University of Minnesota



Observations finales du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Cuba, U.N. Doc. CEDAW/C/CUB/CO/7-8 (2013).


 

* Adopté par le Comité de sa cinquante-cinquième session (8 au 26 juillet 2013).

Observations finales concernant le rapport unique valant septième et huitième périodiques de Cuba*

Le Comité a examiné le rapport unique valant septième et huitième rapports périodiques combinés de Cuba (CEDAW/C/CUB/7-8) à ses 1 130e et 1 131e séances, le 9 juillet 2013 (voir CEDAW/C/SR.1130 et 1131). La liste des questions et des points soulevés par le Comité figure dans le document CEDAW/C/CUB/Q/7-8, et les réponses écrites de l’État partie sont reproduites dans le document CEDAW/C/CUB/Q/7-8/Add.1.

A. Introduction

Le Comité accueille avec satisfaction la présentation par l’État partie, quoique tardive, de son rapport unique valant septième et huitième rapports périodiques. Cependant, il regrette que le rapport ne comprenne pas de données statistiques actualisées, ventilées par sexe, ni de données qualitatives sur la condition de la femme dans un certain nombre de domaines visés par la Convention. Le Comité exprime à l’État partie ses remerciements pour ses réponses écrites à la liste des points et questions établie par son groupe de travail d’avant-session, pour la présentation orale du rapport, ainsi que pour les précisions apportées par la délégation de l’État partie aux questions posées oralement par le Comité.

Le Comité félicite l’État partie d’avoir envoyé une délégation de haut niveau, dirigée par María Esther Reus González, Ministre de la justice, et constituée de plusieurs représentants des ministères et organismes possédant des compétences dans les domaines visés par la Convention, ainsi que de représentantes de la Fédération des femmes cubaines. Le Comité se déclare satisfait des échanges qui ont eu lieu entre la délégation et les membres du Comité.

B.Aspects positifs

Le Comité note avec satisfaction qu’ont été adoptés :

a)La loi no 105 (2008) sur la sécurité sociale;

b)Le décret-loi no 268 (2009) sur la possibilité d’occuper plusieurs emplois simultanément;

c)Le décret-loi no 278 (2010) sur le régime de sécurité sociale spécial pour les travailleurs indépendants, au titre duquel les femmes enceintes perçoivent des prestations de maternité;

d)La résolution ministérielle no 139 (2011) portant sur l’adoption d’un programme d’éducation relatif à la santé et aux droits en matière de sexualité qui tient compte des problèmes particuliers des femmes et s’inscrit dans le cadre des programmes scolaires du système éducatif national.

Le Comité se félicite de ce que l’État partie ait ratifié les textes suivants, ou y ait adhéré :

a)Le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, en 2013;

b)Le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, en 2013;

c) La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, en 2009;

d) La Convention relative aux droits des personnes handicapées, en 2007;

e) Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, en 2007;

f) La Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, en 2007;

g) Les Conventions de La Haye, en 2007.

Le Comité se réjouit de ce que les femmes sont fortement représentées au parlement (48,9 % en 2013) et mieux représentées dans les instances gouvernementales aux niveaux national, provincial et municipal.

C.Principaux sujets de préoccupation et recommandations

Parlement

Tout en réaffirmant que le Gouvernement est responsable au premier chef et qu’il est particulièrement comptable du plein respect des obligations que la Convention impose à l’État partie, le Comité souligne que la Convention a force obligatoire pour toutes les branches du gouvernement et invite l’État partie à encourager le parlement à prendre, conformément à ses procédures, et selon que de besoin, les mesures nécessaires en ce qui concerne l’application des présentes observations finales d’ici au prochain rapport que soumettra l’État partie en vertu de la Convention.

Visibilité de la Convention et des recommandations générales du Comité

Le Comité est préoccupé par la méconnaissance générale de la Convention et des recommandations générales du Comité dans l’État partie. Il est particulièrement préoccupé par le fait que les femmes elles-mêmes, notamment les femmes des zones rurales et reculées ainsi que les femmes appartenant à des minorités, ignorent les droits que leur reconnaît la Convention et ne disposent pas de l’information nécessaire qui leur permettrait de les revendiquer.

