University of Minnesota



Observations finales du Comité pour l
'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, Burkina Faso, U.N. Doc. A/55/38,paras.239-286 (2000).



Comité pour l'élimination
de la discrimination à l'égard des femmes
Vingt-deuxième session
17 janvier-4 février 2000



Burkina Faso


1. Le Comité a examiné les deuxième et troisième rapports périodiques combinés du Burkina Faso (CEDAW/C/BFA/2-3) à ses 458e et 459e séances, le 27 janvier 1999 (voir CEDAW/C/SR.458 et 459).

Présentation par l'État partie

2. Lorsqu'elle a présenté le rapport de son pays, la représentante du Burkina Faso a informé le Comité que, depuis qu'il avait ratifié la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes en 1984, le Gouvernement avait promulgué des politiques et une législation nouvelles portant sur l'égalité des droits des épouses et des enfants, l'accès des femmes à la propriété foncière, des programmes générateurs de revenus et des initiatives ayant pour objet de créer des emplois à l'intention des femmes. Elle a fait observer que la ratification de la Convention et du Protocole facultatif s'inscrivait dans le cadre des efforts de développement déployés par son pays et exprimé sa reconnaissance à l'Organisation des Nations Unies pour ses initiatives visant à favoriser l'émancipation des femmes.

3. Au Burkina Faso, les femmes faisaient l'objet d'une discrimination économique et socioculturelle, notamment dans les zones rurales, où vivaient 84,6 % de la population et où la vie quotidienne était régie par des traditions et des coutumes profondément enracinées. La représentante a appelé l'attention sur l'extrême pauvreté de 44,4 % de la population, dont une majorité de femmes, et sur les très faibles chances que celles-ci avaient de participer aux grandes entreprises économiques. L'inégalité entre hommes et femmes résultait de la pauvreté, de l'analphabétisme, et des normes et stéréotypes traditionnels dictés par le système patriarcal.

4. Des problèmes subsistaient, malgré les efforts déployés pour promouvoir et améliorer la situation des femmes. Le taux de mortalité maternelle (531 décès pour 100 000 naissances vivantes) et le taux de fécondité étaient très élevés, et la contraception peu répandue. En outre, la majorité de la population était âgée de moins de 18 ans.

5. Prenant en considération les taux élevés d'analphabétisme (le taux d'alphabétisation chez les femmes en milieu rural était de 5 %, contre 15,5 % chez les hommes) et les stéréotypes persistants faisant obstacle à l'éducation des filles, les pouvoirs publics avaient élaboré un plan national pour l'éducation des filles afin de réduire d'un tiers l'écart qui existait entre les niveaux d'instruction des garçons et des filles. Ils avaient augmenté les fonds publics affectés à l'éducation, recruté des enseignants, construit des infrastructures pour les écoles et adopté des mesures et des programmes spéciaux visant à favoriser l'éducation des filles. En outre, les écoles satellites nouvellement établies étaient tenues d'avoir 50 % de filles.

6. Le Burkina Faso avait revu les programmes de santé maternelle et infantile, élaboré un plan multisectoriel pour lutter contre le VIH/sida et mis au point des programmes pour former le personnel médical destiné à aider les personnes âgées. L'insuffisance des services de santé en milieu rural et le manque de ressources et de personnel sanitaire qualifié entravaient la décentralisation des services de santé, et les services de santé génésique ne tenaient pas compte des besoins de groupes tels que les hommes et les adolescents (garçons et filles).

7. La représentante a appelé l'attention sur les différentes formes de violence, notamment la violence physique et psychologique, perpétrées par des hommes contre des femmes se trouvant dans des situations vulnérables. Les pouvoirs publics avaient pris des mesures pour éliminer les pratiques traditionnelles préjudiciables aux femmes qui étaient particulièrement répandues dans les zones rurales. Le Code pénal de 1996 interdisait la mutilation génitale des femmes et prévoyait de sévères sanctions pour les auteurs de toute forme de mutilation génitale. Le Code de l'individu et de la famille interdisait le lévirat, et des lois avaient été adoptés pour traiter de questions comme le viol, l'adultère et la polygamie.

8. Malgré l'adoption de lois précises sur la réforme agraire qui prévoyaient l'égalité entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à la propriété foncière, les pratiques traditionnelles qui réglementaient l'héritage affaiblissaient le droit des femmes de disposer de terres qui leur appartenaient. Le Gouvernement était déterminé à élaborer une législation appropriée pour promouvoir le développement et la mobilité économique ascendante des femmes vivant dans les zones rurales. Ces femmes avaient accès à des services de formation, d'approvisionnement en équipements et de vulgarisation agraire. Nombre de projets étaient financés par des pays donateurs et des institutions internationales et bilatérales.

