University of Minnesota



Observations finales du Comité sur l
'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Ghana, U.N. Doc. A/47/38,paras.65-105 (1992).




Comité pour l'élimination
de la discrimination à l'égard des femmes

Ghana

65. Le Comité a examiné le rapport initial et le deuxième rapport périodique du Ghana (CEDAW/C/GHA/1-3), regroupés en un seul rapport, à ses 191e et 194e séances, les 20 et 23 janvier 1992.

66. En présentant le rapport, la représentante du Ghana a souligné que les attitudes sociales et culturelles demeuraient des obstacles majeurs à l'instauration d'une pleine égalité de fait entre les hommes et les femmes. Après avoir donné un aperçu de la situation démographique et économique du pays et de son système politique et juridique, la représentante a décrit les mesures prises par le Ghana pour appliquer la Convention, compte tenu de la situation des femmes dans le pays ainsi que de la culture et des valeurs locales.

67. En dépit des progrès réalisés sur le plan de l'égalité de droit, les femmes continuaient de faire l'objet d'une discrimination en raison des tâches économiques et domestiques ardues dont elles étaient chargées, dans une société caractérisée par des taux de fécondité élevés, un faible niveau d'éducation et de santé pour les femmes et une concentration de la main-d'oeuvre féminine dans le secteur non structuré. Le statut traditionnellement inférieur de la femme était renforcé par la prédominance de mariages conclus en vertu de divers régimes de droit coutumier qui limitaient les droits des femmes. La discrimination était également manifeste au niveau de la prise des décisions, dont les femmes étaient largement exclues.

68. Des progrès encourageants avaient néanmoins été réalisés dans les domaines juridique et constitutionnel, et favorisés par divers programmes, projets et politiques. Le nouveau projet de constitution du Ghana qui était actuellement à l'étude comprenait des propositions importantes visant à améliorer le statut de la femme au Ghana. Il contenait en particulier des dispositions garantissant les droits de propriété de la femme dans le mariage et des conditions moins discriminatoires pour l'acquisition de la citoyenneté par le mariage. Le mécanisme national ghanéen pour la promotion de la femme, le Conseil national sur la femme et le développement, avait été étroitement associé à la mise au point du projet de texte de la nouvelle constitution. Les activités du Conseil, qui étaient précédemment axées sur des projets, visaient maintenant à intégrer les questions concernant les femmes aux politiques, plans et programmes des ministères clefs, et étaient complétées par les activités de différentes ONG.

69. Dans ses observations sur les divers articles de la Convention, la représentante du Ghana a également appelé l'attention des membres du Comité sur divers programmes et projets gouvernementaux ou non gouvernementaux, tels que le programme d'action dans le domaine de l'éducation, le programme de soins de santé primaires axé sur les femmes et les enfants et toute une gamme de projets générateurs de revenus en particulier dans les zones rurales. La représentante a également décrit les nouvelles lois portant sur la succession ab intestat, l'enregistrement des mariages conclus selon le droit coutumier et des divorces. Ces programmes avaient renforcé les droits des femmes mais n'étaient pas bien connus par les femmes qui, de ce fait, n'en tiraient pas parti.

70. Dans ses observations générales, le Comité a pris note avec satisfaction du fait que le Ghana avait ratifié la Convention sans réserve et s'est déclaré satisfait de son rapport franc et détaillé qui donnait une idée claire de la situation véritable des femmes au Ghana et des facteurs qui faisaient obstacle à l'amélioration de leur statut. Il a fait l'éloge des efforts déployés par le Ghana pour mettre fin à la discrimination et donner la priorité à la santé, à l'éducation et à la modification des comportements, eu égard en particulier aux difficultés économiques du pays. Ses membres ont souligné le rôle actif joué par le Conseil national sur la femme et le développement et se sont félicités de la réorientation de ses activités qui visent désormais à intégrer les questions concernant les femmes aux politiques et programmes macro-économiques. Ils ont demandé un complément d'information sur la législation en vigueur au Ghana depuis la suspension de la Constitution de 1979.

