University of Minnesota



Observations finales du Comité sur l
'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, République tchèque, U.N. Doc. A/53/38/Rev.1,paras.167-207 (1998).




Comité sur l'élimination de la
discrimination à l'égard des femmes

République tchèque


167. Le Comité a examiné le rapport initial de la Répu-blique tchèque (CEDAW/C/CZE/1) à ses 370e et 371e séances, le 26 janvier 1998, et à sa 373e séance, le 27 janvier (voir CEDAW/C/SR.370, 371 et 373).

168. En présentant le rapport, la représentante de la Répu-blique tchèque a indiqué que plus de deux années s'étaient écoulées depuis la soumission du rapport initial de son pays et que, par conséquent, elle axerait son intervention sur des faits nouveaux importants à signaler en ce qui concerne la protection des droits de la femme en tant qu'individu.

169. La représentante a fait mention de la ratification d'un certain nombre d'instruments adoptés par l'Organisation internationale du Travail (OIT), notamment les Conventions 89, 100 et 101. Elle a également cité plusieurs modifications apportées à la législation, à savoir l'adoption d'amendements relatifs à la loi sur l'emploi (1/1991), à la loi sur les salaires (1/1992), à la loi sur les traitements (143/1992) et à la loi sur l'assurance vieillesse (155/1995). Le Comité a ensuite été informé de l'existence de prestations qui étaient différen- ciées en fonction du sexe et, dans le cas des femmes, en fonction du nombre d'enfants, pour les pensions de retraite.

170. Bien qu'il n'y ait pas eu de changements radicaux dans l'assurance maladie ou dans les allocations sociales depuis 1994, certaines prestations relevant de l'assurance maladie avaient été transférées au régime des allocations sociales géré par l'État en 1995, dans le but de regrouper les alloca- tions et prestations octroyées par l'État et d'apporter ainsi une aide aux familles avec enfants dans le cadre d'un régime unique.

171. Des faits nouveaux survenus récemment avaient contribué au développement de la société civile, notamment la création d'organisations féminines, engendrant des activités, conférences et ateliers consacrés à des questions particulières intéressant les femmes, telles que la violence à l'intérieur de la famille, la violence contre les femmes en général et les actes criminels dont les femmes étaient victimes.

172. La représentante a ensuite fait part au Comité de l'existence de programmes relatifs à l'éducation et à la formation professionnelle qui s'adressaient spécifiquement aux femmes et décrit certains des facteurs socioéconomiques qui influaient largement sur la situation des femmes dans la société et sur le marché de l'emploi. Elle a également noté l'importance des crèches et la corrélation existant entre leur nombre et le taux d'emploi des femmes.

173. La représentante a indiqué que le décret No 261/97 définissait explicitement les emplois et lieux de travail qui étaient interdits pour les femmes en général, les femmes enceintes, les mères jusqu'à la fin de la période de neuf mois qui suit la naissance de leur enfant et les jeunes, respective- ment. Elle a également fait état d'un projet de loi qui énon- çait des règles à respecter en matière de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles.

174. La représentante a cité un certain nombre de program-mes et projets d'action sanitaire en faveur des femmes, y compris ceux relatifs au VIH/sida, qui étaient axés essentiel- lement sur la santé en matière de reproduction.

175. La représentante a déclaré que la prostitution, même si elle n'était pas assimilée à une infraction pénale, était un problème de plus en plus répandu, causé principalement par les migrations illégales. On était également préoccupé par le fait que la prostitution organisée continuait d'être une source lucrative de revenus pour des associations de malfai- teurs. La République tchèque avait adopté une série de mesures pour lutter contre la prostitution, en créant par exemple une unité spéciale chargée de détecter la criminalité organisée.

176. La représentante a fait référence aux fondements du système juridique tchèque qui protégeaient les droits de la femme, en mettant l'accent sur le citoyen considéré en tant qu'individu, et en partant du principe que l'homme et la femme devaient bénéficier d'une protection uniforme, égale et universelle.

177. En conclusion, la représentante de la République tchèque a dit qu'elle serait heureuse de répondre aux ques- tions du Comité afin qu'il puisse se faire une idée complète et objective de la situation des femmes dans ce pays.

