University of Minnesota



Observations finales du Comité pour l
'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Cuba, U.N. Doc. A/55/38,paras.244-277 (2000).



Comité pour l'élimination de la
discrimination à l'égard des femmes
Vingt-troisième session
12-30 juin 2000


Cuba

244. Le Comité a examiné le quatrième rapport périodique de Cuba (CEDAW/C/CUB/4) à ses 474e et 475e séances, le 19 juin 2000 (voir CEDAW/C/SR.474 et 475).

a) Présentation par l'État partie

245. En présentant le quatrième rapport périodique, la représentante de Cuba a attiré l'attention du Comité sur le fait que son pays s'était constamment conformé à l'esprit et à la lettre de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et avait toujours reconnu sa valeur en tant qu'instrument juridique. De même, Cuba avait exprimé la volonté politique d'appuyer le Protocole facultatif à la Convention et entrepris une évaluation nationale des actions visant à mettre en application les accords issus de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes. Cette évaluation avait permis de mesurer les progrès et les échecs enregistrés et, partant, de définir de nouvelles priorités en matière de parité entre les sexes.

246. La représentante a informé le Comité que, de 1996 à 2000, Cuba avait adopté des mesures visant à résoudre les problèmes et à élaborer des stratégies nationales à moyen et long terme destinées à soutenir le processus de réalisation de la parité entre les sexes.

247. Après la quatrième Conférence mondiale sur les femmes, Cuba avait adopté une série de mesures visant à faire connaître aux organes de décision de l'État les engagements pris dans le cadre du Programme d'action. Ce vaste processus de sensibilisation sociale avait abouti à un séminaire national intitulé « Les femmes cubaines de Beijing à 2000 », qui avait examiné le Programme d'action et formulé des recommandations. Ce séminaire avait constitué un élément moteur de la mise en place d'un Plan d'action national pour le suivi de la Quatrième Conférence mondiale sur les femmes, qui avait conduit à la mise en place d'une législation en 1997.

248. La représentante a déclaré que Cuba avait renforcé les fonctions des organes de l'État chargés de mettre en application les politiques de l'État en la matière. Elle a notamment évoqué les organes centraux responsables de l'exécution des 90 mesures énoncées dans le Plan. Ces 90 mesures correspondaient aux priorités nationales concernant l'emploi des femmes, l'accès des femmes aux structures de prise de décisions, l'image des femmes dans les médias, la participation communautaire aux services de santé, l'amélioration de la législation, le respect des droits fondamentaux des femmes, de leurs droits en matière de sexualité et dans le domaine de la santé en matière de reproduction, et l'amélioration de la recherche sur les femmes et les relations entre hommes et femmes.

249. La représentante a indiqué que les progrès notables enregistrés dans la mise en œuvre du Plan d'action national tenaient au redressement économique progressif et soutenu qu'avait connu le pays, notamment au cours des cinq années qui venaient de s'écouler. Le produit intérieur brut (PIB) de Cuba avait progressé de 6,2 % en 1999, mouvement qui s'était accompagné d'une augmentation de 5,4 % de la productivité et de 8 % des investissements.

250. La représentante a informé le Comité que, grâce à la poursuite de la croissance économique, l'État pouvait continuer de favoriser la mise en oeuvre de programmes sociaux, notamment en faveur des femmes et des enfants. Elle a souligné que le budget national cubain consacré aux programmes sociaux avait enregistré une hausse depuis 1995 et qu'en 2000, l'État avait orienté 70 % de ses dépenses ordinaires vers l'éducation, la santé, la sécurité sociale, l'entretien du logement et les services communautaires. Lors du VIIe Congrès de la Fédération des femmes cubaines, qui s'était tenu en mars 2000, on avait appris que la part des emplois occupés par les femmes dans le secteur étatique était passé de 42 % en 1995 à 43,6 % en 1999. Par ailleurs, la part des emplois occupés par les femmes aux niveaux intermédiaires ou supérieurs de certaines catégories d'emplois (techniciens et cadres) était passée de 63,8 % en 1995 à 66,1 % en 1999. La participation des femmes aux structures de prise de décisions était passée de 29,8 % en 1995 à 32,3 % en 1999. La représentante a souligné l'amélioration qualitative et quantitative de la présence des femmes au Parlement où elles représentaient 27,6 % de l'effectif, contre 22,8 % entre 1993 et 1998.