71. Certains membres du Comité se sont déclarés déçus de la persistance de la polygamie, de systèmes d'héritage discriminatoires, et de taux élevés d'analphabétisme chez les femmes et de mortalité liée à la maternité. Ils ont également noté que la valeur du travail des femmes n'était pas reconnue dans les zones rurales, et souligné le nouveau danger posé par le virus de l'immunodéficience humaine/syndrome d'immunodéficience acquise (VIH/SIDA). Certains membres auraient souhaité disposer de statistiques plus nombreuses sur les changements survenus dans la situation de fait des femmes et ont demandé pourquoi le nombre de femmes chefs de famille augmentait.

72. Les membres du Comité ont été d'avis que le rapport devait être considéré dans le contexte des attitudes culturelles du Ghana qui exerçaient une influence sur la situation des femmes dans ce pays et la coexistence de différents systèmes juridiques.

73. Notant l'importance des tâches qui restaient à accomplir au Ghana, certains membres ont déclaré que le Conseil national sur la femme et le développement et les ONG avaient un rôle important à jouer pour compléter l'action gouvernementale. Ils estimaient toutefois que le lien entre les ONG et le Conseil national devait rester souple et qu'en coordonnant les activités des ONG, il fallait tenir compte du mandat respectif de chaque organisation. Les membres espéraient que la quatrième Conférence mondiale sur la femme servirait de but et donnerait une impulsion aux efforts entrepris et souhaitaient être tenus informés des progrès réalisés. En ce qui concerne l'aide internationale, certains membres ont demandé si les femmes avaient la possibilité de participer aux décisions touchant l'allocation de l'aide au développement.

74. Se référant à l'article 2, les membres du Comité ont demandé s'il serait possible d'abroger les dispositions du droit coutumier qui constituaient une discrimination à l'égard des femmes et d'évoluer vers l'adoption d'un seul système juridique.

75. Se référant à l'article 3, ils ont demandé si le Gouvernement avait fourni des incitations, comme des programmes de formation ou d'autres mesures, pour encourager les femmes à travailler en dehors de leur foyer. Ils ont suggéré que, dans le cadre de la décentralisation en cours, on accroisse les pouvoirs et les ressources financières du mécanisme national ghanéen pour la promotion de la femme, et ont posé différentes questions sur son organisation et son budget.

76. A propos de l'article 4, certains membres se sont félicités de ce que la représentante du Ghana ait mentionné dans son exposé oral l'adoption de dispositions spéciales provisoires destinées à accélérer l'égalité entre hommes et femmes. Ils ont noté que l'on procédait actuellement à un réexamen de l'ensemble des codes civils dans le but d'abroger les dispositions qui établissaient une discrimination à l'égard des femmes et demandé quel calendrier on appliquait pour cet examen et s'il était probable que l'une ou l'autre des modifications proposées soient acceptées. Faisant valoir que ces mesures revêtaient un caractère permanent et qu'elles n'entraient donc pas dans le champ de l'article 4, certains membres ont demandé des éclaircissements sur l'interprétation que le Gouvernement ghanéen donnait à cet article.

77. Abordant ensuite l'article 5, les membres du Comité se sont déclarés préoccupés par les rites cruels qui étaient encore pratiqués à l'égard des veuves. Ils ont demandé un complément d'information sur ces rites, leurs conséquences pour les femmes, et leur fréquence. Avait-on mis en place des programmes pour les éliminer et les hommes étaient-ils également visés? Certains membres ont également demandé s'il existait d'autres rites qui impliquaient des actes de violence à l'égard des femmes, quelles étaient les coutumes en matière de divorce, de rites funéraires et de polygamie. Le Gouvernement avait-il un plan à moyen terme pour éliminer les pratiques les plus dangereuses auxquelles les femmes étaient couramment exposées? Les dirigeants politiques étaient-ils intervenus publiquement pour dénoncer ces pratiques?

