University of Minnesota



Observations finales du Comité pour l
'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Finlande, U.N. Doc. A/56/38,paras.279-311 (2001).




Comité pour l'élimination
de la discrimination à l'égard des femmes
Vingt-quatrième session
15 janvier-2 février 2001



Finlande

279.Le Comité a examiné les troisième et quatrième rapports périodiques de la Finlande (CEDAW/C/FIN/3 et 4) à ses 494e et 495e séances, le 22 janvier 2001 (voir CEDAW/C/SR. 494 et 495).


a) Présentation par l'État partie

280. Lorsqu'elle a présenté les troisième et quatrième rapports périodiques, la représentante de la Finlande a remercié les organisations non gouvernementales finlandaises d'avoir contribué à l'établissement de ces rapports, et affirmé la détermination du Gouvernement à tenir un dialogue ouvert avec ces organisations. Elle a informé le Comité que la Finlande d'aujourd'hui représentait un modèle de modernité et d'égalité en ce qui concernait les femmes, et a souligné la grande influence de la Convention sur l'élaboration de lois et de mesures visant à promouvoir la condition de la femme. La Finlande était fermement attachée au renforcement de la Convention et en avait en conséquence signé le Protocole facultatif le 10 décembre 1999, date à laquelle celui-ci avait été ouvert à la signature, et l'avait ratifié en décembre 2000.

281. Selon la représentante, la Finlande était le premier pays au monde à donner aux femmes les pleins droits politiques, dans la mesure où c'était le premier pays à avoir conféré à toutes les femmes le droit de vote et le droit de se présenter aux élections. Les femmes étaient actuellement représentées à tous les niveaux de la vie politique : 37 % des membres du Parlement et 34 % des conseillers étaient des femmes; en outre, pour la première fois, une femme avait été élue à la présidence. Grâce à une disposition législative requérant un minimum de 40 % tant d'hommes que de femmes dans les organes gouvernementaux et municipaux, la participation des femmes auprès des organes constitués par nomination, en particulier au niveau local, avait augmenté de façon spectaculaire.

282. La représentante a informé le Comité que l'indépendance économique des femmes était l'une des pierres angulaires de la conception nordique de l'égalité, et que la présence des femmes sur le marché du travail était presque aussi élevée que celle des hommes, les femmes ayant un niveau d'instruction élevé et ayant généralement un emploi. Les femmes constituaient la majorité des cadres supérieurs dans certains domaines, comme les médias et la biotechnologie, et il y avait un grand nombre de femmes professeurs d'université. Toutefois, la ségrégation par sexe perdurait dans certains domaines d'emploi, avec seulement 16 % de la population active travaillant à des postes où la participation des hommes et des femmes était équilibrée, et peu de femmes occupaient des postes de haut niveau dans le secteur public. La Finlande avait lancé un vaste projet stratégique pour lutter contre la ségrégation par sexe dans l'emploi.

283. La représentante a informé le Comité que l'élimination de l'inégalité des salaires était l'une des tâches auxquelles devait s'atteler le Gouvernement, car bien que des conditions préalables d'égalité dans le travail soient imposées, les salaires des femmes se situaient encore entre 81 % et 85 % de ceux des hommes. Cet écart des salaires résultait d'une ségrégation fondée sur le sexe sur le marché du travail, du nombre plus élevé de travaux entraînant le paiement d'heures supplémentaires menés par les hommes, et du fait que les femmes prenaient davantage de congés non payés, ce qui leur donnait moins d'ancienneté dans le travail. L'écart entre les salaires des deux sexes s'était réduit au cours des années 90, notamment grâce à l'élaboration et à l'application de systèmes d'évaluation du travail qui fixaient les salaires de façon objective et non sexiste.

284. La représentante a relevé que la récession économique du début des années 90 avait démontré l'importance vitale du système de protection sociale nordique, lequel avait offert un filet de sûreté et avait permis de garantir aux citoyens une protection et des services de base. Le système de sécurité sociale, adéquat et complet, avait préservé la cohésion interne de la société durant la période de difficultés dans le domaine de l'emploi.

