de façon globale à des problèmes tels que la santé, l'éducation, l'agriculture, le chômage et la violence. Le Women's Leadership Institute, créé en 1997 par le Gouvernement en coopération avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), vise à donner aux femmes une plus grande capacité d'action dans leur vie privée et dans la vie publique. Le Centre national de ressources et de documentation est chargé de la collecte et de la diffusion de documents et d'informations relatifs aux femmes et aux problèmes sexospécifiques. Le Comité interministériel fournit des conseils techniques au Bureau de la condition féminine et est chargé de veiller à ce que la parité hommes-femmes soit systématiquement prise en compte dans les ministères, départements et les organismes publics. La Commission nationale pour la femme, dont les membres appartiennent aux partis politiques représentés au Parlement, conseille le Gouvernement sur les questions de politique publique ayant une incidence sur les femmes.

150. La représentante a expliqué que la commission de réforme constitutionnelle avait recommandé que les listes des partis politiques participant à des élections générales et régionales comprennent obligatoirement 33,3 % de femmes. Bien qu'aucune disposition n'ait été prise pour garantir que les femmes figurant sur les listes soient choisies pour représenter leur parti au Parlement, à l'issue des dernières élections, les femmes représentaient 30,7 % des députés. Elles occupent actuellement 21 % des postes ministériels et une femme amérindienne est chargée du portefeuille des affaires amérindiennes. Des mesures seront prises pour donner aux femmes plus de moyens de participer à la vie politique, et en particulier aux élections locales. Cependant, si la participation des femmes aux conseils démocratiques régionaux avait augmenté, tous les présidents de ces conseils étaient des hommes. Le poste de chancelier de la justice est, pour la première fois, occupé par une femme.

151. En ce qui concerne la santé, la représentante a souligné l'inquiétude que suscitait l'augmentation de la prévalence de l'infection par le VIH/sida. Selon des données récentes, le Guyana est au deuxième rang dans la région des Caraïbes (par ordre décroissant), les femmes comptant pour 45 % des personnes infectées. En coopération avec les organisations non gouvernementales, les pouvoirs publics prévoyaient lancer un programme comprenant de multiples volets pour enrayer la propagation du VIH/sida.

152. Dans le domaine de l'éducation, la représentante a décrit les programmes de formation pratique destinés aux femmes qui avaient abandonné l'école. Elle a également relevé que l'absence de dispositions concernant les congés de maternité était un handicap pour les femmes qui travaillaient, d'autant plus qu'aucune disposition juridique ou administrative ne garantissait de prestation de maternité dans le secteur privé.

153. Depuis l'adoption de la loi sur la violence familiale, en 1996, le Ministère du travail, des ressources humaines et de la sécurité sociale et les organisations non gouvernementales offrent des services de conseil et d'assistance juridique. Les membres des forces de police et les personnels des services sociaux ont reçu une formation destinée à les aider à traiter les cas de violence familiale.

154. En conclusion, la représentante a noté que, si le climat d'instabilité politique actuel entravait fortement les progrès de l'égalité entre les sexes, elle espérait néanmoins que le Plan national d'action pour les femmes contribuerait à promouvoir une plus grande unité entre les femmes, en dépit des différences religieuses, sociales, culturelles et politiques, de façon à ce qu'elles puissent contribuer au développement économique et social du pays.


b) Observations finales du Comité


Introduction


155. Le Comité félicite le Gouvernement guyanien pour son deuxième rapport, qui est conforme aux directives du Comité concernant l'établissement de rapports périodiques. Il le félicite également pour les réponses écrites très complètes qu'il a apportées aux questions posées par le groupe de travail présession et remercie la délégation pour sa présentation orale, qui a fourni des précisions sur la situation actuelle des femmes au Guyana et des renseignements complémentaires sur l'application de la Convention.

156. Le Comité remercie le Gouvernement d'avoir envoyé une délégation de haut niveau, dirigée par le Ministre du travail, des ressources humaines et de la sécurité sociale. Il apprécie en outre le dialogue franc et constructif qui s'est établi entre la délégation et les membres du Comité.


Aspects positifs

157. Le Comité accueille avec satisfaction le processus de réforme constitutionnelle qui a conduit à reconnaître que l'interdiction de la discrimination fondée sur le sexe, la situation matrimoniale et l'état de grossesse était un droit fondamental inscrit dans la Constitution. Il note également avec satisfaction l'adoption de la loi No 6 de 2001 relative à l'établissement de commissions constitutionnelles, notamment de la commission pour les femmes et l'égalité entre les sexes qui sera chargée de veiller à ce que les femmes ne subissent de discrimination dans aucun secteur de la société.