78. Certains membres du Comité ont également cherché à savoir quelles étaient la nature et l'efficacité des programmes visant à lutter contre les stéréotypes définissant le rôle et le comportement des femmes. Le Comité a demandé si les ONG et les Ghanéennes elles-mêmes tentaient de faire échec à ces stéréotypes et si, dans les mesures adoptées à cet effet, on s'était réclamé de la Convention. Certains membres souhaitaient être plus amplement informés de l'action que le Gouvernement comptait mener, par le biais de réformes législatives et de programmes d'éducation, pour encourager une évolution des mentalités à l'égard des droits et du statut des femmes au sein de la société. Ils se demandaient également s'il existait un moyen de concilier les droits reconnus par la loi avec la situation sociale réelle des femmes. Certains membres étaient curieux de savoir comment, même dans les communautés soumises au régime du matriarcat, la situation des femmes pouvait être encore si précaire.

79. Passant à l'article 6, le Comité a demandé si l'on cherchait à élucider les causes profondes de la prostitution au Ghana. Plusieurs questions ont été posées à cet égard : combien de femmes prostituées avait-on recensées, existait-il des dispositions législatives offrant une protection et les prostituées avaient-elles accès aux méthodes prophylactiques et à l'information? Les membres du Comité ont également demandé si l'on avait adopté de nouvelles mesures sur la prostitution depuis la consultation nationale de 1980 et notamment s'il existait des programmes pour la réinsertion économique des prostituées. Se référant à la recommandation générale 15, ils ont demandé si le Ghana avait mis en place des programmes pour prévenir la propagation du VIH/SIDA parmi les prostituées et assister celles qui étaient contaminées. Avait-on pris des mesures concrètes pour les jeunes femmes envoyées à l'étranger à des fins de prostitution; existait-il une législation contre la traite des jeunes femmes et quelle était son efficacité?

80. A propos de l'article 7, certains membres ont demandé si l'on envisageait de prendre des mesures pour assurer aux femmes une plus large représentation dans la vie politique ou de procéder à des consultations sur ce sujet. Ils ont également demandé si le Gouvernement avait entrepris de modifier les mentalités par le biais de programmes éducatifs, afin d'encourager les femmes à participer à la planification économique et sociale. Les ONG oeuvraient-elles pour améliorer le statut et l'éducation des femmes? Leur offraient-elles un appui politique leur permettant de participer à la vie publique? Le pourcentage de femmes juges et magistrats avait-il augmenté depuis 1984?

81. S'agissant de l'article 9, certains membres ont demandé des éclaircissements sur les lois qui régissaient la nationalité des enfants.

82. Dans le cadre de l'article 10, ils souhaitaient savoir pourquoi la planification familiale était relativement peu pratiquée par les Ghanéennes et quel rôle pouvaient jouer différents facteurs : les habitudes culturelles, les impératifs économiques, la faible densité des services de planification familiale et le manque d'instruction. Quels efforts avait-on entrepris pour enseigner la planification familiale en milieu scolaire et au sein de la collectivité?

83. Soulignant l'importance de l'alphabétisation, certains membres se sont enquis des programmes que le Conseil national sur la femme et le développement avait prévus pour remédier à la pénurie de livres. On a demandé pourquoi le nombre de fillettes âgées de 6 ans ou plus qui n'étaient pas du tout scolarisées avait augmenté en valeur absolue. Certains membres souhaitaient également savoir si l'enseignement était gratuit à tous les niveaux. Ils ont réclamé des données plus récentes sur le nombre des garderies, ainsi que sur leur coût, et demandé si le Gouvernement avait envisagé d'autres formules moins onéreuses pour la garde des enfants.

