University of Minnesota



Observations finales du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Grenade, U.N. Doc. CEDAW/C/GRD/CO/1-5 (2012).


 

CEDAW/C/GRD/CO/1-5

Convention sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes

Distr. générale

23 mars 2012

Français

Original: anglais

Comité pour l ’ élimination de la discrimination à l ’ égard des femmes

Cinquante et unième session

13 février-2 mars 2012

Observations finales du Comité pour l’éliminationde la discrimination à l’égard des femmes

Grenade

1.Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes a examiné le rapport initial et les deuxième à cinquième rapports de la Grenade (CEDAW/C/GRD/1-5) lors de ses 1022e et 1023e séances, tenues le 15 février 2012 (CEDAW/C/SR.1022 et 1023). La liste des points et questions soulevés par le Comité figure dans le document CEDAW/C/GRD/Q/1-5 et les réponses du Gouvernement de la Grenade dans le document CEDAW/C/GRD/Q/1-5/Add.l.

A.Introduction

2.Le Comité remercie l’État partie pour son rapport initial et ses deuxième à cinquième rapports périodiques, soumis en un seul document, qui, dans leur ensemble, suivent les directives du Comité concernant l’établissement de rapports. Il regrette toutefois que le rapport ait été soumis avec beaucoup de retard et que l’État partie n’ait pas déposé de document de base commun. Le Comité remercie l’État partie de ses réponses écrites à la liste des points et questions soulevés par le groupe de travail de présession du Comité ainsi que des réponses écrites qu’il a présentées à l’issue du dialogue.

3.Le Comité relève que la délégation de l’État partie envoyée pour ce dialogue initial n’était composée que d’un représentant, M. Stephen Fletcher, Ambassadeur de la Grenade en Belgique, et regrette l’absence de représentants des ministères et institutions grenadiens concernés, y compris de femmes, spécialisés dans les domaines de la Convention, ce qui aurait été particulièrement important étant donné qu’il s’agissait du dialogue initial.

B.Aspects positifs

4.Le Comité se félicite de l’action engagée par l’État partie pour promouvoir l’autonomisation des femmes et éliminer la discrimination à leur égard en dépit du fait qu’un grand nombre des problèmes qu’elles rencontrent prennent racine dans des traditions et des habitudes culturelles et dans la pauvreté ou d’autres difficultés économiques.

5.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption de mesures législatives visant à éliminer la discrimination à l’égard des femmes, dont:

a)La loi sur la violence domestique (2010) et le Protocole national sur la violence domestique et les abus sexuels (2011);

b)La loi relative à l’enfance (protection et adoption) (2010), qui reconnaît la violence sexuelle comme forme de maltraitance des enfants;

c)La loi relative à l’emploi (1999) (art. 26) et la loi relative à l’éducation (2002) (art. 3, par. 27), interdisant la discrimination fondée sur le sexe.

6.Le Comité se félicite de l’adhésion de l’État partie, depuis l’entrée en vigueur de la Convention à son égard en 1990, aux traités internationaux relatifs aux droits de l’homme suivants:

a)Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en 1991;

b)Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en 1991;

c)Le Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (Protocole de Palerme, 2000), en 2004;

d)La Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre la femme (Convention de Belém do Pará), en 2001;

e)Les Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés et concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, en 2012.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

7.Le Comité rappelle l ’ obligation qui incombe à l ’ État partie d ’ appliquer, de manière systématique et constante, toutes les dispositions de la Convention et estime que les préoccupations et recommandations énoncées dans les présentes observations finales doivent faire l ’ objet dès à présent d ’ une attention prioritaire de la part de l ’ État partie et jusqu ’ à la présentation du prochain rapport périodique. Il l ’ engage donc à privilégier les domaines correspondants dans ses activités de mise en œuvre et de rendre compte, dans son prochain rapport périodique, des mesures qu ’ il aura prises et des résultats qu ’ il aura obtenus. Le Comité lui demande également de soumettre les présentes observations finales à tous les ministères concernés, au Parlement et aux instances judiciaires, de façon à en assurer la pleine application.

Parlement

8.Tout en réaffirmant que c ’ est au Gouvernement qu ’ il incombe au premier chef de s ’ acquitter pleinement des obligations que la Convention met à la charge de l ’ État partie, le Comité souligne que la Convention a force obligatoire pour toutes les branches du pouvoir et invite l ’ État partie à encourager le Parlement, conformément à ses procédures, à prendre , le cas échéant, les mesures nécessaires s ’ agissant de la mise en œuvre des présentes observations finales et de l ’ établissement des prochains rapports au titre de la Convention.

