University of Minnesota



Observations finales du Comité pour l
'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Estonie, U.N. Doc. A/57/38 (Part I),paras.71-118 (2002).




Comité pour l'élimination
de la discrimination à l'égard des femmes
Vingt-sixième session
14 janvier-1 février 2002


Estonie


71. Le Comité a examiné le rapport initial et les deuxième et troisième rapports périodiques de l'Estonie (CEDAW/C/EST/1 à 3) à ses 539e, 540e et 548e séances, les 23 et 29 janvier 2002 (voir CEDAW/C/SR.539, 540 et 548).

a) Présentation par l'État partie

72. En présentant le rapport, la représentante a déclaré que l'origine du mouvement féminin estonien remontait aux années 1880, époque à laquelle les premières organisations féminines avaient été créées. L'Union des femmes, fondée en 1907, s'était exprimée en public sur les droits des femmes, notamment le droit à une rémunération égale pour un travail de valeur égale; en 1920, la première Constitution estonienne avait donné le droit de vote aux femmes. Les organisations féminines étaient devenues très actives au cours des années 80 et après l'indépendance de l'Estonie en 1991, plusieurs nouvelles organisations avaient été créées. Les questions relatives à l'égalité entre les sexes avaient de nouveau été examinées dans le contexte de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes, tenue à Beijing. Un comité interministériel avait été créé en 1996 pour promouvoir l'égalité entre les sexes, et comptait parmi ses priorités la création et le renforcement de structures nationales de nature à intégrer le principe de l'égalité entre les sexes, l'analyse de la conformité de la législation estonienne avec les normes internationales concernant l'égalité entre les sexes; des garanties concernant la disponibilité de statistiques tenant compte des disparités entre les sexes; l'amélioration de la situation des femmes sur le marché de l'emploi et l'accroissement de leur participation à la prise de décisions.

73. En Estonie, les efforts visant à promouvoir l'égalité entre les sexes bénéficiaient de l'appui de nombreuses initiatives financées par une assistance étrangère, notamment grâce aux recherches effectuées sur la situation économique et sociale des femmes et des hommes, et aux contacts et à la coopération avec des défenseurs des droits des femmes, d'autres pays – en particulier les pays nordiques – et des organisations internationales et régionales. En 1991, l'Estonie avait adhéré à une trentaine des conventions les plus importantes des Nations Unies. En raison de la rapidité du processus de ratification et de l'ampleur des réformes juridiques en cours, elle avait beaucoup de mal à présenter en temps voulu des rapports sur l'application de ces conventions, mais en avait désormais présenté un certain nombre. L'Estonie avait ratifié un certain nombre de conventions de l'Organisation internationale du Travail (OIT), notamment la Convention No 100 sur l'égalité de rémunération et, en tant que membre du Conseil de l'Europe, avait ratifié les principaux instruments relatifs aux droits de l'homme. Comme elle avait demandé son admission à l'Union européenne, elle avait aussi harmonisé sa législation nationale avec la législation européenne dans le domaine du travail. Depuis 1998, des mesures visant à promouvoir l'égalité entre hommes et femmes faisaient partie intégrante du plan d'action du Gouvernement, et le Plan national pour l'adoption des acquis comprenait des sous-chapitres sur l'égalité de traitement des femmes et des hommes et sur l'égalité entre les sexes.

74. La représentante a indiqué que la Constitution estonienne garantissait l'égalité de droits pour tous, et que les droits des femmes avaient été pris en compte dans plusieurs lois estoniennes. Le projet de loi sur l'égalité entre les sexes, qui avait été présenté au Parlement estonien à la fin de 2001, entre autres, interdisait explicitement la discrimination directe, prévoyait des mesures contre la discrimination indirecte, et obligeait les employeurs à promouvoir l'égalité entre les sexes. Le Bureau du Chancelier juridique était chargé de la supervision des activités de l'État, notamment en ce qui concerne la jouissance des droits et libertés prévus par la Constitution, et à ce jour, il n'avait reçu aucune pétition concernant des violations des droits des femmes. Au Ministère des affaires sociales, le Bureau de l'égalité entre les sexes était chargé de coordonner les activités visant à incorporer le principe de l'égalité entre les sexes dans les activités de développement économique et social, de surveiller l'application de ce principe dans la législation et d'organiser l'élaboration de plans d'action nationaux visant à promouvoir l'égalité entre les sexes.