84. Passant à l'article 11, certains membres ont demandé quelles étaient les activités exercées par les femmes qui travaillaient à leur compte. Bien que le nombre des femmes employées dans le secteur public fût encore faible, il leur semblait qu'une loi garantissant l'égalité des chances dans le domaine de l'emploi pour le recrutement, l'avancement, la retraite et les conditions de travail serait utile. Ils ont également demandé si la législation ghanéenne relative à l'égalité des salaires reposait sur le principe d'"un salaire égal pour un travail de valeur égale" ou d'"un salaire égal à travail égal". Se référant à la recommandation générale 17, ils ont enfin demandé si le Gouvernement avait ou non rassemblé des données sur les activités domestiques non rémunérées.

85. A propos de l'article 12, certains membres ont posé des questions sur les campagnes d'information concernant l'épidémie de SIDA/VIH, l'éducation sexuelle dans les écoles, les mesures de prévention qui avaient été adoptées - par exemple, les pratiques sexuelles sans risques -, les programmes de formation organisés à l'intention des accoucheuses et les campagnes d'éducation sur la planification familiale visant la population masculine. Ils ont évoqué les mutilations génitales infligées aux femmes et demandé s'il existait des programmes d'information pour les sensibiliser aux dangers qu'elles couraient ainsi que des programmes visant à éliminer ces mutilations, ou tout au moins à en diminuer la fréquence. Ils désiraient également savoir quelles conséquences l'accès plus limité au système de santé - dû à une conjoncture économique difficile - avait eu pour les femmes et les enfants. Une question a été posée sur le pourcentage de femmes-médecins.

86. Commentant l'article 16, les membres ont demandé combien de femmes célibataires avaient été recensées et si ces femmes pouvaient trouver un emploi pour subvenir à leurs besoins. Notant la coexistence de plusieurs types de lois, ils ont demandé des précisions sur le nombre de femmes qui étaient assujetties aux différents systèmes législatifs et sur les conséquences que les lois traditionnelles entraînaient pour la condition des femmes. On a demandé s'il était possible de passer d'un type de mariage à un autre et si les femmes avaient le droit de choisir le type de mariage qui leur convenait. Les membres ont demandé par ailleurs comment le Gouvernement comptait régler la question du droit coutumier à long terme, si cela pouvait se faire en une génération, et si le Gouvernement entendait donner la priorité à l'éducation. Ils se sont également interrogés sur l'opportunité d'apporter certaines modifications au statut des femmes et des enfants en droit coutumier. On s'est félicité de ce que le Ghana ait pris l'initiative d'adopter une loi pour régler certains problèmes que les femmes rencontraient dans le cadre du mariage coutumier, touchant notamment la succession ab intestat et les pratiques en matière de veuvage. Certains membres ont demandé si l'on avait pris des dispositions sur le plan législatif pour lutter contre la violence conjugale, et des questions ont été posées sur l'entretien des enfants et sur leurs droits en matière de propriété dans le cadre du droit coutumier.

87. S'agissant des dispositions relatives à la jouissance et à l'aliénation des biens qui figurent à l'article 16, certains membres se sont référés aux pratiques existantes en matière de succession et ils ont constaté que les nouvelles lois sur la succession ab intestat ne semblaient pas être appliquées. Ils se demandaient si toutes les femmes, et plus particulièrement les jeunes générations, acceptaient les restrictions imposées par le droit coutumier quant aux droits d'une femme sur les biens de son mari. Ils ont également demandé des éclaircissements sur l'indication fournie au paragraphe 57 du rapport, selon laquelle les dirigeants traditionnels cherchaient à "éviter que les femmes puissent hériter".

88. En réponse aux questions posées par les membres, la représentante du Ghana a dit que, du fait du manque de données, sa délégation avait eu des difficultés à fournir des statistiques sur un certain nombre de questions.

89. Répondant aux questions générales posées par les membres, elle a donné quelques précisions sur la loi fondamentale régissant le Ghana depuis la suspension de la Constitution de 1979. La plupart des dispositions générales de la Constitution de 1979 avaient été remises en vigueur par la Loi No 42 promulguée par le Conseil provisoire de défense nationale, qui avait suspendu la Constitution. Répondant à une question sur l'accroissement du nombre de ménages ayant une femme pour chef de famille, la représentante a dit qu'il était dû principalement à l'émigration des hommes, à l'irresponsabilité masculine et à la rupture des mariages du fait de facteurs économiques ou autres. Le fait que bien des femmes qui avaient fait des études et étaient financièrement indépendantes souhaitaient avoir des enfants sans se marier jouait également un rôle.