Le Comité demande à l’État partie :

a) De prendre les dispositions qui s’imposent pour que le texte de la Convention et des recommandations générales du Comité soit diffusé auprès des parties prenantes, notamment le Gouvernement, les ministères, les parlementaires, les autorités judiciaires, les agents de la force publique et les responsables locaux aux fins de les sensibiliser aux droits fondamentaux des femmes et d’instaurer résolument dans l’État partie une culture du droit attachée au principe de non discrimination et à l’égalité des femmes;

b) De prendre toutes les mesures appropriées pour mieux faire prendre conscience aux femmes de leurs droits et des moyens de les faire respecter, en particulier dans les zones rurales et reculées, notamment en leur fournissant l’information relative à la Convention, grâce à une coopération avec la société civile et les médias.

Définition de la discrimination à l’égard des femmes

Le Comité note que la législation de l’État partie prévoit l’interdiction de la discrimination fondée sur le sexe (art. 42 de la Constitution) et dispose que tous les citoyens ont des droits égaux (art. 41 et 44), mais il demeure préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas incorporé dans sa législation une définition complète de la discrimination à l’égard des femmes conforme à l’article premier de la Convention. Le Comité prend note qu’au cours du dialogue la délégation de l’État partie a donné l’assurance que les mesures nécessaires seraient prises pour incorporer une telle définition dans le droit interne de l’État partie.

Le Comité invite l’État partie à adopter, dans sa Constitution ou les autres textes législatifs appropriés, une définition légale complète de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes qui soit conforme à l’article premier de la Convention et englobe la discrimination tant directe qu’indirecte.

Accès à la justice

Le Comité demeure préoccupé par l’absence d’accès effectif à la justice pour les femmes et par l’existence de nombreux facteurs empêchant ces dernières d’avoir réellement accès à la justice, comme la méconnaissance générale de la Convention et des recommandations générales du Comité par les membres de l’autorité judiciaire et les agents des forces de l’ordre, l’absence d’aide juridictionnelle et la stigmatisation des femmes qui saisissent les tribunaux. Le Comité est également préoccupé par les mesures de “rééducation” des femmes pratiquant la prostitution, sans que des objectifs et procédures clairs et transparents aient été établis, ainsi que par l’absence de renseignements concernant le nombre de femmes détenues et les conditions de leur détention.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De veiller à ce que les femmes aient réellement accès à la justice, notamment en assurant l’aide juridictionnelle et des programmes de protection des victimes;

b) D’établir des objectifs et procédures clairs et transparents pour la réadaptation des femmes pratiquant la prostitution, ainsi qu’un mécanisme de contrôle indépendant efficace pour les femmes détenues ou incarcérées auquel les victimes aient facilement accès sans craindre de représailles.

Mécanisme de plainte

Le Comité relève que l’État partie dispose de quelques institutions dotées de certaines compétences pour recevoir les plaintes, mais il est préoccupé par le fait que les mécanismes existants ne sont pas utilisés par les femmes. Le Comité est également préoccupé par l’absence d’un mécanisme de plainte pour dénoncer les cas de discrimination et de violation des droits fondamentaux des femmes, et par l’absence d’institution nationale des droits de l’homme indépendante dans l’État partie.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’établir un mécanisme de plainte et de veiller à ce que les femmes aient un accès facile et sûr à ce mécanisme pour dénoncer des cas de discrimination et des violations de leurs droits;

b) D’envisager d’établir une institution nationale des droits de l’homme indépendante, conforme aux Principes de Paris, dotée d’un mandat bien défini pour les questions relatives aux femmes et de l’autorité nécessaire pour examiner les plaintes des femmes se disant victimes d’une violation de leurs droits, émettre un avis et formuler des recommandations à ce sujet.

Mécanisme national de promotion de la femme

Le Comité exprime une nouvelle fois sa préoccupation (voir CEDAW/C/CUB/CO/6, par. 15) au regard du fait que la Fédération des femmes cubaines, qui a été désignée comme mécanisme national de promotion de la femme, a le statut d’organisation non gouvernementale et ne reçoit pas de financement de l’État partie, ce qui l’empêche de s’acquitter efficacement de ses fonctions, à savoir promouvoir la jouissance par les femmes de leurs droits ainsi que l’égalité des sexes. Le Comité s’inquiète de ce que l’État partie n’a pas encore établi de mécanisme gouvernemental pour la promotion de la femme ayant l’autorité nécessaire et disposant de ressources humaines et financières adéquates imputées sur le budget de l’État pour promouvoir efficacement l’application de la Convention. Le Comité s’inquiète également de ce qu’il n’existe pas de plan d’action national global pour promouvoir l’égalité des sexes dans l’optique de la Convention.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’établir un mécanisme gouvernemental de promotion de la femme, et de renforcer la coordination entre la Fédération des femmes cubaines et les pouvoirs publics, en particulier par l’allocation de ressources financières et humaines adéquates;