75. La représentante a indiqué que le renforcement de la sensibilisation de l'opinion publique aux questions de parité entre les sexes faisait l'objet d'une attention continue et qu'un certain nombre de programmes de formation dans ce domaine avaient été mis en oeuvre. La société civile était encouragée à s'intéresser à ces questions, et les organisations non gouvernementales féminines estoniennes, dont le nombre avait considérablement augmenté ces 10 dernières années, avaient commencé à se regrouper et à organiser des tables rondes régionales. En 2001, le Gouvernement avait pour la première fois prévu des ressources financières pour appuyer les activités de ces tables rondes et la constitution de réseaux.

76. Bien que le nombre de femmes occupant des postes de décision ne soit pas encore suffisant, des progrès avaient été enregistrés à cet égard. La question de l'égalité entre les sexes avait été inscrite au programme de plusieurs partis politiques; la représentation des femmes au niveau du Parlement et des autorités locales avait augmenté au cours des élections de 1999, et le nouveau Gouvernement devait comprendre cinq femmes ministres. Les femmes représentaient à peu près les deux tiers de tous les travailleurs à temps partiel; la ségrégation horizontale et verticale entre hommes et femmes était très élevée sur le marché de l'emploi; et les salaires moyens des femmes étaient inférieurs d'environ 25 % à ceux des hommes. La loi sur les salaires garantissait l'égalité de traitement et interdisait toute discrimination fondée sur le sexe en matière de rémunération, mais en raison du taux de chômage relativement élevé, les femmes avaient cherché des emplois dans le secteur non structuré où elles étaient sous-rémunérées et ne bénéficiaient pas de la sécurité sociale. Un certain nombre de mesures avaient été prises pour remédier à cette situation, notamment des contrôles conjoints et des visites effectuées auprès des sociétés par des représentants de l'Inspection du travail et d'autres autorités. Le Plan d'action national dans le domaine de l'emploi pour 2002 encourageait la création d'emplois et l'égalité des chances, et une de ses composantes avait trait au renforcement de l'égalité des chances des hommes et des femmes; il prévoyait aussi l'élaboration au cours de la période 2001-2003 de stratégies visant à incorporer le principe de l'égalité entre les sexes dans les domaines de l'emploi et de la vie professionnelle. Le renforcement des politiques garantissant l'égalité des chances des hommes et des femmes était également un objectif prioritaire. La représentante a informé le Comité des mesures prises pour encourager les femmes chefs d'entreprise, en particulier dans les zones rurales.

77. La représentante a indiqué que dans le domaine de la santé, la situation des femmes et des enfants s'était considérablement améliorée; il était désormais plus facile d'obtenir des informations sur la santé de la procréation et un programme dans ce domaine, portant sur la période 2000-2009, avait été lancé en 1999. Le nombre d'avortements était encore élevé, mais avait baissé ces dernières années. De nouveaux problèmes, comme le VIH/sida, se posaient cependant et des mesures de prévention et d'éducation avaient été mises en place pour faire face à cette épidémie et à d'autres maladies sexuellement transmissibles. D'importants progrès avaient été réalisés dans la lutte contre la violence à l'égard des femmes; une base de données sociologiques avait été constituée sur la portée de ce problème, et un projet de grande envergure visait à instaurer une coopération entre la police et les agents sociaux pour les activités de prévention et l'assistance aux victimes. La formulation d'un plan d'action gouvernemental visant à réduire et à prévenir la violence à l'égard des femmes était en cours, avec les objectifs ci-après : convaincre le public du danger de la violence à l'égard des femmes; améliorer la législation; renforcer les moyens de la police; adopter une approche axée sur les victimes; renforcer la coopération interorganisations.

