University of Minnesota



Observations finales du Comité sur l
'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Éthiopie, U.N. Doc. A/51/38,paras.134-163 (1996).




Comité sur l'élimination de la
discrimination à l'égard des femmes



Éthiopie

134. Le Comité a examiné le rapport initial et les deuxième et troisième rapports périodiques combinés de l'Éthiopie (CEDAW/C/ETH/1-3 et Add.1) à ses 292e et 293e séances, le 19 janvier 1996 et à sa 299e séance, le 24 janvier (voir CEDAW/C/SR.292, 293 et 299).

135. En présentant les rapports, la représentante de l'Éthiopie a indiqué que la situation politique de son pays n'avait pas toujours été propice à l'application de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Au moment de la ratification de cet instrument, quelque 60 % du budget national étaient consacrés à l'effort de guerre. Celle-ci s'est déroulée alors même que la sécheresse et la famine faisaient des millions de victimes. Le changement de gouvernement intervenu en 1991 a rendu possible une transition de la guerre à la paix, de la dictature à la démocratie et d'une économie dirigée à une économie répondant davantage aux lois du marché. Le nouveau gouvernement a hérité d'une situation encore aggravée par une crise sociale, marquée par la présence de millions de personnes déplacées et de réfugiés, le chômage et la destruction du peu d'infrastructures sociales dont le pays disposait. En 1994, une nouvelle constitution a été adoptée et, en 1995, un gouvernement fédéral a été constitué. La représentante a indiqué que la situation matérielle des Éthiopiens s'était ressentie favorablement des changements politiques récents. Le Gouvernement avait pris une mesure importante en adoptant une politique nationale concernant les femmes.

136. La représentante a fait observer que la situation des femmes en Éthiopie avait été particulièrement difficile en raison de l'état d'arriération économique et du fait de l'absence d'égalité de chances pour les femmes. Elle a souligné que le Gouvernement avait pris l'engagement d'améliorer la condition de la femme, comme en témoignait la création du Bureau des affaires féminines au sein du Cabinet du Premier Ministre. Plusieurs mesures ont été prises pour remédier à l'inégalité entre les hommes et les femmes. La nouvelle Constitution se faisait l'écho d'une volonté résolue d'appliquer les principes de la Convention. Les femmes occupaient environ 3 % des sièges au Parlement. On comptait de plus en plus d'élues aux niveaux local et communautaire.

137. La représentante a indiqué également que l'Éthiopie avait adopté sans émettre de réserves le Programme d'action de Beijing et donnait la priorité à la réduction de la pauvreté parmi les domaines d'intervention véritablement essentiels. La pauvreté était la cause fondamentale de bien des problèmes auxquels les femmes se heurtaient. Le Bureau des affaires féminines se proposait d'élaborer des statistiques ventilées par sexe pour contrôler de façon suivie l'impact des politiques et programmes sur les femmes de tous âges. Outre la volonté et l'engagement politiques du Gouvernement, qui leur étaient tout acquis, les objectifs de la politique nationale concernant les femmes ne pourraient être atteints que moyennant des ressources financières et matérielles importantes. La représentante a dit qu'on attendait beaucoup de la communauté internationale des donateurs.

Conclusions du Comité

Introduction

138. Le Comité s'est félicité de la franchise et de l'honnêteté avec lesquelles le rapport avait été rédigé et de la franchise tout aussi grande avec laquelle il avait été présenté. Le fait que le Ministre des affaires féminines en personne ait présenté le rapport montrait bien que le pays était décidé à promouvoir la cause des femmes. Le Comité a également noté avec satisfaction que l'Éthiopie avait ratifié la Convention, ainsi que d'autres instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, et accepté sans émettre de réserves la Déclaration et le Programme d'action de Beijing.

Facteurs et difficultés affectant l'application de la Convention

139. Le Comité a distingué plusieurs facteurs et difficultés importants affectant l'application de la Convention, à savoir : pauvreté; caractère profondément enraciné des coutumes et des traditions; analphabétisme; taux de natalité élevés; et chômage. Ces facteurs étaient aggravés par la coexistence de différents types de droits — national, coutumier et religieux.

Aspects positifs

140. Le Comité a constaté avec satisfaction que la volonté politique du Gouvernement avait permis d'adopter une politique nationale de promotion de la femme et diverses mesures visant l'égalité entre les sexes, et que des points de contact pour les questions relatives aux femmes avaient été mis en place dans les organes nationaux, régionaux et locaux de prise des décisions politiques.

141. Le Comité a rendu hommage au Gouvernement pour les engagements qu'il avait pris à la quatrième Conférence mondiale sur les femmes à Beijing en septembre 1995.