285. Pour ce qui était de la violence à l'égard des femmes, qui était considérée comme un très grave problème dans le domaine des droits de la personne humaine, la représentante a appelé l'attention sur les mesures prises par la Finlande aux niveaux tant national qu'international pour y remédier. Comme suite au Programme d'action de Beijing, la Finlande s'y était attaquée en adoptant un projet pour la prévention de la violence à l'égard des femmes, en lançant une campagne multimédias de tolérance zéro et en menant diverses études, notamment une enquête approfondie sur les victimes de la violence à l'égard des femmes, une étude des coûts de la violence à l'égard des femmes en Finlande et une enquête sur la violence subie par les immigrantes. Plusieurs mesures législatives pour lutter contre la violence à l'égard des femmes avaient été proposées. On pouvait notamment citer l'instauration de la loi sur les mesures conservatoires, qui étaient entrées en vigueur en 1999, et la loi de 1997 sur la procédure pénale, qui donnait aux victimes de sévices sexuels et de violence familiale le droit de se prévaloir gratuitement des services d'un assistant juridique ou d'une personne leur apportant un soutien pendant l'enquête préalable au procès et durant ce dernier. Une extension de la loi sur les mesures conservatoires avait été proposée, en vertu de laquelle un membre violent de la famille pouvait être expulsé du logis familial. On avait aussi pris des mesures pour s'attaquer aux problèmes du trafic des femmes et de la prostitution. Un projet pour la prévention de la prostitution avait été lancé, et le commerce des services sexuels des personnes de moins de 18 ans était désormais pénalisé. Un amendement du Code pénal permettait de poursuivre les citoyens finlandais qui avaient commis des délits sexuels, même lorsque ces délits avaient été commis à l'étranger, et en décembre 2000, la Finlande avait signé le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir le trafic des êtres humains et en particulier celui des femmes et des enfants. Un exemple intéressant du changement positif de climat était constitué par le fait que le journal du soir le plus ancien et ayant la plus large diffusion auprès du public en Finlande avait décidé de ne pas publier d'articles publicitaires sur les réseaux de sexe téléphonique.

286. La représentante a informé le Comité que le nombre d'immigrants étaient en croissance rapide et que la loi sur l'intégration des immigrants était entrée en vigueur en 1999. La loi harmonisait les mesures prises par les autorités, renforçait la coopération entre elles à tous les niveaux, y compris le niveau local, et visait à améliorer et accélérer l'intégration et l'emploi des immigrants.

287. La représentante a souligné que, pour réaliser l'égalité entre les femmes et les hommes, il fallait que les hommes participent à la promotion de l'égalité, et que le Gouvernement finlandais cherchait à donner aux parents davantage de possibilités de partager le congé parental. Elle a relevé à cet égard qu'en 2000, le Premier Ministre finlandais avait pris un congé parental.

288. En conclusion, la représentante de la Finlande a souligné que l'intégration d'une optique non sexiste dans l'ensemble des politiques et des programmes, principe à la base du Programme d'action de Beijing, était cruciale si l'on voulait réaliser l'égalité entre les sexes. Elle a fait observer que les outils que l'on avait mis au point pour mesurer l'égalité, notamment les statistiques, les indicateurs et les critères comparatifs, étaient d'importance cruciale, car ils offraient de nouvelles possibilités de choisir les outils politiques qui convenaient et de prendre les engagements politiques requis. Elle a noté que la loi finlandaise sur l'égalité entre hommes et femmes n'était en vigueur que depuis un peu plus de 13 ans et que l'on en évaluait actuellement l'impact, tout en avançant des propositions d'amendement. On espérait que ces propositions, qui portaient notamment sur l'extension des dispositions tendant à élargir la définition du harcèlement sexuel de façon à couvrir les établissements d'enseignement, déboucheraient sur une législation qui empêcherait la discrimination fondée sur le sexe et offrirait des recours et une protection plus solides aux personnes qui en avaient souffert.


b) Conclusions du Comité

Introduction


289. Le Comité remercie le Gouvernement finlandais de ses troisième et quatrième rapports périodiques, qui sont conformes aux directives touchant l'établissement des rapports périodiques. Il félicite le Gouvernement d'avoir fait participer les organisations non gouvernementales à l'établissement des rapports. Le Comité remercie également le Gouvernement des informations détaillées qu'il a fournies en réponse aux questions soulevées par le Groupe de travail de présession et dans l'exposé oral.