78. La mère et le père pouvaient désormais bénéficier sur un pied d'égalité des droits et avantages prévus pour la garde d'enfants, et aux termes de la nouvelle loi sur les congés, le père a droit à un congé de 14 jours civils au cours de la grossesse de la mère et pendant le congé de maternité de celle-ci.

79. Pour conclure, la représentante a déclaré que la situation des femmes dans la société estonienne s'était sensiblement améliorée, mais que les efforts devaient se poursuivre pour assurer l'application intégrale de la Convention. Le Gouvernement était résolu à poursuivre cette tâche.

b) Conclusions du Comité


Introduction

80. Le Comité remercie le Gouvernement estonien d'avoir présenté son rapport initial et ses deuxième et troisième rapports périodiques, et l'encourage à continuer à présenter ses rapports selon le calendrier prévu. Le rapport suit dans l'ensemble les directives du Comité et contient un certain nombre de statistiques ventilées par sexe. Le Comité apprécie la volonté manifestée par la délégation de poursuivre avec lui un dialogue franc et constructif. Il félicite aussi l'État partie des efforts qu'il a déployés pour fournir, en peu de temps, des réponses instructives et constructives aux questions qu'il lui avait posées oralement.

Aspects positifs

81. Le Comité note avec satisfaction que la Convention est incorporée à la législation estonienne et prend le pas sur les lois nationales lorsque celles-ci ne lui sont pas conformes, et que l'égalité de droit est en train de devenir une égalité de fait en Estonie. Il prend également note avec satisfaction des efforts entrepris pour améliorer la situation des femmes et assurer l'égalité entre les sexes, considérant en particulier que le pays a récemment accédé à l'indépendance et qu'un processus de restructuration est en cours.

82. Le Comité félicite l'État partie du niveau élevé de l'éducation dans le pays, en mettant l'accent en particulier sur la situation des femmes dans l'enseignement supérieur, de plus en plus dans des domaines non traditionnels, et sur les mesures adoptées pour encourager les femmes chefs d'entreprise et les progrès réalisés dans ce domaine.

83. Le Comité prend également note avec satisfaction de l'envergure de la législation et des avantages prévus pour protéger les mères et les pères, ainsi que des projets intéressant la santé de l'enfant et les programmes d'allaitement naturel.

84. Le Comité note avec satisfaction que l'État partie reconnaît l'importance du rôle du nombre croissant d'organisations non gouvernementales qui s'occupent des questions intéressant les femmes, en particulier dans le secteur rural et en ce qui concerne la participation des femmes à la vie politique.

85. Le Comité prend note avec satisfaction des efforts qui sont menés pour sensibiliser le public à la question de l'égalité entre les sexes, en collaboration avec des représentants de différents ministères et d'organismes gouvernementaux et avec d'autres acteurs de la société civile, et du rôle croissant joué par les médias que l'État partie encourage à remettre en question les stéréotypes sexistes. Il note également avec satisfaction les efforts accomplis par le Gouvernement pour recueillir et diffuser toutes les données statistiques sous une forme ventilée par sexe, et la formation dispensée à cette fin.

Facteurs et difficultés entravant l'application de la Convention

86. Le Comité note que la transition économique, d'une économie planifiée à une économie de marché, au cours des 10 dernières années a posé de graves problèmes à l'application efficace de la Convention et que les processus de restructuration ont eu, de façon disproportionnée, un effet préjudiciable sur les femmes. Il note aussi que la résurgence des conceptions traditionnelles des rôles respectifs des femmes et des hommes constitue également un obstacle à l'application de la Convention.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations

87. Le Comité s'inquiète du fait que si la Constitution et la législation nationale prévoient l'égalité de tous devant la loi et interdisent toute discrimination selon le sexe, elles ne contiennent pas de définition spécifique de la discrimination à l'égard des femmes, formulée sur le modèle de l'article premier de la Convention, qui interdit la discrimination tant directe qu'indirecte.