251. La représentante a souligné les répercussions de la loi Helms-Burton et du blocus économique, commercial et financier imposé par le Gouvernement des États-Unis, et en a décrit les incidences différenciées pour les femmes et les hommes. Elle a relevé que ces facteurs empêchaient Cuba d'atteindre les objectifs inscrits dans le Plan d'action national et dans les grandes orientations de la Convention. Elle a indiqué qu'en raison de la persistance de stéréotypes sexuels et de certains comportements sexistes traditionnels, de nombreuses femmes continuaient d'assumer la charge de leurs familles et de leurs enfants. Du fait des activités productives et sociales dont elles avaient la charge au sein de leur foyer, les femmes avaient payé un lourd tribut au blocus. La représentante a reconnu que la solidarité internationale, qui s'était notamment manifestée par le biais des organisations de femmes, avait permis de contrer certains effets défavorables du blocus et de promouvoir des projets de promotion des femmes et des filles à Cuba.


Conclusions du Comité

Introduction


252. Le Comité a remercié le Gouvernement cubain pour avoir présenté, dans les délais, un quatrième rapport périodique détaillé comportant des données ventilées par sexe. Il a félicité le Gouvernement des réponses écrites fournies au Comité et de la présentation orale détaillée qui a apporté des précisions supplémentaires sur l'évolution récente observée dans l'État partie.

253. Le Comité a félicité le Gouvernement cubain pour s'être fait représenter par une importante délégation dirigée par le Vice-Ministre de la science, de la technologie et de l'environnement, caractérisée par un niveau élevé de compétence et composée de responsables de différentes entités étatiques et de la Fédération cubaine des femmes. Leur participation a rehaussé la qualité du dialogue constructif qui s'est instauré entre l'État partie et le Comité.


Aspects positifs

254. Le Comité s'est félicité de la volonté politique affichée du Gouvernement d'appliquer la Convention dans des conditions extrêmement difficiles.

255. Le Comité a félicité le Gouvernement pour l'adoption, sous forme de loi, d'un plan d'action national pour le suivi de la quatrième Conférence mondiale sur les femmes, établi à la suite de consultations entre les organismes publics et les entités de la société civile et prévoyant un grand nombre d'activités que les différents organismes publics doivent réaliser dans divers domaines. Il a salué les changements d'ordre législatif introduits et les programmes appliqués par le Gouvernement depuis l'examen de son troisième rapport périodique par le Comité en 1996, notamment en réponse directe aux observations finales du Comité. Il a également félicité le Gouvernement d'avoir clairement reconnu le lien existant entre la Convention, qui est le cadre juridique, et le Plan d'action de Beijing, qui est le document d'orientation visant à assurer l'exercice des droits fondamentaux des femmes.

256. Le Comité s'est félicité de l'augmentation depuis 1996 du taux d'emploi de femmes dans le secteur public (qui a atteint 43,6 %), de la présence des femmes à l'Assemblée nationale (27,6 %), du nombre de femmes occupant des postes de responsabilité (32,3 %) et du nombre de femmes occupant des emplois techniques et spécialisés de niveau intermédiaire et de haut niveau (66,1 %). Il s'est félicité du fait que les femmes représentaient 60 % des effectifs de l'appareil judiciaire ainsi que de l'amélioration de leur situation socioéconomique consécutive au redressement économique soutenu du pays ces dernières années.

257. Le Comité a exprimé sa satisfaction à l'État partie pour les indicateurs nationaux du développement social encourageants enregistrés, en particulier le taux élevé d'alphabétisation des femmes, et pour les indicateurs favorables en matière de santé des femmes, notamment l'accès aux soins de santé de base, ainsi que le faible taux de mortalité maternelle et infantile et de mortalité chez les femmes et la baisse des taux d'avortement.

258. Le Comité s'est félicité de l'invitation adressée par Cuba au Rapporteur spécial sur la violence à l'égard des femmes à se rendre dans le pays en juin 1999.