Définition de la discrimination à l’égard des femmes

9.Tout en observant que la Constitution et la législation nationale, par exemple la loi de 1999 relative à l’emploi et la loi de 2002 relative à l’éducation, contiennent des dispositions concernant la non-discrimination fondée sur le sexe, le Comité s’inquiète de ce que la définition de la discrimination ne vise pas la discrimination tant directe qu’indirecte et ne couvre pas la discrimination du fait d’acteurs publics et privés, conformément aux articles 1 et 2 de la Convention.

10. Le Comité appelle l ’ État partie à adopter dès que possible une législation nationale complète qui garantira le principe d ’ égalité entre les femmes et les hommes et qui comprendra des dispositions spécifiques interdisant la discrimination à l ’ égard des femmes, conformément à la définition énoncée à l ’ article premier de la Convention, ainsi qu ’ une définition de la discrimination qui englobe la discrimination directe et indirecte et la discrimination dans la sphère publique et la sphère privée, conformément à l ’ article 2 e) de la Convention.

Cadre législatif

11.Le Comité se félicite du processus de révision de la Constitution actuellement en cours, qui donnera l’occasion à l’État partie d’intégrer les principes de la Convention dans la nouvelle version du texte fondamental. Le Comité s’inquiète toutefois du retard pris, depuis la ratification de la Convention en 1990, dans l’intégration des dispositions de celle‑ci en droit interne et du fait que le processus actuel de révision est entièrement mené par des hommes.

12. Le Comité exhorte l ’ État partie à intégrer sans retard la Convention dans sa nouvelle Constitution et dans son système juridique interne afin de lui donner un effet direct comme moyen d ’ élimination de toute forme de discrimination à l ’ égard des femmes. Le Comité recommande que tous les acteurs, y compris les ONG travaillant dans le domaine des droits de la femme, participent au processus de révision de la Constitution.

Lois discriminatoires

13.Le Comité constate avec préoccupation que certaines dispositions législatives et procédures de l’État partie sont discriminatoires à l’égard des femmes ou véhiculent des stéréotypes sexistes, notamment par le biais des formulaires d’enregistrement des enfants et des certificats de naissance; du formulaire de demande de nationalité grenadienne destiné aux ressortissants d’un pays du Commonwealth, du certificat de mariage, du consentement parental requis pour le mariage de personnes âgées de moins de 18 ans et de la procédure de demande de passeport pour un enfant. Le Comité est également préoccupé par l’absence de législation adaptée et par le retard pris dans la promulgation de lois contre le harcèlement sexuel et la traite des êtres humains, et la modification des dispositions du Code pénal relatives aux infractions sexuelles.

14. Le Comité demande à l ’ Ét at partie:

a) De réexaminer systématiquement ses lois et r è glements en vue de modifier les dispositions de sa législation et de ses règles administratives qui constituent une discrimination fondée sur le sexe, notamment celles mentionnées au paragraphe 13 ci-dessus , pour assurer le plein respect des dispositions de la Convention, en particulier l ’ article 2;

b) De promulguer, dans les plus brefs délais, une législation sur le harcèlement sexuel au travail et sur la traite des êtres humains, et modifier les dispositions du Code pénal relatives aux infractions sexuelles.

Mécanismes de plainte

15.Le Comité est préoccupé par l’absence de mécanisme habilité à recevoir les plaintes de femmes concernant des faits de discrimination, par les dépenses importantes qu’entraîne le dépôt d’une plainte au titre du chapitre premier de la Constitution et par le fait que les femmes victimes de violence sexiste, en particulier d’agressions sexuelles, se heurtent généralement à des jurés dont les attitudes stéréotypées à l’égard des femmes peuvent aboutir à l’acquittement abusif des coupables.

16. Le Comité recommande à l ’ État partie :

a) De mettre en place un mécanisme de plainte et veiller à ce que les femmes aient accès, facilement et à moindres frais, au mécanisme de plainte pour dénoncer les cas de discrimination et de violation de leurs droits;

b) De veiller à ce que les femmes aient effectivement accès à la justice, notamment en leur fournissant une aide juridictionnelle en cas de besoin;

c) De veiller à ce que les femmes victimes et les témoins de cas de violence sexiste ne soient pas pénalisés par le fonctionnement de l ’ appareil judiciaire ou par les attitudes stéréotypées des membres d ’ un jury.