142. Le Comité s'est félicité du pourcentage élevé de femmes employées dans l'administration locale.

143. Le Comité a accueilli avec satisfaction les mesures de promotion de la femme prises au niveau universitaire.

Principaux sujets de préoccupation

144. Le Comité a noté avec préoccupation que ni les rapports combinés ni l'additif ne suivaient ses directives générales, ce qui rendait difficile un dialogue constructif avec l'État partie.

145. Le Comité a estimé que si les mécanismes mis en place pour modifier la condition de la femme n'avaient pas des domaines de compétence clairement définis et un financement assuré, leur initiative risquait d'être vouée à l'échec.

146. Tout en se félicitant de la traduction de la Convention en amharique, le Comité craignait que, compte tenu du grand nombre d'autres langues parlées dans le pays, elle ne soit pas diffusée autant qu'elle le devrait.

147. Le Comité a constaté avec préoccupation que les femmes se heurtaient non seulement à des obstacles culturels ancestraux, mais aussi à des lois discriminatoires au niveau national, ainsi qu'à des comportements discriminatoires dans la famille.

148. Le Comité était troublé par la pratique systématique des mutilations génitales féminines, la fréquence de la violence à l'égard des femmes et des fillettes et l'insuffisance des mesures adoptées pour y mettre fin.

149. Le Comité a noté que la prostitution était très répandue et que les hommes avaient tendance à changer souvent de partenaire, ce qui favorisait la propagation du sida. Les mariages précoces étaient également un sujet de préoccupation.

150. Le Comité a pris note avec préoccupation du petit nombre de femmes occupant des postes de décision de haut niveau et s'est interrogé sur l'efficacité de programmes élaborés et adoptés sans que des femmes aient été associées à la prise de décisions. À son avis, toute mesure prise pour éliminer la pauvreté risquait de demeurer lettre morte tant que le pourcentage de femmes au Gouvernement resterait aussi faible qu'il l'était à l'heure actuelle.

151. Le Comité a exprimé son inquiétude devant le taux élevé d'analphabétisme et de décrochages scolaires, le harcèlement sexuel des filles à l'école et l'absence de programmes de formation professionnelle.

Suggestions et recommandations

152. Le Comité a suggéré que, dorénavant, les rapports soient établis selon les directives générales qu'il avait formulées.

153. Lorsque les fonds seraient disponibles, il faudrait traduire la Convention en autant de langues locales que possible, pour qu'elle soit largement diffusée.

154. Le Comité a proposé de procéder à un examen de toutes les lois coutumières observées par les groupes ethniques afin d'évaluer leur substance et leur compatibilité avec les conventions internationales et la législation nationale.

155. Il était urgent de lancer des programmes de sensibilisation et d'adopter des mesures législatives en vue d'abolir la pratique des mutilations génitales féminines et toutes les autres pratiques discriminatoires à l'égard des femmes. Il faudrait aider les personnes qui pratiquent ces mutilations à trouver d'autres sources de revenus.

156. Des programmes devraient être mis en place pour réinsérer les prostituées et leur procurer, ainsi qu'à d'autres femmes, les compétences nécessaires pour exercer une autre activité rémunérée.

157. Le Comité a recommandé que les femmes soient plus nombreuses à occuper des postes de décision dans l'administration publique et que des programmes soient mis en place pour les y encourager.

158. Il était nécessaire d'adopter des mesures, y compris des mesures provisoires spéciales et des programmes visant à permettre aux fillettes et aux femmes de bénéficier d'un enseignement et d'une formation de qualité dans des conditions d'égalité.

159. L'âge minimum du mariage devait être le même pour les garçons et les filles.

160. Le Comité a encouragé le Gouvernement à faire en sorte que les femmes aient accès à des soins de santé primaires, notamment dans les domaines de la santé génésique, de la préparation à la vie de famille et des services de planification familiale.

161. Il allait lancer un programme intensif de lutte contre la propagation du VIH/sida. Il fallait garantir aux femmes et aux hommes séropositifs l'égalité dans la jouissance des droits de l'homme.

162. Le Gouvernement devait s'efforcer d'obtenir un appui international en ce qui concernait l'atténuation de la pauvreté et les programmes scolaires, ainsi que la mise en oeuvre des recommandations formulées aux paragraphes 155, 157, 159 et 161.

163. Aucun effort ne doit être épargné en vue de créer un environnement stable et pacifique, de manière à reconstruire le pays et à créer des conditions propices à un développement durable et à l'intégration des femmes.



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