259. Le Comité a félicité le Gouvernement d'avoir signé le Protocole facultatif à la Convention en mars 2000.


Facteurs et difficultés ayant une incidence sur l'application de la Convention

260. Le Comité a constaté la persistance du blocus économique et ses conséquences à l'égard des femmes ainsi que sur l'application intégrale de la Convention. Ces conséquences sont encore aggravées du fait que les femmes assument l'essentiel des travaux du ménage et sont cantonnées dans des professions gravement touchées par le blocus.

Principaux domaines de préoccupation et recommandations

261. Le Comité s'est dit préoccupé par la persistance des stéréotypes concernant le rôle de la femme dans la famille et la société et les attitudes et comportements machistes dans de nombreux secteurs de la vie publique et privée. Le Comité a déploré que, bien que le Gouvernement ait reconnu ce problème et pris des mesures pour y remédier, la persistance de ces stéréotypes continue d'entraver les efforts visant à appliquer intégralement la Convention.

262. Le Comité a engagé le Gouvernement à continuer de prendre des mesures pour lutter contre les comportements fondés sur les stéréotypes dans la société cubaine. Il a demandé en particulier au Gouvernement de poursuivre ses efforts visant à accroître la participation des femmes à tous les niveaux de la prise des décisions dans tous les domaines et à encourager les hommes à prendre leur part des responsabilités familiales. Il lui a également demandé de continuer à réaliser une évaluation globale de l'impact de ces mesures et à déterminer les insuffisances afin de réaménager et d'améliorer ces mesures en conséquence.

263. Le Comité a déploré que la question de la violence à l'égard des femmes, en particulier la violence dans le foyer et le harcèlement sexuel sur le lieu de travail, n'ait pas fait l'objet d'une évaluation suffisante. Il a noté avec préoccupation qu'aucune loi ne sanctionnait la violence dans le foyer et le harcèlement sexuel sur le lieu de travail et qu'il n'existait pas suffisamment de données statistiques sur les divers types de violence à l'égard des femmes, notamment à l'égard des femmes âgées et des enfants. Le Comité s'est également inquiété de l'insuffisance des renseignements sur la manière dont les services chargés de l'application des lois, l'appareil judiciaire et les prestataires de soins de santé faisaient face à la violence.

264. Le Comité a demandé au Gouvernement d'évaluer, de manière globale, l'incidence éventuelle de la violence à l'égard des femmes, y compris la violence dans le foyer et le harcèlement sexuel sur le lieu de travail et, en cas d'incident, les causes profondes de cette violence. Il a invité le Gouvernement à sensibiliser davantage la population à la nécessité de prendre des mesures pour prévenir cette violence, à envisager de lancer une campagne de non-tolérance de la violence à l'égard des femmes et de sensibiliser les responsables publics et l'appareil judiciaire à la gravité de ce type de violence. Il a également invité le Gouvernement à prendre davantage de mesures d'appui à l'intention des femmes victimes de la violence dans le foyer, notamment la mise en place de services d'assistance téléphonique et de maisons d'accueil des femmes maltraitées. Le Comité a invité le Gouvernement à fournir dans son prochain rapport des données sur l'accès des femmes aux tribunaux en général, pour ce qui concerne les actes de violence en particulier.

265. Le Comité a constaté avec préoccupation que si la prostitution n'était pas un crime, on disposait de peu d'informations sur l'impact des programmes et des autres mesures propres à prévenir la prostitution des femmes et à assurer leur insertion dans la société. Davantage d'efforts devaient être faits pour identifier les causes profondes de l'augmentation de la prostitution ces dernières années et pour rendre plus efficaces les mesures à prendre pour renverser la tendance.

266. Le Comité a engagé le Gouvernement à s'attacher à mieux comprendre les causes de la prostitution et à évaluer l'impact des mesures de prévention et de réinsertion qu'il a prises en vue de les rendre plus efficaces, et de les adapter entièrement à l'article 6 de la Convention. Le Comité a invité le Gouvernement à étendre ses programmes de promotion de l'indépendance économique des femmes de façon à s'attaquer aux causes de la prostitution et d'éliminer la nécessité où elles se trouvent de se livrer à la prostitution. Il a également demandé au Gouvernement de présenter dans son prochain rapport périodique des informations détaillées concernant tout fait nouveau ayant trait aux mesures de prévention et de réinsertion prises à l'intention des prostituées.