290. Le Comité remercie le Gouvernement finlandais d'avoir envoyé une nombreuse délégation, ce qui a permis un dialogue franc et constructif avec les membres du Comité.


Aspects positifs

291. Le Comité félicite le Gouvernement finlandais d'avoir été l'un des premiers États parties à signer et à ratifier le Protocole facultatif, et à avoir accepté l'amendement du paragraphe 1 de l'article 20.

292. Le Comité félicite également le Gouvernement d'avoir émis des objections aux réserves qui sont incompatibles avec l'objet et l'esprit de la Convention.

293. Le Comité félicite le Gouvernement finlandais des importants succès qu'il a remportés dans la promotion de l'égalité entre hommes et femmes.

294. Le Comité félicite le Gouvernement finlandais des modifications positives apportées à la Constitution finlandaise, qui sont entrées en vigueur le 1er mars 2000 et qui stipulent entre autres qu'en cas de conflit entre législations, ce sont les droits fondamentaux, notamment le droit des femmes à l'égalité, qui l'emportent et qui stipulent expressément l'application de mesures temporaires spéciales.

295. Le Comité félicite également le Gouvernement des efforts soutenus qu'il déploie pour lutter contre la violence à l'égard des femmes, et en particulier la violence familiale. Il se félicite de la loi sur les mesures conservatoires qui est entrée en vigueur en 1999.


Obstacles à l'application de la Convention

296. Le Comité constate qu'il n'existe pas d'obstacle majeur à la bonne application de la Convention en Finlande.


Principaux domaines de préoccupation et recommandations

297. Tout en reconnaissant à leur juste valeur les efforts déployés par le Gouvernement pour résoudre, par le biais de la loi sur l'égalité, le problème de la discrimination à laquelle se heurtent les femmes sur le lieu de travail, le Comité s'inquiète du fait que la discrimination continue d'exister dans l'emploi. En particulier, il juge préoccupant l'écart qui existe entre les salaires des hommes et des femmes en raison essentiellement de la ségrégation « horizontale » et « verticale » entre les sexes sur le marché du travail.

298. Le Comité demande instamment au Gouvernement de redoubler d'efforts pour éliminer les idées préconçues en ce qui concerne l'éducation des femmes ainsi que les stéréotypes dans l'évaluation des emplois et la rémunération touchant les domaines traditionnels d'emploi des femmes. Il lui recommande en particulier de s'efforcer d'encourager la formation interprofessionnelle dans les domaines généralement dominés par l'un ou l'autre sexe, ainsi que de s'attaquer au problème de l'impact négatif qu'ont sur les femmes les politiques d'octroi de contrats de durée déterminée. Le Comité engage aussi le Gouvernement à encourager davantage les hommes à faire usage de leur droit au congé parental et à renforcer les mécanismes de contrôle des plans mis en place en vertu de la loi sur l'égalité.

299. Le Comité s'inquiète du faible pourcentage de femmes occupant des postes supérieurs dans de nombreux domaines, surtout dans les milieux universitaires, où la présence des femmes a diminué à mesure qu'elles progressaient dans la carrière universitaire, et où elles ne représentent actuellement que 18,4 % des professeurs. Le Comité est préoccupé par le fait que le système actuel de recrutement des professeurs, par invitation, et non pas par voie de concours ouverts, désavantage les femmes.

300. Le Comité engage vivement le Gouvernement à s'efforcer d'augmenter le nombre de femmes aux postes supérieurs. Il recommande l'adoption de mesures protectrices pour encourager davantage de femmes à postuler aux postes supérieurs, et de mesures spéciales temporaires, comme les quotas, lorsque cela s'avère nécessaire. Il demande aussi instamment l'intégration des études sur l'équité entre les sexes dans tous les domaines d'éducation afin de sensibiliser les étudiants de toutes les disciplines à ces questions.

