University of Minnesota



Observations finales du Comité pour l
'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Grèce, U.N. Doc. A/54/38,paras.172-212 (1999).




Comité pour l'élimination
de la discrimination à l'égard des femmes
Vingtième session
19 janvier-5 février 1999

Grèce


1. Le Comité a examiné le document combinant les deuxième et troisième rapports périodiques de la Grèce (CEDAW/C/GRC/2-3) à ses 415e et 416e séances, le 28 janvier 1999 (voir CEDAW/C/SR.415 et 416).

a) Présentation par l'État partie

2. La représentante de la Grèce a déclaré que le principe de l'égalité entre les sexes était inscrit dans la Constitution de 1975. Les mesures législatives et autres qui avaient été adoptées depuis cette date en vue d'éliminer la discrimination à l'égard des femmes dans tous les secteurs – dont celles qui donnaient suite aux directives pertinentes de l'Union européenne – avaient sensiblement modifié la condition des femmes et permis d'accroître leur présence dans tous les domaines de la vie publique. Les politiques d'égalité adoptées depuis 1994 visaient à réduire davantage les inégalités et à en supprimer les causes et à modifier les idées et les valeurs qui s'attachent au rôle des femmes et des hommes dans la famille, sur le lieu de travail et dans la vie politique et sociale. Ces politiques mettaient aussi l'accent sur les dispositifs et les structures nécessaires à leur application. Le Secrétariat général à l'égalité, qui avait été créé en 1985 et relevait du cabinet de la présidence, était l'organisme public chargé des questions relatives à l'égalité.

3. L'intervenante a fait observer qu'en dépit de l'impact positif des mesures susmentionnées, il y avait toujours des inégalités entre les sexes, puis elle a passé en revue les mesures les plus importantes qui avaient été prises pour remédier à cette situation. Le cadre législatif grec était considéré comme l'un des plus évolués et des plus progressistes du monde. Récemment, des modifications lui avaient été apportées : le droit de la famille avait été révisé et de nouvelles lois concernant l'accès des femmes à l'éducation continue, à la formation professionnelle et à l'emploi et les relations de travail avaient été adoptées. Les enseignements primaire et secondaire étaient obligatoires, ce qui expliquait la forte diminution du taux d'analphabétisme dans tout le pays ces 10 dernières années.

4. L'élimination de la violence à l'égard des femmes et la participation active de ces dernières, dans des conditions d'égalité, à l'élaboration et à la mise en oeuvre de toutes les politiques de développement socioéconomique s'étaient vu accorder le rang de priorité le plus élevé par le Secrétariat général à l'égalité pour la période 1997-2000. Faute de données suffisantes, l'étendue et les formes que prenait la violence à l'égard des femmes n'étaient pas clairement déterminées. De nouvelles initiatives avaient été prises pour pallier cet inconvénient, notamment la création d'un comité d'experts chargé d'élaborer des recommandations sur les nouvelles lois, mesures et stratégies à adopter. Le Centre de recherche sur les questions relatives à l'égalité réalisait des études sur la violence à l'égard des femmes dans tout le pays. La prostitution forcée et la traite y étaient devenues de graves problèmes.

5. L'évolution récente du système économique et social avait des répercussions particulières sur les femmes. Pour assurer l'égalité des chances entre les sexes et faire entrer les femmes sur le marché du travail sans compromettre la cohésion économique et sociale, il fallait se préoccuper de questions non seulement quantitatives mais aussi qualitatives. Le Secrétariat général à l'égalité promouvait l'adoption d'un plan d'action pour la période 1998-2000 qui visait avant tout à incorporer la politique d'égalité des chances entre les sexes dans toutes les politiques du Gouvernement.

6. La participation des femmes à la vie économique progressait : leur part dans la main-d'oeuvre et leur taux d'activité économique avaient augmenté et elles occupaient les trois quarts des emplois nouvellement créés.

7. Les femmes commençaient à participer plus activement à la vie politique mais étaient toujours très peu nombreuses aux échelons élevés de l'appareil politique. Le Gouvernement avait adopté diverses mesures de discrimination positive, notamment en matière de sensibilisation et de formation, pour qu'elles soient plus nombreuses à participer à la vie publique.