158. Le Comité félicite le Gouvernement d'avoir réussi à obtenir un remarquable niveau de représentation des femmes aux plus hautes fonctions politiques. Le Comité accueille avec satisfaction la nomination, pour la première fois dans l'histoire du Guyana, d'une jeune femme d'origine amérindienne à un poste ministériel, celui des affaires amérindiennes.

159. Le Comité félicite le Gouvernement d'avoir obligé les partis politiques à présenter des listes contenant 33,3 % de femmes au minimum lors des élections générales et régionales et d'avoir également fait en sorte que les femmes constituent désormais une masse critique dans de nombreuses professions du secteur public.

160. Le Comité félicite également le Gouvernement d'avoir adopté un Plan national d'action pour les femmes 2000-2004, qui s'attaque globalement aux questions cruciales concernant les femmes, telles que l'emploi, la violence et le rôle des femmes dans la prise de décisions.


Obstacles à l'application de la Convention

161. Le Comité reconnaît que l'application de programmes d'ajustement structurel, le fardeau croissant de la dette et l'instabilité politique ont freiné la pleine réalisation des droits des femmes.



Principaux sujets de préoccupation et recommandations

162. Le Comité note avec préoccupation qu'en dépit des mesures d'ordre juridique qui ont été adoptées, la mise en œuvre des lois et des politiques n'est pas encore effective dans de nombreuses zones. Le Comité s'inquiète également de l'absence de toute référence à la discrimination indirecte dans la Constitution et dans la législation visant à éliminer la discrimination. Il s'inquiète en outre du fait que la Constitution ne prévoie pas encore une procédure de recours qui permette de faire appliquer les garanties relatives à l'égalité entre les sexes et aux droits fondamentaux.

163. Le Comité recommande que le Gouvernement accorde la priorité à la réforme constitutionnelle et législative en vue de combler les insuffisances et de renforcer l'application de la loi, de manière à garantir la réalisation de l'égalité de droit et de fait entre les sexes. Il recommande en particulier le renforcement des moyens de recours au civil afin que les femmes puissent obtenir le respect de leurs droits devant les tribunaux. Le Comité encourage le Gouvernement à créer le plus tôt possible les commissions que prévoit la Constitution, telles que la Commission pour la femme et l'égalité entre les sexes.

164. Le Comité s'inquiète du niveau d'efficacité du mécanisme national chargé de la condition de la femme au Guyana. Il est également préoccupé par l'insuffisance des ressources humaines et financières allouées à ce mécanisme.

165. Le Comité recommande que le Gouvernement définisse clairement la mission des diverses commissions et le niveau de leurs interactions. Il encourage le Gouvernement à poursuivre son processus de restructuration du mécanisme national et à lui allouer les ressources humaines et financières nécessaires pour lui permettre de mettre en œuvre les politiques et programmes gouvernementaux relatifs à l'égalité entre les sexes. Il encourage également la prise en compte systématique des sexospécificités dans tous les ministères.

166. Le Comité constate avec préoccupation que les femmes n'exercent pas de recours lorsqu'elles sont victimes de discrimination en matière d'emploi, dissuadées qu'elles sont par les lenteurs de la procédure judiciaire dues à l'énorme accumulation des dossiers de procès.

167. Le Comité recommande qu'en matière d'emploi un arbitrage soit proposé à titre optionnel et que des mesures soient prises pour éviter que les procédures judiciaires ne s'éternisent. Il recommande aussi que le Gouvernement prenne des mesures pour mieux informer les femmes de leurs droits et que, dans la mesure du possible, il mette à leur disposition une assistance juridique, en coopération avec des organisations non gouvernementales.

168. S'il semble exister une politique en matière de congé de maternité, le Comité note avec préoccupation que les femmes sont toujours victimes de discrimination pour raison de grossesse et de maternité, notamment dans le secteur privé où des dispositions contractuelles permettent de contourner les lois en vigueur. L'application de la loi repose sur les poursuites qu'engage l'Inspection du travail (Chief Labour Officer) et qui ne s'avèrent pas particulièrement efficaces.

