University of Minnesota



Observations finales du Comité pour l
'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, République démocratique du Congo, U.N. Doc. A/55/38,paras.194-238 (2000).




Comité pour l'élimination
de la discrimination à l'égard des femmes
Vingt-deuxième session
17 janvier-4 février 2000




République démocratique du Congo


1. Le Comité a examiné le rapport initial et les deuxième et troisième rapports périodiques de la République démocratique du Congo (CEDAW/C/ZAR/1, 2 et 2/Add.1 et Corr.1, et CEDAW/C/COD/1) à ses 454e, 455e et 463e séances, les 25 et 31 janvier 2000 (voir CEDAW/C/SR.454, 455 et 463).

Présentation par l'État partie

2. Lorsqu'elle a présenté le rapport, la Ministre des affaires sociales et de la famille de la République du Congo a souligné que son pays attachait une grande importance à la question de la promotion de la femme, malgré la situation difficile dans laquelle il se trouvait actuellement. Elle a rappelé qu'après avoir accédé à l'indépendance en 1960, le pays avait connu un régime dictatorial de 1965 à 1990, et que la mauvaise gestion dont il avait fait l'objet à l'époque était à l'origine de diverses difficultés. Une période de transition avait débuté en 1991, avec l'adoption par la Conférence nationale souveraine de la loi constitutionnelle. En 1994, la violence qui s'était abattue sur le Rwanda avait entraîné un afflux massif de réfugiés en République démocratique du Congo et, depuis août 1998, le conflit armé avait encore aggravé la situation. En conséquence, la situation socioéconomique, déjà peu brillante du fait des répercussions de la mondialisation, s'était encore détériorée, et la population, en particulier les femmes, souffrait encore plus de la précarité et de la pauvreté.

3. La représentante a évoqué le cadre juridique pour la protection des droits de l'homme. Elle a souligné que son pays avait, sans émettre aucune réserve, ratifié les traités internationaux visant à promouvoir les droits fondamentaux des femmes et des enfants. Des structures destinées à l'élaboration de politiques et de programmes pour la promotion des droits des femmes et des familles avaient été mises en place, notamment au Ministère des affaires sociales et de la famille, au Ministère de la justice, au Ministère des droits de l'homme et dans les conseils nationaux et provinciaux de la femme et de l'enfant. Des efforts considérables avaient été déployés pour appliquer les recommandations faites lors des conférences régionales et mondiales consacrées aux femmes, dont la quatrième Conférence mondiale sur les femmes, à laquelle la République démocratique du Congo avait participé.

4. Bien que le principe fondamental de l'égalité entre les hommes et les femmes soit consacré dans la Constitution, la discrimination à l'égard des femmes continuait de sévir à cause de la persistance des mentalités traditionnelles et de coutumes négatives. Certaines dispositions législatives allaient à l'encontre de la Constitution, notamment l'article 448 du Code de la famille qui prévoyait toujours l'incapacité juridique de la femme mariée. La discrimination avait également cours dans le domaine des pensions, et le Code pénal prévoyait des peines plus sévères pour les femmes coupables d'adultère que pour les hommes. Le droit de posséder la terre était reconnu aux hommes et aux femmes sans distinction. Toutefois, les attitudes et coutumes discriminatoires avaient la vie dure, en particulier dans les zones rurales, et les femmes ne se prévalaient pas de ce droit.

5. Un forum national sur les droits et le leadership des femmes avait été organisé en 1996 pour faire mieux connaître leurs droits à ces dernières et élaborer un plan d'action. Le Ministère des affaires sociales et de la famille, en collaboration avec des ONG, avait modifié des dispositions discriminatoires et mené une campagne de sensibilisation sur le thème des droits des femmes, et de la violence à l'égard des fillettes et des femmes. Le Gouvernement avait mis en place un programme national pour la promotion de la femme congolaise, qui visait à renforcer le pouvoir économique des femmes, à améliorer leur condition juridique et sociale, leur éducation formelle, leur santé, et leur accès aux ressources économiques, à apporter une aide aux femmes rurales et à éliminer les coutumes préjudiciables aux femmes.

6. Le Gouvernement, par l'entremise du Ministère de l'information, s'était tout spécialement efforcé de faire mieux connaître la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et d'autres instruments relatifs aux droits de la personne. Des chaînes de télévision privées, des journaux, des revues, ainsi que des églises et des ONG avaient aussi donné une large publicité à la Convention. Avec l'aide du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), on traduisait actuellement la Convention dans les langues nationales.