Conclusions du Comité

Introduction

178. Le Comité a complimenté le Gouvernement de la République tchèque d'avoir manifesté un engagement explicite en faveur de la protection des droits de l'homme de ses citoyens après la proclamation de l'indépendance du pays et d'avoir ratifié la Convention sans émettre de réser- ves. Il a aussi noté avec satisfaction que la délégation tchèque s'était montrée réceptive à l'égard de ses observa- tions et suggestions.

179. Le Comité a également jugé que les renseignements complémentaires et actualisés présentés dans le cadre de l'exposé oral fait par la représentante de la République tchèque étaient utiles pour comprendre la situation des femmes et mesurer le degré d'application de la Convention dans la République tchèque.

Éléments positifs

180. Le Comité a été particulièrement satisfait des indica-tions que la délégation avait données dans son exposé oral sur la création d'un mécanisme interministériel de coordina- tion au sein du Ministère du travail et des affaires sociales. De même, le projet d'établissement d'un plan national inspiré du Programme d'action de Beijing confié à une commission de la condition de la femme, a été considéré comme une initiative particulièrement bienvenue.

181. Le Comité a noté que la condition de la femme avait enregistré des progrès appréciables en République tchèque, en particulier en ce qui concerne l'éducation, la participation à la vie économique et publique et les services sociaux comme les services pour les enfants.

182. Le Comité était également heureux de constater que les normes de protection appliquées sur tout le territoire de la République tchèque dans le domaine de la santé en général, et de la santé maternelle en particulier, étaient élevées. Dans ce contexte, il a noté avec une satisfaction particulière que la République tchèque affichait des taux de mortalité infantile et périnatale extrêmement faibles.

183. Le Comité a constaté avec plaisir que les traités internationaux l'emportaient sur le droit interne et que la Constitution tchèque, la Charte des droits et libertés fonda- mentaux et divers autres codes renfermaient de nombreuses dispositions affirmant l'égalité des sexes.

Facteurs entravant l'application de la Convention

184. Le Comité a observé que le rapport de la République tchèque et la présentation orale qui en avait été faite déno- taient, de la part du Gouvernement, une tendance générale à envisager les femmes en tant que mères et dans le contexte de la famille, plut_t qu'en tant qu'individus possédant leurs propres droits et acteurs indépendants intervenant dans la vie publique. Cette conception constituait selon lui un obstacle majeur à la mise en oeuvre de la Convention car elle reflétait des erreurs fondamentales dans la compréhension de notions extrêmement importantes telles que le r_le dévolu par la société aux hommes et aux femmes, la discrimination indirecte et l'inégalité de fait.

185. Le Comité a été contrarié de noter que, si le Gouverne-ment était vivement désireux d'améliorer les conditions de vie des femmes en République tchèque, il n'appréhendait pas pleinement les causes structurelles et culturelles de l'inégalité entre les sexes. Après s'être affranchie des restrictions inhérentes à un État totalitaire, où l'on mettait l'accent sur l'emploi des femmes et la prise en charge institutionnelle des enfants, la politique actuellement menée par la République tchèque en faveur des femmes et de la famille privilégiait à l'excès le r_le des femmes en tant que mères et au sein de la famille. Selon le Comité, l'absence de mesures particulières visant à améliorer la condition de la femme, hormis celles qui avaient trait à la protection de lagrossesse et de la maternité, était un obstacle majeur à la mise en oeuvre intégrale de la Convention.

Principaux sujets de préoccupation

186. Le Comité a noté avec préoccupation que la législation tchèque ne définissait pas clairement la discrimination et ne s'attaquait pas aux inégalités de fait entre les femmes et les hommes.

187. Tout en applaudissant à la création au Ministère du travail et des affaires sociales d'un service de coordination interministérielle des activités se rapportant à la condition féminine, le Comité a jugé que cela ne suffisait pas. Selon lui, l'absence d'un organisme national doté des moyens financiers et du personnel nécessaires constituait un obstacle sérieux à la mise en oeuvre de la Convention et du Pro- gramme d'action de Beijing.

188. Le Comité a jugé très préoccupant que les femmes soient insuffisamment et de moins en moins représentées aux postes de décision dans les domaines politique et écono- mique et que le Gouvernement ne semblait pas prêter attention à ce phénomène, comme en témoignaient l'absence de mesures temporaires prises exceptionnellement pour remédier à la situation et le manque de volonté d'envisager de telles mesures.