8. Le droit des femmes grecques à bénéficier de soins de santé, qui était garanti par la constitution, trouvait son application dans le cadre d'un système national de santé uniforme et décentralisé, comme en témoignaient divers indicateurs et données démographiques. Toutes les femmes pouvaient bénéficier de soins de santé spécialisés, y compris les immigrantes et les réfugiées, et on prévoyait de mettre en oeuvre de nouveaux programmes pour régler certains problèmes spéciaux, tels que l'avortement chez les adolescentes et les problèmes liés à la ménopause. Le nombre des femmes atteintes du sida avait diminué.

b) Conclusions du Comité

Introduction

9. Le Comité remercie le Gouvernement grec de lui avoir présenté ses deuxième et troisième rapports périodiques combinés, qui sont complets et bien rédigés. Il le félicite aussi de sa présentation orale desdits rapports et de ses réponses franches et circonstanciées, qui lui ont permis de se faire une idée précise de la situation des femmes en Grèce.

10. Le Comité observe avec satisfaction que le Gouvernement grec estime que la mise en oeuvre du Programme d'action adopté par la quatrième Conférence mondiale sur les femmes est étroitement liée à l'application de la Convention.

Aspects positifs

11. Le Comité félicite le Gouvernement d'avoir mis en place un cadre constitutionnel et législatif propre à assurer pleinement l'égalité entre les sexes. Il note en particulier que la Constitution de 1975 consacre le principe de cette égalité et que toute une série de lois et de politiques ont été adoptées au fil des années pour l'inscrire dans les faits. Il relève que le statut juridique des femmes leur est favorable, notamment en ce qui concerne l'emploi, la formation professionnelle et la santé. Il relève également que la Grèce a ratifié les grandes conventions de l'Organisation internationale du Travail (OIT) concernant la main-d'oeuvre féminine et les travailleurs ayant des responsabilités familiales.

12. Le Comité félicite en particulier le Gouvernement d'avoir pris d'importantes nouvelles mesures législatives concernant le droit de la famille.

13. Le Comité note que le Secrétariat général à l'égalité, l'organisme public chargé de promouvoir la condition de la femme, relève toujours du cabinet de la présidence. Il note également que d'autres organismes publics, tels que le Centre de recherche sur les questions relatives à l'égalité, s'occupent de l'égalité entre les sexes.

14. Le Comité se félicite qu'un grand nombre d'organi-sations non gouvernementales de femmes soient actives dans le pays et que ces organisations de la société civile et les organismes publics susmentionnés entretiennent de bonnes relations. Il se félicite à cet égard du fait que l'on avait établi un comité national, comprenant des représentants du Gouvernement et de la société civile, pour établir le document combinant les deuxième et troisième rapports périodiques.

15. Le Comité se félicite que le Gouvernement ait entrepris de donner des chances égales aux femmes sur le marché du travail et que la situation de ces dernières en matière d'emploi accuse des tendances positives. Il félicite le Gouvernement grec de mener une enquête pilote sur les budgets-temps pour quantifier le travail ménager non rémunéré des femmes. Il le félicite également de recourir aux médias pour améliorer l'image de ces dernières.

Obstacles à l'application de la Convention

16. Le Comité note avec préoccupation que le patriarcat et les valeurs sociales qui s'attachent au rôle des deux sexes perpétuent la discrimination à l'égard des femmes dans tous les domaines de la vie publique et privée et font obstacle à leur égalité avec les hommes.

17. Le Comité note également que l'évolution de la situa-tion régionale et mondiale et les politiques économiques auxquelles elle donne lieu ont pour effet d'entraver l'appli-cation de la Convention.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations

18. Le Comité se déclare préoccupé par la violence qui continue de s'exercer contre les femmes. Il prend note de l'absence de mesures législatives portant sur tous les aspects de ce phénomène. Il juge également préoccupante l'attitude du personnel d'application des lois et notamment de la police vis-à-vis des femmes victimes de violences. S'inquiétant en outre de ce que le harcèlement sexuel soit très répandu dans le travail, il déplore l'absence de dispositions législatives claires à ce sujet et le fait que les femmes n'utilisent pas les moyens de recours existants.

19. Le Comité félicite le Gouvernement d'avoir renforcé le cadre législatif et les moyens d'action visant à prévenir, éliminer et réprimer la violence contre les femmes, conformément à sa recommandation générale 19 et à la Déclaration sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes. Il recommande en priorité que soient réunies des données et des informations donnant une idée de la gravité et de la nature du phénomène de la violence au sein de la famille en général et contre les femmes en particulier. Des mesures devraient être prises d'urgence pour institutionnaliser la formation des policiers et des responsables de l'application des lois afin que les affaires de violence contre les femmes soient traitées comme il se doit. Des efforts devraient également être faits pour améliorer l'accessibilité et l'efficacité des mécanismes de recours en cas de harcèlement sexuel sur le lieu du travail.