b) D’utiliser la Convention comme cadre juridique de la conception d’un plan d’action national global pour promouvoir l’égalité des sexes et de mettre en place des mécanismes de suivi permettant d’évaluer régulièrement les progrès accomplis vers la réalisation des objectifs fixés.

Organisations non gouvernementales

Le Comité prend note de l’importance accordée par l’État partie à la coopération avec les organisations de la société civile et du fait que certaines de ces organisations ont participé à l’établissement des rapports périodiques de l’État partie, mais il note avec préoccupation que toutes les organisations n’ont pas été en mesure de participer pleinement à ce processus.

Le Comité rappelle la déclaration qu’il a faite en 2010 sur ses liens avec les organisations non gouvernementales et l’article 47 de son règlement intérieur révisé de 2001, et invite instamment l’État partie à poursuivre sa collaboration avec les organisations non gouvernementales en les associant, en particulier les organisations féminines, à la conception et l’exécution des politiques, programmes et mesures destinés à promouvoir la femme dans tous les domaines visés par la Convention, ainsi qu’à la procédure d’établissement des rapports soumis au Comité.

Mesures temporaires spéciales

Le Comité note que l’État partie prend des mesures pour promouvoir l’égalité des sexes dans différents domaines visés par la Convention, mais il demeure préoccupé par le fait que l’État partie n’a pas pris conscience de l’importance que revêtent les dispositions du paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et de la recommandation générale no 25 du Comité sur les mesures temporaires spéciales. Il est aussi préoccupé par le fait que ces mesures ne sont pas systématiquement appliquées pour accélérer l’instauration d’une égalité réelle entre les hommes et les femmes dans tous les domaines visés par la Convention.

Le Comité invite l’État partie à envisager de recourir à des mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à la recommandation générale n o 25 du Comité sur les mesures temporaires spéciales, en tant que stratégie nécessaire pour accélérer l’instauration d’une égalité réelle entre les sexes dans tous les domaines de la Convention dans lesquels les femmes, en particulier les femmes d’origine africaine, les femmes âgées, les femmes handicapées et les femmes rurales, sont défavorisées ou sous-représentées.

Stéréotypes

Le Comité prend note des efforts déployés par l’État partie pour lutter contre les attitudes patriarcales et les stéréotypes profondément ancrés dans la société concernant les rôles et les responsabilités des femmes et des hommes dans tous les domaines, mais il s’inquiète de l’absence d’informations sur les résultats des mesures prises, et du fait que ces coutumes et pratiques perpétuent la discrimination à l’égard des femmes et des filles, ce qui se traduit par un statut défavorable et inégal de la femme dans bien des domaines et par la persistance de la violence contre les femmes. Il s’inquiète également de ce que, à ce jour, l’État partie n’a pas pris de mesures efficaces pour combattre ou éliminer les stéréotypes.

Le Comité invite instamment l’État partie :

a) À adopter sans retard une stratégie globale visant à combattre ou éliminer les attitudes patriarcales et les stéréotypes qui sont discriminatoires à l’égard des femmes. Il conviendrait notamment d’adopter à tous les niveaux, en collaboration avec la société civile, des mesures d’éducation et de sensibilisation en ce qui concerne les stéréotypes sexistes qui traversent toutes les strates sociales;

b) À étendre la portée des programmes d’éducation du public concernant les effets négatifs des stéréotypes sur la jouissance par les femmes de leurs droits, en particulier pour les femmes rurales et les femmes d’origine africaine;

c) À prendre des mesures novatrices visant les médias afin de mieux faire comprendre la notion d’égalité des femmes et des hommes, et veiller à ce que les programmes d’études et les matériels d’enseignement contribuent à donner une image positive et non stéréotypée des femmes et des hommes;

d) À assurer le suivi et l’analyse de toutes les mesures prises pour en évaluer les effets.