189. Le Comité a également constaté avec préoccupation que le nombre des organisations non gouvernementales féminines n'avait cessé de diminuer depuis les premiers jours de la République tchèque. Il a considéré que l'existence d'une société civile active dans laquelle s'exprimait un large éventail d'opinions et d'attitudes favorisait la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes. Il a encouragé également le Gouvernement tchèque à coopérer avec des organisations non gouvernementales représentant des perspectives et des intérêts féminins différents pour appliquer les dispositions de la Convention et surveiller cette application.

190. Le Comité a noté avec une vive inquiétude qu'il n'existait pas de législation régissant en particulier la violence à l'égard des femmes et s'est déclaré alarmé de constater que le Gouvernement ne jugeait pas nécessaire de faire adopter une telle législation. Il a considéré que l'absence de données sur la portée et la fréquence de tels actes de violence en République tchèque ainsi que le manque d'information sur les mesures de prévention, les programmes d'aide aux victimes de la violence et les programmes de sensibilisation du public, des professionnels de la santé et des forces de l'ordre constituaient une grave lacune.

191. Le Comité s'est également préoccupé de l'absence de mesures et programmes visant à inciter les médias à promou- voir une image positive du r_le que la femme peut jouer dans tous les domaines de la vie publique et à encourager les hommes à partager les responsabilités familiales.

192. Le Comité a noté avec inquiétude qu'en République tchèque, la prostitution et la traite des femmes étaient abordées exclusivement dans le cadre de la lutte contre le crime organisé. Il a estimé que ces crimes étaient étroitement liés à la transition économique et aux changements socioéco- nomiques et a reconnu dans l'accroissement du ch_mage et l'augmentation de la pauvreté, autant de facteurs qui contri- buaient à la prostitution et à la traite des femmes.

193. Le Comité a estimé que la politique de la République tchèque consistant à créer des «écoles d'économie ménagère» qui, tout en n'étant pas officiellement interdites aux garçons, accueillent essentiellement des élèves de sexe féminin et les préparent à jouer des r_les stéréotypés traditionnellement réservés aux filles perpétuait les stéréotypes féminins, de même que la pratique de certaines écoles qui n'admettent que des garçons en raison de la «différence des aptitudes physiques». Soulignant qu'il importe d'encourager les garçons et les filles à choisir des domaines d'étude non traditionnels afin d'éliminer la discrimination à l'égard des femmes, le Comité a exprimé sa vive inquiétude vis-à-vis de ces écoles.

194. Le Comité a noté avec préoccupation que le Gouverne-ment ne paraissait guère disposé à favoriser l'orientation des filles vers les disciplines scientifiques et techniques.

195. Le Comité a relevé qu'il existait un écart très important entre les salaires des hommes et ceux des femmes. En outre, conséquence de la réorganisation de l'économie et de la privatisation, les femmes étaient le plus souvent reléguées dans les travaux n'exigeant guère de qualifications et mal rémunérés.

196. Le Comité a constaté que de nouvelles mesures avaient encore été prises en faveur de la femme enceinte et de la mère de famille, déjà exagérément protégées, et que l'État favorisait la retraite anticipée des femmes. Selon lui, la glorification des fonctions familiales de la femme risquait en fait d'avoir sur ce groupe les mêmes effets que la réorga- nisation économique.

197. Le Comité a été très troublé par les statistiques concer-nant les taux d'avortement provoqué en République tchèque, étant donné notamment que les contraceptifs y sont large- ment disponibles. Il a également déploré le manque d'information et de formation des professionnels de la santé en ce qui concerne les contraceptifs. Compte tenu du carac- tère partiel des données présentées dans le rapport oral, le Comité n'était pas entièrement satisfait des renseignements communiqués sur l'état de santé général des femmes en République tchèque.

198. Le Comité a été particulièrement déçu que les interven-tions orales faites au nom de la République tchèque n'aient pas apporté de réponse à ses questions sur l'application des articles 7, 8 et 16 de la Convention. Il s'est déclaré vivement préoccupé par le fort taux de divorce enregistré dans le pays, ses causes et la protection juridique accordée, le cas échéant, aux femmes vivant en union libre.

Suggestions et recommandations

199. Le Comité a recommandé d'intégrer dans la Constitu-tion et les autres textes législatifs applicables une définition de la discrimination correspondant à celle qu'établit l'article premier de la Convention.