169. Le Comité prie instamment le Gouvernement d'harmoniser ses lois et ses politiques relatives à la maternité avec la Convention. Il l'encourage à élaborer, à l'intention des secteurs public et privé, une politique nationale prévoyant un congé de maternité payé obligatoire d'une durée minimum et un congé parental, et de prévoir des sanctions et des voies de recours effectives en cas de violation des textes relatifs au congé de maternité. Par ailleurs, il encourage le Gouvernement à instituer, à l'intention du personnel de l'Inspection du travail, des programmes de formation destinés à faciliter les poursuites et à assurer l'application effective des lois en vigueur dans les secteurs public et privé.

170. Le Comité constate avec inquiétude la persistance d'attitudes et de comportements stéréotypés liés à des croyances d'origine culturelle quant au rôle des femmes et des hommes au sein de la famille et de la société.

171. Le Comité prie instamment le Gouvernement d'engager des campagnes de sensibilisation destinées à modifier les attitudes stéréotypées et discriminatoires vis-à-vis du rôle des femmes et des filles, y compris des programmes spécifiquement destinés aux garçons et aux hommes.

172. Le Comité note avec préoccupation la persistance de la violence sexiste, en particulier dans la famille.

173. Le Comité prie instamment le Gouvernement d'accorder une priorité élevée aux mesures destinées à lutter contre la violence à l'égard des femmes au sein de la famille et de la société, conformément à sa recommandation générale No 19.

174. Le Comité relève avec préoccupation la situation des femmes rurales et des Amérindiennes et l'absence d'information sur ces groupes.

175. Le Comité encourage le Gouvernement à accorder toute l'attention voulue aux besoins des femmes rurales et des Amérindiennes et à veiller à ce qu'elles bénéficient des politiques et programmes dans tous les domaines, notamment l'accès à la prise de décisions, à la santé, à l'éducation et aux services sociaux. Il prie le Gouvernement de fournir des informations détaillées sur ce volet dans son prochain rapport périodique.

176. Tout en notant les effets négatifs des programmes d'ajustement structurel sur certains groupes de femmes, le Comité constate avec préoccupation l'étendue de la pauvreté chez les femmes.

177. Le Comité prie le Gouvernement de fournir des informations complémentaires sur les programmes et les projets mis en oeuvre pour lutter contre les effets défavorables des programmes d'ajustement structurel sur les femmes et en particulier sur les ménages dirigés par une femme ainsi que de poursuivre ses politiques de lutte contre la pauvreté en veillant à ce qu'elles ne marginalisent pas davantage les femmes.

178. Le Comité note avec préoccupation l'augmentation du nombre de cas de VIH/sida au Guyana, particulièrement chez les jeunes.

179. Le Comité prie instamment le Gouvernement d'engager une action multidimensionnelle et globale dans sa lutte contre le VIH/sida, y compris des stratégies diversifiées d'éducation et des mesures pratiques de prévention destinées aux femmes et aux adolescents.

180. Le Comité juge préoccupante l'application de la législation sur la prostitution qui, datant de 1893, n'a pas encore été révisée et continue de pénaliser la prostituée mais pas le client ou le proxénète.

181. Le Comité prie instamment le Gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour revoir et amender la législation en vigueur sur la prostitution, conformément à la Convention, et de veiller à l'application et au respect des dispositions qui auront été prises. En outre, compte tenu de l'incidence élevée du VIH/sida au Guyana, le Gouvernement devrait accorder toute l'attention voulue aux services de santé proposés aux prostituées.

182. Le Comité prie instamment le Gouvernement de signer et de ratifier le protocole facultatif de la Convention et de déposer, aussitôt que possible, son instrument d'acceptation de l'amendement au paragraphe 1 de l'article 20 de la Convention relatif à la durée des réunions du Comité.

183. Le Comité demande au Gouvernement de répondre, lorsqu'il présentera son prochain rapport périodique en application de l'article 18 de la Convention, aux préoccupations exprimées dans les présentes conclusions.

184. Le Comité demande que les présentes conclusions soient largement diffusées au Guyana afin que la population, en particulier les fonctionnaires et la classe politique, soient informés des mesures qui ont été prises pour assurer l'égalité de droit et de fait entre les sexes et de celles qui restent à prendre. Il demande également au Gouvernement de continuer de diffuser largement, notamment auprès des associations de femmes et des organisations de défense des droits de l'homme, la Convention et son protocole facultatif, les recommandations générales du Comité, la Déclaration et le Programme d'action de Beijing et les résultats de la vingt-troisième session de l'Assemblée générale intitulée « Les femmes en l'an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXIe siècle ».



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