Mécanismes nationaux de promotion de la femme

17.Le Comité relève avec satisfaction l’examen fonctionnel dont a été l’objet en 2009 la Division de la condition féminine et des affaires familiales du Ministère du développement social et les améliorations qui en ont découlé sur le plan de la restructuration et de la création de postes, mais il reste préoccupé par le caractère limité des ressources financières et humaines allouées à la Division et au Service chargé de lutter contre la violence familiale qui relève du Ministère, ainsi que par l’insuffisance de la formation dispensée aux nouvelles recrues. Le Comité est également préoccupé par le retard pris dans l’élaboration d’une politique nationale et d’un plan d’action en faveur de l’égalité des sexes, et par le fait qu’il n’existe pas dans l’État partie d’institution nationale indépendante des droits de l’homme.

18. Rappelant sa Recommandation générale n o 6 (1988) sur les mécanismes nationaux et la publicité efficaces et les indications énoncées dans le Programme d ’ action de Beijing concernant les conditions nécessaires au fonctionnement efficace des mécanismes nationaux, le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De renforcer les capacités de la Division de la condition féminine et des affaires familiales et du Service chargé de lutter contre la violence familiale , notamment en leur accordant les ressources humaines, techniques et financières voulues, en attribuant des responsabilités clairement définies et établies, pour les aider à élaborer et appliquer des mesures législatives et stratégiques dans le domaine de l ’ égalité des sexes, à fournir des conseils à ce sujet et à coordonner et superviser le processus;

b) D ’ achever d ’ urgence et d ’ adopter une politique nationale pour l ’ égalité des sexes, globale et axée sur les résultats, et un plan d ’ action assortis d ’ indicateurs et d ’ objectifs précis, qui devraient comporter une stratégie efficace pour l ’ égalité des sexes s ’ appuyant sur la Convention, les recommandations générales du Comité et la Déclaration et le Programme d ’ action de Beijing, avec la participation de tous les organes compétents de l ’ appareil d ’ État et en consultation avec les organisations non gouvernementales concernées;

c) D ’ envisager de créer une institution nationale des droits de l ’ homme indépendante, conforme aux principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l ’ homme (Principes de Paris) , un poste de médiateur pour les femmes ou tout autre organisme spécialisé habilité à examiner les plaintes déposées par des femmes dont les droits auraient été violés et de donner des avis et de faire des recommandations à ce sujet.

Stéréotypes et pratiques discriminatoires

19.Le Comité est profondément préoccupé par la persistance de stéréotypes et de normes culturelles et pratiques traditionnelles préjudiciables concernant les rôles et responsabilités des femmes et des hommes dans la famille et dans la société qui affaiblissent le statut social des femmes et les empêchent de participer sur un pied d’égalité à tous les domaines de la vie. Il constate avec préoccupation que ces croyances négatives et ces pratiques préjudiciables nuisent à la pleine réalisation des droits fondamentaux des femmes et contribuent à la persistance de la discrimination et de la violence à leur égard.

20.Le Comité engage l ’ État partie à adopter une stratégie globale et à prendre des mesures durables pour combattre et éliminer les stéréotypes négatifs et les croyances et pratiques traditionnelles préjudiciables discriminatoires à l ’ égard des femmes, conformément à l ’ alinéaf de l ’ article 2 et à l ’ alinéaa de l ’ article 5 de la Convention. Ces mesures devraient inclure des campagnes de sensibilisation et d ’ éducation du public sur ce sujet s ’ adressant aux dirigeants politiques et communautaires, aux fonctionnaires et aux professionnels des deux sexes, notamment par le biais des programmes scolaires et des médias.

Mesures temporaires spéciales

21.Le Comité prend acte du fait que la question des mesures temporaires spéciales sera examinée dans le cadre des consultations consacrées à la politique nationale relative à l’égalité des sexes, mais constate avec préoccupation que l’État partie n’envisage pas d’appliquer de telles mesures et préfère reconnaître progressivement l’égalité des chances en éliminant les stéréotypes au fil du temps.

22. Le Comité demande instamment à l ’ État partie de prendre des mesures pour garantir l ’ égalité effective des femmes et des hommes, notamment en adoptant des mesures temporaires spéciales, dans les secteurs public et privé, conformément au paragraphe 1 de l ’ article 4 de la Convention et à la Recommandation générale n o 25 (2004) du Comité.