88. Le Comité prie instamment l'État partie d'inclure la définition de la discrimination à l'égard des femmes dans la Constitution et dans la législation nationale. Il recommande d'adopter le projet de loi sur l'égalité entre les sexes, qui est une loi générale sur l'égalité de droits et de possibilités pour les femmes et les hommes et qui contient des dispositions permettant d'adopter des mesures temporaires spéciales conformément au paragraphe 1 de l'article 4 de la Convention. Il prie l'État partie de fournir dans son prochain rapport des renseignements pertinents sur cette loi, ainsi que sur les moyens de recours dont disposent les femmes en cas de violation de leurs droits protégés par la Constitution et la Convention.

89. Tout en se félicitant du fait que conformément aux articles 3 et 123 de la Constitution, la Convention est intégrée à la législation nationale et prend le pas sur cette législation, le Comité est préoccupé par le fait que les magistrats, les agents chargés de l'application des lois et les femmes elles-mêmes ne connaissent toujours pas bien les possibilités d'application de la Convention dans la prise de décisions sur le plan interne.

90. Le Comité est conscient des efforts déjà accomplis dans le domaine de l'éducation en matière des droits de l'homme, y compris les droits fondamentaux des femmes, ainsi que la transparence et le caractère participatif du processus législatif, mais il encourage l'État partie à veiller à ce que les programmes d'enseignement des facultés de droit et la formation continue des juges et des avocats tiennent compte de l'application de la Convention au niveau national. Il recommande également que des campagnes de sensibilisation à l'intention des femmes soient menées pour leur permettre de tirer parti des moyens de droit à leur disposition. Il invite l'État partie à fournir, dans son prochain rapport, des informations sur les plaintes déposées auprès des tribunaux en vertu de la Convention, ainsi que sur toutes décisions judiciaires faisant état de la Convention.

91. Le Comité constate avec inquiétude que le Bureau de l'égalité entre les sexes, qui relève du Ministère des affaires sociales et qui est le mécanisme national chargé d'assurer la promotion des femmes et la prise en compte systématique de la question de la parité des sexes, n'a pas suffisamment de force, de visibilité ni de ressources humaines et financières pour oeuvrer efficacement à l'amélioration de la condition féminine et à l'instauration de la parité entre les sexes. Le Comité se déclare également préoccupé par l'absence d'une politique intégrée pour assurer la prise en compte systématique de la question de la parité des sexes.

92. Le Comité recommande à l'État partie de restructurer le mécanisme national actuel de manière à le renforcer et à lui donner plus de visibilité, et de réexaminer son mandat pour qu'il puisse assurer efficacement l'intégration d'une perspective sexospécifique dans toutes les politiques. Il recommande également à l'État partie de réévaluer la capacité du mécanisme national, de lui fournir les ressources humaines et financières adéquates à tous les niveaux et d'encourager une coordination plus efficace entre les structures qui assurent actuellement la promotion de la femme et de l'égalité entre les sexes.

93. Le Comité s'inquiète du fait qu'il semble que les mesures temporaires spéciales conformément au paragraphe 1 de l'article 4 de la Convention ainsi que la raison de leur application ne soient pas vraiment bien comprises dans de vastes secteurs de la société estonienne et dans l'administration publique.

94. Le Comité recommande à l'État partie de sensibiliser l'opinion publique sur l'importance de ces mesures pour accélérer le processus d'égalité entre les sexes. Il recommande également à l'État partie d'adopter des mesures temporaires spéciales dans les domaines de l'éducation, de l'emploi et de la politique, notamment en encourageant les disciplines et les secteurs professionnels et d'intervention politique dans lesquels l'un des deux sexes est sous-représenté. Ces dispositions devraient être assorties d'objectifs quantifiables ou de quotas et d'un délai d'exécution afin d'assurer l'efficacité de leur mise en oeuvre.