200. Le Comité a recommandé au Gouvernement de favoriser la mise en place d'un mécanisme national doté des ressources nécessaires et d'un mandat précis pour appliquer les dispositions de la Convention et pour coordonner et surveiller les activités dans ce domaine. Il a en outre recom- mandé que la République tchèque, en tant que futur membre de l'Union européenne, tire profit de l'expérience des pays de l'Union et s'emploie à obtenir l'appui de ces derniers en concevant ses mécanismes et en examinant sa législation et ses politiques en matière de lutte contre la discrimination à l'égard des femmes.

201. Le Comité a instamment prié le Gouvernement de réexaminer sa position en ce qui concerne les mesures temporaires qu'il pourrait prendre exceptionnellement pour favoriser la participation des femmes à la vie politique et économique à des postes de responsabilité. À cet égard, il a recommandé de fixer des objectifs numériques et d'établir un plan d'action, assorti d'un calendrier, pour augmenter le nombre de femmes dans ces postes.

202. Le Comité a vivement engagé le Gouvernement à promulguer une loi spéciale contre la violence à l'égard des femmes, à adopter une politique dirigée contre ce phéno- mène sous toutes ses formes et à promouvoir l'éducation sur ce sujet, notamment la diffusion par les médias de program- mes de sensibilisation du public. Il a en outre recommandé de sensibiliser le personnel judiciaire, la police, le personnel de santé et, de façon générale, tous ceux qui sont amenés par leur profession à s'occuper de cette question de la violence contre les femmes. Enfin, le Comité a vivement recommandé que le Gouvernement fasse réaliser dans le pays une enquête approfondie sur l'étendue et la nature des actes de violence dont les femmes sont victimes.

203. Le Comité a recommandé de faire une étude analytique détaillée des répercussions de la transition économique et sociopolitique sur les femmes considérées spécifiquement, de façon à déterminer en quoi les difficultés de ce groupe diffèrent de celles des hommes et en quoi la politique doit donc être différente selon qu'il s'agit de l'un ou l'autre sexe.

204. Le Comité a vivement recommandé de formuler et d'appliquer des politiques efficaces pour combattre la prostitution et la traite des femmes, les mesures à prendre pouvant consister non seulement à fournir des services aux victimes et à réprimer les auteurs mais aussi à concevoir et à appliquer des politiques sociales et économiques nationales globales de nature à ouvrir des nouveaux débouchés pour les femmes. Le Comité a donc recommandé que le Gouverne- ment prenne des mesures efficaces pour combattre la féminisation de la pauvreté et améliorer la situation écono- mique des femmes de manière à empêcher la prostitution et la traite des femmes.

205. Le Comité a instamment prié le Gouvernement de lancer des programmes spéciaux de formation à l'intention des professionnels de la santé, ainsi que des campagnes médiatiques pour informer le public sur l'emploi des contra- ceptifs et le danger que pose l'utilisation inopportune de l'interruption volontaire de grossesse comme moyen de planification familiale.

206. Le Comité a souligné la nécessité de valoriser la femme en tant qu'individu et actrice indépendante dans la vie publique, et recommandé au Gouvernement de lancer des initiatives intégrées, systématiques et concrètes pour que l'accent positif mis par les lois et les pouvoirs publics sur le r_le des femmes dans la vie privée soit accompagné par un intérêt tout aussi important pour leurs fonctions dans la vie publique. Le Comité a également recommandé au Gouvernement d'encourager les hommes – grâce à des campagnes d'information dans les médias, aux programmes scolaires et à des mesures temporaires prises à titre excep- tionnel, telles que l'utilisation du congé de paternité – à partager les responsabilités familiales à égalité avec les femmes.

207. Le Comité a demandé que les présentes conclusions soient largement diffusées dans le pays, afin que toute la population, en particulier les responsables de l'adminis- tration publique et les hommes politiques, sache quelles mesures ont été prises pour assurer une égalité de fait entre les deux sexes et quelles autres actions sont encore nécessai- res. Il a aussi prié le Gouvernement de continuer à faire connaître dans tout le pays, notamment auprès des organisa- tions féminines et des organisations de défenses des droits de l'homme, les dispositions de la Convention (avec lesrecommandations générales du Comité lui-même) et la teneur de la Déclaration et du Programme d'action de Beijing.



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