Violences faites aux femmes

23.Le Comité accueille avec satisfaction l’adoption de la loi sur la violence familiale (2010) et du Protocole national de lutte contre la violence familiale et les sévices sexuels (2011), et l’élaboration d’un plan national d’action stratégique pour la prévention, la protection et la répression de la violence fondée sur le sexe, mais il demeure préoccupé par le grand nombre d’actes de violence commis contre les femmes, notamment des cas de violence familiale, de sévices sexuels et d’inceste. Le Comité est en outre préoccupé par les lacunes concernant l’application de la loi sur la violence familiale, par les lacunes de la législation contre la violence à l’égard des femmes, en particulier le fait que le viol conjugal ne soit pas érigé en infraction et la définition restrictive qui est donnée du viol, par l’insuffisance des activités de sensibilisation et de formation sur les violences faites aux femmes destinées aux juges, aux procureurs et aux membres de la police ainsi qu’aux professionnels de la santé, par le fait que la permanence téléphonique consacrée à la violence familiale ne soit pas mise en service, par le peu de données ventilées disponibles sur la violence à l’égard des femmes et par des informations laissant penser que nombre de cas de violence sexiste ne sont pas signalés en raison de facteurs sociaux et culturels. Le Comité est également préoccupé par l’ampleur du harcèlement sexuel sur le lieu de travail et dans la société en général et par l’absence de législation dans ce domaine.

24. Rappelant sa Recommandation générale n o 19 (1992) sur la violence à l ’ égard des femmes, le Comité demande instamment à l ’ État partie:

a) D ’ achever d ’ urgence l ’ élaboration d ’ un plan national d ’ action stratégique pour la prévention, la protection et la répression de la violence fondée sur le sexe en vue de l ’ adopter rapidement;

b) De veiller à la stricte application de la loi sur la violence familiale et du Protocole national de lutte contre la violence familiale et les sévices sexuels;

c) De revoir et modifier, selon un calendrier précis, la section du Code pénal consacrée aux infractions sexuelles et les procédures connexes de façon à s ’ attaquer pleinement à toutes les formes de violence à l ’ égard des femmes, notamment en modifiant les dispositions relatives à la violence sexuelle et en incriminant le viol conjugal sans conditions préalables;

d) De collecter et compiler des données complètes sur la violence à l ’ égard des femmes, ventilées par sexe, âge et type de relation entre la victime et l ’ auteur des actes commis et d ’ analyser de manière approfondie les données obtenues et de s ’ en inspirer pour concevoir des politiques et des mesures de lutte contre la violence à l ’ égard des femmes;

e) D ’ encourager le signalement des cas de violence familiale et sexuelle à l ’ égard des femmes et des filles et de veiller à ce que tous les cas signalés donnent effectivement lieu à des enquêtes et à ce que les auteurs des actes commis soient poursuivis et condamnés;

f) De renforcer les programmes d ’ a ssistance et d ’ appui aux victimes par des mesures visant à fournir aux femmes victimes de violence une aide juridictionnelle , un soutien médical, y compris des services de santé mentale, un abri, ainsi que des services de réadaptation, selon que de besoin;

g) De dispenser une formation complète sur la lutte contre la violence à l ’ égard des femmes, notamment la violence familiale et la violence sexuelle, aux professionnels concernés, y compris une formation spécialisée à l ’ intention des juges, des procureurs, des avocats et des polic iers , sur l ’ exécution des ordonnances de protection rendues en application de la loi sur la violence familiale et une formation destinée aux professionnels de la santé sur les procédures normalisées de prise en charge des victimes compte dûment tenu des considérations de sexe;

h) De mettre en service la permanence téléphonique pour les victimes de violence familiale;

i) D ’ adopter d ’ urgence une législation complète pour lutter contre le harcèlement sexuel.

Traite et exploitation sexuelle

25.Le Comité accueille avec satisfaction la ratification du Protocole de Palerme par l’État partie, mais demeure préoccupé par l’absence de mesures spécifiques et de législation complète sur la traite des êtres humains, notamment s’agissant de dispositions qui érigeraient de tels actes en infractions. Le Comité est également préoccupé par les informations faisant état de nombreux cas de sévices sexuels et d’exploitation sexuelle, en particulier à l’égard des filles et des jeunes femmes, notamment des cas d’inceste, de prostitution d’enfants et de relations sexuelles tarifées. Le Comité est préoccupé par le caractère inadapté de la législation et des politiques en place à cet égard. Il regrette le nombre limité de données disponibles sur la traite et l’exploitation sexuelle ainsi que le peu d’informations sur les efforts faits pour lutter contre les facteurs sociaux et économiques et sur les mesures prises pour soutenir les victimes de telles violations.

26. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) D ’ adopter une législation et des mesures complètes pour lutter contre la traite des êtres humains et l ’ exploitation sexuelle, conformément à la Convention et au Protocole de Palerme, et renforcer les mécanismes de prévention, et ceux visant à poursuivre et sanctionner l es coupables ainsi que les programmes spécifiques de soutien aux victimes;

b) De recueillir et analyser des données ventilées par sexe et des informations sur la traite et sur l ’ exploitation sexue lle, notamment la prostitution;

c) De renforcer les mesures visant à éliminer les conditions, telles que la pauvreté et le taux de chômage élevé, qui rendent les femmes et les filles plus vulnérables face à la traite et risquent également de les conduire à la prostitution, et d ’ améliorer les services de soutien aux victimes et de réinsertion dans la société des femmes et des filles qui veulent sortir de la prostitution.

Participation à la vie politique et publique

27.Le Comité prend note de l’amélioration de la participation des femmes à la vie politique et publique au fil des ans ainsi que de la constitution, en 2010, du Comité parlementaire des femmes, mais il reste préoccupé par la baisse du nombre de femmes siégeant au Parlement depuis les dernières élections et de femmes ministres, par la réduction du nombre de dirigeantes connues dans les partis politiques et par le fait que la politique demeure une activité dominée par les hommes à laquelle les femmes semblent hésiter à participer en raison de barrières culturelles. Le Comité est également préoccupé par la réticence de l’État partie à utiliser des mesures spéciales temporaires qui permettraient d’accélérer ce processus.

28. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De supprimer les pratiques discriminatoires et de lutter contre les obstacles culturels qui empêchent les femmes d ’ accéder à des postes de décision et d ’ encadrement et de veiller à ce qu ’ il y ait une représentation proportionnelle de femmes et d ’ hommes aux postes clefs ;

b) D ’ encourager les partis politiques à nommer davantage de femmes candidates;

c) De créer un environnement favorable à la participation des femmes à la vie politique en formant les jeunes dirigeantes et en renforçant les ailes féminines des partis politiques;

d) D ’ envisager d ’ adopter des mesures spéciales temporaires, notamment des quotas, qui garantissent la parité hommes-femmes au Parlement et au Gouvernement.

Éducation

29.Le Comité note avec satisfaction que l’enseignement primaire est gratuit et obligatoire dans l’État partie sans aucune discrimination fondée sur le sexe. Il est toutefois préoccupé par la persistance d’obstacles structurels et autres qui entravent l’accès des filles et des jeunes femmes à une éducation de qualité, notamment les grossesses précoces et la situation des mères adolescentes ainsi que les attitudes sociales qui se traduisent par un taux d’abandon scolaire plus élevé chez les filles dans l’enseignement secondaire. Le Comité constate avec préoccupation que les femmes et les filles sont sous-représentées dans les disciplines techniques et les filières traditionnellement à prédominance masculine.

30. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) D ’ assurer de fait l ’ égalité d ’ accès des filles et des jeunes femmes à tous les niveaux de l ’ enseignement, de prévenir l ’ abandon scolaire chez les filles et de redoubler d ’ efforts pour encourager les jeunes femmes à reprendre leurs études après une g rossesse;

b) De redoubler d ’ efforts pour diversifier les choix éducatifs et professionnels des femmes et de prendre des mesures complémentaires pour les encourager à opter pour des filières d ’ études et des carrières non traditionnelles, notamment en leur accordant des bourses et des allocations.