Violence à l’égard des femmes

Le Comité est préoccupé par la persistance, dans l'État partie, des cas de violence à l’égard des femmes, notamment de violence familiale, qui sont encore trop peu souvent signalés en raison de l’existence de normes sociales et culturelles discriminatoires et du déni par l’État partie de l’existence de différents types de violence. Le Comité est préoccupé également par l’absence de législation spécifique sur la violence à l’égard des femmes qui érigerait en infraction toutes les formes de cette violence, ainsi que par l’absence d’un mécanisme de plainte efficace. Il s’inquiète aussi de ce que la législation existante ne contient pas de définition spécifique de la violence familiale en tant qu’infraction pénale qui couvre aussi bien la violence psychologique que la violence physique. Le Comité s’inquiète de surcroît de l’absence d’informations, d’études ou de statistiques sur la nature, les formes, l’ampleur et les causes de la violence contre les femmes, ainsi que de l’absence de lieux d’hébergement pour les femmes victimes.

Le Comité engage instamment l’État partie à s’attacher en priorité à combattre la violence contre les femmes et les filles et à prendre des mesures globales pour remédier à cette violence, conformément à la recommandation générale n o 19 du Comité, et notamment à :

a) Élaborer et adopter une loi générale sur la violence contre les femmes qui reconnaisse que cette violence est une forme de discrimination à l’égard des femmes et constitue par conséquent une violation de leurs droits protégés par la Convention, et faire en sorte que sa législation érige en infraction toutes les formes de violence contre les femmes;

b) Développer un plan d’action stratégique national pour prévenir toutes les formes de violence contre les femmes, protéger les victimes et punir les coupables, et veiller à ce que ce plan soit pleinement mis en œuvre;

c) Sensibiliser le public à cette question, par l’intermédiaire des médias et de programmes d’éducation, et prévoir une formation obligatoire destinée aux juges, procureurs, agents de la police, prestataires de services de santé, journalistes et enseignants afin qu’ils prennent conscience de toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles et puissent apporter une aide appropriée aux victimes, en respectant les spécificités dues à leur sexe;

d) Offrir l’aide juridictionnelle et une assistance et une protection appropriées aux femmes victimes de violence en créant des lieux d’hébergement, en particulier dans les zones rurales, et renforcer la coopération avec les organisations non gouvernementales;

e) Recueillir des données statistiques sur toutes les formes de violence contre les femmes, y compris la violence familiale, ventilées par sexe, âge, origine ethnique, appartenance à une minorité et liens entre la victime et l’auteur, et réaliser des études ou des enquêtes sur l’ampleur et les causes profondes du phénomène de la violence contre les femmes.

Traite et exploitation de la prostitution

Le Comité est vivement préoccupé par le fait que l’État partie ne reconnaît pas l’existence de l’exploitation de la prostitution. Le Comité s’inquiète également de l’absence de données statistiques ventilées par sexe et zone géographique, sur la traite et l’exploitation de la prostitution dans l’État partie. Le Comité s’inquiète en outre de ce que rien n’est fait pour prévenir l’exploitation de la prostitution et remédier à ses causes profondes, et de l’absence de mesures de protection et de services destinés aux victimes de cette exploitation.

Le Comité demande à l’État partie d’appliquer pleinement l’article 6 de la Convention et :

a) De réaliser des études et des enquêtes sur le nombre de cas d’exploitation de la prostitution et d’inclure dans son prochain rapport périodique des informations et des données actualisées sur l’ampleur du phénomène et de la traite des femmes et des filles;

b) De redoubler d’efforts pour développer la coopération internationale, régionale et bilatérale aux fins de prévenir la traite grâce à l’échange d’informations et à l’harmonisation des procédures judiciaires visant à poursuivre les trafiquants;

c) De s’attaquer aux causes profondes de la traite et de la prostitution, sans stigmatiser les victimes, pour faire en sorte que les femmes et les filles ne soient pas exposées à l’exploitation sexuelle et à la traite, et assurer la réadaptation et l’insertion sociale des victimes, notamment en leur fournissant un hébergement et une assistance.