7. Les stéréotypes concernant le rôle des femmes avaient des effets négatifs dès la petite enfance. Depuis la création du Ministère de la promotion de la femme en 1980, plusieurs campagnes de sensibilisation avaient été organisées pour promouvoir une image plus positive du rôle de la femme dans la société et dans la famille. Le Ministère de la promotion de la femme, en collaboration avec des ONG, avait réalisé une étude sur le droit coutumier et les droits des femmes en vue de mettre au point des stratégies pour éliminer toutes les coutumes et pratiques préjudiciables.

8. La plupart des Congolaises demeuraient illettrées, et des programmes d'alphabétisation destinés aux filles ayant quitté prématurément l'école et aux femmes plus âgées avaient été entrepris. Bien que le droit à l'éducation ait été reconnu à tous les enfants, sans distinction fondée sur le sexe, la race, l'âge ou la classe sociale, le taux d'abandon scolaire était très élevé chez les filles, en particulier dans les zones rurales. Le Forum national sur les droits et le leadership des femmes congolaises s'employait, en collaboration avec le secteur privé, des organisations non gouvernementales et des églises, à développer la scolarisation des jeunes filles dans le secondaire.

9. Les Congolaises étaient victimes de violences physiques, psychologiques et morales, mais celles-ci étaient rarement signalées aux autorités. Les filles étaient également en butte à divers types de violence sexuelle, dont le viol et la mutilation des organes génitaux. Ces dernières années, des campagnes de sensibilisation sur le thème de la violence contre les femmes avaient été organisées par des ONG en collaboration avec le Gouvernement. Le Ministère de la promotion de la femme avait, avec des ONG, réalisé en octobre 1999 une étude devant servir de base à des stratégies de lutte contre la violence à l'égard des femmes.

10. En conclusion, malgré les difficultés auxquelles le pays était en proie, le Gouvernement congolais faisait tout ce qui était en son pouvoir pour éliminer la discrimination à l'égard des femmes et améliorer la condition des femmes, notamment en mettant en place un mécanisme national pour la promotion de la femme, en inscrivant le principe de l'élimination de la discrimination dans le projet de constitution, en prenant en compte les intérêts des femmes lors de la formulation, de l'application et de l'évaluation de tous les projets de développement, et en élaborant un programme national pour la promotion de la femme congolaise. La représentante a toutefois souligné que, même si tous les engagements étaient honorés, ils n'auraient guère d'effet tant que la paix ne serait pas instaurée.

Conclusions du Comité

Introduction

11. Le Comité félicite le Gouvernement de la République démocratique du Congo d'avoir ratifié la Convention en 1985 sans y mettre de réserves, et d'avoir présenté le rapport initial, et les deuxième et troisième rapports périodiques, ainsi que des informations supplémentaires en 1999 pour les actualiser, en une période difficile pour l'État partie.

12. Le Comité remercie aussi le Gouvernement congolais d'avoir envoyé une importante délégation dirigée par la Ministre des affaires sociales et de la famille, qui avait fait une excellente présentation orale. Le Comité apprécie à sa juste valeur l'ouverture d'esprit avec laquelle le rapport a été présenté, et les réponses aux questions posées ont contribué au dialogue constructif qui s'est déroulé entre l'État partie et le Comité, et qui a permis de mieux comprendre la situation des Congolaises.

Aspects positifs

13. Le Comité salue l'effort que consent le Gouvernement congolais pour continuer à appliquer la Convention en dépit de la guerre et de la crise économique.

14. Le Comité note avec satisfaction que, malgré la difficile situation actuelle, un ministère avait été établi pour connaître des dossiers relatifs à l'égalité entre les hommes et les femmes. Il se félicite de la création du Conseil national de la femme, organe chargé de veiller à l'intégration de considérations d'équité entre les sexes dans les programmes de développement, et en particulier de son plan d'action qui comprend l'application des Programmes d'action de Beijing et du Caire.

15. Le Comité félicite le Gouvernement de sa coopération avec les ONG et espère à cet égard que les liens établis entre eux aideront à accélérer le processus de paix dans le pays.