267. Le Comité a constaté avec préoccupation que si l'introduction de l'option du divorce par consentement mutuel remplaçait valablement le divorce prononcé par un tribunal, elle n'en comportait pas moins le risque de défavoriser les femmes.

268. Le Comité a encouragé le Gouvernement à suivre de près la pratique du divorce par consentement mutuel et en particulier tout effet négatif que cette option pourrait avoir sur les femmes en ce qui concerne les questions telles que la pension alimentaire, la garde et l'entretien des enfants et la répartition des biens.

269. Tout en constatant que le taux d'emploi des femmes avait progressé depuis 1996 dans le secteur civil d'État, le Comité s'est montré inquiet de ce que les femmes représentent un pourcentage plus élevé des sans-emploi et qu'elles continuent à rencontrer des obstacles à leur pleine intégration dans tous les secteurs du marché du travail, en particulier dans les entreprises à participation mixte et le tourisme.

270. Le Comité a exhorté le Gouvernement à appliquer des mesures spéciales temporaires à l'intention des femmes afin de réduire le taux de chômage et les disparités dans l'accès à certains secteurs du marché du travail. Il a aussi recommandé de faire en sorte que les femmes tirent parti de la relance économique du pays sur un pied d'égalité. Le Comité a demandé au Gouvernement de redoubler d'efforts pour créer de nouvelles possibilités pour les femmes dans les domaines non traditionnels à forte croissance, notamment dans les nouveaux secteurs de l'information et de la communication et dans celui des services, et de ne rien négliger pour qu'elles tirent pleinement parti de l'économie mixte, en fonction de leurs niveaux élevés d'éducation et de compétence.

271. Tout en reconnaissant les efforts soutenus déployés par le Gouvernement pour protéger le droit des femmes à la santé, le Comité a souligné qu'il fallait poursuivre les efforts pour faire face au problème du VIH/sida et de ses conséquences potentielles en particulier pour les groupes à haut risque, notamment les prostituées et les jeunes adultes. Il s'est inquiété des taux de suicide des femmes âgées. Le Comité a demandé au Gouvernement d'étudier la cause du suicide chez les femmes afin d'adopter des mesures de prévention.

272. Le Comité a déploré que suffisamment d'informa-tions n'aient pas été fournies concernant la situation des femmes rurales.

273. Le Comité a demandé au Gouvernement de présenter dans son cinquième rapport périodique un aperçu de la situation générale des femmes rurales, y compris des données ventilées par sexe, en la comparant à celle des femmes des zones urbaines. Il a également invité le Gouvernement à fournir des informations plus détaillées sur le système des coopératives rurales et les avantages qu'en retirent les femmes.

274. Le Comité a demandé au Gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations, notamment des données statistiques, sur l'utilisation du tabac et l'abus d'alcool, de drogues et autres substances par les femmes de différents groupes d'âge ainsi que les mesures visant à prévenir et à réduire ces abus. Il a également invité le Gouvernement à fournir des informations sur les services de conseils et de réinsertion mis en place à l'intention des femmes toxicomanes.

275. Le Comité a demandé que le Gouvernement réponde dans son prochain rapport périodique aux questions particulières soulevées dans ses observations finales.

276. Le Comité a encouragé le Gouvernement cubain à déposer son acte d'acceptation de l'amendement au paragraphe 1 de l'article 20 de la Convention et à ratifier le Protocole facultatif à la Convention dans les meilleurs délais.

277. Le Comité a demandé que les présentes observations finales fassent l'objet d'une large diffusion à Cuba afin que le peuple cubain, et en particulier les administrateurs publics et les hommes politiques, aient conscience des mesures prises pour assurer l'égalité de fait pour les femmes et des autres mesures nécessaires à cet égard. Il a également demandé au Gouvernement de continuer à diffuser largement, notamment à l'intention des organisations de femmes et de défense des droits de l'homme, la Convention, les recommandation générales du Comité, la Déclaration et le Programme d'action de Beijing et les mesures et initiatives supplémentaires adoptées par l'Assemblée générale à sa trente-troisième session extraordinaire intitulée « Les femmes en l'an 2000 : égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXIe siècle ».



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