Participation à la vie politique et publique

Le Comité relève le niveau élevé de participation des femmes à la vie publique et le fait que l’État partie a été classé troisième sur 189 parlements pour ce qui est de la représentation des femmes. Le Comité est toutefois préoccupé par le fait qu’à ce jour, compte tenu du niveau élevé de participation des femmes à la vie politique et publique, l’État partie n’a pas adopté de loi sur l’égalité des sexes en matière de participation à la vie politique et publique. Il s’inquiète également de ce que les femmes continuent d’être sous-représentées dans des secteurs de l’économie, en particulier dans la sidéromécanique, les transports et l’industrie sucrière. Il s’inquiète en outre de l’insuffisance des mesures temporaires spéciales visant à assurer la participation à la vie politique et publique des femmes appartenant à des catégories défavorisées, comme les femmes handicapées, les femmes d’origine africaine et les femmes rurales.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’envisager de consolider encore sa législation de façon à assurer la réalisation de l’égalité des sexes à tous les niveaux de la vie politique et publique;

b) De prendre des mesures pour accroître le nombre de femmes occupant des postes de décision à tous les niveaux et dans tous les domaines, à la lumière de la recommandation générale n o 23 du Comité sur les femmes et dans la vie politique et publique;

c) De prendre des mesures pour accroître le nombre de femmes dans des secteurs de l’économie, en particulier dans la sidéromécanique, les transports et l’industrie sucrière;

d) D’adopter, en tant que de besoin, des mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à la recommandation générale n o 25 du Comité, afin d’accélérer la pleine participation des femmes, dans des conditions d’égalité, à la vie politique et publique, en particulier pour ce qui est des femmes appartenant à des catégories défavorisées, comme les femmes handicapées, les femmes d’origine africaine et les femmes rurales.

Éducation

Le Comité note avec satisfaction les progrès réalisés par l’État partie dans le domaine de l’éducation des femmes et des filles. Il s’inquiète toutefois de l’absence de données, ventilées par sexe, origine ethnique et type de handicap, sur les taux de scolarisation à tous les niveaux, en particulier dans l’enseignement supérieur, sur les taux d’abandon scolaire et sur les domaines éducatifs choisis. Le Comité relève une augmentation générale des effectifs dans l’enseignement au profit des femmes, mais il constate avec inquiétude que les femmes sont surreprésentées dans les échelons inférieurs de l’enseignement et que seuls 7 % des recteurs d’université sont des femmes. Il note également qu’il existe des campagnes de sensibilisation à l’éducation sexuelle et que cette question est intégrée dans les programmes scolaires, mais il est vivement préoccupé par les grossesses précoces et l’absence apparente de mesures efficaces pour remédier à ces situations.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre immédiatement les dispositions voulues pour appliquer des mesures propres à assurer aux filles et aux femmes l’égalité d’accès aux niveaux secondaire et supérieur de l’enseignement dans toutes les régions, notamment aux minorités et aux catégories défavorisées, en adoptant, entre autres choses, des mesures temporaires spéciales, conformément au paragraphe 1 de l’article 4 de la Convention et à la recommandation générale n o 25 du Comité;

b) De prendre des initiatives efficaces pour inciter un plus grand nombre de femmes à se porter candidates à des postes élevés dans le secteur de l’éducation, et de recourir à des mesures temporaires spéciales pour nommer davantage de femmes à la fonction de recteur;

c) D’inclure dans les programmes scolaires des programmes complets, audacieux, plus efficaces et adaptés à l’âge en matière d’éducation à la santé sexuelle et génésique et aux droits correspondants à l’intention des adolescents, filles et garçons, y compris dans les établissements d’enseignement professionnel, en vue d’encourager un comportement sexuel responsable et de lutter contre les grossesses précoces et les infections sexuellement transmissibles, notamment le VIH/sida;

d) De fournir une éducation à l’égalité des sexes aux enseignants de tous les niveaux du système éducatif et de supprimer les stéréotypes sexistes dans les programmes d’enseignement et les manuels scolaires.

Emploi

Le Comité relève que l’article 99 du Code du travail de l’État partie contient des dispositions visant à assurer l’égalité entre hommes et femmes dans l’emploi. Il reste cependant préoccupé par le fait que le Code ne contient aucune disposition concernant le principe de l’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale et le harcèlement sexuel sur le lieu de travail. Le Comité est préoccupé également par l’absence de plaintes portant sur des cas de discrimination au motif du sexe et de harcèlement sexuel sur le lieu de travail. Le Comité est en outre préoccupé par le faible nombre d’hommes qui prennent un congé de paternité.