Emploi

31.Le Comité constate que le taux de chômage général est élevé dans l’État partie et qu’il existe de grandes disparités entre les femmes et les hommes, en particulier dans les zones rurales où le taux de chômage est deux fois plus élevé chez les femmes que chez les hommes. Le Comité accueille avec satisfaction la révision du décret sur le salaire minimum, mais reste préoccupé par la persistance d’écarts de salaire entre les femmes et les hommes, la ségrégation horizontale et verticale entre femmes et hommes sur le marché du travail et la concentration de femmes dans les emplois peu qualifiés et mal rémunérés. Il est également préoccupé par le fait que, dans l’État partie, les salariées ne bénéficient pas toutes d’un congé de maternité payé et que, dans le secteur public, seules les femmes qui peuvent justifier de dix-huit mois de service continu auprès du même employeur peuvent prétendre à un congé de maternité. Le Comité note que bien que l’État partie ait ratifié les conventions fondamentales de l’OIT, il n’a pas encore ratifié la Convention no 189 de 2011 concernant le travail décent pour les travailleuses et travailleurs domestiques.

32. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) D ’ élaborer des politiques incluant des objectifs et des indicateurs assortis de délais pour éliminer la ségrégation professionnelle et assurer l ’ égalité effective entre les hommes et les femmes sur le marché du travail, y compris dans les filières traditionnellement dominées par les hommes , en intensifiant la formation technique et professionnelle, de promouvoir l ’ emploi des femmes en général, d ’ élargir l ’ accès des femmes au microcrédit à faible taux d ’ intérêt pour financer le travail indépendant et les activités génératrices de rev enus;

b) D ’ évaluer toute inégalité fondée sur le sexe qui persisterait dans le décret sur le salaire minimum et d ’ autres lois ou orientations politiques pertinentes pour éliminer les d isparités entre les deux sexes;

c) De réviser la législation et les orientations politiques pour veiller à ce que toutes les femmes salariées des secteurs public et privé aient droit à un congé de maternité payé, notamment en éliminant les restrictions fondées sur l ’ ancienneté;

d) De ratifier la Convention n o 189 de 2011 concernant le travail décent pour les travailleu ses et travailleurs domestiques .

Santé

33.Le Comité constate avec satisfaction que le taux de mortalité maternelle est faible dans l’État partie. Il est toutefois préoccupé par l’accès restreint aux services de santé sexuelle et procréative et aux services de planification familiale qui a pour conséquence un nombre apparemment élevé de grossesses non désirées chez les adolescentes. Le Comité est également préoccupé par le taux élevé d’avortements non médicalisés donnant lieu à des complications, taux qui pourrait s’expliquer par les restrictions prévues par la loi sur l’avortement qui poussent les femmes à se tourner vers des avortements illégaux et non médicalisés ou, dans certains cas, à commettre des infanticides. Le Comité constate également une tendance à la féminisation de plus en plus grande du VIH, un nombre disproportionnellement élevé de jeunes femmes étant infectées par le virus.

34. Conformément à l ’ article 12 de la Convention et à la Recommandation générale n o 24 (1999) sur les femmes et la santé, le Comité demande à l ’ État partie:

a) D ’ améliorer les services de santé sexuelle et reproductive pour les femmes et les filles, notamment en leur donnant un accès gratuit et suffisant aux contraceptifs ;

b) De promouvoir l ’ éducation en matière de santé sexuelle et procréative, en particulier en menant des campagnes de sensibilisation à grande échelle qui soient axées sur la prévention des grossesse s non voulues et la prévention des infections et des maladies sexuellement transmises, y compris le VIH/sida, et en intégrant à tous les niveaux de l ’ enseignement scolaire des cours d ’ éducation sexuelle tenant compte de l ’ âge des élèves;

c) De veiller à ce que les femmes et les filles qui souffrent de complications découlant d ’ un avortement non médicalisé aient accès à des établissements sanitaires;

d) D ’ envisager de réviser de la loi relative à l ’ avortement pour les grossesses non voulues, notamment en supprimant les mesures punitives infligées aux femmes qui avortent, pour aligner la législation sur la Recommandation générale n o 24 (1999) sur les femmes et la santé .

Femmes rurales

35.Le Comité accueille avec satisfaction les efforts déployés par l’État partie pour réduire la pauvreté en milieu rural, mais il reste préoccupé par le fait que les femmes rurales sont proportionnellement beaucoup plus touchées que le reste de la population par la pauvreté, le chômage et la violence sexiste. Les femmes rurales de tous âges, y compris les femmes handicapées, sont deux fois plus défavorisées, ont un accès restreint aux services sociaux et de santé, aux possibilités de développement des compétences et de formation, à la justice et à l’aide juridictionnelle, et participent peu à la prise de décisions. Le Comité s’inquiète également de constater que les ménages dirigés par une femme sont souvent plus défavorisés. Le Comité constate de plus avec préoccupation que les femmes rurales sont particulièrement vulnérables face aux effets des catastrophes naturelles, comme on a pu le constater lors des ouragans Ivan et Émilie.