9. Les femmes avaient accès au crédit grâce aux banques d'épargne et de crédit. Un fonds d'appui aux activités rémunératrices des femmes avait été créé en 1990, mais des obstacles persistaient quant à l'accès des femmes aux ressources financières, notamment le manque d'informations concernant les possibilités de crédit et la désapprobation des maris devant les activités économiques et l'esprit d'entreprise de leurs épouses. Le Burkina Faso avait promulgué une loi en 1998 pour garantir aux femmes l'accès à l'emploi dans des conditions d'égalité avec les hommes, ainsi que l'égalité de revenus entre hommes et femmes dans le secteur public.

10. Malgré les pratiques socioculturelles profondément enracinées, l'analphabétisme et la division sociale du travail qui empêchait les femmes de s'émanciper, le Gouvernement du Burkina Faso avait nommé des femmes à des postes de responsabilité dans la vie publique. Depuis la présentation du rapport initial, le nombre de femmes ministres, de députées et d'ambassadrices avait considérablement augmenté. La représentante a mis en lumière les stratégies et les politiques qui avaient été adoptées pour promouvoir l'accès des femmes aux postes de responsabilité dans les secteurs public et privé et fait observer que le plan d'action national prévoyait la mobilisation des divers acteurs sociaux, notamment les partis politiques, les ministères, les ONG et la société civile, pour forger une image positive de la femme.

11. La représentante a décrit les structures de coordination, les mécanismes institutionnels et les centres d'information et de recherche établis pour la promotion de la femme, ainsi que les centres de coordination créés dans les divers ministères afin de tenir compte des préoccupations des femmes dans toutes les politiques et tous les programmes ainsi que dans la vie publique.

12. En conclusion, la représentante a souligné que le Gouvernement avait pris des mesures concrètes pour aider les femmes qui se trouvaient dans des situations vulnérables (handicapées, prostituées, femmes âgées, femmes victimes de la violence, etc.). Des politiques avaient notamment été élaborées pour prévenir la discrimination à l'égard des femmes et la traite des femmes et intensifier l'émancipation de ces dernières au moyen d'une législation protectrice et de programmes économiques et sociaux.

Conclusions du Comité

13. Le Comité félicite le Gouvernement du Burkina Faso pour l'excellente présentation de son deuxième et troisième rapports et l'analyse objective de la situation de la femme au Burkina Faso.

14. Le Comité remercie le Gouvernement burkinabé d'avoir envoyé une délégation nombreuse et de haut niveau dirigée par la Ministre de la promotion de la femme. Il se félicite du fait que la délégation ait établi un dialogue constructif, franc et sincère avec les membres du Comité et ait, dans ses réponses au Comité et dans son exposé oral, fourni des informations supplémentaires et des statistiques récentes concernant des domaines critiques pour le Comité, à savoir l'éducation, la santé et l'emploi, en particulier en zone rurale.

15. Le Comité félicite le Gouvernement de sa volonté politique constante et de sa détermination à faire évoluer le statut de la femme malgré une situation socio-économique difficile, et à expliquer les termes de la Convention.

16. Il félicite également le Gouvernement d'avoir fait participer les associations de femmes et les organisations non gouvernementales à l'élaboration des rapports et de continuer à travailler en étroite collaboration avec elles.

17. Le Comité félicite le Gouvernement de sa volonté exprimée de ratifier le Protocole facultatif.

Aspects positifs

18. Le Comité félicite le Gouvernement d'avoir pris, depuis la présentation du rapport initial, de nouvelles mesures juridiques et institutionnelles pour donner effet à la Convention et à ses engagements vis-à-vis de la communauté internationale. Il note avec satisfaction que le Code de l'individu et de la famille rétablit la femme dans ses droits fondamentaux et pose les principes de l'égalité du consentement dans le mariage, du choix de la résidence pendant le mariage, et du droit à la succession au conjoint survivant. Le Code réglemente également l'âge du mariage et pose la monogamie comme étant la forme légale d'union conjugale.

19. Le Comité félicite le Gouvernement pour le fait que la Constitution de 1991 reconnaît l'égalité et la non-discrimination à l'égard des femmes.

20. Le Comité félicite le Gouvernement d'avoir révisé le Code du travail en 1992 de façon à confirmer le principe d'égalité et à donner une définition de la discrimination.

21. Le Comité relève que la loi de mai 1996 relative à la réorganisation agraire et foncière a donné à la femme les mêmes droits et conditions d'accès à la terre qu'à l'homme.