Obstacles à l'application de la Convention

16. L'un des principaux obstacles à la pleine application de la Convention est la guerre qui sévit actuellement. Le Comité reconnaît que la République démocratique du Congo se trouve en proie à des difficultés économiques, sociales et politiques liées à cette guerre, qui ont des répercussions négatives sur l'ensemble de la population, et plus particulièrement sur les femmes et les petites filles, souvent victimes de viols et autres violences sexuelles, ainsi que sur la majorité des réfugiés et des personnes déplacées qui vivent dans des conditions extrêmement difficiles. En outre, la situation est encore aggravée par l'inflation grandissante, qui a détérioré la qualité de vie de millions de femmes ne disposant pas de ressources suffisantes pour survivre.

17. Le Comité note que la persistance de préjugés et de comportements stéréotypés concernant le rôle des femmes et des hommes dans la famille et la société, qui se fondent sur l'idée de la supériorité des hommes et de la subordination des femmes qui en découle, fait gravement obstacle à l'application de la Convention.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations

18. Le Comité note avec préoccupation qu'en dépit de certains acquis législatifs, le Code de la famille, le Code pénal et le Code du travail continuent de contenir des dispositions discriminatoires.

19. Le Comité recommande au Gouvernement de donner la priorité la plus élevée à l'adoption d'une législation visant à garantir l'égalité de jure et de facto des femmes, et d'en assurer l'application.

20. Le Comité s'inquiète du fait que le mécanisme national et le Ministère des affaires sociales et de la famille ne disposent pas de ressources suffisantes pour exécuter leur plan d'action.

21. Il encourage le Gouvernement à trouver les ressources nécessaires pour ancrer le principe de l'égalité des sexes, et en particulier à assurer la participation égale des femmes et des hommes à tous les niveaux de la prise de décisions.

22. Le Comité s'inquiète de la persistance de coutumes et pratiques traditionnelles qui représentent une violation des droits fondamentaux des femmes, comme la dot, le lévirat, la polygamie, le mariage forcé et la mutilation génitale des femmes.

23. Le Comité engage vivement le Gouvernement à adopter une législation visant à interdire ces pratiques. Il recommande également au Gouvernement de travailler de concert avec les organisations non gouvernementales et les médias pour modifier les mentalités par des campagnes d'information et de sensibilisation, ainsi que par l'enseignement de la Convention dans les écoles et sa traduction dans les langues nationales, de façon que les femmes puissent au plus tôt jouir de leurs droits fondamentaux.

24. Le Comité est gravement préoccupé par les informations faisant état des viols, violences et sévices graves subis par les femmes pendant la guerre. Il s'inquiète également de la situation des femmes réfugiées et déplacées qui pâtissent des conséquences de la guerre, et des traumatismes psychologiques et mentaux dont souffrent les femmes et les petites filles du fait de l'enrôlement forcé d'enfants dans les forces armées.

25. Le Comité recommande au Gouvernement d'adopter des mesures spécifiques et structurelles, notamment des mesures législatives, pour protéger les femmes contre de tels actes et offrir un appui et des mesures d'intégration socioéconomique aux femmes victimes de violences psychosociales. Il demande également au Gouvernement d'adopter des mesures de sensibilisation pour souligner combien il importe de maintenir les normes relatives aux droits fondamentaux en temps de guerre. Il prie par ailleurs le Gouvernement de veiller à ce que les enfants ne soient pas recrutés comme soldats.

26. Le Comité s'inquiète de l'ampleur de la prostitution souvent due à la pauvreté, et particulièrement de la prostitution des petites filles.

27. Le Comité engage le Gouvernement à adopter et à faire appliquer des lois interdisant la prostitution des petites filles, ainsi qu'à prendre les mesures voulues pour redonner aux prostituées une place dans la société et surtout pour assurer la prise en charge psychopédagogique de ces très jeunes prostituées. En outre, compte tenu de la pandémie de VIH/sida dans le pays, il convient d'accorder toute l'attention voulue aux services de santé à dispenser aux prostituées.

28. Le Comité s'inquiète de la sous-représentation des femmes dans la vie politique et dans les instances dirigeantes du pays, y compris celles du système judiciaire, et souligne l'importance d'un environnement social et politique propre à améliorer la condition des femmes dans tous les secteurs de la vie publique et dans la vie privée.

29. Le Comité recommande l'adoption de mesures temporaires spéciales avec des objectifs précis, conformément au paragraphe 1 de l'article 4 de la Convention.