90. Touchant l'article 2, et la possibilité de mettre en place un système juridique unifié, la représentante a dit que l'on s'efforçait d'atténuer les conflits qui pouvaient surgir entre le droit écrit et le droit coutumier. Lorsque de tels conflits se produisaient, c'était le droit écrit qui prévalait.

91. S'agissant de l'article 3, en réponse à une question posée sur les mesures prises pour encourager les femmes à travailler à l'extérieur, la représentante a souligné que les Ghanéennes avaient toujours été économiquement actives, tant chez elles qu'à l'extérieur, et ce au-delà de l'âge officiel de la retraite (60 ans), en raison de la concentration de la main-d'oeuvre dans l'agriculture et le secteur non structuré.

92. Répondant à d'autres questions relevant du même article, la représentante a donné au Comité des informations sur les structures nationales mises en place en vue de la promotion de la femme. Le Conseil national sur les femmes et le développement était un organisme public autonome qui relevait du Gouvernement. Son budget était d'environ 400 000 dollars pour 1992. Un conseil de 15 membres supervisait son programme de travail. Le Conseil comprenait à la fois des hommes et des femmes et des représentants des ministères des secteurs clefs et était présidé par la spécialiste qui représentait actuellement le Ghana au Comité. Les activités en cours étaient menées par un secrétariat national qu'elle dirigeait. Ce secrétariat comptait 10 départements, chargés de la planification et de l'analyse des politiques, de la mise en valeur des ressources humaines, de la coordination de l'aide et des projets, de la recherche, des statistiques, de la gestion de l'information, des finances et de l'administration. Des bureaux régionaux et de district avaient été créés. Le Conseil national renforçait sa collaboration avec les ONG dont il coordonnait les efforts. Il avait pour principaux objectifs de sensibiliser les femmes et la société dans son ensemble, de rehausser la visibilité des femmes dans la vie publique et politique, d'accroître l'appui gouvernemental au secteur privé et de maximiser les fonds dont disposaient les groupes de femmes ayant des activités spécifiques.

93. S'agissant de l'article 4, la représentante a dit que le Gouvernement n'avait pas de position déclarée mais qu'il était disposé à instituer des mesures temporaires, si nécessaire. Elle a donné divers exemples, mentionnant l'attribution de sièges à des femmes et groupes de femmes à l'Assemblée consultative, organe qui rédigeait une nouvelle constitution pour le pays. En réponse à une question sur le calendrier de la révision des lois discriminatoires à l'égard des femmes, la représentante du Ghana a indiqué qu'il n'en existait pas mais que l'intérêt manifesté par la Commission de réforme des lois et certains autres organes laissait espérer que des mesures seraient prises sur la question dans les meilleurs délais. On pouvait s'attendre à ce que des révisions soient introduites, compte tenu de la bonne volonté dont le Gouvernement avait fait preuve en acceptant les propositions du Conseil national pour le nouveau projet de constitution. La discrimination était toutefois ancrée dans la société elle-même et non pas dans ses lois.