36. Le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De renforcer les programmes de lutte contre la pauvreté et le chômage destinés aux femmes rurales, en particulier aux femmes chefs de famille, et de veiller à ce que les femmes rurales aient davantage accès aux soins de santé, aux services sociaux et au système d ’ administration de la justice en mettant en place des programmes destinés aux femmes victimes de multiples formes de discrimination du fait de leur vieillesse et de leur handicap, notamment en leur donnant davantage accès aux filets de sécurité sociale;

b) De veiller à ce que l ’ élaboration et la mise en œuvre des mesures et programmes de préparation en prévision des catastrophes , d ’ intervention en cas de catastrophe naturelle , face aux effets des changements climatiques et dans d ’ autres cas d ’ urgence, tiennent systématiquement compte des préoccupations fondamentales des femmes et comprennent une analyse complète de la situation en matière d ’ égalité des sexes, en particulier s ’ agissant des femmes rurales.

Femmes réfugiées

37.Bien que l’État partie accueille actuellement très peu de réfugiés, le Comité est d’avis que, compte tenu de l’amplification des mouvements migratoires extrarégionaux et de la traite des migrants dans les Caraïbes, il est fort probable que le nombre de demandeurs d’asile augmente. À cet égard, le Comité est préoccupé par le fait que l’État partie n’ait pas adhéré aux conventions internationales relatives aux réfugiés et aux apatrides, et qu’il n’existe dans l’État partie aucune législation relative aux réfugiés ni aucune procédure d’asile.

38. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager d ’ a dhérer à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et à son Protocole de 1967, à la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et à la Convention de 1961 sur la réduction des cas d ’ apatridie et d ’ élaborer une législation nationale relative aux réfugiés et une procédure d ’ asile nationale.

Mariage et rapports familiaux

39.Le Comité constate avec préoccupation qu’il existe des stéréotypes traditionnels quant au rôle des femmes dans la famille et que certaines dispositions juridiques viennent renforcer ces stéréotypes, notamment le fait que seul le nom du père doive obligatoirement figurer sur divers formulaires administratifs et certificats. Le Comité prend acte de la situation vulnérable des femmes qui vivent en concubinage, telle qu’elle est décrite dans le rapport de l’État partie. Il constate que la loi sur les biens de la femme mariée (1896) et la loi sur le mariage (1903) sont dépassées et doivent être révisées et adaptées au contexte actuel. Le Comité constate avec préoccupation que de nombreux pères n’assument pas leurs responsabilités parentales et que les mères célibataires ont souvent des difficultés à percevoir leur pension alimentaire qui, de plus, est d’un montant très bas.

40. Rappelant l ’ article 16 de la Convention ainsi que sa R ecommandation générale n o 21 (1994) sur l ’ égalité dans le mariage et les rapports familiaux, le Comité recommande à l ’ État partie:

a) De redoubler d ’ efforts pour éliminer les attitudes stéréotypées au sujet du rôle des femmes et des hommes dans la famille par des campagnes de sensibilisation, de modifier les dispositions juridiques et les formulaires administratifs discriminatoires à l ’ égard des femmes en ce qui concerne la vie de famille et de renforcer la protection et l ’ appui accordés aux femmes qui vivent en concubinage;

b) De modifier la loi sur les biens de la femme mariée (1896) et la loi sur le mariage (1903) pour les rendre conformes à la Convention et d ’ éliminer les dispositions discriminatoires à l ’ égard des femmes dans la vie de famille;

c) De renforcer les programmes d ’ éducation parentale en vue de promouvoir le principe de la responsabilité partagée des deux parents en ce qui concerne la garde et l ’ entretien de l ’ enfant;

d) De réviser la législation et les procédures relatives à l ’ entretien de l ’ enfant et de veiller à ce que les mères célibataires reçoivent en temps voulu une pension alimentaire suffisante en s ’ attaquant d ’ urgence aux obstacles qui s ’ y opposent.