301. La réalisation d'études sur l'équité entre les sexes devrait compléter la promotion de la réalisation d'études et de programmes de recherche portant spécifiquement sur les sexospécificités. Le Comité s'inquiète de la forte incidence de la violence à l'égard des femmes en Finlande. Il relève qu'une étude récemment menée par Statistics Finland, en coopération avec le Conseil pour l'égalité, a révélé que 40 % des femmes avaient subi des violences physiques ou sexuelles ou en avaient été menacées. Le Comité s'inquiète aussi du niveau élevé de harcèlement sexuel sur le lieu de travail.

302. Le Comité demande instamment au Gouvernement de redoubler d'efforts pour appliquer efficacement les politiques en vigueur pour combattre la violence, d'accorder une plus grande attention aux efforts de prévention et de prendre des mesures pour faire de la campagne « tolérance zéro » une politique d'État juridiquement contraignante. Il exhorte également le Gouvernement à appliquer toutes les mesures nécessaires pour habiliter les particuliers et les organisations non gouvernementales à agir face au harcèlement sexuel.

303. Nonobstant les très nombreuses mesures qu'a déjà prises le Gouvernement, le Comité s'inquiète de l'incidence accrue du trafic de femmes et de l'exploitation de la prostitution de femmes.

304. Le Comité exhorte le Gouvernement à redoubler d'efforts pour intensifier la coopération entre les autorités nationales et internationales, surtout en Fédération de Russie et dans les États baltes, afin d'encourager une action commune pour prévenir et combattre ce trafic et d'utiliser Internet pour diffuser l'information sur les mesures prises par le Gouvernement à cet égard. Le Comité demande aussi instamment au Gouvernement d'encourager un changement positif d'attitude concernant les lignes de sexe téléphonique dans la mesure où elles vont à contre-courant des efforts déployés pour donner des femmes une image positive, et pour ne pas les présenter comme des « objets sexuels » dans les médias.

305. Le Comité exprime la préoccupation que lui cause la discrimination dont continuent de faire l'objet les immigrantes et les femmes des minorités vivant en Finlande, en particulier les femmes rom et sami, qui souffrent d'une double discrimination en raison à la fois de leur sexe et de leur appartenance ethnique.

306. Le Comité engage vivement le Gouvernement à entreprendre des études sur la participation des femmes des minorités à la société et à prendre des mesures efficaces pour éliminer la discrimination dont elles font l'objet et renforcer les efforts de lutte contre le racisme et la xénophobie en Finlande.

307. Le Comité est préoccupé par le fait que la politique de décentralisation risque d'avoir un impact négatif plus prononcé pour les femmes que pour les hommes.

308. Le Comité recommande au Gouvernement d'entreprendre une analyse d'impact selon le sexe et de sensibilisation aux sexospécificités dans toutes ses initiatives de décentralisation, tout en renforçant les liens entre l'autorité centrale et les municipalités, de façon que les bénéfices acquis grâce aux programmes gérés centralement ne soient pas perdus lors de la transition vers une gestion décentralisée.

309. Le Comité exprime les préoccupations que lui cause l'augmentation de l'usage de tabac et de drogues chez les jeunes, en particulier les filles, et exhorte le Gouvernement à intensifier les efforts qu'il déploie pour lutter contre l'utilisation et la fourniture de drogues et l'usage du tabac.

310. Le Comité prie le Gouvernement de répondre aux questions spécifiques soulevées dans les présentes conclusions dans son prochain rapport périodique.

311. Le Comité prie également le Gouvernement de diffuser largement les présentes conclusions en Finlande et d'en appuyer la discussion publique, afin que les hommes politiques et les pouvoirs publics, les organisations non gouvernementales de femmes et le grand public soient conscients des mesures à adopter pour assurer l'égalité de droit et de fait des femmes et des hommes. Elle le prie en outre de continuer à diffuser largement, en particulier auprès des organisations de femmes et de protection des droits fondamentaux, la Convention et son protocole facultatif, les recommandations générales du Comité, ainsi que la Déclaration et le Programme d'action de Beijing et les textes issus de la vingt-troisième session extraordinaire de l'Assemblée générale intitulée « Les femmes en l'an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXIe siècle ».



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