94. S'agissant de l'article 5 et des questions posées par le Comité sur les rites en matière de veuvage, la représentante a dit qu'ils variaient d'un groupe ethnique à l'autre. Elle a donné des exemples de ces rites qui comprenaient des violences physiques, le rasage de la tête des veuves et des insultes proférées par la belle-famille. Les femmes parvenaient parfois à obtenir réparation devant les tribunaux. En réponse aux questions touchant les mesures prises pour combattre de tels rites, la représentante a dit que le Gouvernement, le Conseil national sur les femmes et le développement et les ONG menaient de vigoureuses campagnes afin d'inciter les groupes ethniques à abandonner de telles pratiques. Les campagnes d'information sur cette question étaient dirigées à la fois vers les hommes et les femmes. Divers chefs traditionnels avaient accepté la législation relative aux rites de veuvage et pris des mesures dans le même sens. En réponse à une question sur la fréquence statistique des actes de violence à l'encontre des femmes, la représentante a déclaré que, s'il était admis que de tels sévices étaient commis au Ghana, les contraintes socioculturelles et économiques rendaient encore impossible le rassemblement de données fiables en la matière. S'agissant de la question de savoir si le Gouvernement avait élaboré un plan visant à éliminer les pratiques traditionnelles préjudiciables aux femmes, elle a mentionné le plan à moyen et à long terme du Conseil national visant à renforcer les mesures prises pour changer de telles pratiques. Se référant au problème des stéréotypes et à une question sur l'appui du Gouvernement aux campagnes menées par les ONG en vue de leur élimination, la représentante a indiqué que le Gouvernement soutenait ces organisations depuis de nombreuses années par le biais de subventions. Aucune donnée statistique n'était disponible concernant les montants alloués. En réponse à une question sur le succès des campagnes menées pour modifier les valeurs morales de la société, elle a reconnu que ces programmes n'avaient pas toujours obtenu les résultats escomptés et souligné que les efforts se poursuivaient dans tout le pays. Elle a également noté que les idées et les réalités concernant la dépendance traditionnelle des femmes à l'égard des hommes évoluaient progressivement du fait du rôle croissant joué par les femmes dans l'économie des ménages. Se référant à une question relative à la perception par les femmes de leur situation dans le cadre du droit coutumier en général, la représentante a indiqué que les études entreprises par le Gouvernement, les organismes publics et les universités sur cette question révélaient que les femmes étaient mécontentes de bien des pratiques traditionnelles. En réponse aux questions du Comité sur la situation des femmes dans les communautés matriarcales, la représentante a tenu à déclarer que les termes "matriarcal" et "patriarcal" utilisés dans le rapport devaient être remplacés par "matrilinéaire" et "patrilinéaire". Au Ghana, l'héritage matrilinéaire était essentiellement régi par le système de contrôle patriarcal qui en fait limitait les droits des femmes. Environ 40 % de la population étaient régis par le système matrilinéaire et 60 % par le système patrilinéaire.

95. Au sujet de l'article 6, qui traite de la prostitution, la représentante a informé le Comité que des travaux de recherche sur ses causes avaient été effectués. C'était souvent la nécessité économique qui poussait de nombreuses femmes à se prostituer. Pour diminuer la fréquence de la prostitution, des mesures de longue haleine avaient été prises en vue d'encourager les chômeuses à participer à des stages de formation et les écoles à donner aux jeunes filles les moyens de leur indépendance économique future. Au sujet de la prévention et du traitement de l'infection par le VIH et du SIDA chez les prostituées, la représentante a mentionné une action éducative menée en particulier par le Ministère de la santé, par le Conseil national sur les femmes et le développement, par les ONG et par les églises. Il existait aussi un programme national de distribution de contraceptifs aux prostituées.

96. Quant à l'efficacité de la législation réprimant la traite des jeunes femmes, elle était difficile à garantir étant donné la nature du problème. La loi n'épargnait toutefois pas les coupables. Sur une question relative à l'action entreprise pour lutter contre la traite des jeunes femmes, la représentante a indiqué que les consulats ghanéens offraient aide juridique et rapatriement aux femmes victimes du proxénétisme ou de la traite. Mais ces services n'étaient offerts qu'à celles qui faisaient connaître leur situation à un consulat du Ghana, assez peu nombreuses du fait de la crainte d'un rapatriement ou du désir d'éviter une ingérence des autorités dans leurs affaires personnelles.