95. Le Comité est préoccupé par la résurgence et la persistance des stéréotypes traditionnels concernant le rôle des hommes et des femmes dans la famille et dans la société tout entière. Il est également préoccupé par l'absence de programmes éducatifs, de campagnes médiatiques et de mesures temporaires spéciales pour éliminer ces stéréotypes.

96. Le Comité prie instamment l'État partie de concevoir et d'appliquer des programmes détaillés dans le système éducatif et d'encourager les médias à agir en faveur des changements culturels quant aux rôles et aux tâches attribués aux femmes et aux hommes, comme il est demandé dans l'article 5 de la Convention. Il recommande que des lois et des politiques soient adoptées pour interdire non seulement la discrimination à l'égard des femmes mais aussi l'utilisation et l'encouragement des rôles stéréotypés traditionnels des hommes et des femmes dans la famille, l'emploi, la politique et la société.

97. Tout en étant sensible aux efforts accomplis par l'État partie pour combattre la violence à l'égard des femmes, en particulier la violence dans la famille et la création, en collaboration avec des organisations non gouvernementales, d'une base de données sur l'ampleur du phénomène en Estonie, ainsi que la formation du personnel de police et des spécialistes et agents de santé travaillant dans le système d'aide aux victimes, le Comité se déclare préoccupé par la forte incidence de la violence contre les femmes et les filles, y compris la violence dans la famille.

98. Le Comité prie instamment l'État partie d'accorder un rang de priorité élevé à l'adoption de toutes les mesures voulues pour faire face à la violence contre les femmes dans la famille et dans la société, et de considérer que cette violence, y compris la violence dans la famille, constitue une violation des droits fondamentaux de la femme en vertu de la Convention. À la lumière de sa recommandation générale 19 sur la violence à l'égard des femmes, le Comité invite l'État partie à faire en sorte que cette violence soit considérée comme un crime relevant du droit pénal, que ses auteurs soient jugés et punis avec la sévérité et la rapidité requises et que les victimes obtiennent sans délai réparation et protection. Il recommande que des mesures soient prises pour veiller à ce que les agents de l'État, en particulier ceux chargés de l'application des lois, le personnel du pouvoir judiciaire, le corps médical et les assistants sociaux soient parfaitement sensibilisés à toutes les formes de violence à l'égard des femmes. Le Comité invite aussi l'État partie à prendre des mesures de sensibilisation, et notamment à lancer une campagne de « tolérance zéro » montrant que cette violence est socialement et moralement inacceptable. Il recommande l'introduction d'une loi spécifique interdisant la violence familiale à l'égard des femmes en vertu de laquelle il serait possible de prendre des ordonnances de protection et d'exclusion et d'accorder une aide judiciaire. Le Comité demande aussi instamment à l'État partie de modifier le Code pénal afin de définir expressément le viol comme l'imposition d'un rapport sexuel.

99. Le Comité constate avec préoccupation que si un rapport sexuel avec une fille de moins de 14 ans est considéré comme un viol, le droit estonien autorise le mariage d'une fille âgée de 15 à 18 ans dans des situations exceptionnelles telles que la grossesse.

100. Le Comité recommande à l'État partie d'harmoniser sa loi sur le mariage précoce avec le paragraphe 2 de l'article 16 de la Convention et sa propre politique en matière de procréation en ce qui concerne les femmes et les jeunes filles. Il prie instamment l'État partie de mettre en place des programmes sociaux de prévention facultatifs pour faire face au problème de la grossesse des adolescentes.

101. Le Comité est conscient des efforts que déploie l'État partie pour faire face à la question du trafic des femmes et des filles, mais note avec préoccupation que les informations fournies ne rendent pas compte de l'ampleur du problème. Il note aussi avec préoccupation qu'il n'y a toujours pas suffisamment de renseignements sur la question ni de politiques détaillées pour faire face au problème, et qu'il n'y a pas une législation précise concernant le trafic des femmes et la répression des trafiquants.