20. Le Comité s'inquiète de ce que la révision des lois sur le viol n'ait pas eu pour corollaire une reconnaissance du viol en tant que grave atteinte au droit fondamental qu'ont les femmes de voir la sécurité de leur personne assurée.

21. Le Comité recommande que la loi relative au viol, notamment conjugal, soit révisée et qu'il soit fait appel à la médecine légale conformément à sa recommandation générale 19 et à la Déclaration sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes et compte tenu des lois nouvelles adoptées récemment par d'autres pays d'Europe qui connaissent des problèmes similaires dans le domaine de la violence contre les femmes.

22. Le Comité note avec préoccupation que la légalité de la discrimination positive et des mesures temporaires spéciales visées à l'article 4.1 de la Convention est remise en cause à la suite de plusieurs affaires récentes qu'ont eu à régler les tribunaux.

23. Le Comité recommande que le Gouvernement s'assure de la compatibilité de ses textes législatifs avec le paragraphe 1 de l'article 4 de la Convention pour en permettre l'application.

24. Le Comité note avec préoccupation qu'en dépit des moyens de recours offerts par la loi en cas de discrimination et de l'intervention de la justice dans certaines affaires de ce type, les femmes hésitent encore souvent à exercer leur droit et à faire appel aux tribunaux.

25. Le Comité recommande que le Gouvernement fasse en sorte que les moyens de recours offerts par la Constitution soient connus des femmes et des organisations féminines et utilisés systématiquement pour poursuivre les auteurs d'actes de discrimination de façon que les mesures et les politiques adoptées par les pouvoirs publics et les activités du secteur privé soient conformes à la Constitution.

26. Tout en se félicitant que la prostitution ait été décriminalisée et soit désormais simplement réglementée, le Comité s'inquiète de l'insuffisance des structures existantes pour assurer le respect des dispositions réglementaires en vigueur. Il s'inquiète également de l'augmentation de la traite des femmes. À cet égard, il prend note de l'attention insuffisante accordée au rapport de cause à effet qui peut exister entre l'inapplication des lois et la traite et la migration des femmes.

27. Le Comité recommande que le respect de la réglementation concernant la prostitution soit contrôlé de façon efficace, et que l'on adopte des mesures adéquates pour lutter contre la traite des femmes.

28. Prenant note de la participation déjà extrêmement faible des femmes dans la vie politique et publique, le Comité s'émeut de la diminution apparente du nombre des élus de sexe féminin. Il s'inquiète des conséquences de cette tendance sur l'adoption de mesures législatives et de politiques soucieuses d'équité entre les sexes.

29. Le Comité engage le Gouvernement à adopter des mesures novatrices pour faire en sorte qu'un plus grand nombre de femmes soient présentes dans toutes les instances publiques et notamment au sein des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Des efforts doivent également être faits pour encourager notamment les partis politiques et le secteur privé, à nommer un plus grand nombre de femmes aux postes de responsabilité et de décision.

30. Le Comité s'inquiète du taux relativement élevé d'illettrisme en Grèce, en particulier chez les femmes âgées et les femmes rurales.

31. Le Gouvernement est invité à redoubler d'efforts pour lutter contre l'illettrisme féminin. Il devrait également revoir en profondeur le contenu de l'enseignement primaire, secon-daire et du troisième cycle afin d'en finir avec les éléments discriminatoires et les stéréotypes qu'il véhicule encore à l'égard des femmes et des filles et de créer l'environnement scolaire voulu pour que celles-ci puissent recevoir une éducation et faire des études. Le Gouvernement devrait enfin faire de l'égalité entre les hommes et les femmes et entre les filles et les garçons un des objectifs vers lesquels doit tendre la société dans le domaine de l'éducation. Le Comité encourage vivement le Gouvernement à créer des programmes d'études consacrés aux femmes et sanctionnés par des diplômes pour que l'enseignement universitaire reflète l'évolution du pays, sur le plan politique et dans la pratique, vers une société non patriarcale.