97. Au sujet de l'article 7, la représentante a répondu à une question sur les mesures pratiques prises pour accroître la participation des femmes à la vie publique et à la vie politique, et a précisé que le Conseil national et les ONG avaient lancé dans ce but des campagnes d'éducation et de sensibilisation. Répondant à une question sur la répartition de l'aide au développement, la représentante a souligné qu'au Ghana la coordination de l'aide était entreprise par la Division des relations économiques internationales du Ministère des finances et de l'économie, où un grand nombre de femmes occupaient des postes élevés. Le Conseil national sur les femmes et le développement était également représenté dans un organe national dont la tâche était de coordonner les décisions sur la répartition de l'aide : un des services du Conseil avait spécialement pour mission de veiller à ce que les femmes bénéficient bien des projets appuyés par les donateurs.

98. Au sujet de l'article 8 de la Convention et de la question qui avait été posée sur la nationalité de l'enfant, la représentante a rappelé que le décret No 42 publié par le Conseil provisoire de la défense nationale (PNDC) avait suspendu la Constitution ghanéenne. Celle-ci stipulait qu'une personne née au Ghana avait la nationalité ghanéenne si l'un de ses parents ou grands-parents la possédait ou l'avait possédée. Une personne née hors du Ghana avait la nationalité ghanéenne si l'un ou l'autre de ses parents la possédait. Un enfant de moins de 16 ans pouvait devenir ghanéen s'il était adopté par un ressortissant ghanéen.

99. Passant à l'article 10 et à la question de l'utilisation encore limitée des moyens de planification de la famille, la représentante a expliqué que cette faible utilisation s'expliquait par le prestige de la maternité, et par le fait qu'en milieu rural on préférait les familles nombreuses pour des raisons économiques. L'enseignement de la planification de la famille était toutefois largement accessible, et des programmes avaient été mis en oeuvre par un certain nombre d'organismes nationaux et internationaux pour sensibiliser la population aux avantages que présentaient un espacement des naissances et une famille peu nombreuse. La représentante a confirmé que l'enseignement et l'alphabétisation étaient gratuits à tous les niveaux. Mais répondant à une question sur l'augmentation du nombre de petites filles de 6 ans ou plus n'ayant jamais été scolarisées, la représentante a fait observer que la proportion de filles non scolarisées diminuait, même si leur nombre augmentait en valeur absolue. Elle a aussi indiqué que les difficultés économiques forçaient souvent les parents à retirer leurs enfants de l'école et à les employer à de petites activités marchandes. En réponse à une question sur les mesures prises pour fournir des livres à tous les Ghanéens, la représentante a indiqué que, dans le souci d'éliminer l'analphabétisme, des manuels avaient été écrits et imprimés en anglais et dans les principales langues vernaculaires. Le Conseil national publiait un bulletin et on pouvait également se procurer facilement des manuels et autres livres pour l'enseignement primaire et secondaire. Répondant à une question sur les soins dispensés aux enfants, la représentante a indiqué que les crèches organisées par des particuliers, ou des groupes de particuliers, complétaient celles organisées par les autorités et par les ONG. Celles-ci étaient généralement moins chères grâce aux subventions qu'elles recevaient. Mais la famille élargie continuait à jouer un rôle prédominant dans les soins dispensés aux enfants.

100. Au sujet de l'article 11 et d'une question posée sur l'emploi indépendant, la représentante a précisé qu'il existait des petites entreprises notamment dans les secteurs des industries alimentaires, de l'artisanat, de l'agriculture et du petit commerce. Rappelant que les membres du Comité estimaient qu'une loi garantissant les droits de la femme sur le lieu de travail devrait être adoptée, la représentante a indiqué que le décret sur l'emploi et la loi sur les relations professionnelles prévoyaient notamment l'octroi d'un congé de maternité et la sécurité de l'emploi pendant la grossesse. La Convention No 45 de l'OIT concernant l'emploi des femmes aux travaux souterrains dans les mines de toutes catégories avait également été ratifiée. Répondant à une question sur le salaire égal pour un travail égal, la représentante a informé le Comité que ce principe figurait en bonne place dans la législation ghanéenne. Sur la mesure du travail ménager non rémunéré, elle a indiqué que les services de statistique ghanéens cherchaient à améliorer la mesure statistique du produit national brut du Ghana, notamment par une meilleure connaissance du revenu des ménages.