30. Malgré les efforts déployés par le Gouvernement dans le domaine de l'éducation, le Comité reste profondément préoccupé par le faible taux d'inscription scolaire des filles, et aussi par le taux élevé d'abandon scolaire chez les filles et le taux élevé d'analphabé-tisme féminin, surtout en zone rurale.

31. Le Comité encourage le Gouvernement à intensifier ses efforts en établissant des programmes visant spécifiquement à réduire l'analphabétisme chez les femmes et favoriser l'accès des petites filles aux établissements secondaires. Le Gouvernement devrait aussi envisager la gratuité de l'enseignement primaire.

32. Le Comité s'inquiète de la discrimination de jure et de facto à l'égard des femmes pour ce qui est de l'obligation d'avoir l'autorisation maritale pour pouvoir prendre un emploi salarié, et de la réduction des salaires pendant le congé de maternité.

33. Le Comité invite instamment le Gouvernement à réviser les lois discriminatoires dans le domaine de l'emploi conformément à l'article 11 de la Convention.

34. Le Comité note avec une vive préoccupation les taux élevés de mortalité maternelle et infantile, le faible taux de prévalence contraceptive surtout en zone rurale, et la dégradation des services de santé.

35. Le Comité prie le Gouvernement de s'efforcer d'améliorer l'utilisation des méthodes contraceptives, d'abroger l'article 178 du Code pénal qui interdit la diffusion des méthodes contraceptives, et de donner une éducation sexuelle aux jeunes.

36. Il prie le Gouvernement d'encourager l'améliora-tion des services de santé pour les femmes tout au long du cycle de vie, compte tenu de la recommandation générale 24 du Comité sur les femmes et la santé.

37. Le Comité s'inquiète de la situation des femmes rurales, qui constituent la majorité de la population. En outre, c'est dans les zones rurales que les coutumes et les croyances qui empêchent les femmes d'hériter ou de devenir propriétaires de terres et de biens sont le plus largement acceptées et suivies.

38. Le Comité exhorte le Gouvernement à accorder la plus grande attention aux besoins des femmes rurales et à veiller à ce qu'elles tirent profit des politiques et des programmes adoptés dans tous les domaines, y compris la reconnaissance de leur statut d'employée agricole devant bénéficier des droits conférés par la législation du travail. Il faudrait veiller à ce que les femmes rurales puissent participer, sur un pied d'égalité, à la prise de décisions, et leur assurer l'accès aux services de santé et au crédit. Le Comité recommande que l'on entreprenne d'autres études sur la situation des femmes rurales et que l'on recueille davantage de données statistiques pour donner des lignes directrices aux politiques dans ce domaine.

39. Les tabous alimentaires préoccupent le Comité, car ils sont non seulement préjudiciables à la santé des femmes, surtout des mères, mais aussi lourds de conséquences pour la santé des générations à venir. Il recommande au Gouvernement de s'attaquer au problème de l'élimination de ces tabous en en faisant largement connaître les effets préjudiciables sur la santé des femmes.

40. Le Comité regrette que les rapports ne respectent pas pleinement ses directives concernant la forme et le contenu des rapports initiaux et périodiques et ne prennent pas en compte ses recommandations générales.

41. Le Comité demande que, lorsqu'elle établira son prochain rapport, la République démocratique du Congo tienne compte de ses directives et de ses recommandations générales.

42. Le Comité encourage la République démocratique du Congo à déposer son instrument d'acceptation de l'amendement au paragraphe 1 de l'article 20 de la Convention concernant le calendrier de réunion du Comité.

43. Il exhorte de même le Gouvernement à signer et à ratifier le Protocole facultatif à la Convention.

44. Il demande au Gouvernement de répondre dans son prochain rapport aux questions spécifiques soulevées dans les présentes conclusions.

45. Le Comité prie le Gouvernement de diffuser largement les présentes conclusions en République démocratique du Congo afin d'informer la population, en particulier les membres de l'administration et le personnel politique, des mesures prises pour garantir l'égalité de jure et de facto des femmes, et des mesures supplémentaires à prendre dans ce domaine. Il prie également le Gouvernement de continuer à diffuser largement la Convention, son Protocole facultatif, les recommandations générales du Comité, ainsi que la Déclaration et le Programme d'action de Beijing, tout particulièrement auprès des associations de femmes et des organisations de défense des droits de l'homme.



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