102. Tout en accueillant avec satisfaction la campagne contre le trafic de femmes qui sera menée en 2002, le Comité prie instamment l'État partie d'inclure dans son prochain rapport davantage d'informations et de données sur cette situation et sur les progrès accomplis dans ce domaine. Il demande à l'État partie d'adopter et de promulguer une législation distincte sur la traite des êtres humains et de renforcer sa coopération avec d'autres pays d'origine, de transit et de destination des femmes et des filles faisant l'objet d'un trafic et de rendre compte des résultats de cette collaboration. Il recommande de créer des programmes d'aide sociale et de réinsertion à l'intention des victimes de la prostitution et de la traite.

103. Se réjouissant d'apprendre que le nouveau gouvernement doit compter cinq ministres femmes sur 14 postes ministériels, notamment s'agissant des portefeuilles traditionnellement réservés à des hommes, le Comité est néanmoins préoccupé de la faible représentation des femmes dans les instances de décision relevant des différents domaines et des divers niveaux de la vie politique et des affaires publiques.

104. Le Comité recommande à l'État partie de recourir à des mesures temporaires spéciales conformes au paragraphe 1 de l'article 4 de la Convention pour accroître le nombre de femmes occupant des postes de décision dans les instances gouvernementales et les entreprises du secteur public. Il lui recommande également de redoubler d'efforts pour offrir ou soutenir des programmes de formation spécialement destinés aux femmes dirigeantes ou à celles qui sont susceptibles de le devenir, et de mener régulièrement des campagnes de sensibilisation à l'importance que revêt la participation des femmes à la prise de décisions dans la sphère politique.

105. Relevant avec satisfaction le degré d'instruction élevé de certaines femmes, le Comité s'inquiète pourtant de la persistance de disparités entre les sexes pour ce qui est des options d'éducation offertes aux garçons et aux filles, et du fait que, malgré ce bon degré d'instruction, la différence de salaire entre hommes et femmes n'est pas éliminée, surtout entre les secteurs dominés respectivement par les hommes et par les femmes. Il s'inquiète aussi de la discrimination indirecte constatée lors du recrutement, de la promotion et du renvoi de femmes.

106. Le Comité invite l'État partie à analyser la corrélation entre le niveau d'études élevé des femmes et celui de leurs revenus. Il lui recommande de prendre des mesures, notamment des mesures temporaires spéciales, pour que les femmes soient plus rapidement mieux représentées à tous les niveaux de décision des établissements d'enseignement et de la vie économique. Il lui demande instamment de revoir et de réformer les programmes d'études et les manuels, de manière à lutter contre les attitudes traditionnelles envers les femmes et à susciter un climat propice à la présence de femmes à des postes élevés et bien rémunérés.

107. Il note avec préoccupation que la situation des femmes sur le marché du travail est caractérisée par la discrimination et par une ségrégation marquée des professions, avec les différences de salaire correspondantes. Il est préoccupé aussi par la situation des jeunes femmes, en butte à des difficultés supplémentaires sur le marché du travail du fait des responsabilités domestiques et familiales qu'elles sont amenées à assumer, ce qui les rend vulnérables, et les amène à travailler plus souvent à temps partiel ou à accepter des emplois temporaires.

108. Il recommande de chercher à éliminer la ségrégation professionnelle en adoptant la nouvelle loi sur les contrats de travail qui est en préparation, ainsi qu'en agissant au niveau de l'enseignement, de la formation et du recyclage. Il faudrait des augmentations de salaire supplémentaires dans les emplois publics relevant de secteurs dominés par les femmes, afin de réduire la différence de salaire par rapport aux secteurs dominés par les hommes. Le Comité demande à être informé dans le prochain rapport périodique sur l'application des dispositions modifiant la loi sur les salaires et garantissant une rémunération égale pour un travail égal ou de valeur égale. Il recommande en outre d'envisager des mesures permettant de concilier effectivement les responsabilités familiales et professionnelles, et d'encourager le partage des tâches domestiques et familiales entre hommes et femmes.