22. Le Comité se félicite de la création en juin 1997 du Ministère de la promotion de la femme, qui atteste de l'intérêt que porte le Gouvernement au développement des droits des femmes. Il note aussi avec satisfaction que le Ministère de la promotion de la femme a désigné des centres de coordination dans tous les ministères participant au suivi des politiques et des programmes nationaux en faveur de la femme pour intégrer des considérations de parité entre les sexes dans l'analyse et l'évaluation des résultats obtenus.

23. Le Comité félicite particulièrement le Gouvernement burkinabé des dispositions et politiques prises en concertation avec toute la société civile pour éliminer la pratique de la mutilation génitale qui porte atteinte au droit à la sécurité personnelle et à l'intégrité physique et morale de la petite fille et constitue un danger pour sa vie et sa santé.

24. Le Comité note avec satisfaction la promulgation en 1996 d'une disposition du Code pénal qui interdit et punit la mutilation génitale des femmes.

Obstacles à l'application de la Convention

25. Le Comité constate que les difficultés économiques, dues essentiellement à la maigreur des ressources de l'État et aux pratiques coutumières et traditionnelles discriminatoires, qui pèsent encore lourdement sur les femmes burkinabé, accentuent le taux d'analphabétisme très élevé au Burkina Faso et entravent de ce fait l'application de la Convention.

26. Le Comité note également que tous les indicateurs du développement humain – en particulier en zone rurale – sont parmi les plus faibles du continent et constituent un sérieux obstacle à l'application de la Convention.

Principaux sujets de préoccupation et recommandations

27. Le Comité s'inquiète de la prévalence des traditions et coutumes discriminatoires qui accentuent les stéréotypes et résistent à tout changement. Ces pratiques, attitudes et convictions sociales viennent d'une population dans une énorme majorité rurale et peu alphabétisée, et contribuent au retard enregistré dans la promotion de la femme.

28. Le Comité engage vivement le Gouvernement à adopter toutes les mesures et politiques appropriées pour faire évoluer le climat socioculturel en faveur de la femme. Il demande au Ministère de promotion de la femme, avec la coopération des ONG, des intellectuels, des chefs religieux et des médias, d'encourager l'évolution des mentalités et accélérer le processus d'émancipation des femmes par des activités de réforme, d'information, d'éducation et de communication, surtout en milieu rural, afin que la perception que la femme a d'elle-même change et que la société tout entière reconnaisse que la participation des femmes est nécessaire au développement du pays.

29. Le taux d'analphabétisme des femmes, en particulier dans les zones rurales, qui est l'un des plus élevés du monde, préoccupe particulièrement le Comité.

30. Le Comité recommande au Gouvernement de considérer l'éducation des filles et des femmes comme une priorité, et de chercher une assistance internationale pour assurer et promouvoir l'inscription universelle des filles dans les écoles et empêcher les abandons scolaires. Il lui demande de consacrer davantage de ressources financières et humaines au secteur de l'éducation, de recruter davantage d'enseignantes, et de veiller à ce que les manuels scolaires ne reproduisent plus d'images négatives de la femme.

31. Le Comité recommande également qu'en plus de l'éducation scolaire, le Gouvernement axe ses efforts sur l'éducation périscolaire et la lutte contre l'analphabétisme par des programmes ciblant les petites filles et les femmes. Il l'engage à prendre en considération l'importance de l'éducation civique des femmes et de la famille, ainsi que de l'enseignement des droits fondamentaux de la personne humaine dans tout le cursus scolaire.

32. Le Comité, tout en se félicitant des efforts d'analyse déployés par l'État partie pour identifier les différentes formes de violence à l'égard des femmes, s'inquiète de l'absence de textes législatifs et de politiques qui protègent spécifiquement les femmes victimes de la violence familiale et sexuelle.

33. Le Comité recommande au Gouvernement de prendre des mesures législatives et structurelles appropriées et de porter assistance à ces femmes. Il recommande également, à l'instar de la campagne menée pour lutter contre la mutilation génitale, de cibler les activités d'éducation et de sensibilisation au problème de la violence au sein de la famille et de la violence sexuelle sur les agents de la force publique, les magistrats, les personnes assurant les services de santé et les médias, afin que leur intervention soit plus efficace. Il est également souhaitable de lancer une campagne d'éducation juridique à l'intention des femmes, pour mieux leur faire connaître leurs droits.

34. Le Comité s'inquiète du faible niveau de représentation des femmes, surtout dans les organes issus d'élections.

35. Le Comité recommande à l'État partie d'appliquer les mesures temporaires spéciales prévues au paragraphe 1 de l'article 4 de la Convention et d'utiliser un système de quotas pour augmenter sensiblement le nombre de femmes au Parlement et accroître leur participation à la vie politique et à la prise de décisions.