32. Notant les tendances positives de la situation de l'emploi des femmes, le Comité continue de s'inquiéter des conditions de travail des femmes dans les secteurs structuré et non structuré et notamment des taux importants de chômage féminin et de l'écart de rémunération qui continue d'exister entre les hommes et les femmes. Il s'inquiète également de ce que les nouveaux emplois occupés par les femmes sont le plus souvent mal rémunérés et offrent peu de possibilités d'avancement. Il s'inquiète enfin des perspectives d'emploi des femmes qui vivent dans les zones rurales, des agricultrices qui cherchent à se reconvertir et des migrantes dont la situation demeure précaire, notamment lorsqu'elles sont peu qualifiées ou illettrées.

33. Le Comité incite vivement le Gouvernement à entreprendre une étude approfondie de l'évolution du travail féminin sous tous ces aspects et à élaborer des politiques visant à apporter des améliorations structurelles et à long terme à la situation de l'emploi des femmes. Il devrait s'intéresser particulièrement aux femmes qui exercent une activité non rémunérée dans une entreprise ou une exploitation agricole familiale. Il engage aussi le Gouvernement à se pencher sur la question des travailleuses migrantes.

34. Le Comité s'inquiète de l'attention insuffisante accor-dée aux causes et conséquences sexospécifiques des maladies et du fait que les politiques nationales en matière de santé ne tiennent pas suffisamment compte des différences entre les sexes dans ce domaine.

35. Le Comité recommande que toutes les données et statistiques en matière de santé soient ventilées par sexe et par âge de façon à ce que l'élaboration des politiques, la prestation des services et l'affectation des ressources dans ce domaine dépendent des conséquences qu'ils ont sur les hommes et sur les femmes. Il recommande également que les politiques, recherches et ressources nationales en matière de santé tiennent davantage compte des droits des hommes et des femmes à des services de santé de qualité et des différences entre les sexes en matière de soins de santé.

36. Le Comité s'inquiète particulièrement du taux élevé d'avortements en Grèce, notamment chez les adolescentes, signe révélateur d'un recours insuffisant aux moyens de contraception, de l'absence d'éducation sexuelle et d'un manque d'information concernant la contraception, ainsi que de l'inadéquation des services de planification de la famille. Le Comité s'inquiète aussi à cet égard de la faiblesse du financement pour la contraception, étant donné la couverture très complète de l'assurance maladie et du financement des services de santé en Grèce.

37. Le Comité recommande au Gouvernement de prévoir des cours d'éducation sexuelle dans le programme scolaire. Il lui recommande également d'améliorer les politiques et les activités de planification de la famille de façon à ce que tous les hommes et les femmes aient accès à l'information et aux moyens de contraception. Il l'engage vivement à cibler ses campagnes de planification de la famille sur les hommes et à insister sur le partage des responsabilités entre les hommes et les femmes dans ce domaine.

38. Étant donné les conditions parfois dramatiques dans lesquelles se fait l'arrivée des immigrants et des réfugiés dans la région et l'évolution constante de leur composition, le Comité s'inquiète du manque d'intérêt que le Gouvernement continue de manifester à leur égard. Par ailleurs, il note qu'en dépit de l'attention accordée à certains groupes minoritaires de femmes comme les gitanes, les données sur la situation des femmes issues d'autres groupes minoritaires ethniques et religieux comme les Turcs et les Albanais font toujours défaut.

39. Le Comité encourage vivement le Gouvernement à adopter des politiques générales axées sur les besoins particuliers des femmes immigrées et des migrantes dans les domaines de la protection, de la santé, de l'emploi et de l'éducation. Il l'incite à assurer la sécurité et la protection des femmes dans ses programmes de rapatriement. Le Gouvernement devrait également envisager de conclure des accords bilatéraux avec les pays d'origine des femmes migrantes pour assurer comme il se doit la protection de ces femmes et le respect de leurs droits. Le Comité encourage aussi le Gouvernement à s'intéresser au sort de toutes les femmes minoritaires de façon à leur apporter le soutien dont elles peuvent avoir besoin.

40. Il recommande également au Gouvernement, lorsqu'il établira son prochain rapport, d'engager des consultations avec les groupes qui représentent ces femmes minoritaires.

41. Le Comité demande que les présentes conclusions soient largement diffusées en Grèce afin de faire connaître à la population de ce pays, et en particulier à ses administrateurs et à ses hommes politiques, les mesures qui ont été prises pour assurer l'égalité de droit et de fait et celles qui restent encore à prendre dans ce domaine. Le Comité demande également au Gouvernement de continuer à assurer une large diffusion, notamment auprès des femmes et des organisations de défense des droits fondamentaux, au texte de la Convention, à ses recommandations générales et à la Déclaration et au Programme d'action de Beijing.




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