Protocole facultatif à la Convention

41. Le Comité encourage l ’ État partie à ratifier le Protocole facultatif à la Convention dès que possible afin de favoriser la pleine jouissance des droits garantis par la Convention.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

42. Le Comité exhorte l ’ État partie à s ’ appuyer pleinement, en s ’ acquittant des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention, sur la Déclaration et le Programme d ’ action de Beijing, qui renforcent les dispositions de la Convention, et lui demande de fournir des informations à ce propos dans son prochain rapport périodique.

Diffusion

43. Le Comité demande que les présentes observations finales soient largement diffusées à la Grenade pour que la population du pays, notamment les agents de l ’ État, les politiciens , les membres du Parlement et les organisations de défense des droits de l ’ homme et des droits des femmes , soient informés des mesures prises pour assurer l ’ égalité des sexes, de droit et de fait, et du travail qui doit encore être accompli en la matière. Le Comité recommande que cette diffusion se fasse également au niveau des collectivités locales. L ’ État partie est encouragé à organiser une série de réunions pour discuter des résultats obtenus dans l ’ application des présentes observations. Le Comité demande à l ’ État partie d ’ assurer une large diffusion, en particulier auprès des organisations de défense des droits de l ’ homme et des droits des femmes, des recommandations générales du Comité, de la Déclaration et du Programme d ’ action de Beijing et des textes issus de la vingt-troisième session extraordinaire de l ’ Assemblée générale sur le thème «Les femmes en l ’ an 2000: égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXI e siècle» .

Ratification d’autres instruments

44.Le Comité souligne que l ’ adhésion de la Grenade aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme permettrait aux femmes de jouir davantage de leurs droits et de leurs libertés fondamentales dans tous les domaines de la vie. Le Comité encourage donc le Gouvernement de la Grenade à songer à ratifier les instrument s au x quel s il n ’ est pas encore partie, à savoir la Convention international e sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille , la Convention relative aux droits des personnes handicapées et la Convention international e pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Suivi des observations finales

45. Le Comité prie l ’ État partie de lui fournir, dans un délai de deux ans, des informations écrites sur les efforts qu ’ il aura entrepris afin de donner suite aux recommandat ions énoncées aux paragraphes 18 et 24 a), c), f), h) et i) ci ‑ dessus .

Assistance technique

46. Le Comité recommande à l ’ État partie d ’ envisager de solliciter la coopération et l ’ assistance technique notamment d ’ organismes internationaux, pour élaborer et mettre en œuvre un programme complet devant permettre l ’ application des recommandations susmentionnées et de la Convention dans son ensemble. Il appelle en outre l ’ État partie à renforcer davantage sa coopération avec les institutions spécialisées et les programmes des Nations Unies , notamment l ’ Entité des Nations Unies pour l ’ égalité des sexes et l ’ autonomisation de la femme ( ONU ‑ Femmes) , la Division de statistique , le Programme des Nations Unies pour le développement, le Fonds des Nations Unies pour l ’ enfance, le Fonds des Nations Unies pour la population, l ’ Or ganisation mondiale de la santé et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l ’ homme.

Élaboration du prochain rapport

47. Le Comité invite l ’ État partie à assurer une large participation de tous les ministères et autres organes publics dans l ’ élaboration du prochain rapport périodique , et aussi de consulter ce faisant différentes associations de femmes et d ’ organisations de défense des droits de l ’ homme.

48 . Le Comité demande à l ’ État partie de répondre aux préoccupations exprimées dans les présentes observations finales lors de son prochain rapport périodique au titre de l ’ article 18 de la Convention. Il l ’ invite à soumettre son huitième ra pport périodique en février 2016 .

49. Le Comité invite l ’ État partie à suivre les directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l ’ homme, y compris les directives relatives au document de base commun et aux documents se rapportant spécifiquement aux différents instruments, telles qu ’ approuvées à la cinquième réunion intercomités des organes conventionnels des droits de l ’ homme qui s ’ est tenue en juin 2006 (HRI/GEN/2/Rev.6, chap. I). Les directives pour l ’ établissement de rapports au titre des instruments spécifiques adoptées par le Comité à sa quarantième session en janvier 2008 (A/63/38, première partie, annexe I) doivent être appliquées conjointement avec les directives harmonisées concernant le document de base commun. L ’ ensemble constitue les directives harmonisées pour l ’ établissement de rapports au titre de la Convention sur l ’ élimination de toutes les formes de discrimination à l ’ égard des femmes. Le document se rapportant spécifiquement à l ’ instrument ne devrait pas dépasser 40 pages, tandis que le document de base commun devrait être limité à 80 pages.



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