University of Minnesota



Observations finales du Comité sur l
'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Cuba, U.N. Doc. A/51/38,paras.197-228 (1996).




Comité sur l'élimination de la
discrimination à l'égard des femmes


Cuba

197. À ses 294e et 295e séances, tenues le 22 janvier 1996 (voir CEDAW/C/SR.294 et 295), le Comité a examiné les deuxième et troisième rapports périodiques soumis par Cuba, regroupés en un seul document (CEDAW/C/CUB/2-3 et Add.1).

198. En présentant ce document, la représentante de Cuba a rappelé que son pays avait été le premier à signer la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et le deuxième à la ratifier, ce qui représentait pour lui une réussite historique et témoignait de l'importance qu'il accordait à la Convention. Cuba avait néanmoins commencé à appliquer des politiques de promotion de la femme dès les débuts de la révolution, en 1959, et, aujourd'hui encore, elles constituaient pour ce pays une priorité.

199. En dépit des difficultés économiques et politiques auxquelles Cuba s'était heurtée à partir de 1989, à la suite du durcissement du blocus économique imposé par les États-Unis, qui avait eu de graves répercussions sur la situation des femmes et des enfants et avait entraîné une détérioration de la qualité de la vie, le pays n'avait cessé de progresser vers la réalisation de l'égalité entre les sexes.

200. La représentante de Cuba a demandé qu'on veuille bien l'excuser d'avoir présenté un rapport qui n'était pas conforme aux directives du Comité et a répondu aux questions que certains membres lui avaient posées par écrit, concernant l'application des articles de la Convention.

201. Elle a déclaré que l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes était l'un des principaux objectifs du Gouvernement cubain et que celui-ci ainsi que la Fédération des femmes cubaines veillaient sans relâche à son application sur les plans juridique et pratique. Les ministères et institutions compétents avaient élaboré et diffusé des programmes visant à modifier les comportements socioculturels qui déterminaient les relations entre hommes et femmes et à mieux informer celles-ci de leurs droits. Le taux de scolarisation des enfants de 6 à 14 ans était maintenant de 99 %. Les jeunes filles étaient représentées à tous les niveaux. Dans l'enseignement supérieur, elles constituaient 58 % des étudiants. Aux dernières élections législatives, le taux de participation avait été de 98,7 %. Il y avait toutefois plus d'hommes que de femmes aux postes à haut niveau de responsabilité politique.

202. En dépit de la baisse notable de la production et des réformes engagées pour restructurer le marché du travail, les femmes constituaient 40,6 % de la population active, ce qui représentait une légère augmentation par rapport au chiffre de 1989. Elles n'avaient donc pas été les plus touchées. On s'efforçait d'élargir les possibilités de formation et de réinsertion professionnelle qui leur étaient offertes, notamment en adoptant des mesures spéciales pour celles qui étaient chefs de famille. Le Gouvernement étudiait la question des disparités en matière de rémunération.

203. L'ensemble des femmes cubaines étaient en bonne santé, ce qui constituait l'une des réussites du régime, mais le blocus avait des répercussions sur leur ration alimentaire quotidienne, ainsi que sur celle des enfants. Par ailleurs, il fallait mettre l'accent sur la prévention et la diminution des risques. L'espérance de vie des femmes était de 77,6 ans et la mortalité infantile avait diminué régulièrement. L'avortement restait la principale cause de mortalité maternelle, bien que le taux correspondant ait été ramené à 6,4 p. 1000.

204. Après s'être mariées, les femmes avaient le droit de conserver leur nationalité et de la transmettre à leurs enfants. À Cuba, la violation du droit à l'égalité était un délit pénal, et la loi sanctionnait les actes de violence à l'égard des femmes. On s'efforçait d'améliorer l'éducation des prostituées — dont le nombre avait augmenté ces dernières années — et de leur famille. Pour ce qui était de l'accès au crédit et à la propriété, les femmes jouissaient des mêmes droits que les hommes.

205. Dans le cadre des activités de suivi de la Déclaration et du Programme d'action de Beijing, on avait lancé un processus d'information et de discussion de grande envergure sur les obligations contractées en vertu de ces documents, avec la participation des femmes et de la société tout entière.

Conclusions du Comité

Introduction

206. Le Comité a remercié la représentante du Gouvernement cubain des réponses détaillées qu'elle avait apportées aux questions écrites qui lui avaient été adressées avant la séance. Après avoir noté que, dans ses deuxième et troisième rapports périodiques, le Gouvernement cubain ne s'était pas entièrement conformé à ses directives, le Comité a estimé que celui-ci avait toutefois fourni suffisamment de renseignements sur l'application de la Convention pour rendre compte des progrès qu'il continuait à faire dans le domaine des droits de la femme. Il a accueilli avec satisfaction la présence dans la délégation cubaine de représentantes de haut niveau d'organismes de promotion de la femme.

Obstacles à l'application de la Convention

207. Le Comité a constaté l'effet négatif que l'embargo économique avait sur le pays et qui, combiné à la dissolution de l'Union des républiques socialistes soviétiques et de ses alliés socialistes, avec lesquels Cuba avait maintenu des liens étroits dans le domaine économique et social et en matière de coopération, avait de graves répercussions sur l'économie nationale. À cause de ce blocus, il avait fallu alléger ou supprimer certains programmes visant à promouvoir l'égalité des chances et à éliminer les stéréotypes sexistes et, de manière générale, la situation sur le plan alimentaire s'était détériorée.