Le Comité demande à l’État partie d’assurer l’égalité des chances aux femmes sur le marché de l’emploi et l’invite instamment :

a) À envisager de modifier le Code du travail afin d’y inclure des dispositions concernant le principe de l’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale conformément à la Convention de 1951 de l’OIT (n o 100) relative à l’égalité de rémunération, ainsi que des dispositions concernant l’interdiction du harcèlement sexuel, et à mettre en place des politiques visant à appliquer les textes législatifs;

b) À recueillir des données concernant l’emploi, ventilées par sexe, situation géographique et appartenance à une minorité, afin de suivre la situation des femmes au regard de l’emploi et des conditions de travail, ainsi que les plaintes portant sur des cas de discrimination fondée sur le sexe et de harcèlement sexuel sur le lieu de travail;

c) À encourager les hommes à partager les responsabilités familiales avec les femmes dans des conditions d’égalité, notamment en saisissant la possibilité de prendre un congé de paternité.

Santé

Le Comité félicite l’État partie pour son système de soins bien développé, qui offre une couverture universelle et gratuite à la population. Il est toutefois préoccupé par l’absence de méthodes contraceptives de bonne qualité et par le taux élevé d’avortements, en particulier chez des filles n’ayant que douze ans. S’il prend note de l’exécution du Programme national d’éducation et de santé sexuelles (proNess), le Comité s’inquiète de l’absence d’informations sur l’accès à la santé des femmes appartenant à des catégories défavorisées, en particulier des femmes d’origine africaine, des femmes âgées, des femmes handicapées et des femmes rurales.

Le Comité invite l’État partie :

a) À améliorer l’accès à des méthodes contraceptives efficaces et de bonne qualité, ainsi que leur utilisation, de façon à réduire la pratique de l’avortement comme méthode de planification familiale;

b) À améliorer la qualité des services de santé sexuelle et génésique et en garantir l’accès aux femmes appartenant à des catégories défavorisées, et à dispenser une formation aux droits en matière de santé sexuelle et génésique au personnel de santé et sensibiliser celui-ci à ces questions.

Femmes appartenant à des catégories défavorisées

Le Comité est préoccupé par la vulnérabilité des femmes d’origine africaine, des femmes âgées, des femmes rurales et des femmes handicapées, ainsi que par les obstacles à la jouissance de leurs droits fondamentaux, tels que l’accès aux services de santé, aux prestations sociales et à l’éducation, et à leur participation à la vie politique et publique. Si le Comité prend note des informations et données communiquées sur les femmes handicapées, il est également préoccupé par l’absence de statistiques détaillées, ventilées par sexe, situation géographique et appartenance à une minorité, qui permettraient d’évaluer convenablement la situation des femmes appartenant à des catégories défavorisées.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre toutes les mesures nécessaires, y compris des mesures temporaires spéciales, pour améliorer la situation des femmes appartenant à des catégories défavorisées, de façon qu’elles ne soient plus exposées à l’exploitation, qu’elles aient plus facilement accès aux services de santé et aux prestations sociales, et qu’elles participent à la vie politique et publique, quelle que soit leur situation;

b) D’établir des mécanismes permettant de suivre régulièrement les effets des politiques sociales et économiques sur les femmes appartenant à des catégories défavorisées;

c) De fournir des informations et des statistiques complètes, ventilées par sexe, situation géographique et appartenance à une minorité, qui puissent servir à évaluer la situation des femmes appartenant à des catégories défavorisées, en particulier des femmes d’origine africaine, des femmes âgées, des femmes handicapées et des femmes rurales.

Mariage et rapports familiaux

Le Comité est préoccupé par le fait que l’adoption du projet de Code de la famille a été repoussée et inscrite dans le Plan législatif pour 2013-2017. Le Comité est préoccupé également par le fait que, même si l’âge minimum légal du mariage est fixé à 18 ans, il est possible d’obtenir une autorisation spéciale, pas nécessairement auprès d’un tribunal, pour des filles de 14 ans et des garçons de 16 ans.

Le Comité recommande à l’État partie :

a) De mettre en place les mesures nécessaires pour donner un caractère prioritaire à l’adoption du projet de Code de la famille;

b) De s’assurer que dans les cas exceptionnels de mariage avant l’âge de 18 ans, la même limite d’âge, de 16 ans, soit appliquée aux filles et aux garçons, et que l’autorisation du tribunal soit requise dans tous ces cas.