109. Le Comité s'inquiète de voir s'accroître la pauvreté parmi différents groupes de femmes, notamment dans les ménages ayant à leur tête une femme et ceux qui comptent de jeunes enfants.

110. Il recommande à l'État partie de suivre de près la situation de la pauvreté parmi les femmes au sein des groupes les plus vulnérables, et de réaliser des programmes efficaces de lutte contre la misère, en tenant compte de la répartition du phénomène entre les sexes.

111. Reconnaissant qu'il y a eu des améliorations dans le domaine de la santé, après la dégradation de la situation dans les années qui ont suivi l'indépendance, le Comité est pourtant inquiet des progrès de la tuberculose, des maladies sexuellement transmissibles et de l'infection à VIH, ainsi que le taux élevé de suicides parmi les femmes. Il relève avec préoccupation le taux élevé d'avortements et ce qu'il révèle pour l'accès aux méthodes de planification familiale, contraceptifs compris, surtout pour les femmes des campagnes et celles dont le revenu est faible.

112. Le Comité appelle l'attention sur la recommandation générale 24 sur les femmes et la santé et recommande des recherches détaillées sur les besoins spécifiques des femmes en matière de santé, notamment en ce qui concerne la santé de la procréation, le renforcement financier et institutionnel des programmes de planification familiale destinés aux femmes et aux hommes, et l'ouverture à toutes les femmes d'un large accès aux contraceptifs. Il engage l'État partie à renforcer les programmes d'éducation sexuelle pour les filles et les garçons afin d'encourager un comportement sexuel responsable. Il recommande en outre de se doter des moyens voulus pour soulager les problèmes de santé mentale que connaissent les femmes, ainsi que pour parer aux tendances défavorables manifestées dans d'autres domaines.

113. Il regrette que le rapport manque d'informations sur la situation des femmes rurales, notamment des femmes âgées – revenu en espèces, situation sanitaire, sécurité sociale, accès à des soins de santé gratuits, perspectives sociales et culturelles. Il est préoccupé aussi par la situation des épouses dans les entreprises familiales, leur travail n'apparaissant pas dans les statistiques officielles.

114. Le Comité demande à l'État partie de lui donner dans son prochain rapport périodique plus d'informations et de données sur la situation des femmes rurales. Il lui recommande de surveiller les programmes en place et de se doter de politiques et de programmes détaillés visant l'émancipation économique des femmes rurales, leur offrant un accès à la formation, aux ressources productives, aux capitaux, aux soins de santé, et à la sécurité sociale et leur ouvrant des perspectives sociales et culturelles.
115. Il engage l'État partie à accepter l'amendement au paragraphe 1 de l'article 20 de la Convention, concernant le temps de réunion du Comité.

116. Il engage également l'État partie à signer et à ratifier le Protocole facultatif à la Convention.

117. Il prie l'État partie de répondre dans son prochain rapport périodique aux questions précises soulevées dans les observations qui précèdent. Il demande aussi de répondre dans le rapport aux recommandations générales qu'il a émises et de donner des informations sur l'effet des lois, des politiques et des programmes adoptés pour donner effet à la Convention.

118. Le Comité prie l'État partie de diffuser largement les observations qui précèdent en Estonie, en suscitant des débats publics sur leur teneur, afin de sensibiliser les personnalités politiques et les administrateurs gouvernementaux, les organisations non gouvernementales féminines et le grand public aux mesures nécessaires pour assurer aux femmes l'égalité de droit et de fait. Il prie également l'État partie de continuer à diffuser largement, notamment aux organisations féminines et aux organisations de défense des droits de l'homme, la Convention et le Protocole facultatif, les recommandations générales du Comité, la Déclaration et le Programme d'action de Beijing et les conclusions de la vingt-troisième session extraordinaire de l'Assemblée générale, intitulée « Les femmes en l'an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXIe siècle ».



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