36. Le Comité s'inquiète particulièrement de la précarité de l'état de santé des femmes, surtout en milieu rural. Les taux élevés de mortalité maternelle et infantile dus aux maladies infectieuses et à la malnutrition résultent du fait qu'il n'existe pas de centres de santé locaux et que les dispensateurs de soins n'ont pas les qualifications voulues. Il relève avec préoccupation que les femmes n'ont pas accès aux services de planification familiale.

37. Le Comité recommande au Gouvernement de porter une attention particulière à ce problème, afin d'améliorer les indicateurs de santé de la femme. Il recommande l'élaboration de programmes nationaux de santé en matière de reproduction à l'intention tant des femmes que des jeunes filles pour prévenir les grossesses précoces et les avortements provoqués.

38. Le Comité recommande que l'on facilite aux femmes l'accès aux services de soins de santé primaires et à l'eau potable. Il encourage le Gouvernement à intégrer les services de planification familiale aux soins de santé primaires, afin d'en faciliter l'accès aux femmes. Il recommande à l'État partie d'organiser des activités de sensibilisation et d'information pour faire connaître les méthodes contraceptives aux femmes et de faire participer les hommes à ces activités. Il recommande en outre à l'État partie de revoir sa législation concernant l'avortement et d'en prévoir la couverture par la sécurité sociale. Il recommande de même de sensibiliser les femmes aux risques et aux effets des maladies sexuellement transmissibles, y compris le VIH/sida.

39. Le Comité s'inquiète du fait que, malgré la loi de réforme agraire et foncière qui consacre l'égalité entre hommes et femmes en ce qui concerne la terre, ce sont encore une fois les préjugés et les droits coutumiers qui en rendent l'application difficile.

40. Le Comité recommande à l'État partie d'encourager les services concernés à prendre en compte les droits des femmes à la propriété et de leur accorder les crédits nécessaires.

41. Le Comité souligne avec préoccupation que, bien que des lois interdisent toute discrimination à l'égard des femmes au niveau de l'emploi, une ségrégation et une distinction sont faites entre hommes et femmes au moment du recrutement et lors de l'attribution des responsabilités, de même que pour la rémunération.

42. Le Comité recommande à l'État partie d'assurer le strict respect de la législation du travail tant dans le secteur public que dans le secteur privé, et de prendre des mesures pour éliminer la discrimination dans l'emploi.

43. Le Comité relève que le Gouvernement a pris des mesures dans le Code de l'individu et de la famille pour restreindre la pratique de la polygamie, mais demeure préoccupé par le fait qu'un grand nombre de femmes ne connaissent pas cette réglementation.

44. Le Comité recommande au Gouvernement d'oeuvrer à l'élimination de la polygamie. Il lui recommande de veiller à l'application du Code de l'individu et de la famille et de protéger les droits des femmes. Il lui recommande de même de s'engager dans une grande entreprise publique globale, en coopération avec les organisations non gouvernementales, pour amener à la fois les hommes et les femmes à modifier leurs attitudes actuelles concernant la polygamie, et en particulier de faire connaître leurs droits aux femmes et de leur apprendre comment s'en prévaloir. Le Comité recommande également au Gouvernement de prendre des mesures pour protéger les droits fondamentaux des femmes qui se trouvent déjà dans des unions polygames.

45. Le Comité engage vivement le Gouvernement à déposer son instrument d'acceptation de l'amendement au paragraphe 1 de l'article 20 de la Convention concernant le calendrier de réunion du Comité.

46. Il exhorte de même le Gouvernement à signer et à ratifier dès que possible le Protocole facultatif à la Convention.

47. Le Comité demande au Gouvernement burkinabé d'inclure, dans le prochain rapport périodique qu'il doit présenter conformément à l'article 18 de la Convention, des informations touchant les sujets de préoccupation soulevés dans les présentes conclusions.

48. Le Comité demande que le texte des présentes conclusions soit diffusé largement au Burkina Faso afin d'informer la population, en particulier les membres de l'administration et le personnel politique, des mesures prises pour garantir l'égalité de jure et de facto des femmes, et des mesures supplémentaires à prendre dans ce domaine. Il prie également le Gouvernement de continuer à diffuser largement la Convention, son Protocole facultatif, les recommandations générales du Comité, ainsi que la Déclaration et le Programme d'action de Beijing, tout particulièrement auprès des associations de femmes et des organisations de défense des droits de l'homme.



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