Collecte de données

Tout en prenant acte des assurances données par la délégation lors de l’échange de vues, selon lesquelles les données sont disponibles dans l’État partie, le Comité est préoccupé par le fait que des données récentes n’ont généralement pas été fournies. Il note que des données actualisées ventilées par sexe, âge, race, appartenance ethnique, situation géographique et catégorie socioéconomique, sont indispensables à une évaluation précise de la condition des femmes, pour déterminer dans quelle mesure elles sont victimes de discrimination et élaborer des politiques éclairées et ciblées, pour suivre et mesurer de manière systématique les progrès accomplis vers la réalisation de l’égalité de fait des femmes dans tous les domaines visés par la Convention.

Le Comité appelle l’État partie à amplifier la collecte, l’analyse et la diffusion d’informations exhaustives, ventilées par sexe, âge, race, appartenance ethnique, situation géographique et socioéconomique, ainsi que l’usage d’indicateurs mesurables permettant d’apprécier l’évolution de la condition féminine et les progrès vers la réalisation de l’égalité de fait des femmes dans tous les domaines visés par la Convention. À cet égard, il attire l’attention de l’État partie sur sa recommandation générale n o 9 relative aux statistiques concernant la condition féminine, et encourage l’État partie à mettre au point des indicateurs sexospécifiques qui puissent être utilisés pour concevoir, appliquer, suivre, évaluer et, le cas échéant, revoir les politiques en faveur des femmes et de l’égalité des sexes.

Protocole facultatif à la Convention

Le Comité signale que l’État partie a été le premier pays à signer et le deuxième à ratifier la Convention, mais il s’inquiète de ce qu’il n’ait pas encore ratifié le Protocole facultatif à la Convention.

Le Comité invite l’État partie à ratifier le Protocole facultatif à la Convention.

Déclaration et Programme d’action de Beijing

Le Comité demande à l’État partie de tenir compte de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing dans ses efforts de mise en œuvre des dispositions de la Convention.

Objectifs du Millénaire pour le développement et cadre de développement pour l’après-2015

Le Comité préconise la prise en compte de la problématique hommes-femmes conformément aux dispositions de la Convention dans toutes les initiatives visant à la concrétisation des objectifs du Millénaire pour le développement, ainsi que dans le nouveau cadre de développement pour l’après-2015.

Diffusion et mise en œuvre

Le Comité rappelle que l’État partie est tenu d’appliquer systématiquement et constamment les dispositions de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Il demande instamment à l’État partie de s’employer en priorité à mettre en œuvre les présentes observations finales et recommandations d’ici à la présentation du prochain rapport périodique. Le Comité demande donc que les observations finales soient communiquées dans les meilleurs délais, dans la (les) langue(s) officielle(s) de l’État partie, aux institutions de l’État à tous les niveaux, national, régional et local, notamment au Gouvernement, aux ministères, au parlement et aux autorités judiciaires, afin qu’elles soient appliquées dans leur totalité. Il engage l’État partie à coopérer avec toutes les parties prenantes , organisations patronales, syndicats, organisations de défense des droits de l’homme et associations de femmes, universités, instituts de recherche et médias. Il recommande en outre que ses observations finales soient diffusées sous une forme appropriée auprès des collectivités locales, de façon à permettre leur application. De surcroît, le Comité exhorte l’État partie à continuer de faire connaître la Convention et les recommandations générales du Comité à tous les acteurs concernés.

Ratification d’autres traités

Le Comité souligne que l’adhésion de l’État partie aux neuf principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme contribuerait à promouvoir l’exercice effectif des droits individuels et des libertés fondamentales des femmes. Le Comité encourage donc l’État partie à envisager de ratifier les traités auxquels il n’est pas encore partie, à savoir, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturel, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Suivi des observations finales

Le Comité prie l’État partie de fournir par écrit, dans un délai de deux ans, des informations sur les mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations formulées dans les paragraphes 17 et 41 ci-dessus.

Établissement du prochain rapport

Le Comité invite l’État partie à présenter son huitième rapport périodique en juillet 2017.

Le Comité demande à l’État partie de suivre les directives harmonisées pour l’établissement de rapports au titre des instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, notamment les directives sur un document de base commun et les documents pour chaque instrument ( HRI/MC/2006/3 et Corr. 1).



Page Principale || Traités || Recherche || Liens