101. Concernant l'article 12, la représentante a répondu aux questions des membres du Comité sur les mesures prises pour lutter contre le SIDA. L'action entreprise était mise en oeuvre par le Ministère de l'éducation, le Ministère de la santé et les organisations confessionnelles. Evoquant la préoccupation du Comité au sujet de la lutte contre les mutilations génitales féminines, la représentante a déclaré que les autorités et le Conseil national consacraient des efforts et des ressources considérables à la lutte contre ces pratiques. Ils recouraient à des campagnes d'information sur les effets néfastes de l'excision pratiquée sur les petites filles et organisaient des séminaires et des débats sur la question. Les ONG étaient également actives dans ce domaine, et la représentante a cité l'exemple de l'"Association pour le bien-être des femmes", qui s'employait en priorité à lutter contre cette coutume.

102. Répondant aux questions ayant trait à l'article 16 de la Convention, la représentante a apporté des éclaircissements sur la situation des femmes célibataires. Leur nombre était difficile à évaluer, mais il était manifestement en augmentation. La représentante a indiqué que les femmes célibataires étaient libres de se livrer à toute activité lucrative pour gagner leur vie de façon indépendante.

103. Répondant aux questions posées sur la coexistence de régimes matrimoniaux différents, la représentante a apporté plusieurs compléments d'information. Les femmes étaient, pour l'essentiel, libres de choisir le régime matrimonial de leur choix. Répondant à une question sur la législation adoptée pour réprimer la violence conjugale, la représentante a indiqué que si cette pratique était généralement tolérée par la société traditionnelle, elle restait néanmoins un délit relevant du code pénal.

104. La représentante a répondu à une question sur les mesures prises pour faire mieux connaître le droit des successions ab intestat. Le Conseil national menait à ce sujet une campagne d'information dans tout le pays. Par exemple, des affiches étaient distribuées pour encourager les femmes à faire un testament. En outre, les ONG et les organisations internationales organisaient des programmes d'initiation juridique. En réponse à une question du Comité, la représentante a précisé la notion de transmission maternelle du tabouret : quand, dans une société à filiation matrilinéaire, un chef mourait, a-t-elle expliqué, le "trône" (symbolisé par un tabouret) passait au fils de sa soeur, ou, s'il n'avait pas de soeur, au fils d'un de ses cousins du côté maternel.

105. Pour conclure, la Présidente a exprimé la satisfaction du Comité devant la franchise du rapport du Ghana. Le Comité louait les efforts qui avaient été déployés pour structurer le rapport et présenter la condition des Ghanéennes sous ses nombreuses facettes. Ces efforts étaient d'autant plus méritoires que le Ghana était un pays en développement. Le rapport et le débat qui avait suivi avaient montré que les problèmes que rencontraient encore les Ghanéennes étaient liés aux pratiques coutumières et à la tradition. Le Comité a noté avec une vive satisfaction les efforts faits pour réviser les codes. L'analphabétisme restait l'un des problèmes que rencontraient encore les femmes, mais il était lié à une situation sociale, culturelle et historique particulière. Le Comité a noté le manque de données statistiques et les efforts faits par le Gouvernement pour en fournir en plus grand nombre sur différents aspects de la condition féminine. Le Comité a loué l'action du Conseil national, qui cherchait à éliminer la discrimination à l'égard des femmes et en particulier les efforts qu'il déployait pour augmenter le nombre de femmes titulaires de postes de responsabilité et l'effort de sensibilisation générale. Le Comité a souligné l'importance de l'appui qu'apportaient les autorités à cette action, et a relevé que les autorités et les organismes chargés de la condition féminine avaient une bonne connaissance des problèmes.



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