Éléments positifs

208. Le Comité a constaté que la législation cubaine était progressiste dans ses dispositions affirmant l'égalité des sexes et que la discrimination contre les femmes était illégale.

209. Le Comité a constaté avec satisfaction que le Gouvernement appuyait l'action de la Fédération des femmes cubaines, qui représentait 90 % de ces dernières.

210. Le Comité a aussi noté avec satisfaction que les femmes étaient aujourd'hui plus nombreuses à tous les niveaux et dans toutes les disciplines de l'enseignement, dans toutes sortes de métiers, en particulier la science et la technique, la médecine, le sport, etc., surtout aux niveaux national et international.

211. Le Comité a noté que les taux de mortalité maternelle et infantile n'avaient cessé de baisser, ce qui était dû en grande partie à une meilleure surveillance de la grossesse et à un meilleur suivi de l'état de santé des enfants dans les premières années. Il a en outre noté que le droit de décider du nombre et de l'espacement des naissances était maintenant considéré comme fondamental.

212. Le Comité a constaté que les taux d'abandon scolaire avaient diminué et des projets d'enseignement pour adultes avaient été établis.

213. Le Comité a constaté avec satisfaction que le Gouvernement avait pris les mesures d'ajustement nécessaires afin que les répercussions du dramatique recul de l'économie enregistré n'affectent pas spécialement les femmes et qu'elles ne soient pas les seules à subir le contrecoup de la situation.

Principaux sujets de préoccupation

214. Le Comité a noté que le Gouvernement cubain n'avait pas l'intention de revenir sur les réserves qu'il avait émises à l'égard de l'article 29. Il s'est inquiété à l'idée que l'embargo et les difficultés économiques qu'il entraînait pourraient neutraliser certains progrès enregistrés dans la situation des femmes.

215. Le Comité a constaté que, malgré les forts taux de scolarisation, les stéréotypes persistaient : c'était toujours aux femmes qu'il revenait de s'occuper de la maison et des enfants.

216. Le Comité a souligné qu'il fallait que les femmes soient représentées dans les hautes sphères du pouvoir.

217. Le Comité a fait observer que les femmes étant traditionnellement moins bien payées, il y avait une discrimination indirecte dans la rémunération. Il a déploré le manque d'information sur la situation des femmes dans les syndicats.

218. Le Comité a pris connaissance avec un certain scepticisme des indications selon lesquelles la violence domestique serait un phénomène rare à Cuba et n'y constituait pas un problème social.

219. Le Comité a noté que les conditions économiques résultant de l'embargo étaient telles qu'il était maintenant très difficile à la population, et notamment aux femmes, de se procurer des produits aussi essentiels que les médicaments et les contraceptifs, ce qui posait des problèmes à l'ensemble de la population et en particulier aux femmes.

220. Le Comité s'est déclaré préoccupé par la recrudescence de la prostitution dans le pays, conséquence du développement du tourisme et des problèmes économiques.

Propositions et recommandations

221. Le Comité a recommandé de présenter des données par sexe en ce qui concernait les plaintes pour discrimination.

222. Il faudrait réaliser des enquêtes et des études pour déterminer la fréquence et les conséquences de la violence à l'égard des femmes, en particulier dans le cadre familial, même si elle n'a pas été signalée et prendre des mesures conformément à la recommandation générale 19.

223. Il faudrait relancer le plus tôt possible les programmes qui avaient été conçus pour faire disparaître les stéréotypes et préjugés sexistes (consistant par exemple à employer des termes comme "bonnes femmes", "fillettes" ou "le péril F") et qui avaient donné de bons résultats, puisqu'ils contribuent à mettre en lumière les comportements masculins et féminins qu'il faut changer, surtout lorsqu'il s'agit d'obtenir le partage de la tâche que représentent le soin et l'éducation des enfants, comme le stipule la recommandation générale 21 du Comité.

224. Le Gouvernement devrait faire tout ce qui est possible pour que les moyens contraceptifs nécessaires soient disponibles. Il faudrait renforcer des programmes spéciaux d'information sur les maladies vénériennes, en particulier sur le sida et la séropositivité, à l'intention des jeunes filles, surtout de celles qui se prostituent, conformément à la recommandation générale 15 du Comité.

225. Il faudrait ne ménager aucun effort pour lutter contre la recrudescence de la prostitution. Il importe également d'élargir les possibilités de réinsertion offertes aux prostituées et de ne pas tenir ces dernières pour seules responsables. Il faudrait enfin renforcer les mesures de répression à l'encontre des proxénètes et des clients qui portent atteinte aux droits des prostituées.

226. Il faudrait faire une étude empirique pour déterminer si les femmes reçoivent le même salaire que les hommes pour un travail de valeur égale et rassembler des données sur la ségrégation professionnelle et ses rapports avec la rémunération.

227. Le Comité a demandé que Cuba présente dans son prochain rapport périodique davantage d'informations concernant la situation des femmes sur le marché du travail et les niveaux de rémunération auxquels elles peuvent prétendre.

228. Le Comité aimerait avoir davantage de renseignements dans les prochains rapports sur la situation des femmes dans les syndicats. Le Comité a souligné qu'il fallait faire davantage participer les femmes aux plus hauts niveaux du pouvoir politique et a estimé qu'il convenait de poursuivre les efforts pour veiller à ce qu'elles aient leur mot à dire dans les décisions qui les touchaient directement.



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